Honoré Champion (p. 291-309).


CHAPITRE V

LE FOND DU DÉBAT


Tels furent les principaux défenseurs de l’Église : ils n’eurent pas tous en mains les mêmes armes, et ils ne se servirent pas tous de leurs armes avec la même habileté ou, ce qui serait peut-être mieux dit, avec la même maladresse. Mais, maintenant que nous avons fait connaître les hommes et leurs œuvres, essayons, ce qui importe encore plus que la valeur des combattants, de dégager et de juger les idées principales que les Anti-Encyclopédistes défendirent de leur mieux contre l’audacieuse impiété de leurs adversaires.

Nous avons montré, dès notre premier chapitre, que les conquêtes successives de la pensée philosophique se résumaient, au fond, en ces trois mots, qu’on pourrait inscrire au fronton de l’Encyclopédie : nature, raison et humanité. Si l’on y regarde de près, en effet, toutes les attaques des Encyclopédistes contre l’Église se ramenèrent à opposer l’une de ces trois choses, soit aux vérités, soit aux pratiques de la religion. Cherchons donc, puisque c’est bien là réellement le fond du débat, quelle fut, en substance, la réponse que fit l’Église aux objections fondamentales qu’avaient formulées tour à tour contre elle, par la bouche des philosophes, la nature, la raison et l’humanité.

C’est au nom de la nature, de ses lois immuables, de ses impérieuses et légitimes exigences, que les philosophes avaient combattu la foi aux miracles, les récits fabuleux de la Genèse, l’existence d’êtres surnaturels, tels que les démons, enfin, l’ascétisme et, en particulier, le célibat imposé aux ministres de la religion.

Parlons d’abord des miracles. Sans doute, l’enseignement de l’Église formait un tout, et ses défenseurs pensaient que, s’ils laissaient détacher une seule pièce de l’édifice, l’édifice tout entier risquait de s’écrouler : ils n’avaient donc pas tort d’en protéger toutes les parties.

Pourtant, il eût été habile de ne pas appeler trop obstinément l’attention sur les parties réputées caduques, de ne pas trop insister sur les preuves de la religion qui choquaient le plus l’esprit de l’époque ; s’ils avaient été bien inspirés, tous ces apologistes du christianisme auraient dû prendre pour eux, lorsqu’ils parlaient des dogmes qui font le plus de violence à la raison humaine, le judicieux conseil de leur plus grand ennemi : Glissez, théologiens, n’appuyez pas. Ainsi, s’il était un article qui heurtât, plus que les autres, les idées du temps, c’était celui des miracles ; ils en firent la pierre angulaire de la foi. « Le vrai point, le point décisif de la dispute, c’est l’authenticité des miracles[1]. » Les philosophes niaient la possibilité physique des miracles, lesquels étaient une dérogation inadmissible aux lois de la nature. Au contraire, l’abbé Bergier : « Un miracle, c’est la violation des lois physiques pour quelques moments, dans une circonstance et dans un lieu particuliers, et qui n’empêche point l’exécution de ces mêmes lois dans le reste de l’univers. Quand Jésus-Christ marcha sur les eaux, cela ne dérogea point aux lois de la gravitation pour tous les autres corps[2]. »

Et, sans doute, les philosophes ne faisaient pas preuve d’un grand sens historique ni de facultés psychologiques bien développées lorsque, au lieu d’expliquer les miracles par des moyens naturels, tels que la sincère exaltation d’un apôtre et le naïf entraînement de la foule crédule qui attend tout de son révélateur inspiré, même et surtout des miracles, ils se contentaient de rejeter dédaigneusement ceux-ci comme de sottes mystifications. Sans nul doute aussi, leurs faciles plaisanteries sur ces mêmes miracles n’étaient pas toutes, il s’en faut, du meilleur goût ; et pourtant le rire de Voltaire ne fut-il pas le plus souvent la réponse que méritaient des apologies telles que celles-ci, et nous en pourrions citer une foule d’autres tout aussi ingénues : « Saint Paulin vit de ses yeux un possédé marcher la tête en bas contre la voûte d’une église, sans que ses habits fussent dérangés ; il fut délivré par les reliques de Saint-Félis la Nole. » Et c’est un oracle de l’Église qui parle ainsi, c’est un professeur de théologie, le savant Bergier, et voilà sur quoi il fonde, c’est le titre de son ouvrage : « la Certitude des preuves du Christianisme ».

Ailleurs, c’est l’ânesse de Balaam elle-même, dont il garantit hautement, en plein dix-huitième siècle, la merveilleuse éloquence ; « Est-il donc si difficile à Dieu de faire parler un âne[3] ? » Et voici les pourceaux démoniaques dont il maintient et commente, avec une fâcheuse insistance, le suicide tragi-comique : « Jésus-Christ, ayant chassé une troupe de démons du corps d’un possédé, ils lui demandèrent la permission de s’emparer d’un troupeau de deux mille pourceaux qui paissait dans la campagne. Jésus-Christ ayant consenti, le troupeau alla se jeter dans les eaux. Était-ce donc l’imagination qui agissait sur ces animaux, ou bien y avait-il de la fourberie de leur part[4]  ? »

