Les Belles-de-nuit ou Les Anges de la famille/Tome 2/13

Méline, Cans et Compagnie (Tome IIp. 244-261).


XV

deux tombes.


On entendait jusque dans la chambre de l’Ange le son métallique et vibrant de la grande pendule du salon, qui sonnait lentement neuf heures.

C’était le soir de la messe funèbre, dite à la paroisse de Glénac, pour Diane et Cyprienne de Penhoël.

La veille, à ce même moment, la grande pendule du salon aurait bien pu sonner pendant un quart d’heure sans que personne y prit garde, au milieu des joyeux bruits de la fête. Mais c’était du plaisir que les hôtes de Penhoël étaient venus chercher au manoir ; ils avaient fui devant ce deuil qui s’était glissé tout à coup parmi la joie promise.

Que faire en une maison mortuaire ? Les hôtes de Penhoël étaient tous partis jusqu’au dernier. À présent, au lieu des gaies rumeurs du bal, on avait le silence morne ; au lieu de cette foule remuante et rieuse qui animait les verts bosquets du jardin, la solitude ; au lieu des illuminations prodiguées, les ténèbres épaisses et muettes.

On eût dit une maison abandonnée. Sur toute la façade du manoir on ne voyait que deux lueurs faibles et perçant à peine la soie des tentures ; une de ces lumières brûlait chez René de Penhoël, l’autre éclairait la chambre de l’Ange.

Madame était assise au chevet de sa fille, dont les yeux alourdis par les larmes venaient de se fermer depuis quelques minutes. Blanche dormait d’un sommeil inquiet et plein de tressaillements. La douleur qui l’avait navrée durant tout le jour revenait sans doute en ses rêves, car la pauvre enfant se plaignait et gémissait dans son sommeil.

Blanche avait bien pleuré ; Cyprienne et Diane n’étaient plus là, ses deux cousines qu’elle aimait tant ! La veille encore, elle enviait leur sourire, et maintenant on les avait mises en terre. La pauvre Blanche avait subi, durant toute la journée, cette douleur pleine d’étonnement et d’effroi qui prend les enfants au premier aspect de la mort.

À son âge et quand on n’a pas vu encore s’en aller pour jamais une personne chère, on ne croit pas tout de suite à l’éternelle séparation. L’esprit repousse longtemps l’idée de la mort, et de vagues espoirs s’obstinent au fond du cœur.

Blanche avait pensé plus d’une fois dans la journée que tout cela était un songe funeste. Dès que ses paupières se fermaient, fatiguées de larmes, elle croyait voir les douces figures de ses cousines sourire à son chevet.

Est-ce qu’on meurt ainsi toute jeune et toute belle ? Est-ce que la tombe peut s’ouvrir au seuil de la salle de bal ?

Les yeux de l’Ange étaient rouges et humides encore. Le sommeil l’avait surprise, sans doute, au milieu d’une prière, car ses mains restaient jointes sous sa couverture. Elle était beaucoup plus changée que le soir de la Saint-Louis. La maladie ne pouvait point lui enlever son exquise beauté, mais son visage portait les traces de la souffrance physique et de l’affaiblissement.

Il n’en fallait pas tant d’ordinaire pour que l’œil de Madame, attentif et inquiet, ne quittât pas un seul instant les traits de sa fille chérie. Mais aujourd’hui, Marthe de Penhoël tenait ses regards cloués au sol et semblait oublier la présence de l’Ange.

Elle n’entendait pas la plainte qui s’exhalait de la bouche de sa fille ; elle ne voyait point la pauvre enfant s’agiter sur son lit, et pâlir parfois tout à coup aux élancements d’une douleur plus aiguë.

La figure de Marthe semblait être de pierre. Depuis la tombée du jour, elle était assise à la même place. Elle n’avait pas fait un mouvement.

Ses yeux, fixés à terre, n’avaient point de pensée. Le sang avait abandonné complétement sa joue livide et comme morte.

Plusieurs fois avant de s’endormir, accablée, Blanche lui avait adressé la parole. Point de réponse.

