Les Dieux antiques/Le Poséidon grec et le Neptune latin
Poséidon. — Fils de Cronos et de Rhée, Poséidon est en conséquence frère de Zeus et de Hadès.
Quand fut tirée au sort la souveraineté des cieux, de la
terre et des régions souterraines, celle de la mer échut
en partage à Poséidon, qui prit un trident pour emblème
de son pouvoir. Notez cependant que c’est comme
ayant le contrôle des forces qui affectent les mouvements
des eaux, plutôt que comme habitant lui-même les
eaux, que Poséidon règne sur l’humide élément. Il y a un
dieu dont la demeure réelle est la mer : Nérée (fig. 29),
qui habite les profondeurs des flots, se trouvant vis-à-vis
de Poséidon dans le même rapport qu’Hélios, habitant le
soleil, vis-à-vis de Phoibos, seigneur de la lumière. La
signification du nom de Poséidon, on ne la connaît pas
d’une façon certaine. Mais les légendes offrent plus d’un Fig. 29. — Néréides, bas-relief.
trait propre à jeter
quelque clarté sur
cette appellation obscure.
Poséidon, dans
l’Iliade et dans l’Odyssée,
est représenté
comme égal à Zeus en
dignité et inférieur à
lui seulement en puissance.
Il a le pouvoir
de créer, car, suivant
une histoire, il est
l’auteur du cheval. Il
s’appelle Gaiêochos,
gardien de la terre, et
Énésichos, qui ébranle
le monde ; et en dernier
lieu il dispute à
Héré, Hélios et Athéné,
la souveraineté de
certaines cités grecques.
D’où rien d’invraisemblable
que ce nom ait originairement
exprimé simplement
l’idée de seigneurie
ou de pouvoir, et
ne soit pas sans quelque
attache avec des
mots tels que « potentat »
et « despote », Héré,
femme de Zeus,
s’appelant aussi Potnia ou la puissante. Quelle conduite envers Zeus assigne-t-on
à Poséidon ? On le représente généralement comme fidèle
et soumis au souverain de l’Olympe ; mais une fois il complota
(avons-nous dit plus haut), avec Héré et Pallas
Athéné, la mise aux fers de Zeus, et fut déjoué par Thétis
(fig. 30). Sur l’avertissement de cette dernière, Zeus
plaça le Briarée aux cent bras près de son trône, pour
effrayer les conspirateurs.
Les légendes de Poséidon diffèrent très-spécialement de
celles de Zeus. Lui, Zeus, n’est jamais dépeint comme
assujetti à la volonté d’autrui, ou forcé d’achever des
Fig. 30. — Thétis, camée.
tâches serviles. Mais on fait bâtir
à Poséidon, de concert avec Héraclès,
les murs de Troie pour
Laomédon ; tout comme Phoibos
Apollo est contraint à se faire
serviteur dans la maison d’Admète.
La récompense promise à
Poséidon en échange de ce service est le prix qui, d’ordinaire,
manque à ces dieux et à ces héros de qui l’on
dit, ainsi que du soleil, qu’ils se donnent du mal pour
le bien de l’homme. Laomédon refusa de payer le salaire
par lui offert, tout comme Achille eut à se plaindre de
n’avoir de la guerre que les peines et point la récompense.
Conséquence de cette trahison : Poséidon fut du côté
d’Agamemnon et de Ménélas quand ces guerriers vinrent
à Troie tirer vengeance de Pâris. Rappelez-vous (je l’ai
dit) à l’honneur de Poséidon qu’il créa le cheval. À
Athènes, lors d’une dispute qu’il y eut entre Athéné et
lui pour nommer la cité, Zeus décida qu’elle serait nommée
d’après la déité qui ferait à l’humanité le plus beau don. Athéné produisit l’olivier, et Poséidon le cheval ;
Fig. 31. — Poséidon avec Athéné, médaille.
Fig. 32. — Statue de Poséidon armé Trident.
et la victoire fut adjugée à
Athéné, l’olive étant un signe
de paix et de prospérité, et le
cheval un emblème de guerre
et de maux (fig. 31). Mais
dans l’Iliade, Achille dit une
tout autre histoire : il raconte
que Poséidon créa le cheval
en Thessalie, et donna les
coursiers immortels Xanthos
et Balios (le doré et le tacheté) à Pélée, père du héros.
Au nombre des faits qui se rattachent à ce dieu, on cite d’autres rivalités que celle qu’il eut avec Athéné : la légende est qu’il réclama la souveraineté de Corinthe contre Hélios (le soleil), de Naxos contre Dionysos, et d’Ægine contre Zeus lui-même. Trois contestations. Ce qui ressort de tels récits, le voici : originairement Poséidon fut regardé simplement comme régulateur ou roi (fig. 32), et son pouvoir, à mesure que vint le temps, se limita au contrôle de la mer.
La femme de Poséidon était
Amphitrite (fig. 33), nom qui ne peut s’expliquer par
aucun mot de la langue grecque ; mais dans les vieilles légendes hindoues nous trouvons une déité, Trita, qui
règne sur l’air et l’eau. Ce nom Trita, que certains ont
rattaché à celui d’Amphitrite, se montre encore visiblement
dans Tritopator, une appellation des vents ; et
dans Tritogeneia, épithète appliquée à Athéné, aussi bien
que dans Triton, fils de Poséidon. Je le rencontre enfin
dans les légendes d’un autre peuple que les Grecs et les
Fig. 33. — Amphitrite et Poséidon, bas-relief.
Hindous : dans les vieilles histoires perses, le Trita ou
Traitana de l’Inde réapparaît comme Thrætana, le tueur
du serpent Zohak ; ce monstre répond au dragon Python
tué par Phoibos, et à Fafnir tué par Sigurd.
Le palais de Poséidon était situé dans les eaux profondes,
près d’Égée, aux rives de l’Eubée ; le dieu gardait là ses chevaux à crinières d’or, répondant aux Harits
hindous ou chevaux étincelants du Soleil, qui le mènent
avec des bonds puissants sur la mer.
Fig. 34. — Buste de Poséidon ou Neptune.
Neptune. — Les Romains d’une époque avancée identifièrent leur Neptune avec le Poséidon grec (fig. 34) ; mais, par son caractère, le mythe latin répond plus particulièrement à Nérée. C’est le dieu qui habite sur les eaux, et son nom se rattache à un certain nombre de mots qui veulent dire se baigner ou nager.