Encore une fois, de telles apologies du christianisme, et nous les prenons à dessein dans le plus illustre apologiste, méritaient-elles mieux que les pires plaisanteries de Voltaire ? Que n’ont-ils médité, tous ces défenseurs de la foi, plus intrépides qu’avisés, cette grave parole échappée à la franchise d’un Pascal ; « Les miracles ne servent pas à convertir ». — « Les miracles, s’écrie au contraire, avec une belle confiance, l’abbé Gauchat[5], sont la voie la plus courte et la plus victorieuse pour établir la vraie religion. » Mais comment établira-t-on les miracles eux-mêmes ? C’est très simple : « En histoire, tous les faits sont égaux ; naturels ou surnaturels, qu’importe ! pourvu qu’ils soient bien constatés. Que je voie égorger un homme ou que je le voie sortir du tombeau, je suis également certain du fait, mes yeux ne pouvant me tromper ; et le nier, parce qu’il n’est pas dans le cours de physique, c’est folie[6]. » Leur critique historique ne va pas plus loin : elle est véritablement enfantine. Que si on leur objecte que toute religion a ses miracles, bien et dûment constatés, comme ils le veulent, par des témoins oculaires, ils répondent, avec une imperturbable assurance, que les miracles seuls du christianisme sont vrais, tandis que tous les autres sont faux ; ce sont tout simplement de « prétendus prodiges », et la preuve qu’ils en donnent, c’est que « les miracles du paganisme ont été opérés pour établir le culte des idoles, tandis que les miracles évangéliques ont les motifs les plus purs et les plus utiles, et ce seul caractère démontre leur véritable origine. Ajoutez que les œuvres du paganisme sont marquées du sceau de la bizarrerie, tandis que les miracles évangéliques sont sensés[7]. » Des miracles sensés ! ils seraient donc moins miraculeux que ceux du paganisme ; mais c’est, au contraire, parce qu’ils étaient un défi à la raison qu’on avait pris le parti d’en rire, et que parfois les théologiens s’évertuaient à les réconcilier avec le sens commun, au risque, d’ailleurs, de les amoindrir et de les ravaler jusqu’à des événements ordinaires : « le temple que Samson fit crouler était, sans doute, une cabane bâtie comme celle où les Caraïbes s’assemblent pour honorer leurs dieux[8]. »

Mais ces concessions manifestes à l’esprit du siècle sont, il faut le reconnaître, très rares chez les apologistes chrétiens ; ceux-ci sont unanimes, au contraire, à proscrire la science, dès qu’elle contredit la révélation, unanimes à anathématiser les savants, dès que leurs découvertes n’ont pas été prévues par Moïse ou par Isaïe. La science avait beau marcher, pour ainsi dire, à pas précipités, au temps de l’Encyclopédie, et, ce qui était plus grave encore, les Encyclopédistes avaient beau en vulgariser les conquêtes, la conception théologique de l’univers restait immuable, telle que l’avaient formulée à tout jamais les naïfs récits de la Genèse et les antiques décisions des Conciles. De même qu’elle avait jadis, par la bouche du pape Zacharie, condamné un évêque qui croyait aux antipodes malgré saint Augustin ; de même que, au siècle dernier, elle avait emprisonné Galilée, dont la théorie héliocentrique empêchait Josué d’arrêter le soleil ; de même aussi, en plein dix-huitième siècle, l’Église n’hésita pas à proscrire les belles théories de Buffon et les sublimes découvertes de Newton, parce que les unes et les autres ne s’accordaient pas avec l’idée que les hommes se faisaient du ciel et de la terre il y avait plus de six mille ans. L’attraction, pour Bergier, n’est qu’une « chimère[9] » ; pour l’abbé de Lignac, les théories de Buffon sont des « songes philosophiques », et même, pour Chaumeix, des songes malicieux, car si les Encyclopédistes vantent la « théorie de la terre », c’est pour faire entendre que le monde est plus vieux qu’on ne pense, et l’on voit où cela va[10] ». D’ailleurs, disait un autre, puisqu’on argumente contre nous d’après le système de Newton, est-il bien décidé que Dieu n’a pas pu arrêter la terre et la lune dans leur cours, sans arrêter de même toutes les autres planètes[11] ?

Et quand on leur objectait que, d’après ces impeccables récits de la Genèse, Dieu aurait créé la lumière quatre jours avant d’avoir créé le soleil : « Qu’importe ! répliquaient-ils sans s’embarrasser ; Dieu n’a-t-il pas pu créer du feu, par conséquent de la lumière, avant le soleil ? » Entendez sur ce point l’abbé de Lignac : « Dans l’histoire de Moïse, la lumière fut créée et séparée des ténèbres avant que le soleil fût produit et, dans le système de M. de Buffon, l’existence du soleil précède la séparation de la lumière d’avec les ténèbres. Comment pourrait-on s’y prendre pour contredire plus ouvertement l’histoire de la création[12] ? » En effet, et voilà de quoi fermer la bouche à Buffon. Et quand on leur demandait ce qu’avait bien pu devenir toute l’eau du déluge, ils répondaient tranquillement que « Dieu a renfermé ce surplus d’eau dans le lieu d’où il l’avait tiré ou dans quelque autre endroit[13]. »