Et c’était étrange ! Madame accueillait si avidement d’ordinaire chaque mot tombant des lèvres de sa fille !…

Elle n’entendait pas. Quand une torture trop poignante déchire l’âme, on devient insensible et sourd.

Mais quelle était cette torture ? Du vivant des filles de l’oncle Jean, Marthe de Penhoël était bien froide envers elles. La mort des deux pauvres enfants l’avait-elle donc changée au point de mettre à la place de sa froideur des regrets navrants et passionnés ?

Ou sa douleur avait-elle une autre cause ?

Marthe était seule, et nulle oreille amie ne s’ouvrait pour recevoir sa confidence. Sa pensée restait un secret entre elle et Dieu.

Quand le son de la pendule du salon arriva jusqu’à son oreille, à travers les murailles épaisses, sa tête, qui se renversait au dossier de son fauteuil, se pencha en avant, comme pour écouter.

Elle compta jusqu’à neuf : puis ses mains se croisèrent froides et blanches sur sa robe de deuil.

— Neuf heures !… murmura-t-elle d’une voix brève et altérée ; la dernière fois qu’elles chantèrent, l’heure sonna pendant le second couplet… Je m’en souviens, c’était neuf heures !

Elle s’arrêta comme si son esprit eût écouté en songe une lointaine mélodie.

Puis deux larmes brillèrent dans ses yeux, jusqu’alors secs et brûlants.

Elle se prit à dire lentement, et comme si elle n’avait point eu la conscience de ses propres paroles, les derniers vers du chant des Belles-de-Nuit :

Cette brise, c’est ton haleine,
Pauvre âme en peine ;
Et l’eau qui perle sur les fleurs,
Ce sont tes pleurs…

Un long soupir souleva sa poitrine.

— Toutes deux !… murmura-t-elle ; s’il revient… que lui dirai-je ?…

En ce moment, Blanche rendit une plainte plus distincte ; Madame releva les yeux sur elle, mais son regard, au lieu de cet amour exclusif et jaloux qui l’animait naguère lorsqu’elle contemplait l’Ange, exprima une sorte de colère concentrée.

— Mademoiselle de Penhoël !… prononça-t-elle avec un sourire amer ; l’héritière !… Toutes les joies vous étaient dues !… Tous les respects… et tout l’amour !… Pour elles, rien !… Étaient-elles moins belles ou moins bonnes ?… Mon Dieu ! mon Dieu ! toutes mes caresses étaient pour l’une, et les autres souffraient, dédaignées… les autres qui se dévouaient et qui mouraient pour moi !…

Ses sourcils étaient froncés ; son regard se fixait toujours, dur et froid, sur Blanche endormie.

— Mademoiselle de Penhoël !… répéta-t-elle avec une amertume croissante ; la fille de la maison !… Les autres s’asseyaient au bas bout de la table… et n’était-ce pas par charité qu’elles mangeaient le pain du manoir ?…

Elle se leva d’un mouvement brusque, et continua en s’adressant à l’Ange, comme si la pauvre enfant eût pu l’entendre :

— Vous leur aviez tout pris, vous !… leur place dans le monde… leur héritage… jusqu’au sourire de leur mère !…

Une larme vint mouiller les cils baissés de Blanche qui rêvait. La tête de Madame se pencha sur sa poitrine.

— Jusqu’au dernier jour !… reprit-elle ; oh !… il m’a fallu rester auprès de votre lit, tandis que des étrangers jetaient la terre bénite sur leur tombe !… Abandonnées !… abandonnées depuis le berceau jusqu’à la mort !…

Elle se couvrit le visage de ses mains et garda le silence durant quelques minutes ; puis, se redressant tout à coup, elle dit avec un élan de passion :

— Après la mort, du moins, on peut les aimer, je pense !… Dormez heureuse, Blanche de Penhoël… Pour la première fois, je vais vous abandonner, ma fille, afin de prier pour elles !…

Marthe oublia de mettre un baiser sur le front de sa fille. Elle traversa la chambre à pas lents et s’engagea dans les corridors du manoir, après avoir fermé la porte à double tour.

