Les Contes drolatiques/III/D’ung paouvre qui avoyt nom le Vieulx-par-chemins


D’UNG PAOUVRE QUI AVOYT NOM
LE VIEULX-PAR-CHEMINS



Le vieulx chronicqueur qui ha fourny le chanvre pour tisser le présent Conte dict avoir esté du temps où se passa le faict en la cité de Rouen, laquelle l’a consigné en ses layettes. Ez environs de ceste belle ville où demeuroyt lors le duc Richard, souloyt gueuzer ung bon homme ayant nom Tryballot, ains auquel feut baillé le surnom de Vieulx-par-chemins, non pour ce que il estoyt iaune et sec comme velin, ains pour ce que il estoyt tousiours par voyes et routes, monts et vaulx, couchioyt soubz le tect du ciel, et alloyt houzé comme ung paouvre. Ce neantmoins, il estoyt aymé moult en la duchié, où ung chascun se estoyt accoustumé à luy, si bien que, si le mois escheoyt sans que il feust venu tendre son escuelle, on disoyt : « Où est le Vieulx ? » Et on respondoyt : « « Par chemins. »

Ce dict homme avoyt eu pour père ung Tryballot, qui feut, en son vivant, preud’homme, économe et si rengié, que il laissa force biens à ce dict fils. Ains le ieune gars les desamassa bien tost en gaudisseries, veu que il feit au contraire du bonhomme, lequel, au retourner des champs en sa maison, amassoyt de cy, de là, force buschettes ou bois laissez à dextre et à senestre, disant en toute conscience que il ne faut iamais arriver au logiz les mains vuydes. Par ainsy se chauffioyt en hyver aux despens des oublieux, et faisoyt bien. Ung chascun recogneut quel bon enseignement ce estoyt pour le pays, veu que, ung an devant sa mort, aulcun ne laissoyt plus de bois par les routes ; il avoyt contrainct les plus dissipez à estre mesnaigiers et rengez. Ains son fils bouta tout par escuelles et ne suyvit point ces saiges exemples. Son père avoyt prédict la chouse. Dès le bas aage de ce gars, quand le bon homme Tryballot le mettoyt à la guette des oyseaulx qui venoyent mangier les pois, les fèves et aultres graines, à ceste fin de chasser ces larrons, surtout les geays, qui conchioyent tout, luy les estudioyt et prenoyt plaisir à considérer en quelle graace ils alloyent, venoyent, s’en retournoyent chargiez et revenoyent en espiant d’ung œil esmerilloné les tresbuchets ou lacs tendus, et rioyt moult, voyant leur adresse à les éviter. Le père Tryballot se choleroyt, treuvant deux et souvent trois septerées de la bonne mesure en moins. Ains, encores qu’il tirast les aureilles à son gars en le prenant à niaiser soubz ung couldre, le drolle s’estomiroyt tousiours et revenoyt estudier l’industrie des merles, passerons et aultres picoreurs trez doctes. Ung iour, son pere luy dit que il faisoyt saige de se modeler sur eulx, pour ce que, s’il continuoyt ce trac de vie, il seroyt sur ses vieulx ans contrainct à picorer comme eulx, et comme eulx seroyt pourchassé par les gens de iustice. Ce qui feut vray, veu que, comme il ha esté dessus dict, il desamassa en peu de iours les escuz que son mesnaigier père avoyt acquis durant sa vie : il feit avecques les hommes comme avecques les passereaux, laissant ung chascun bouter la main en son sac, et contemplant en quelle graace et quelles fassons doulces on luy demandoyt à y puiser. Par ainsy, il en veit tost la fin. Quand le diable feut seul dedans le sac, Tryballot ne se monstra point soulcieux, disant que il ne vouloyt point se damner pour les biens de ce monde, et avoyt estudié la philosophie en l’eschole des oyseaulx.