C’est ainsi qu’allait, s’élargissant de plus en plus, et par les soins des uns et des autres, le fossé qui séparait les philosophes des croyants ; seulement, il y avait désormais plus de danger pour la religion que pour la philosophie à établir de plus en plus définitivement qu’on ne pouvait à la fois servir Dieu et la science, car ce n’est plus à la science qu’on pouvait renoncer dans le siècle des Newton et des d’Alembert. C’était donc entendre fort mal les intérêts de l’Église que d’aggraver et d’accentuer la discorde entre la science et la foi ; d’écrire, par exemple, un livre qu’on intitulait imprudemment : la Nature en contraste avec la Religion, et de dénoncer ce contraste aussi crûment que le faisait l’auteur, le P. Richard : « Il est permis d’expliquer naturellement les choses tant que, pour les expliquer de la sorte, il ne faut pas heurter la révélation ; mais si les explications qu’on donne se trouvent en opposition avec elle, on doit tenir pour certain qu’elles sont fausses ; car si elles ne l’étaient pas, Dieu aurait donc menti. » Redoutable dilemme dans lequel les philosophes ne demandaient pas mieux que d’être enfermés : comme il était, en effet, impossible de tenir pour fausses les découvertes scientifiques et de soutenir, par exemple, que Moïse était un meilleur naturaliste que Buffon, les philosophes étaient donc forcés de conclure, ce qu’ils s’empressaient de faire avec joie, que Dieu ou plutôt ses interprètes « avaient menti. »

Il fallait bien aussi permettre aux démons de violer ces fameuses lois de la nature, tant surfaites par les philosophes, puisque, à l’origine même du monde, le diable avait montré le cas qu’il faisait de ces lois et combien en même temps il était habile, lorsqu’il avait pris la forme d’un serpent : car « la première femme, presque au moment de sa création, n’avait pas assez d’expérience pour être surprise de ce phénomène[14]. » Ce premier déguisement lui ayant si bien réussi, le diable n’avait cessé depuis lors, et bien qu’il n’ait « qu’un pouvoir incomplet, modéré et gêné par l’ordre exprès du créateur[15], » d’user et d’abuser de ce pouvoir permis à la fois et maudit par Dieu, le tout au grand détriment de ces pauvres fous qu’on bridait partout comme sorciers ou magiciens. L’Église entretenait cette affreuse superstition en faisant lire au prône, dans les vieux rituels, les prières consacrées pour exorciser les devins et chasser le diable. Ajoutons, d’ailleurs, que l’Église n’était pas ici la seule coupable et que la magistrature du temps donnait raison aux exorcismes des prêtres par ses grotesques arrêts contre la sorcellerie[16]. Bien plus, quand les philosophes se targuaient de la rareté des « illusions diaboliques » au dix-huitième siècle, c’est un magistrat, un des plus acharnés adversaires de la philosophie, Muyart de Vouglans, qui se chargeait de leur répondre et sa réponse est si amusante, elle fait si bien ressortir la niaise subtilité des magistrats de ce temps qu’il vaut la peine de la mettre sous les yeux du lecteur : « Ne pourrait-on pas, dit-il, rétorquer avec avantage contre le propre système des esprits forts les conséquences naturelles qui résultent de cette rareté des illusions diaboliques dans le siècle où nous vivons, en leur disant que si les exemples d’illusions ont été plus fréquents dans les siècles d’ignorance, ce n’est que parce que, dans ce temps-là, tout le monde croyait, en sorte que le démon ne pouvait séduire les hommes que par la voie de la superstition. Au lieu que, dans un siècle comme le nôtre, où l’on se fait gloire de ne rien croire et de révoquer en doute les vérités de la religion les plus constantes, la fréquence de ces prestiges, ne permettant plus de douter de l’existence des démons à ceux qui oseraient la nier, tendrait nécessairement à renverser un empire (celui de l’incrédulité), que cet ennemi du genre humain a tant d’intérêt d’étendre et de conserver[17]. » Ainsi le diable se cachait pour ne pas contrarier les philosophes qui, en le niant, combattaient pour lui, puisqu’ils augmentaient par là le nombre des incrédules : à tant de machiavélisme qui ne reconnaîtrait, en effet, l’esprit malin ?