Elle ne rencontra ni valets ni maître sur son chemin. La maison semblait déserte.

Une fois dehors, elle pressa le pas pour se diriger vers la paroisse de Glénac, qui était distante d’un grand quart de lieue.

Le temps était lourd et accablant comme la veille ; seulement une brise tiède soufflait par rafales et déchirait çà et là le voile de nuages qui couvrait le ciel. La lune se montrait par intervalles, faisant sortir des ténèbres les marais et les montagnes. Cela durait une minute, et tout disparaissait, envahi de nouveau par la nuit victorieuse.

Le long de la route solitaire, Marthe de Penhoël chancela plus d’une fois, car elle était bien faible. Plus d’une fois elle s’arrêta saisie d’une sorte d’épouvante, parce qu’un rayon de lune glissant tout à coup à travers les arbres lui montrait, couchées sur l’herbe, deux enfants immobiles et endormies dans leurs robes blanches…

D’autres fois, quand son regard se tournait vers le marais qui s’étendait sur sa gauche à perte de vue, il lui semblait qu’une voix triste murmurait à son oreille les mélancoliques paroles du chant breton.

C’était l’heure où les vierges mortes viennent pleurer la vie sous les saules. Marthe apercevait comme des ombres vagues qui se mouvaient au bord de l’eau. Pauvres belles-de-nuit !… Marthe était une fille de la Bretagne. Ses yeux se mouillaient de larmes, et ses bras s’étendaient vers les saules.

Elle poursuivait sa route. Autour de son intelligence frappée il y avait comme une brume. Ses pensées flottaient, confuses. Elle se surprenait à sourire au milieu de ses larmes, et ne trouvait plus la fin de la prière commencée…

Elle avait tant souffert !

Le cimetière de Glénac fait le tour de la petite église, dont les murailles indigentes et décrépites s’élèvent à mi-coteau, dominant tout le passage que nous avons décrit plus d’une fois. L’unique rue du bourg descend tortueusement vers le marais et baigne ses dernières maisons dans les grandes eaux, lorsque vient le déris. Le tournant de Trémeulé est situé sur la paroisse de Glénac, et la Femme-Blanche a mis bien des fois en branle les cloches de la flèche pointue et bleue, pour sonner le glas des noyés. Derrière l’église il y a deux grands ifs, si touffus qu’on ne voit point le ciel à travers leurs branches. Ils dépassent en hauteur la croix de pierre qui marque, sur la toiture, la place de l’autel. Les vieillards disent que les pères de leurs grands-pères ont vu ces arbres hauts et touffus déjà : ils ont des siècles d’âge…

Entre les deux ifs, une balustrade en bois séparait du commun des tombes un espace carré : c’était la sépulture de Penhoël depuis qu’on n’enterrait plus sous les dalles de l’église.

Marthe entra dans l’enceinte où la lumière de la lune lui montra les deux tombes toutes fraîches et que nulle pierre ne recouvrait encore.

Marthe se mit à genoux entre les deux tombes, et demeura longtemps immobile. L’air sentait l’orage : le vent commençait à se lever, fouettant l’atmosphère pesante ; le gras feuillage des ifs s’agitait par intervalles, et la girouette de l’église, tournant à ce souffle incertain qui précède la tempête, jetait dans la nuit sa plainte rauque.

Marthe n’entendait rien ; seulement, quand le vent portait et que le bruit sourd du tournant de Trémeulé montait jusqu’à elle, son corps semblait éprouver un choc soudain.

Elle savait que les cadavres des deux jeunes filles avaient été retrouvés sous la Femme-Blanche.

Les minutes s’écoulaient. Marthe restait toujours muette et sans mouvement. Au bout d’un quart d’heure environ, elle rejeta en arrière ses longs cheveux qui lui couvraient le visage, car elle était sortie tête nue. Sans l’ombre épaisse projetée par les deux ifs, on eût pu voir en ce moment sur ses traits un sourire tranquille et doux.

Sa douleur s’endormait en un rêve…

— Diane !… dit-elle tout bas.

