Les Frères de la Bonne Trogne (De Coster)/09


Imprimerie de F. Parent (p. 10).
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IX.


Seuls que furent les buveurs s’entre-regardèrent ébahis, disant : « Voyez-vous ces commères ? Ne faudrait-il point toujours obéir à leur vouloir humblement. Soumises elles semblent, tyranniques elles sont. Est-ce à mâle ou à femelle qu’écheoit de nature commandement en toutes choses ? À mâle. — Nous sommes les mâles. — Buvons. — Et nous accomplirons toujours notre vouloir, lequel est présentement de coucher céans, s’il nous plaît. »

Ainsi devisaient-ils, feignant grande colère, mais de fait étant bien désireux d’aller joindre leurs bonnes femmes. Puis ils demeurèrent longtemps sans sonner mot baîllant aucuns, autres sonnant du pied musique de la semelle, beaucoup dansant sus leurs selles comme si y fussent épines aiguës.

Subitement un jeune bourgeois nouveau marié, issit hors de la salle, disant que par conseil de médecin, il lui était défendu de boire plus de vingt et six pintes de cervoise, lesquelles il avait bues.

Ce qu’oyant, tous prétextant douleurs d’entrailles, crapule en la tête, mélancolie ou pituite issirent hors, sauf quelques vieux hommes.

Et s’en furent tous en grande hâte joindre à leurs femmes. Ainsi fut accompli ce qu’a écrit le docte Thomas a Klapperibus en son grand livre De Amore, c. vi, où il est dit que femme est plus forte que diable.