C’est enfin comme un absurde et impertinent défi jeté à cette même nature que les philosophes condamnaient et raillaient le célibat : nous épargnerons au lecteur leurs plaisanteries (elles sont d’ailleurs traditionnelles en pays gaulois), sur les moines et les couvents. Ce qui nous intéresse seulement ici, c’est la réponse des Anti-Encyclopédistes aux attaques des philosophes sur cette délicate matière. Les philosophes soutenaient qu’aux yeux de l’Église, le mariage est une imperfection. Nullement, répliquaient les théologiens, amis des distinctions fallacieuses ; « la continence n’est un état plus parfait que pour le petit nombre de ceux que Dieu y a destinés[18]. » Mais ce petit nombre, ces élus, sont plus parfaits pour cette raison spéciale, entre d’autres, qu’ils ne se marient pas ; se marier, pour eux, ce serait déchoir et s’avilir : le mariage est donc une imperfection aux yeux de Dieu. Les philosophes montraient encore que le célibat favorise la dépopulation : tant mieux, s’écriait dans son Instruction pastorale de 1763 le bon évêque du Puy, car admirez la prévoyance de l’Église : si tout le monde se mariait, « la terre serait trop étroite pour contenir les hommes et l’herbe trop courte pour les nourrir ». Dès qu’il s’agissait de conserver de l’herbe pour les chastes abbés, qui donc aurait eu le cœur de la leur disputer ? Plus malin que l’évêque du Puy, Caveyrac avait trouvé une réplique assez gaillarde, qui fermait la bouche à plus d’un philosophe et mettait les rieurs du côté de l’Église : « Pourquoi, disait-il, nos académiciens et nos philosophes ne se marient-ils donc pas eux-mêmes ? pourquoi ne suivent-ils pas l’exemple de Tiraqueau, un ménage modèle celui-là, car la femme accouchait tous les ans d’un enfant et le mari d’un volume[19]. » D’Alembert et Voltaire oublièrent cette fois de répondre à Caveyrac.

Le Père Griffet avait écrit que « Voltaire part toujours de ce faux principe que les lois de la nature sont immuables. » Et c’était, sans doute, pour démontrer cette fausse immutabilité des lois naturelles que Bergier écrivait sans sourciller : « Ce texte signifie seulement que Thoré commença d’avoir des enfants à la soixante-dixième année, tout comme Noé, à la cinq-centième[20]. » Pascal avait-il eu tort d’écrire ces graves paroles que Port-Royal s’était empressé de corriger : « La seule religion contre la nature, contre le sens commun, est la seule qui ait toujours été[21] ? »

On l’a vu, l’Église répudiait purement et simplement la nature et ses droits, la science et ses conquêtes, dès que la nature et la science contredisaient la révélation. Mais cette révélation maintenant, n’est-ce pas la raison qui, en dernier recours, doit contrôler ses titres et, dès lors, les croyants ne devront-ils pas s’abaisser à discuter leur foi avec ces enragés raisonneurs de l’Encyclopédie ? Ici, en face de la raison et de ses exigences, l’attitude de l’Église est moins ferme que tantôt en face de la science contemporaine : sur ce terrain glissant de la discussion qui, elle ne le sait que trop, mène aux abîmes, à peine a-t-elle fait quelques pas qu’elle se rejette brusquement en arrière et se réfugie dans son infaillibilité qui, elle, n’a plus besoin d’être démontrée, puisqu’il lui suffit de s’affirmer. Les théologiens, il faut le reconnaître, étaient dans une alternative cruelle : s’ils refusaient de raisonner, ils laissaient le champ libre aux philosophes, et leur silence fâcheux équivalant à un aveu d’impuissance, ils abandonnaient le vaisseau désemparé de l’Église à tous les vents du mensonge et de l’impiété. S’ils consentaient, au contraire, à discuter les fondements de leur foi, ils tombaient fatalement dans ce piège que ne saurait éviter aucun apologiste, eût-il tout le génie du monde : en raisonnant avec leurs adversaires, ils admettaient implicitement que l’autorité a besoin de preuves, ce qui est, au fond, la détruire ; ils reconnaissaient à la raison des droits dont la raison allait se servir aussitôt pour étendre ses investigations et ses ravages ; dès lors, dans cette nécessité contradictoire où ils étaient, de prouver, puisqu’ils parlaient à des incrédules, une religion dont cependant l’unique preuve est l’assentiment de ceux qui en vivent, ils invoquaient tour à tour la raison et l’autorité et ils mêlaient dès lors, dans leurs incohérentes apologies, les arguments aux injures et aux anathèmes.

La plupart essaient de faire à la raison sa part, une part aussi petite que possible, et ils distinguent deux espèces d’examen : l’examen des preuves de la révélation et l’examen des dogmes révélés. « Le premier est nécessaire, dit Bergier, et d’ailleurs très facile, car les faits qui attestent la révélation sont tellement certains que le plus ignorant des hommes peut s’en convaincre. Mais, dès qu’il est certain qu’un dogme est révélé, la religion chrétienne interdit à la raison l’examen de ce dogme. » Encore faut-il, et Bergier le proclame, que la vérité de cette révélation ait commencé par sauter aux yeux et que les faits qui l’établissent, les prophéties, par exemple, soient indéniables. Mais Voltaire ne prétendait-il pas « qu’il faut avoir l’esprit ouvert pour comprendre les prophéties »[22] ? Comprendre n’est pas nécessaire, disaient, à leur tour, les théologiens ; il suffit de connaître ces vérités qui semblent au premier abord, suivant le mot de Pascal, « un peu tirées par les cheveux » : comme si l’on pouvait connaître ce que l’on ne comprend pas du tout ! Et ainsi ce qu’ils appelaient « une soumission raisonnable » c’était, en définitive, la soumission de la raison. Ne disaient-ils pas, par exemple, qu’une « vérité évidente ne cesse pas de l’être quoiqu’on lui oppose des difficultés insolubles[23] » ?