Et comme le silence répondait seul à cet appel, Marthe se tourna vers l’autre tombe.

— Cyprienne !… dit-elle encore.

Toujours le silence.

Marthe mit ses deux mains sur son cœur ; un éclair se faisait dans la nuit de son intelligence.

— C’est donc bien vrai !… murmura-t-elle. Je ne verrai plus leur sourire !… Elles sont là toutes deux dans la terre !… M’entendent-elles ?… Savent-elles comme je les trompais… et tout ce qu’il y avait pour elles d’amour au fond de mon cœur ?…

Elle joignit ses mains sur ses genoux ; ses yeux ne pouvaient point pleurer, mais dans sa voix brisée il y avait des larmes.

— Pauvres enfants ! reprit-elle ; pauvres enfants chéris !… Belles âmes qui viviez de dévouement et de tendresse ! Elles se croyaient dédaignées… Autour d’elles, il n’y avait que froideur… et jamais une plainte !… Il y a deux jours encore ; quand je les trouvai agenouillées à mes côtés comme deux anges consolateurs, elles me parlèrent de mourir pour moi… Et moi je n’eus que des paroles de raillerie !… Oh ! pitié !… pardon !… je vous aimais ! je vous aimais !…

Des pleurs brûlants inondaient maintenant sa joue, et des sanglots soulevaient sa poitrine haletante.

— Je vous aimais !… poursuivit-elle en faisant signe de presser contre son cœur une personne chère ; Dieu le savait… Dieu voyait mes larmes et connaissait mon martyre !… Oh ! vous ne souffriez pas seules, pauvres enfants !… Et maintenant que vous êtes des saintes dans le ciel, priez pour moi qui reste après vous à souffrir !…

Elle n’avait plus de voix. Le silence régna dans le cimetière.

Quand Marthe reprit la parole, son accent était doux et tout plein de caresses.

— Dieu est bon…, dit-elle ; je sens bien que je ne serai pas longtemps sans vous revoir… Que de baisers quand nous serons toutes ensemble ! Je ne me cacherai plus… Je vous montrerai mon âme… Nous aimer !  !… nous aimer !… ce sera notre joie dans le paradis !

Elle tressaillit et releva tout à coup sa taille affaissée.

— Blanche !… dit-elle, comme si une voix eût murmuré ce nom à son oreille ; c’est vrai… je l’avais oubliée…

Puis elle ajouta avec amertume :

— Toujours elle entre vous et moi… Toujours !… Et vous l’aimiez, pauvres martyres, cette enfant heureuse qui vous prenait ma tendresse… Blanche !… oui, je suis sa mère… il faut que je veille sur elle… et je n’ai pas le temps de rester avec vous !…

Avant de se relever, elle toucha de ses lèvres la terre humide qui recouvrait les deux tombes.

— Au revoir !… murmura-t-elle, je reviendrai demain.

Elle sortit du cimetière. Tandis qu’elle reprenait la route parcourue, le vent, qui gagnait à chaque instant en violence, la frappait au visage. Au bout de quelques minutes, l’espèce de voile qui était sur son esprit se déchira. Durant l’heure qui venait de s’écouler, elle avait agi et parlé comme en un rêve. Maintenant elle se retrouvait tout à coup en face de la réalité ; la pensée de sa fille envahissait de nouveau son cœur.

Elle n’avait pas tout perdu, puisque Blanche lui restait, Blanche son cher trésor !…

Si on lui eût rappelé l’amertume récente de ses paroles, alors qu’elle s’agenouillait entre les deux tombes, Marthe n’y aurait point voulu croire.

Reprocher à l’enfant adorée l’amour qu’on lui prodiguait, n’était-ce pas un blasphème ? Marthe pressait le pas.

Elle se disait que l’Ange se serait peut-être réveillée durant son absence, et qu’elle aurait appelé en vain.

Elle se voyait d’avance rentrant dans la chambre un moment désertée et s’élançant vers le petit lit pour couvrir de baisers le front de l’Ange… de l’Ange qui souriait contente et guérie…

Oh ! il y avait encore du bonheur dans sa misère !

