Les Femmes arabes en Algérie/Art de s’embellir des Africaines

Société d’éditions littéraires (p. 146-158).


Parures, Costumes, Art de s’embellir des Africaines




On feint d’avoir peur des polygames, dont elles sont le bétail, pour se dispenser d’instruire les musulmanes, bien qu’il y ait plus d’un demi-siècle que le général Bugeaud a dit : « Les Arabes nous échappent parce qu’ils dissimulent leurs femmes à nos regards. »

Loin de tenir compte de ces paroles, les gouvernements qui se sont succédés depuis la conquête de l’Algérie ont laissé les Arabes séquestrer, voiler leurs femmes ; et, il y a peu de temps, un ministre de la justice, n’a-t-il pas formellement interdit aux notaires algériens de prier les fiancées musulmanes de soulever leur voile pendant la rédaction de leur contrat ?

Une plus récente circulaire du garde des sceaux prescrit même aux juges instructeurs et aux officiers de police judiciaire de ne pas faire enlever leur voile aux femmes indigènes quand elles sont dans leurs bureaux.

Cet hommage rendu au Koran favorise les faux et les substitutions de personnes ; c’est ainsi qu’une jeune femme nommée Kéira, put dernièrement passer pour une vieille appelée Kheltoum, chez un notaire d’Orléanville et permettre à un gendre de s’approprier, moyennant cette substitution, une propriété de sa belle-mère.

Les filles de grandes tentes sont voilées à six ans. Vers l’âge de cinq ans, elles ont été tatouées comme d’ailleurs les filles de toutes les conditions. Les mouches, les fleurettes, les petites croix dont on orne leur visage font agréablement ressortir la blancheur de leur peau. Chaque tribu a sa marque spéciale et assigne une place particulière à cette marque, c’est comme un blason qui fait reconnaître au loin ceux qui en sont parés.

À Alger, quand un Arabe meurt sur la voie publique, il se trouve toujours dans la foule quelqu’un qui reconnaît, à son tatouage, à quelle tribu il appartient.

Les musulmanes ont été habituées à croire que la femme dont on aperçoit le visage est presque outragée, aussi si elles laissent voir par l’entre-baîllement du peplum leur corps nu, elles cachent soigneusement leur nez.

Pas plus qu’elles ne doivent se montrer, les femmes arabes ne doivent franchir le seuil de leur demeure.

— Comment ! On en voit circuler dans les rues d’Alger !

— Sans doute, mais ce ne sont pas là des musulmanes distinguées, ce ne sont que des mercenaires ou des filles joyeuses.

Mahomet, mari très jaloux, prescrivit, — pour avoir plus de garantie de la vertu de ses dix-sept épouses — que toutes les musulmanes seraient voilées et qu’elles ne se laisseraient pas voir par les étrangers.

Ce précepte dont les femmes se relachent un peu à la campagne, est rigoureusement suivi dans les villes ; aussi, abhorrent-elles les villes, qu’elles considèrent à juste titre comme des tombeaux où leur vie murée est en proie à toutes les infirmités physiques comme à toutes les sujétions morales.

Les femmes d’Alger et des environs ont le visage caché par une sorte de loup fait d’un mouchoir qui laisse seulement voir les beaux yeux. Elles ne connaissent point l’embarras des jupes. Sous le haïck, elles portent avec le pantalon bouffant très étoffé, très long et presque toujours blanc, une mignonne veste en soie claire qui leur sied à ravir. Elles ont au-dessous du haïck, crânement posé sur la tête, aux lourdes tresses noires, un petit bonnet tintinnabulant de piécettes d’où s’échappent leurs cheveux, naturellement frisés.

Les femmes de Laghouat portent toutes un costume qui, fût-il fait de haillons, a une coupe théâtrale. Ce costume, composé d’une sorte de péplum antique, ouvert sur les côtés, est retenu sur les épaules par de massives agrafes d’argent ; un long voile relevé, flottant, est noué sous le cou et descend, en traîne, pour former manteau. Sur la tête, elles ont un bandeau royal.