Après s’estre amplement gaudy, il luy demoura de tous ses biens ung goubelet achepté au Landict et trois dez, mesnaige suffisant pour boire et iouer, d’autant que il alloyt sans estre encombré de meubles, comme sont les grans, qui ne sçavent cheminer sans charroys, tappis, leschefrittes et numbre infiny de varlets. Tryballot voulut veoir ses bons amis, ains ne rencontra plus aulcun de cognoissance, ce qui luy bailla congié de ne plus recognoistre personne. Quoy voyant, comme la faim luy aiguysoyt les dents, il délibéra prendre ung estat où il eust rien à faire et moult à gaigner. En y pensant, se remembra la graace des merles et passereaux. Lors le bon Tryballot esleut pour sien le mestier de requerir argent ez maisons en picorant. Dès le prime iour, les gens pitoyables luy en baillèrent, et Tryballot feut content, trouvant le mestier bon, sans advances ne chances maulvaises, au contraire, plein de commoditez. Il feit son estat de si grant cueur, que il agréa partout et receut mille consolations reffusées à gens riches. Le bon homme reguardoyt les gens de campaigne planter, semer, moissonner, vendanger, et se disoyt que ils laboroyent prou pour luy. Cil qui avoyt ung porc en son charnier luy en debvoyt ung lopin, sans que cettuy gardien de porc s’en doubtast. Tel cuysoyt ung pain en son four le cuisoyt pour Tryballot et ne le pensoyt nullement. Il ne prenoyt rien de force, au contraire, les gens luy disoyent des gracieusetez en le guerdonnant : — Tenez, mon Vieulx-par-chemins, reconfortez-vous. Ça va-t-il bien ? Allons ! prenez cecy, le chat l’ha entamé, vous l’acheverez.

Le Vieulx-par-chemins estoyt des nopces, baptesmes et aussy des enterremens, pour ce que il alloyt partout où il y avoyt apertement ou occultement ioye et festins. Il guardoyt religieusement les statuts et ordonnances de son mestier, à sçavoir : ne rien faire, veu que, s’il avoyt pu laborer le plus legierement que ce feust, aulcun ne luy auroyt plus rien baillé. Après s’estre repeu, ce saige homme s’estendoyt le long des fossez ou contre ung pilier d’ecclise en resvant aux affaires publicques ; finablement il philosophoyt, comme ses gentils maistres les merles, geays, passerons, et songioyt moult en gueuzant ; car, pour ce que son vestement estoyt paouvre, estoyt-ce raison que son entendement ne feust riche ? Sa philosophie divertissoyt moult ses praticques, auxquelles il alloyt disant, en forme de merciement, les plus beaulx aphorismes de sa science. A l’ouyr, les pantophles produisoyent la goutte aux riches : il se iactoyt d’avoir les pieds allaigres, pour ce que son cordouannier luy bailloyt des soliers venus dans les aulnayes. Il y avoyt des maulx de teste soubz les diadesmes, qui ne l’atteingnoyent point, pour ce que sa teste estoyt serrée ne par soulcys, ne par aulcun chappelet. Puis encores les bagues à pierreries gehennoyent le mouvement du sang. Encores que il s’enchargiast de playes suyvant les lois de la gueuzerie, cuydez que il estoyt plus sain qu’ung enfant qui arrivoyt au baptistère. Le bon homme se rigolloyt avecques les aultres gueux, en iouant avecques ses trois dez, que il conservoyt pour se soubvenir de despendre ses deniers, à ceste fin d’estre tousiours paouvre. Néantmoins son vœu, il estoyt, comme les Ordres Mendians, si bien renté, qu’ung iour de Pasques, ung aultre gueux voulant luy affermer son gaing du dict iour, le Vieulx-par-chemins en reffusa dix escuz. De faict, à la vesprée, il despendit quatorze escuz en ioye pour fester les aumosniers, veu que il estoyt dict ez statuts de gueuserie de se monstrer recognoissant envers les donataires. Quoique il se deschargiast avecques soing de tout ce qui faisoyt les soulcys des aultres, qui, trop chargiez de bien, quèrent le mal, il feut plus heureux n’ayant rien au monde que lorsque il avoyt les escuz de son père. Et pour ce qui est des conditions de noblesse, il estoyt tousiours en bon poinct d’estre anobly, pour ce que il ne faisoyt rien qu’à sa phantaisie, et vivoyt noblement sans aulcun labeur. Trente escuz ne l’auroyent faict lever quand il estoyt couchié. Il arriva tousiours à lendemain comme les aultres, en menant ceste belle vie, laquelle, au dire de messire Plato, duquel ià l’authorité feut invocquée en ces escripts, aulcuns anticques saiges ont menée iadis. Finablement, le Vieulx-par-chemins advint en l’aage de quatre-vingt et deux années, n’ayant iamais esté ung seul iour sans attraper monnoye, et avoyt lors la plus belle couleur de tainct que vous puissiez imaginer. Aussy cuydoyt-il que, s’il avoyt perseveré dedans la voye des richesses, il se feust guasté et seroyt lors enterré depuis ung long temps. Possible estoyt qu’il eust raison.

