Les Châtiments/Querelles du sérail

Les ChâtimentsHetzel-QuantinO.C. tome 4 (p. 145-146).


V

QUERELLES DU SÉRAIL


Ciel ! après tes splendeurs qui rayonnaient naguères,
Liberté sainte ; après toutes ces grandes guerres,
Tourbillon inouï ;
Après ce Marengo qui brille sur la carte,
Et qui ferait lâcher le premier Bonaparte
À Tacite ébloui ;

Après ces messidors, ces prairials, ces frimaires,
Et tant de préjugés, d’hydres et de chimères,
Terrassés à jamais ;
Après le sceptre en cendre et la Bastille en poudre,
Le trône en flamme ; après tous ces grands coups de foudre,
Sur tous ces grands sommets ;


Après tous ces géants, après tous ces colosses,
S’acharnant malgré Dieu, comme d’ardents molosses,
Quand Dieu disait : va-t’en !
Après ton océan, république française,
Où nos pères ont vu passer Quatrevingt-treize
Comme Léviathan ;

Après Danton, Saint-Just et Mirabeau, ces hommes,
Ces titans, — aujourd’hui cette France où nous sommes
Contemple l’embryon !
L’infiniment petit, monstrueux et féroce !
Et, dans la goutte d’eau, les guerres du volvoce
Contre le vibrion !

Honte ! France, aujourd’hui, voici ta grande affaire :
Savoir si c’est Maupas ou Morny qu’on préfère,
Là-haut, dans le palais ;
Tous deux ont sauvé l’ordre et sauvé les familles ;
Lequel l’emportera ? l’un a pour lui les filles,
Et l’autre, les valets.


Bruxelles, janvier 1852.