Les femmes de beaucoup de régions sont vêtues presque exactement comme les madones de nos églises. Elles n’ont sur elles rien de cousu, ne sachant pas comme les Européennes manier l’aiguille. Elles portent la melhafa (robe), faite sans couture, d’une pièce d’étoffe blanche — laine, indienne, mousseline ou calicot — qu’elles enroulent autour du corps et qui est nouée sur les épaules ou retenue par une agrafe d’argent, ornée de pierreries.

Cette robe, d’où sortent les bras chargés de bracelets, laisse voir par côté la poitrine nue. — Cette poitrine est d’ordinaire si maigre, qu’il n’y a pas d’indécence à la montrer. — La melhafa est serrée à la taille par une ceinture de brocart ou par un écheveau de laine multicolore.

Les mahométanes riches portent comme ceinture une cuirasse en argent, large de vingt centimètres. Avec leurs chaînes de tête et de cou, leurs anneaux de bras et de jambes, elles font entendre en marchant un bruit métallique, une sorte de cliquetis d’épées, de chocs d’éperons, qui feraient prendre ces houris pour des hommes d’armes.

Les bijoux font partie intégrante de l’habillement et sont portés tous les jours par les femmes arabes. Des colliers s’étalent sur leur gorge déformée dès l’enfance, par leur mère qui leur tire les seins pour les allonger jusqu’à la taille.

Leur coiffure est moitié turban et moitié mitre. Un foulard de soie et or entoure la tête sur laquelle étincelle un diadème incrusté de pierreries ; sur le foulard enroulé se rejoignent, soudées par un camée, les chaînes d’or et d’argent qui soutiennent les lourdes et immenses boucles d’oreilles, — sans ces chaînes, l’énorme parure faite de plaques de corail et d’anneaux enchâssés dans l’or ou l’argent massif, aurait, au bout d’une heure, fendu les oreilles.

Ô Sarah ! quand tu fis, par vengeance, pour la punir d’avoir séduit Abraham, percer les oreilles à ta rivale Agar, aurais-tu pu deviner que toutes les femmes voudraient subir la marque infamante que tu infligeas à ton esclave, et y suspendre, en guise d’ornement, presque des roues de voiture ? Il y a des boucles d’oreilles qui ont trente centimètres de diamètre !

Ces bijoux grossiers sont confectionnés par des bijoutiers ambulants qui vont dans les douars, fondent les douros qu’on leur confie et les transforment, selon le désir de leur propriétaire, en colliers ou en bracelets.

Le haïck ou long voile blanc enveloppe les musulmanes dans presque toutes les régions, elles le ramènent pudiquement de la main sur le visage, quand par hasard elles sortent pour entrer dans des sortes de voiture cellulaires dont les stores sont baissés.

Les Sahariennes, toutes jolies, ont des vêtements blancs, bleus ou rouges ; elles portent la melhafa et mettent pour sortir un manteau appelé ghansa. Pour toute parure, elles ont un collier de pièces de monnaie, de grains de corail et de clous de girofle. Leurs boucles d’oreilles tombent jusque sur leurs épaules.

Les belles Ghadamésiennes, au type grec, s’enveloppent dans une pièce d’étoffe qui passe sous le bras droit pour s’attacher sur l’épaule gauche, laissant le sein à découvert, cette robe est fixée au corps par une ceinture rouge. Une écharpe blanche flotte autour d’elles et leur donne quelque chose de vaporeux et d’éthéré.

Leur diadème en or ou cuivré soutient un gros pompon rouge qui leur pend au milieu du front, ce pompon, symbole de liberté est interdit aux esclaves. Elles sont chaussées de souliers en cuir rouge, richement brodés.

Les femmes Chamba ont une gandoura (chemise) sans manches, ouverte sur le côté, leurs cheveux noirs sortent de leurs turbans et tombent frisés sur leurs épaules ; elles ne sont point voilées.

Les femmes du Touat non plus ne se voilent point le visage.

Les Touareg de sang mêlé sont, comme leurs maris, vêtues d’une peau de chèvre et d’un sale haïck ; leurs cheveux jamais peignés sont en désordre.

Les femmes Touareg de race pure sont très belles ; elles ne se voilent le visage que devant un étranger, en témoignage de respect.

« Le remède à la pauvreté c’est le Soudan », dit un proverbe arabe. Les femmes du Soudan avec l’étoffe effilochée et les rangs de coquillages enfilés qui cachent leur nudité ne décèlent pas la richesse.

