Les Cérémonies faites dans la nouvelle chapelle du château de Bicêtre le 25 août 1634


Les ceremonies faites dans la nouvelle chapelle du chasteau de Bissestre, suivant l’ordonnance de Monseigneur l’Archevesque de Paris, à l’establissement de la pieté et charité du Roy, en la Commenderie de Sainct-Louis, soubs la conduitte de Monseigneur l’Eminentissime cardinal duc de Richelieu, pair de France, le jour et feste de sainct Louis, Ie 25 aoust 1634.

1634



Les ceremonies faites dans la nouvelle chapelle du chasteau de Bissestre1, suivant l’ordonnance de Monseigneur l’Archevesque de Paris, à l’establissement de la pieté et charité du Roy, en la Commenderie de Sainct-Louis, soubs la conduitte de Monseigneur l’Eminentissime cardinal duc de Richelieu, pair de France, le jour et feste de sainct Louis, le 25 aoust 1634.
À Paris, chez Jean Brunet, ruë Neufve-Sainct-Louis, au Trois de chifre2.
1634. In-8.

Il faut confesser avec verité que la France et tous ceux de la lignée de ce grand et très pieux Roy sainct Louis ont des graces et des faveurs du ciel qui ne sont communiquées à aucun empire du monde, et des prérogatives par dessus tous les autres princes de la terre.

Si jamais nous avons remarqué les effets de la providence divine dans la conduitte d’aucuns de nos Rois, il nous faut admirer ceux que nous voyons journellement dans les heureux succez des justes entreprises et affaires (puis que d’autres il n’entreprend) de notre monarque françois Louis XIII.

C’est Louis le Juste, autant heritier de la piété et de la devotion de ce grand Roy sainct Louis, que de son sceptre et de sa couronne, puis que par ses bonnes vie et mœurs, nous voyons autant et plus de prosperitez dans la France que soubs ce grand sainct son ayeul.

Ce pieux Roy (parangon de toute saincteté) estoit grandement zelateur de la justice, et judicieux à mesnager de son espargne pour le soulagement de son peuple. Ne voyons-nous pas aussi que nostre cher Louis a un singulier soing de ses sujets, tel que celuy qu’un bon père a de ses enfans ?

Toutes les nations de la terre sçavent combien il a ruiné de mauvais desseins pour asseurer la paix dans son Estat, et la tranquillité parmy ses peuples.

Sainct Louis, voyant quantitez de desordres et de dissolutions effrenés de vivres, sans religion, sans justice, sans police, et sans aucune consideration des sujects, voulut (comme il fit), ayant donné la paix à son peuple, y apporter un meilleur ordre, ce qui luy succeda doucement et heureusement : aussi Dieu fortifioit de son assistance ses sainctes inspirations.

Ne voyons-nous pas les mesmes procedures en ce genereux Roy Louis XIII, lequel par ses indicibles travaux a terrassé l’heresie qui troubloit son royaume, et (ainsi que son ayeul S. Louis) a restably la religion en sa gloire et donné la plus parfaite paix qui aye jamais esté souhaitée à son peuple, et que maintenant avec ses très illustres ministres, vrais conservateurs de son Estat, que sa Majesté n’a plus grande recommandation que d’establir un bon ordre dans son royaume, d’y entretenir la vraye religion de ses pères, et faire regner la justice pour la conservation de ses sujets ?

Ainsi par la consideration de ses belles, genereuses et pieuses actions, son peuple le doit justement appeler leur père, la noblesse son prince, les lois leur gardien et tuteur, la France son Roy, son eglise galicane son protecteur et deffenseur, et les pauvres l’autel commun des affligez.

Entre toutes les vertus de sainct Louis, son historiographe rapporte qu’il estoit fort judicieux à bien recognoistre et recompenser les bons offices, et services qui luy estoient rendus avec affection et fidelité.

Se peut-il trouver aucun qui ayant tant soy peu manifesté son affection au service de nostre bon prince qui n’aye reçu de sa Majesté toutes sortes de contentement, d’amour et de recompenses, et voire mesme plus que jamais ils n’en eussent esperé, tant son bon et royal naturel est porté à recognoistre par ses bienfaits ses bons et fidèles serviteurs ?

Se peut-il voir encore un plus grand amour de charité que celuy que sa Majesté a de nouveau estably d’une commenderie fondée au nom de son ayeul sainct Louis, au lieu et place du chasteau de Bissestres3, en laquelle, par l’ordre et conduitte de ce prudent et très genereux cardinal duc de Richelieu, judicieux pilote de son Estat, y doit estre admis pour estre nourris et entretenus tous les pauvres soldats que le sort de la guerre a rendu infirmes, et hors de pouvoir gaigner leurs vies4 ?