Il est, dit un autre, dans la nature des choses de ne point présenter au tribunal de la raison le fond des vérités divines, et ainsi rien n’est plus raisonnable que de les croire sans les comprendre[24]. Mais alors pourquoi prétendez-vous m’expliquer « clairement et précisément l’objet révélé, à savoir : une nature en Dieu et trois personnes, le Verbe uni hypostatiquement avec la nature humaine[25] » ? et pourquoi essayez-vous encore de me démontrer scientifiquement que « toutes les prophéties ont été vérifiées », quand surtout vous ajoutez : « les semaines des prophéties de Daniel sont des semaines d’années » ? Faites donc plutôt comme le théologien des Lettres persanes : affirmez que vous êtes infaillible et que le Saint-Esprit vous éclaire, mais bornez-vous à l’affirmer ; car si vous voulez le prouver, vous vous condamnez vous-même à dire théologiquement beaucoup de sottises[26].

Mieux vaut en somme, précisément parce qu’elle renonce à nous convaincre, la méthode ingénue de ces défenseurs de la foi qui se contentaient d’exposer les erreurs des Encyclopédistes, estimant que l’inévitable horreur inspirée par leurs blasphèmes en était la meilleure réfutation :

Cur portenta refellam ?
Exposuisse salis est.

Mais il y a une manière de discuter qui est plus expéditive encore : c’est d’affirmer sans barguigner que l’adversaire est un malhonnête homme ou un sot : « Pour être athée, dit tranquillement Bergier, il faut être abruti jusqu’à la stupidité. » Il est vrai aussi que sur ce terrain des injures, les philosophes, et il n’y a pas lieu de les en féliciter, ont remporté une éclatante et facile victoire.

Ceux-ci avaient, du moins, pleinement raison d’invectiver leurs adversaires quand, au nom de ce troisième principe, qu’ils avaient inscrit sur leur drapeau, l’humanité, ils s’indignaient, on va voir si c’était à propos, contre l’intolérance ecclésiastique. Cette intolérance du dix-huitième siècle n’est généralement connue que par les illustres persécutés dont les philosophes ont pris la défense ; mais c’est le lieu ici d’exposer, brièvement en des textes précis, quelques-unes des plus étranges maximes que formulèrent alors les persécuteurs et qu’ils opposèrent, avec une imperturbable sérénité, à ce qu’ils appelaient dédaigneusement le tolérantisme des philosophes.

Et tout d’abord il faut proscrire ceux qui pensent librement : l’Église n’a-t-elle pas décrété, une fois pour toutes et à jamais, ce qu’il faut penser et croire ? et, tandis qu’on oblige ainsi les philosophes à publier leurs œuvres sans les signer ou à dire, s’ils veulent un privilège, le contraire de ce qu’ils pensent ; tandis qu’on embastille les uns, comme Morellet, ou qu’on décrète les autres de prise de corps, comme Rousseau, un abbé de Saint-Cyr trouve plaisant que le Discours préliminaire de l’Encyclopédie ait osé prétendre « que la liberté est nécessaire à la vraie philosophie ». Et toutes les fois que, sur n’importe quelle matière paraît un livre quelque peu hardi, de tous côtés et par tous les moyens, par la bouche de ses évêques dans les Assemblées générales, par la plume de ses théologiens et de ses pamphlétaires, l’Église s’empresse de désigner aux colères de la Sorbonne, aux condamnations du parlement et aux justes rigueurs du Roi, l’incrédule qui, c’est son expression, « ose lever la tête » et le penseur qui a hasardé quelque nouveauté. « N’est-ce pas, en effet, s’écrie un théologien, à la tolérance civile que le déisme doit ses progrès ! Heureusement, continue-t-il, vous ne serez jamais les plus forts. Le Magistrat va lancer contre vous une foudre qui saura mieux se faire respecter que celle que vous bravez depuis longtemps[27]. »

Et que disaient donc ces philosophes qui provoquât de telles fureurs ? Ils disaient que « ce serait peut-être faire injure à la Divinité que d’imaginer que cet être plein de bonté et de justice fût capable de punir nos fautes par une infinité de tourments[28] », et que, d’autre part, il est bien dur d’admettre que le nombre infini de ceux qui n’ont pas connu Jésus-Christ, dussent être irrévocablement damnés. À quoi Chaumeix, ou l’a vu, répondait sans s’émouvoir autrement : « Quelle difficulté trouvez-vous à ce que la plus grande partie du genre humain périsse éternellement[29]. » Ils disaient encore (dans le Dictionnaire philosophique) qu’il parut absurde à plusieurs Pères de brûler, pendant toute l’éternité, un pauvre homme, pour avoir volé une chèvre. — À quoi Bergier, intraitable, répliquait ; « Dire qu’il est absurde de punir éternellement le vol, c’est ouvrir la porte aux plus grands forfaits[30]. » Ailleurs ils rappelaient que Moïse avait fait passer au fil de l’épée quarante-sept mille Israélites et ils se demandaient si, après un tel massacre, Moïse avait bien le droit de déclarer « qu’il était le plus doux des hommes ». Assurément, répondait sans hésiter le même savant Bergier, « puisque Dieu lui avait ordonné de les punir. »