Les Koholanes, négresses qui avoisinent le Soudan, ont pour tout vêtement la Fouta (mouchoir noué sur les hanches) ; d’autres sont enveloppées dans une pièce de lin bleu dont l’une des extrémités fait coiffure et ne laisse voir que les boucles d’oreilles.

Les Foullanes sont aussi enveloppées dans une pièce d’étoffe, mais elles ne cachent pas leurs beaux cheveux qui tombent en lourdes tresses laineuses ornées de verroteries, coquillages et cuivres, sur leurs épaules.

De grandes boucles d’oreille à cinq ou six rangs, en corail, en verroteries, en graines originales, font ressortir la peau dorée de leur visage ; et de gros colliers en ondâa, en ambre, en clous de girofle, roulent sur leur poitrine, où les rattache une bandelette en soie rouge vif qui passe entre les seins et va se fixer sur l’une des hanches. Cet attifement ne contribue pas peu à rendre les Foullanes jolies.

De même que les costumes, la pudeur varie selon les pays, ainsi en Égypte les femmes ont la poitrine découverte et la figure voilée.

Les femmes kabyles ne s’astreignent pas aux usages arabes, elles ont sous leur petite coiffe noire la figure découverte et sortent librement de chez elles comme les Européennes ; leur melhafa est courte, elle laisse voir leurs jambes nues ornées au mollet et à la cheville de bracelets.

Dans toute coiffure de musulmane, est niché à portée de sa main d’une façon apparente, le petit miroir qu’elle consulte en mettant le khol qui donne de l’éclat à son regard qui accentue les arcs de ses sourcils, qui estompe ses cils.

Les femmes du Tell et du Sahara ont comme celles du Sud les yeux agrandis par le khol.

Même les négresses mettent du khol qui a, entre autre propriété, celle d’arrêter l’écoulement des larmes. Ceux qui en font usage, acquièrent paraît-il une vue limpide et perçante.

Le khol, on le sait, a pour base le sulfure d’antimoine ; Mahomet l’ordonne et les médecins arabes le prescrivent.

La femme arabe fait aussi usage du henné, qui colore en rouge ses pommettes, ses lèvres, les ongles de ses pieds et de ses mains et les fait ressembler, disent les poètes, au fruit du jujubier.

Partout, le cou et la poitrine des musulmanes sont ornés de colliers de verroterie, de corail, de sequins d’or, de clous de girofle ; leur figure est agrémentée de petits dessins bleus qui font ressortir leur peau dorée, crémeuse, nacrée ou lumineuse. Leur bouche rouge recèle souvent des perles éblouissantes.

En mastiquant le souak qui parfume l’haleine, fait les lèvres pourpres et rend les dents d’une blancheur si éclatante, la femme arabe marche à tous petits pas ; on voit en même temps que le mouvement de ses pieds, l’ondulation de ses hanches. Elle cambre fièrement la taille et il se dégage de toute sa personne une étrange séduction dont elle a conscience.

Hiver comme été, la musulmane a le même costume blanc propre ou blanc sale, avec ou sans transparent de couleur. Ainsi légèrement vêtue, elle s’étend la nuit sur le sol nu pour dormir, si elle n’est pas assez riche pour pouvoir coucher sur un tapis ou sur une natte.

Pourquoi est-elle empêchée de porter le burnous qui l’envelopperait si utilement, comme la Française est empêchée de porter le pantalon qui triplerait son agilité ?

Mahomet a interdit de porter le burnous parce qu’avec ce vêtement, a-t-il dit : « Les femmes pourraient avoir une vie extérieure et tromper encore plus souvent leurs maris. » Même sans burnous elles ne s’en font pas faute. Les Arabes avouent avec mélancolie que leurs compagnes ne sont pas comme les Européennes, susceptibles d’attachement.

Le cœur des musulmanes est-il aussi indifférent ? Ne se vengent-elles pas plutôt par une froideur voulue et une coquetterie calculée d’être comme du bétail, un objet de trafic ?

Toujours est-il que leur poitrine peu couverte est très sensible au froid. Sur les plateaux algériens, on ne sait quel nombre de jolies mauresques le froid couche en terre chaque hiver. Si en pays civilisé le préjugé martyrise, on peut dire qu’en pays barbare le préjugé tue.