Les Chansons des trains et des gares/La dernière ronde

Édition de la Revue blanche (p. 71-73).


LA DERNIÈRE RONDE


Nous n’irons plus aux gares,
Tous les trains sont coupés :
Il s’est bien rattrapé,
Le syndicat Guérard !
Orléans, Saint-Lazare
Et la gare du Nord,
Et Montparnasse encor,
Lyon, l’Est, et Sceaux même,

Nous n’irons plus aux gares,
Tous les trains sont coupés…

Ah ! que Dieu nous pardonne !
Qu’est-ce que nous ferons :
Restera la maison, —
(Femme, enfants, et la bonne) !… —
Ne plus prendre le train,
Reprendre le train-train,
De la vie monotone…
Comme le temps me dure
De la grande ceinture !
Allons plutôt à pié
Jusques à Saint-Mandé…

Et l’on vendra les rails
À la vieille ferraille,
Et l’on prendra les disques
Pour jouer aux oublies
À un sou la partie :
— Tâche d’en gagner dix !… —

Nous n’irons plus aux gares,
Tous les trains sont coupés :
La belle que voilà

Ira les ramasser. —

La belle qui ramasse
Les trains à bout de bras,
Qui vous épousera
Ne manque pas d’audace !…

Ne manque pas d’audace,
Et même de santé,
(Tu parles !…) ;
Je sais que, pour ma part,
J’aime mieux m’en aller :
Bonsoir, belle ! et bonsoir
Toute la société !…

Nous n’irons plus aux gares…