Et enfin les philosophes avaient cru que, dans ce siècle, où la raison avait fait tant de progrès, où l’humanité et, par conséquent, la tolérance avait élargi tant d’esprits et attendri tant de cœurs, ils avaient cru, dis-je, qu’en 1767 (la date est à retenir), il était permis d’imprimer des propositions aussi raisonnables que celle-ci : « La vérité luit de sa propre lumière et on n’éclaire pas les esprits avec les flammes des bûchers[31] ». Mais de quoi s’était avisé là Marmontel ? Le 21 janvier 1768, l’archevêque de Paris faisait lire aux prônes dans toutes les paroisses et placarder à tous les coins de Paris et jusque sur les portes de l’Académie française, le coupable étant académicien, un grand mandement doctrinal dans lequel il prenait soin d’attiser ces précieux bûchers qui, s’ils ne brûlaient plus les auteurs, rendaient, du moins, à l’Église, le service de brûler les livres. « Il y a, (avait dit M. de Beaumont à l’auteur de Bélisaire, quelque temps avant de lancer contre lui son mandement), il y a un article sur lequel j’exige de vous une rétractation authentique et formelle : c’est celui de la tolérance[32]. »

À l’égard des dissidents, en effet, et, en particulier, à l’égard des réformés, l’Église du dix-huitième siècle professait hautement la même intolérance qui avait inspiré jadis à Bossuet son chant de triomphe, à propos de la révocation de l’Édit de Nantes, et lui avait dicté cette phrase cruelle d’une lettre à Nicole : « J’adore avec vous les desseins de Dieu qui a voulu révéler, par la dispersion de nos protestants, ce mystère d’indignité et purger la France de ces monstres[33]. » On remarquera que la doctrine de l’Église était ici exactement celle dont elle avait été victime elle-même au début de son histoire, alors qu’on accusait les premiers chrétiens d’être les ennemis de l’État :

On croit servir l’État quand on nous persécute.

« La religion, dit Bergier, est une partie des lois de l’État ; quiconque ose l’attaquer se rend aussi coupable envers la société que celui qui viole les lois civiles ; il mérite donc le même châtiment. » Et l’évêque du Puy dira plus énergiquement encore : « Tout impie est, par cela seul, criminel d’État[34]. » Il y a plus : l’intolérance étant un article de foi pour le catholique[35], et non pas pour le protestant — car, de quel droit celui-ci prétendrait-il à l’intolérance puisqu’il est dans l’erreur ? — les catholiques doivent être tolérés, de ceux qu’ils ne tolèrent pas eux-mêmes. « L’Église catholique est intolérante par sa nature même, c’est là son privilège, sa gloire, l’empreinte de la vérité, son caractère distinctif qu’elle ne partage avec aucune secte d’erreur. Les protestants ne peuvent refuser aux catholiques la tolérance, quoique ceux-ci ne les tolèrent pas[36]. »

Et de ces principes commodes les théologiens déduisaient, avec une impitoyable logique, les conséquences que voici. On leur disait : ces hommes, que vous voulez proscrire, ils vivent pourtant dans la même société que vous ; vous avez donc besoin d’eux, comme ils ont besoin de vous ; quelle sorte de commerce y aura-t-il donc désormais entre eux et vous ? « Le même, répondaient-ils, qu’entre des chrétiens fidèles aux préceptes de l’Évangile et d’autres dont les mœurs sont scandaleusement déréglées[37]. » Et ce n’est pas, d’ailleurs, la faute de l’Église si les magistrats permettaient encore qu’on fût à la fois protestant et Français, car toutes les assemblées du Clergé n’avaient cessé de demander, l’une après l’autre, « qu’on rendît aux lois toute leur rigueur et à la religion tout son éclat[38]. » Ces lois bienfaisantes, elles existent, en effet, et il n’y a qu’à exiger des magistrats qu’ils les appliquent plus sérieusement, et les heureux effets ne s’en feront pas longtemps attendre, écoutez plutôt : « Louis XV, devenu majeur, donna son excellente déclaration de 1724, par laquelle tout acte contraire à la religion catholique était puni des galères perpétuelles pour les hommes et de la prison perpétuelle pour les femmes, avec la confiscation des biens. C’est là le chef-d’œuvre de la politique chrétienne et humaine. Si les magistrats ne se fussent pas relâchés, il n’y aurait ni mariages (calvinistes), ni bâtards à légitimer ; on aurait chassé sans effort les ministres et l’hérésie aurait pris fin[39]. » Or, voici cette « excellente » Déclaration du 14 mai 1724 : Défense était faite, sous peine des galères… de professer aucune autre religion que la catholique. Ordre était donné de livrer et de mettre à mort les prédicants. Ordre, sous peine d’amende ou de plus grandes peines, de faire baptiser, dans les vingt-quatre heures, les enfants par les curés. Ordre d’envoyer les enfants au catéchisme jusqu’à quatorze ans ; aux médecins, de prévenir les curés, quand leurs malades sont en danger de mort, et aux parents, d’introduire les curés, seuls, auprès des malades. Interdiction des charges publiques aux hérétiques. Défense de se marier en pays étranger et peine des galères contre les parents qui permettraient à leurs enfants d’enfreindre la défense[40].