Ces pauvres cœurs frappés prennent tout à l’extrême. Ils n’ont plus de règle parce que leur force est brisée. On les voit passer du désespoir à l’allégresse, et tout sentiment chez eux semble exalté par une sorte de fièvre.

L’âme de Marthe s’inondait de joie. Blanche était tout pour elle en ce moment. Toutes ses facultés d’aimer se rattachaient à Blanche.

Le même paysage triste était toujours autour d’elle : la colline, tantôt ensevelie dans la nuit, tantôt effleurée par la lueur pâle qui tombait de la lune ; le marais immense et plat, au milieu duquel se dressait la fantastique figure de la Femme-Blanche, qui aurait dû lui parler encore des deux jeunes filles mortes…

Mais elle ne voyait plus avec les mêmes yeux. Il lui semblait que la nuit souriait au-devant de ses pas. Elle était forte ; sa marche ne chancelait plus. Elle se hâtait, consolée, parce qu’elle voyait briller au loin, sur la façade sombre du manoir, la lumière qu’elle avait laissée dans la chambre de sa fille.

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Vers cette même heure, un cavalier suivait la route de la Gacilly à une demi-lieue de Redon.

Ce cavalier avait la même pensée que Madame, et son cœur joyeux battait bien fort au souvenir de Blanche qu’il allait revoir.

C’était Vincent de Penhoël arrivant de Brest, à l’aide des pièces d’or que Berry Montalt, le nabab de Mascate, lui avait données.

Vincent avait payé le capitaine anglais et s’était dirigé vers l’Ille-et-Vilaine, sans passe-port, au risque de tomber entre les mains de la justice. Il était si pressé de revoir Penhoël !

Il poussait son cheval, et ne s’inquiétait guère plus que Madame de l’orage menaçant, qui courbait déjà les branches flexibles des taillis.

Comme il arrivait à la hauteur du bourg de Bains, dans ce même chemin creux où nous avons vu l’armée du uhlan Bibandier arrêter jadis Robert et Blaise, il entendit au-devant de lui le pas d’un cheval, et l’instant d’après un cavalier passa au grand galop à son côté.

Vincent crut apercevoir confusément que le cheval portait un double fardeau, un homme et une femme.

Cela ne le regardait point assurément, et pourtant son cœur se serra.

Sans se rendre compte de ce qu’il faisait, il appela le cavalier et le somma de s’arrêter.

Mais celui-ci avait déjà disparu à un coude de la route. Vincent n’eut point de réponse.

Un irrésistible instinct lui fit tourner la tête de son cheval ; il fit même quelques pas en arrière, et la pensée que l’inconnu était beaucoup mieux monté que lui put seule l’arrêter.

Il continua sa route vers Penhoël la tête basse et frappé par un pressentiment triste qu’il ne pouvait point secouer.

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Madame venait de rentrer au manoir de Penhoël. Les corridors étaient toujours déserts. Elle trouva la porte de l’Ange fermée à double tour comme elle l’avait laissée.

Elle fit tourner vivement la clef dans la serrure et s’élança vers le lit les bras tendus, le sourire aux lèvres.

Le lit était vide.

Madame ne perdit point son sourire.

— Petite méchante, murmura-t-elle, qui a voulu me punir de l’avoir laissée seule un instant !…

Elle chercha en se jouant derrière les rideaux et sous les portières.

— Blanche !… appela-t-elle sans élever la voix, où es-tu ?

Blanche ne répondait pas.

Madame ouvrit les portes des cabinets et en fouilla les moindres recoins.

— Blanche !… répétait-elle d’une voix altérée déjà ; ne cherche pas à m’effrayer plus longtemps, ma fille… Si tu savais, je n’ai que trop de raisons de craindre !… Blanche !… Blanche !… je t’en prie !…

Elle tremblait ; mais elle souriait encore.

Tout à coup elle poussa un grand cri et se laissa choir sur ses deux genoux.

Elle venait de voir la fenêtre ouverte et la tête d’une échelle dont les derniers barreaux dépassaient le balcon…



FIN DU DEUXIÈME VOLUME.