Durant sa prime ieunesse, le Vieulx-par-chemins avoyt pour inclyte vertu de trez fort aymer les femmes, et son abundance d’amour estoyt, dict-on, ung fruit de ses estudes avecques les moyneaulx ou fricquets. Doncques il estoyt tousiours dispos à prester aux femmes son ayde pour compter les solives, et ceste générosité treuve sa raison physicale en ce que, ne faisant rien, il estoyt tousiours prest à faire. Les buandières, qui dans ce pays sont nommées lavandières, disoyent que elles avoyent beau savonner les dames, le Vieulx-par-chemins s’y entendoyt encores mieulx. Ses vertus absconses engendrèrent, dict-on, ceste faveur dont il iouyssoyt en la province. Aulcuns disent que la dame de Caumont le feit venir en son chasteau pour sçavoir la vérité sur ces qualitez et le mussa durant une huictaine, à ceste fin de l’empeschier de gueuzer, ains le bon homme se saulva par les hayes en grant paour d’estre riche. En advançant en aage, ce grant quintessencier se veit desdaingné, quoique ses notables facultez d’aymer n’esprouvassent aucun dommaige. Cet iniuste revirement de la gent femelle causa la prime poine du Vieulx-par-chemins et le célèbre procez de Rouen auquel il est temps d’arriver.

En ceste quatre-vingt-deuxiesme année, le Vieulx-par-chemins feut par force en continence environ sept mois, durant lesquels il ne feit la rencontre d’aulcune femme de bon vouloir et dit devant le iuge que ce feut le plus grant estonnement de sa longue et honorable vie. En cet estat trez-douloureux, il veit ez champs, au ioly moys de may, une fille, laquelle par adventure estoyt pucelle et guardoyt les vaches. La chaleur tomboyt si drue, que ceste vaschiere s’estendit à l’umbre d’ung fousteau, le visaige contre l’herbe, à la fasson des gens qui laborent ez champs pour faire ung somme durant le temps que son bestial ruminoyt et se resveigla par le faict du vieulx, qui luy avoyt robbé ce que une paouvre garse ne peut donner que une foys. Se voyant defflourée sans en recepvoir aulcun advis ne plaisir, elle cria si fort, que les gens occupez ez champs vindrent et feurent prins en tesmoingnaige par la garse, au moment où se voyoyt en elle le desguast faict ez nuicts de nopces chez une nouvelle mariée ; elle plouroyt, se plaingnoyt, disant que ce vieulx cinge intempérant pouvoyt aller violer sa mère à elle, qui n’auroyt rien dict. Le vieulx feit response aux gens de la campaigne, qui levoyent ià leurs serfouettes pour le meurdrir, que il avoyt esté poulsé à se divertir. Ces gens luy obiectèrent avecques raison que ung homme pourroyt bien se divertir sans forcer une pucelle, cas prevostal qui le menoyt droict à la potence, et feut conduict en grant rumeur à la geole de Rouen.

La fille, interroguée par le prevost, déclara que elle dormoyt pour faire quelque chouse, et que elle avoyt creu songier de son amant, avecques lequel elle estoyt en dispute, pour ce que avant le mariaige il soubhaitoyt mesurer sa besongne, et iocquetant en ce resve, elle luy laissoyt veoir si les chouses estoyent bien accomparaigées, à ceste fin que nul mal ne leur advinst à l’ung ou à l’aultre, et maulgré sa deffense, il alloyt plus loing que elle ne luy bailloyt licence d’aller, et, y treuvant plus de mal que de plaisir, elle s’estoyt esveiglée soubz la puissance du Vieulx-par-chemins, qui se estoyt gecté sur elle comme ung cordelier sur ung iambon au desiuchier du quaresme.