Eh quoi ! répétaient à l’envi les philosophes, n’est-ce pas assez que les dragonnades aient appauvri et dépeuplé la France au profit de nos ennemis ? — Quelle erreur est donc la vôtre, s’écriait Caveyrac : « La révocation de l’édit de Nantes, cet acte d’une sagesse très réfléchie, n’a fait de tort ni au commerce, ni aux finances, ni à la population » ; et il avait l’intrépidité d’en fournir la preuve, et il triomphait quand, à la suite de nombreux calculs, il pensait avoir établi « qu’il n’était pas sorti du royaume plus de 50 000 huguenots et de 1 230 000 livres. » Un autre, il est vrai que celui-ci n’a pas signé son édifiante nomenclature, donnait, comme un exemple de la modération avec laquelle on avait appliqué les lois contre les huguenots, ce fait touchant que, « de 1745 à 1770, on n’avait pendu que huit pasteurs[41]. »

Qu’on mette en regard de ces sereines appréciations du Clergé, ce récit abrégé des persécutions d’une seule année. En Languedoc, pendant le mois de septembre 1754, les prisons et les galères ne cessent de se remplir. En décembre, deux compagnies de dragons sont mises en garnison chez les habitants de Milhau, en Rouergue ; elles y restent cinq mois, et Milhau est ruiné. Au mois de mars de cette même année, dans le haut Languedoc, une assemblée se réunit à Mazamet ; survient une compagnie de dragons qui fait feu : trois protestants sont blessés, vingt sont arrêtés et condamnés aux galères par l’intendant de Montpellier. Au mois de décembre, un jeune pasteur est pris par les soldats et conduit à Vernoux ; les protestants, qui l’ont accompagné pour implorer sa grâce, sont assaillis à Vernoux par les catholiques, qui font feu sur eux, de toutes parts, des portes et des fenêtres ; 30 protestants sont tués, 200 blessés, dont beaucoup devaient mourir de leurs blessures[42].

L’Église, on le sait, raisonnait ainsi depuis la Révocation de l’édit de Nantes : il n’y a plus que des catholiques dans le royaume ; ceux donc qui se disent protestants sont des apostats ; d’où, entre autres, cet article barbare de la déclaration de 1715, par lequel « Sa Majesté ordonne que, si aucun de ses sujets déclare, à l’heure de la mort, à son curé ou aux procureurs du Roi, qu’il veut mourir dans la religion prétendue réformée, le procès lui sera fait ou à sa mémoire ; la peine est des galères, s’il revient à la vie, et de la confiscation des biens, s’il meurt. » Les théologiens n’avaient pas assez d’admiration pour cet article ; car, remarquaient-ils, « le crime est ici l’apostasie ; depuis la Révocation tous les sujets du Roi sont catholiques de droit parce qu’ils sont nés dans le sein de l’église catholique et que cette bonne mère les a reçus dans ses bras. » Et Caveyrac concluait avec sérénité : « Que le lecteur juge à présent à qui, des sectaires ou des catholiques, convient mieux le surnom d’intolérants ; est-ce à ceux qui n’ont fait que défendre la religion de leurs pères ou à ceux qui ont voulu en introduire une nouvelle[43] ? »

On se tromperait fort si l’on pensait que nous avons pris un malin plaisir à transcrire tous ces tristes passages[44] : il nous a paru seulement que nous devions soumettre au lecteur, avec une scrupuleuse fidélité, les pièces même, trop peu connues, du grand débat qui s’agitait alors entre les partisans de l’Église et ceux de la philosophie. Nous avons essayé de montrer comment l’Église repoussa les trois grands principes philosophiques du temps et les conséquences qu’en voulaient tirer les Encyclopédistes ; elle maintint, contre eux et contre toutes leurs nouveautés, on a vu avec quelle intransigeance, son credo immuable et son droit de persécuter tous ceux qui n’acceptaient pas ce credo. C’est contre de tels croyants et de tels persécuteurs qu’ont protesté et bataillé les Encyclopédistes. N’auraient-ils fait que cela, nous estimons que leur œuvre de destruction, comme on se plaît à l’appeler, aurait été, malgré tous les défauts que nous avons étalés plutôt que dissimulés, une œuvre bienfaisante pour la raison et pour l’humanité. Mais leur œuvre ne fut pas seulement négative, comme on l’a trop souvent répété. Ils n’ont pas voulu seulement détruire : ils ont voulu aussi, et nous pensons qu’ils ont su édifier : c’est ce que nous espérons montrer dans un dernier chapitre.



