Les Dieux antiques/Méléagre

J. Rothschild, éditeur (p. 196-199).




MÉLÉAGRE, DIEU GREC ET LATIN.
(Grec : Méléagros.)





Méléagre (fig. 146) est le fils d’Œnée, chef de Calydon, et d’Althée. Petit, comme il dormait dans son berceau, les Moires se présentèrent soudain à sa mère ; et, désignant une bûche de bois brûlant dans le foyer, lui dirent qu’aussitôt le brandon consumé, Méléagre mourrait. Le jeune être grandit, fort, brave et beau, comme Œdipe, Persée, Bellérophon, et les autres grands héros. Ainsi qu’eux il accomplit de grands exploits, et fut notamment de l’expédition des Argonautes, entreprise dans le but de recouvrer la toison d’or possédée par la Colchide ; et aussi de la grande chasse de Calydon, tendant à détruire un sanglier monstrueux. Artémis avait envoyé ce fléau pour punir Œnée, lequel avait négligé de donner à la déesse une part dans un sacrifice. À cette chasse du sanglier assistaient encore nombre des héros qui participèrent à l’expédition des Argonautes : le principal fut Atalante, fille de Schœnéos, chef d’Arcadie. Cette belle vierge perça la première le sanglier, qui fut ensuite tué par Méléagre. Le partage de la dépouille venu, Méléagre désirait la tête ; et les Curètes de Pleuron, qui avaient aidé les Calydoniens Fig. 146. — Méléagre et Atlante.
dans leur chasse, ne furent point contents, eux, de n’avoir que la peau ! Une querelle surgit, où Méléagre tua le chef des Curetés, qui était le frère d’Althée. Guerre alors entre les gens de Pleuron et ceux de Calydon : à laquelle, au bout de peu de temps, Méléagre refuse de prendre part, parce qu’Althée, dans le chagrin de la perte de son frère, lui donne sa malédiction. Conséquence de l’inaction de Méléagre : ceux de Calydon perdirent du terrain et furent constamment défaits, jusqu’à ce que la femme de Méléagre, Cléopâtre, le décida à se produire. Aussitôt qu’il apparut, les ennemis se mirent en déroute : mais les hommes de Calydon ne voulurent pas lui donner de prix ; et Méléagre se retira de nouveau dans ses appartements secrets. Althée, que l’humeur taciturne de son fils rendait plus courroucée encore, alla chercher le brandon et le jeta dans le feu. Comme le bois se consumait, la force de Méléagre déclina ; et la dernière étincelle éclatant, il mourut. La mort d’Althée et de Cléopâtre suivit de près celle de ce grand héros.

La vie de Méléagre, c’est la vie du soleil, ou l’existence unie à cette torche du jour ; quand la torche se consume, il meurt. Cette histoire, elle aussi, ressemble à d’autres. Méléagre est identique à Persée, à Phoïbos, à Céphale, etc., en beauté et en force, dans ses actes bienveillants et dans la brièveté de sa vie ; ainsi que par ses accès d’action et d’inaction, il ressemble tout à fait à Achille et à Pâris. Qu’est-ce que cette inaction ? Le temps que le soleil passe derrière le voile des nuages, d’où il surgit soit pour gagner la victoire, comme Achille et Odyssée (l’Ulysse latin), soit pour mourir comme Méléagre et Héraclès. Alors qu’est-ce qu’Atalante ? Un être que l’on peut comparer à Daphné et à Artémis, mythes dont elle porte la lance infaillible : elle vient censé d’Arcadie, parce que, comme Délos, Lycie, Phénicie, et d’autres termes, le nom de cette terre est un mot qui, originairement, désigna éclat et splendeur. Althée, maintenant, pourquoi devait-elle, après avoir retiré le brandon du feu, l’y rejeter ? Les vieilles légendes disant que, de même que le soleil est l’enfant de la nuit (c’est-à-dire de Léto, la Latone latine, ou de Léda, ou d’Althée) c’est aussi des ténèbres qu’il reçoit la mort, quand il a achevé son cours.