Les Dieux antiques/L’Aphrodite grecque et la Vénus latine
L’APHRODITE GRECQUE ET LA VÉNUS LATINE.
(Grec : Aphroditè.)
Aphrodite
[1]. — On dit qu’elle jaillit de la brillante écume
de la mer, et fut, en conséquence, appelée Aphrodite
(aphros, mousse) et Anadyomène (celle qui se lève). Toutefois
une autre naissance, plus humaine, lui a été assignée :
selon certains contes, elle était l’enfant d’Ouranos (les cieux)
et de Héméra (le jour) ; mais dans l’Iliade on l’appelle la
fille de Zeus et de Dioné. Qu’est-elle originairement ? Un
nom de l’aurore, qui se lève de la mer, à l’Est ; et comme
l’aurore est le plus charmant spectacle de la nature, Aphrodite
devint naturellement pour les Grecs la déesse de la
beauté et de l’amour. Rien là qui ne s’accorde avec les
légendes d’autres pays ; car dans les plus vieux hymnes
védiques des Hindous, le matin s’appelle Duhitâ Divah,
la fille de Dyaus, exactement comme Aphrodite est la fille
de Zeus. Un autre nom désigne aussi l’heure du matin
dans ces hymnes : Arjunô, la « brillante » ou l’ « étincelante »,
qui se retrouve dans la mythologie grecque sous la forme d’Argynnis, ayant trait à une jeune femme
aimée d’Agamemnon. Nouvelle histoire produite simplement
parce qu’on avait oublié la signification réelle du
Fig. 60 et 61. — Triomphe d’Éros.
nom de cette Argynnis, et qu’on s’était souvenu seulement
de la notion de sa beauté. Argynnis fut donc vis-à-vis
d’Agamemnon, ce qu’était Hélène vis-à-vis de Ménélas.
Revenons à Aphrodite. Les Horaï, ou les Heures latines, et, plus spécialement, les Charites, ou les Grâces
latines, formaient sa suite charmante. Ces Charites on les
retrouve dans d’autres légendes que les grecques : dans les
hymnes védiques il est parlé d’elles comme des Harits,
chevaux de l’Aurore. Harit, ce nom signifie l’éclat luisant
que prend un corps oint de graisse ou d’huile : d’où
l’idée de splendeur. Très-étrangement, il se trouva que
les chevaux de l’Aurore devinrent, dans l’esprit des Grecs,
les suivantes aimables d’Aphrodite. Quant à la déesse
elle-même, voici quelques-uns de ses autres noms : Énolia
et Pontia, signifiant l’un et l’autre qu’elle appartenait à
la mer ; puis Urania et Pandémos, ou la déesse de
l’amour pur aussi bien que sensuel. Ainsi le charme du
matin suggéra l’idée de tendresse et d’amour, qui passa
par mille formes, selon l’âme des nations auxquelles
arrivèrent ces traditions. Le culte d’Aphrodite était général
(fig. 62, 63, 64) ; on le trouve partout ; mais ses
temples les plus célèbres s’élevaient à Cythère et à
Cypre, à Gnide, Paphos et Corinthe, Divinité grecque,
elle se rattache au conte de Troie. À la fête donnée pour
les noces de Thétis et de Pélée, Éris (la dispute) jeta une
pomme d’or, offerte à la plus charmante des déesses. Le
prix fut réclamé par Héré, Athéné et Aphrodite ; et Zeus
décréta que le juge serait Pâris, fils de Priam. Pâris
donna la pomme à Aphrodite, qui lui suggéra la tentation
d’enlever Hélène à Sparte ; et cette insulte faite à
Ménélas, le mari d’Hélène, causa la guerre de Troie.
Cette scène, esquissée déjà dans l’histoire d’Athéné, s’appelle,
dans la Mythologie, le Jugement de Pâris. Si nous
continuons à étudier Aphrodite dans les poèmes homériques,
nous l’y voyons femme d’Héphaïstos ; ceci ayant pour signification ancienne que l’aurore est l’épousée de
la lumière. La déesse eut de nombreux adorateurs et
des enfants nombreux, dont les noms, dans la plupart
des cas, s’expliquent d’eux-mêmes. Comme se levant de
Fig. 62. Aphrodite ou Vénus.
Fig. 63. Vénus Anadyomène.
Fig. 64. Aphrodite ou Vénus.
la mer, elle se vit aimée de Poséidon, et d’Arès comme
suscitant un tumulte passionné dans le cœur ; et fut la
mère de Déimos, Harmonia et Éros (la Peur, l’Harmonie
et l’Amour), Bien des contes circulent à son sujet :
on dit qu’elle agréa Anchise et donna le jour à Énée,
l’ancêtre de Romulus ; mais peut-être voit-on plus particulièrement en elle celle qui aima Adonis, Le nom
de ce dernier personnage n’appartient pas à la mythologie
grecque : c’est un mot syrien ou hébraïque, signifiant
Seigneur, quoique le dieu fût adoré en Syrie sous l’invocation
de Tammuz
[2]. Voici l’histoire d’Adonis. Sa
grande beauté charma Aphrodite, mais il ne paya pas
cette passion de retour ; et au printemps encore de son
adolescence, l’éphèbe mourut déchiré par un sanglier sauvage
[3]. Ce conte ressemble à un grand nombre d’autres,
où le héros meurt jeune, est blessé par les défenses d’une
bête, par la lance, par une épine, une flèche. Ainsi dans
la fable perse, Isfendiyar périt d’une épine que Rustem
lui enfonce en l’œil ; et dans la légende norse, Sigurd
est percé par une lance, comme dans la légende grecque,
Pâris, par les flèches empoisonnées d’Hercule. Une signification
bien connue de nous déjà se cache sous le
conte d’Aphrodite et d’Adonis, n’est-ce pas ? Aphrodite
pleurant Adonis, c’est le chagrin de Déméter, lors de la
perte de Perséphone
[4].
La terre, dans le dernier cas, est en deuil du départ de
l’été ; dans le premier, l’aurore ou le crépuscule se désole
de la mort du trop bref soleil. Toutefois des fables
relatives à Aphrodite ne se dégage pas une idée qu’incarne
pleinement la déesse : on la représente en effet de
façons multiples, quelquefois pure, parfois douce et
aimante, d’autres fois forte et véhémente, tantôt indolente
et distraite, et tantôt respirant la victoire. Aux temples de
Sparte, elle apparaissait comme une déesse conquérante et revêtue d’une armure, juste comme les derniers poètes
dirent Éros (l’Amour) (fig. 60 et 61) invincible dans la
bataille.
Vénus. — Vénus est la déesse latine de la beauté et de l’amour, sur le compte de laquelle on mit toutes les histoires relatives à l’Aphrodite grecque. Cette dernière passant pour mère d’Énée, ancêtre de Romulus, on supposa que Vénus était la protectrice spéciale de l’État de Rome.
Le nom dérive d’une racine qui signifie « faveur », trouvée dans le mot latin venia, grâce ou pardon, aussi bien que dans notre mot vénéré. La Vénus latine ne représente donc pas autre chose qu’une simple appellation ; ses adorateurs peuvent l’invoquer tour à tour en tant que Vénus, Myrta, Cloacina ou Purificatrix, Barbata, Militaris, Equestris, etc. [5]