Or, comme les principales intentions de ce grand Roy et de cet esminent cardinal sont de commencer toutes choses pour la gloire de Dieu, à celle fin que tout ce qui reste à faire en succèdent mieux, Sa Majesté auroit donc voulu qu’après les enlignements de cète charitable place auroient estez pris, suivant le dessein qui en a esté faict par l’ordre de Monseigneur l’eminentissime cardinal, à qui elle a confié la conduite de ceste piété, qu’on commença à la construction d’une petite chapelle qui seroit nommée du nom de son ayeul sainct Louis, à celle fin que dans icelle, en atendant le bâtiment de l’eglise qui doibt estre dans le lieu, que les ouvriers et autres y fissent leurs exercices de devotion, et voulant sa dite Majesté que, pour ce faire, le service divin commençast à s’y dire le jour et feste de Sainct Louis.

Pour mettre en exécution la pieuse devotion du Roy, le sieur de Saint-Germain, choisi pour ses merites, tant par sa Majesté que par mon dit seigneur l’eminentissime cardinal, pour la direction et conduite du bastiment de ceste commenderie, auroit en toute diligence fait bastir et eslever une chapelle dans le milieu du dessein, où doit estre basty la grande eglise de ceste place, et par la grande diligence qu’il auroit fait apporter, ceste chapelle a esté en cinq à six jours en estat d’un lieu de dévotion.

Or, comme il faut que toutes choses soient reglées selon les cas, et notamment celles qui regardent le culte divin, cette chapelle, ainsi promptement ediffiée, et en estat d’y celebrer la sainte messe, suivant la volonté du Roy, ledit sieur de Saint-Germain en auroit donné advis à Monseigneur l’illustrissime archevesque de Paris, pour obtenir de luy la permission de faire celebrer en cette dite chapelle le service divin, et de nommer qui luy plairoit pour ce faire.

Son illustrissime reverance, pour satisfaire à la devotion de sa Majesté, auroit commis messieurs le Grand Penitentier et Promoteur pour se transporter sur les lieux du chasteau de Bissestre, avec monsieur Davou, l’un des chanoines de l’eglise Nostre-Dame, pour voir et visiter si ladite chapelle, bastie dans ce dit lieu, estoit en estat requis d’y celebrer la sainte messe, pour à leur rapport en ordonner ce que de raison, attendu l’importance de ceste place, qui a esté par cy-devant l’azille et le receptacle des mauvaises actions de personnes mal vivantes.

Pour ce faire, les dits sieurs Grand Penitentier, Promoteur et Davou, se transportèrent sur les dits lieux du chasteau de Bissestre, le mercredy sur les quatre heures après midy, 28 juillet 1634, et après que ledit sieur de Sainct-Germain leur eust fait entendre qu’elle estoit la volonté du Roy et de Monseigneur l’eminentissime cardinal duc, il leur fit voir en quel estat ladite chapelle estoit.

Les dits sieurs commissaires voyant le peu qui restoit à faire pour mettre en estat ladite chapelle, pour y celebrer la saincte messe le jour et feste de Sainct-Louys, ainsi qu’estoit la volonté de sa Majesté, et sur les asseurances que leur auroit données ledit sieur de Sainct-Germain de faire orner richement la dite chapelle de tout ce qui seroit necessaire pour une si celèbre action, lesdits sieurs commissaires en auroient fait leur rapport au dit seigneur archevesque.

Surquoy il a esté ordonné que le curé de Gentilly, comme estant pasteur dans l’estenduë de ceste chapelle du chasteau de Bissestre, commenceroit, avec ses prestres habituez et autres, les ceremonies de l’establissement de la devotion dans ce lieu, par une benediction, suivant ce qui est prescript dans le manuel de l’eglise de Paris, et en suitte de ce, les premières vespres de l’office de sainct Louys, dont la dite chapelle doit porter le nom, le lendemain les matines du jour et la grand’messe, et ainsi tout le reste de l’office de la ferie.

Pour l’ornement de ceste chapelle, ledit sieur de Sainct-Germain y a fait porter une quantité de ses riches tableaux de devotion ; plus, a aussi par sa vigilance recherché les plus beaux et riches ornemens qui luy a esté possible, pour la celebration du service divin.

Et le tout estant ainsi richement paré de tapisseries, beaux tableaux, et d’exquis ornements, les ceremonies se sont devotement faictes, suivant l’ordonnance dudit seigneur archevesque.