Ce pourchaz feit si grant bruit en la ville de Rouen, que le prevost feut mandé par monseigneur le duc, en qui vint ung véhément dezir de sçavoir si le faict estoyt véritable. Sur l’affirmation du prevost, il commanda que le Vieulx-par-chemins feust conduict en son palais, à ceste fin d’oyr quelle deffense il pouvoyt faire. Le paouvre bon homme comparut devant le prince et luy desbagoula naïfvement le maulvais heur qui luy advenoyt par la force et le vœu de la nature, disant que il estoyt comme ung vray iouvencel poulsé par des dezirs trez impérieux ; que jusques en ceste année il avoyt eu des femmes à luy, ains que il ieusnoyt depuis huict mois : que il estoyt trop paouvre pour s’adonner aux filles de ioye ; que les honnestes femmes qui luy faisoyent ceste aumosne avoyent prins en desgout ses cheveulx, lesquels avoyent la feslonie de blanchir maulgré la verdeur de son amour, et que il avoyt esté contrainct à saisir la ioye où elle estoyt par la veue de ceste damnée pucelle, laquelle en s’estendant le long du hestre avoyt laissé veoir la iolye doubleure de sa robbe et deux hémisphères blancs comme neige qui luy avoyent tollu sa raison; que la coulpe estoyt à ceste fille, et non à luy, pour ce que il doibt estre deffendu aux pucelles d’affriander les passans en leur monstrant ce qui feit nommer Vénus Callipyge ; finablement, le prince debvoyt sçavoir quelle poine ha ung homme sur le coup de midy de tenir son chien en laisse, pour ce que ce feut à ceste heure que le roy David feut féru par la femme du sieur Urie; que là où ung roy hébreu aymé de Dieu avoyt failly, un paouvre desnué de ioye et réduict à robber sa vie avoyt bien pu se treuver en faulte; que d’ailleurs il estoyt consentant à chanter des psaulmes le demourant de ses iours sur ung luth en manière de pénitence, à l’imitation du dict roy, lequel avoyt eu le tort grief d’occire ung mary, là où, luy, avoyt tant soit peu endommaigé une fille de campaigne. Le duc gousta les raisons du Vieulx-par-chemins, et dit que ce estoyt ung homme de bonne c....... Puis, il rendit ce mémorable arrest, que si, comme le disoyt cettuy mendiant, il avoyt si grant besoing de follieuses à son aage, il luy bailloyt licence de le démonstrer au rez de l’eschelle où il monteroyt pour estre pendu, ce à quoy l’avoyt simplement condamné le prevost; si, la chorde au col, entre le prebstre et le bourrel, pareille phantaisie le picquoyt, il auroyt sa graace.

Cet arrest cogneu, il y eut ung monde fol pour veoir conduire le bon homme à la potence. Ce feut une haye comme à une entrée ducale, et cy voyoyt-on plus de bonnets que de chapeaulx. Le Vieulx-par-chemins feut sauvé par une dame curieuse de veoir comment finiroyt cettuy violeur trez prétieux, laquelle dit au duc que la religion commandoyt de faire beau ieu au bon homme et se para comme pour une feste à baller; elle mit en évidence et avecques intention deux ballottes de chair vifve si blanches, que le plus fin lin de la gorgerette y paslissoyt ; de faict, ces beaulx fruicts d’amour se produisoyent sans plys au-dessus de son corselet, comme deux grosses pommes, et faisoyent venir l’eaue en la bouche, tant mignons ils estoyent. Ceste noble dame, qui estoyt de celles qui font que ung chascun se sent masle à les veoir, se plaça sur les lèvres ung soubriz pour le bon homme. Le Vieulx-par-chemins, vestu d’un sayon de grosse toile, plus seur d’estre en posteure de viol après la pendaison que paravant, venoyt entre les gens de iustice, trez tristifié, gectant l’œil de cy, de là, sans veoir aultre chouse que des coëffes ; et auroyt, disoyt-il, donné cent escuz d’une fille troussée comme estoyt la vachière de laquelle il se remembroyt les bonnes grosses blanches columnes de Vénus qui l’avoyent perdu, et pouvoyent encores le saulver ; mais, comme il estoyt vieulx, la remembrance n’estoyt point fresche assez. Ores, quand au rez de l’eschelle il veit les deux mignotises de la dame et le ioly delta que produisoyent leurs confluentes rondeurs, son maistre Iean Chouart feut en ung tel estat de raige, que le sayon parla trez apertement par ung soublevement maieur.