  1. L’autorité des livres du Nouveau Testament contre les Incrédules, par l’abbé Voisin, professeur de Sorbonne, Paris, 1775.
  2. Apolog. de la Relig. chrétien., 1769, I, 278.
  3. Apolog. de la Relig. chrétien., 1769. II, 111.
  4. Ibid., I, 162.
  5. Ouvrage cité, t. X.
  6. Ouvrage cité, t. X.
  7. Ibid.
  8. Bergier, Apolog., I, 508.
  9. Examen du Matérialisme, 1771, I, 73.
  10. La petite Encyclopédie : art. Philosophie.
  11. Bergier : Apolog., I, 283.
  12. Lettres à un Amériquain (sic) sur l’Hist. naturelle, générale et particulière de M. Buffon, Hambourg, 1736 (en neuf volumes), t. I.
  13. De Lignac, I. 153.
  14. Bergier : Apologie.
  15. Gauchat, X.
  16. Voir les arrêts du Parlement de Paris dans le P. Le Brun : Hist. critiq. des pratiques superstitieuses, IV. 451.
  17. M. de Vouglans : Lois criminelles de la France dans leur ordre naturel, édit 1780, III, 103.
  18. Bergier : Apologie, II, 105.
  19. Apologie de Louis XIV, Avertissement. Inversement l’Église savait trouver des arguments pour excuser la polygamie, dès qu’il s’agissait de patriarches : après le déluge, il fallait « réparer les ruines de notre nature presque toute ensevelie sous les eaux » ; et, de plus, « les saintes femmes étaient touchées du désir d’avoir part à la naissance du Christ tant promis, et, comme ce désir était chaste et nécessaire, les saints patriarches avaient raison d’y condescendre. » (Bossuet : Def. de l’hist. des variations, N. LXVI).
  20. Apol., I, 478.
  21. Pascal, édit. Havet, I, 175.
  22. Dict. philosoph., art. prophéties.
  23. Le P. Richard : sa réfutation de Robinet, p. 40.
  24. Le P. Gauchat : Lettres critiques, t. X. Bossuet n’avait-il pas dit, à propos des mystères, « qu’il faut croire et adorer ce qu’on n’entend pas ». (IIe Avertissement aux protestants.)
  25. Ibid.
  26. Comme celle-ci, parmi tant d’autres : « L’auteur de l’Examen important de milord Bolingbroke demande si Moïse a lu son Pentateuque aux Juifs, s’ils étaient capables de le signer comme témoins. — Oui, ils l’ont signé de leur sang en exécutant sur eux-mêmes la circoncision interrompue pendant quarante ans. » (Bergier : Apol., I, 75).
  27. Le P. Bonhomme : Éloge…, 1759 ; 121, 3.
  28. Encyclop., art. Genève.
  29. Préjugés légit. sur l’Encyclop., II, 239.
  30. Apol., II, 562.
  31. Marmontel : Bélisaire, chap. XV. Voir l’Hist. de la lib. de consc. en France, par Bonet-Mauri, Alcan, 1900, p. 73.
  32. Christophe de Beaumont, par le P. Émile Begnault, Lecoffre, 1882, I, 158.
  33. Bossuet répondant à Basnage, s’approprie les paroles de la Bible : « Chasse le blasphémateur du camp et que tout Israël l’accable à coups de pierre. » Et il ajoute : « Voilà où en viennent les réformés : ils prononcent sans restriction que le prince n’a aucun droit sur les consciences et ne peut faire de lois pénales sur la religion. » (Déf. de l’hist. des variations, N. IV). Quant à lui, il trouve tout naturel de se servir, pour venger la religion établie, « de l’épée que Dieu a mise dans les mains du prince ». Que si les protestants prennent les armes pour se défendre, il leur rappelle que « les guerres civiles, sous prétexte de se défendre de l’oppression, sont des attentats », (Déf. de l’hist. des variations, N. XI), car « on doit obéir même aux princes persécuteurs ». (N. XX).
  34. Instruct. pastor. de 1763.
  35. Comparez ce passage d’un livre contemporain qui en était, en 1854, à sa neuvième édition, « Tolerantia est impia et absurda. » (Prælectiones theologicæ quas in collegio romano S. J. habelat Johannes Perrone), tome I, paragr. 290.
  36. Gauchat : Lettres critiques, XIII.
  37. Instruction pastorale de l’évêque du Puy (1763).
  38. Assemblée de 1765.
  39. Caveyrac : Apologie de Louis XIV et de son Conseil sur la Révolution de l’édit de Nantes, 1758, p. 448.
  40. Recueil des édits, déclarations, etc., 14 mai 1724. Cf. : Histoire de la Restauration du Protestantisme au dix-huitième siècle, par Hugues. Paris, Lévy, 1872, I, 257.
  41. Recueil des pièces sur l’état des protestants en France, 1781, p. 23.
  42. Extrait de l’ouvrage cité de M. Hugues, II, 200.
  43. Apol. de L., XIV, 463.
  44. Nous aurions pu multiplier à l’infini nos citations. Voici, par exemple, un opuscule du P. Richard, qui eut rapidement une seconde édition et qui combat la prétention des Protestants de faire légitimer leur mariage. Nous citons au hasard : « La révolution de l’édit de Nantes est le chef-d’œuvre de la politique la plus profonde et de la prudence la plus consommée… Oui, nous soutenons, avec la plus ferme intrépidité, que, quand les Protestants paraîtraient les plus tranquilles dans l’état où ils sont réduits en France et qu’on ne pourrait pas citer un seul exemple de leur esprit remuant, il serait encore contre tous les principes de la religion chrétienne de leur accorder la permission qu’ils demandent… La prétendue bonne foi des Protestants de France n’est pas une raison de leur accorder cette liberté qu’ils réclament. » Les philosophes invoquaient l’humanité : « Mais, répliquait le P. Richard, pour être homme et ami de l’humanité, faut-il devenir ennemi de Dieu ? » (Les Protestants déboutés de leurs prétentions, par le P. Richard, 2e édit., 1776).