À cet establissement de devotion y est accouru un nombre infini de peuples, tant de la ville que des faux-bourgs de Paris, qui y ont fait prières à Dieu pour le Roy, et ont admiré et loué la grande charité de sa Majesté, et le grand zèle dudit seigneur cardinal duc.

Ce grand Roy imitant donc les actions du debonnaire et pieux sainct Louis, elles seront tousjours agreables à Dieu, et regnera selon son cœur.

Ce qui nous oblige estroitement (pour ne rien oublier de ce qui est de nostre devoir) de considerer tout ce que nous luy devons, et luy offrir en holocauste d’amour nos cœurs irnpollus de toutes affections estrangeres, n’estant nez François que pour luy et ses successeurs ; que nos vœux et nos prières fructifient du germe d’un sainct amour, pour les porter droict au ciel, pour impetrer de ceste sagesse immense qui tient le cœur des Roys en sa main qu’elle conserve tousjours son cher Louis, nostre Salomon françois, nourrisson des anges, et que son regne soit tousjours rempli de gloire et de prosperité.

Les maistres entrepreneurs et ouvriers de ce superbe bastiment, voulans contribuer de leur part à cette devote ceremonie, ont presenté à leur patron sainct Louis, dans ce lieu, un haut et puissant May, auquel sont attachées en grands tableaux les armes de sa Majesté d’un costé, et celles dudit seigneur cardinal duc de l’autre.



1. Ce château, bâti au XIIIe siècle, sur l’emplacement de la Grange aux Queux, par Jean, évêque de Wincester, dont le nom, altéré dans le langage parisien, devint celui de Vicestre ou Bicestre, étoit passé, au siècle suivant, entre les mains du duc de Berry, frère de Charles VI, qui en avoit fait don au chapitre de Notre-Dame. Jusqu’en 1632, il ne chagea plus de propriétaire. C’est Louis XIII qui l’acheta alors. Il tomboit en ruine, et il fallut le rebâtir tout entier. » L’an 1632, lit-on dans le Supplément des Antiquités de Paris de Du Breuil, 1639, in-4, p. 87, ce château fut entièrement rasé jusqu’aux fondements, et de la grande place où il estoit on desseigna y faire un lieu pour y loger et recevoir les soldats estropiez aux guerres pour le service du Roy, et, dès lors, on commença la closture des murailles, avec quatre pavillons aux quatre coings, où on fit bastir une chapelle qui fut béniste par l’archevesque. »

2. Sur cette enseigne, V. notre t. 6, p. 5, note.

3. « L’an 1633, lit-on encore dans le Supplément de Du Breul, p. 87, le Roy fit une déclaration par laquelle il se déclaroit fondateur d’une commanderie qui se commençoit avoir lieu sous le nom de Sainct-Louys, et dès lors les allignements furent pris pour les bastiments, qui doivent être en quarré… »

4. La maison de la Charité chrestienne, fondée par Nicolas Houel, rue de Lourcine, avec le patronage royal de Henri III et de son successeur, avoit été le premier asile qu’on eût ouvert aux soldats invalides. V. notre t. 6, p. 64–65, note, et Isambert, Anciennes lois franç., t. 14, p. 599 ; t. 15, p. 301. Pendant la Fronde, Bicêtre leur servoit encore de refuge ; mais une partie des bâtiments, qui s’étoient construits à grand peine et surtout lentement, car en 1639 ils étoient loin d’être achevés, souffrirent beaucoup des troubles : ils furent presque démolis. Les invalides, réfugiés dans ce qui avoit été respecté, furent sollicités à la révolte par les Frondeurs. Ils s’y seroient laissé entraîner si, lit-on dans une mazarinade, l’influence factieuse n’eût été heureusement combattue « par un ecclésiastique de grande maison, qui, avec un autre ecclésiastique et un maréchal de France, avoit été chargé de la conduite de Bicêtre. » (Remontrance au peuple par L. S. D. N. L. S. C. E. T., 1649, in-4.) — Jusqu’en 1656 les invalides y restèrent. Cette année-là, par ordonnance royale en date du 27 avril, les enfants trouvés durent prendre leur place, « en attendant, lit-on dans l’ordonnance, que les pauvres fussent renfermez, à quoy les lieux et bastiments de Bicestre ont été par nous affectez, revoquant, en tant que de besoin seroit, tous autres brevets et concessions qui pourroient en avoir été obtenus en faveur des pauvres soldats estropiez. » Quelque temps après, Bicestre recevoit sa part des dix mille pauvres dont on avoit fait raffle dans les rues de Paris. V. notre édit. du Roman bourgeois, p. 311, note.