— Et doncques, vérifiez tost, feit-il aux gens de iustice, i’ay gaigné ma graace, ains ie ne responds point du drolle.

La dame feut trez aise de cet hommaige, que elle dit estre plus fort que le viol. Les sergens qui avoyent charge de soublever l’estoffe cuydèrent cettuy vieulx estre le diable, pour ce que oncques en leurs escriptures ne s’estoyt rencontré ung I autant droict que se treuvoyt le dressoir du bon homme. Aussy feut-il pourmené triumphalement par la ville iusques en l’hostel du duc, auquel les sergens et aultres tesmoingnèrent du faict. En cettuy temps d’ignorance, ceste instrumentation iudiciaire feut prinse en si grant honneur, que la ville vota l’érection d’ung pilier en l’endroict où le bon homme avoyt gaigné sa graace, et il y feut pourtraict en pierre, comme il estoyt à la veue de ceste honneste et vertueuse dame. La statue se voyoyt encores au temps où la cité de Rouen feut prinse par les Angloys, et les autheurs du temps escripvirent tous ceste histoire parmi les chouses notables du règne.

Sur ce que il feut offert par la ville de fournir des garses au bon homme, de veigler à son vivre, vestement et couvert, le bon duc y mit ordre en baillant à la despucellée ung millier d’escuz et la mariant au bonhomme, lequel y perdit son nom de Vieulx-par-chemins. Il feut nommé par le duc sieur de Bonne-C....... Sa femme accoucha après neuf mois d’ung masle parfaictement faict, bien vivant, lequel nacquit avecques deux dents. De ce mariaige vint la maison de Bonne-C......., laquelle, par pudeur et bien à tort, requit de nostre bien-aymé roy Loys le unziesme lettres patentes pour muter son nom en celuy de Bonne-Chose. Le bon roy Loys remonstra lors au sieur de Bonne-C...... que il y avoyt en l’Estat de Messieurs de Venise une inclyte famille des Coglioni, lesquels portoyent trois c....... au naturel en leur blazon. Mesdicts sieurs de Bonne-C...... obiectèrent au Roy que leurs femmes avoyent grant honte d’estre ainsy nommées ez salles de compaignie ; le Roy repartit que elles y perdroyent moult, pour ce que avecques les noms s’en alloyent les chouses. Ce néantmoins octroya les lettres. Depuis ce temps ceste gent feut cogneue soubz ce nom, et se respandit en plusieurs provinces. Le premier sieur de Bonne-C...... vesquit encores vingt-sept années et eut ung aultre fils et deux filles. Ains il se douloyt de finer riche et de ne plus quester sa vie par les chemins.

De cecy vous tirerez ung des plus beaulx enseignemens et plus espaisses moralitez de tous les contes que vous lirez en vostre vie, horsmis bien seur ces dicts cent glorieux Contes drolaticques. Asçavoir que iamais adventure de cet acabit ne seroyt escheue aux natures molles et flétries des gueux de Court, gens riches et aultres qui creusent leur tumbe avecques leurs dents en mangiant oultre mesure et beuvant force vins qui guastent les outils à faire la ioye, lesquels gens trez-pansus belutent sur de cousteuses merceries et licts de plumes, tandis que le sieur de Bonne-Chose couchioyt sur la dure. En semblable occurrence, s’ils avoyent mangié des choux moult eussent chiez pourrées. Cecy peut inciter plusieurs de ceulx qui liront cettuy Conte à changer de vie, à ceste fin d’imiter le Vieulx-par-chemins en son aage.