Les Applications de la Physique

LES APPLICATIONS DE LA PHYSIQUE
Par M. Amédée Guillemin[1]

L’auteur du Ciel et des Phénomènes de la physique n’a pas besoin d’être recommandé au public ; depuis l’apparition de ce premier ouvrage qui, plusieurs fois réédité en France, a été traduit dans presque toutes les langues, M. Guillemin est accoutumé au succès. Le nouveau volume qu’il vient de faire paraître, offre un grand intérêt ; jamais sujets plus riches, plus merveilleux ne se sont offerts à un écrivain : les applications de la physique, ne comprennent-elles pas en effet une grande partie des prodiges accomplis par l’industrie moderne ? On a quelquefois reproché le manque d’animation, de mouvement à la manière de faire de M. Guillemin, mais nous préférons aux brillants effets d’un style coloré, la clarté la méthode, la précision, qui, ne l’oublions pas, sont les bases fondamentales du livre scientifique. Nous empruntons à ce bel ouvrage quelques passages qui ont vivement exité notre attention.

chemin de fer atmosphérique de new york.

Chemin de fer atmosphérique de New York. Le tube intérieur d’un wagon.

On vient de construire à New York, un petit chemin de fer atmosphérique d’une faible longueur, menant de Warren street à l’extrémité la moins élevée de la cité près de la rivière du Nord. Le tunnel de forme cylindrique porte à sa partie inférieure deux rails sur lesquels se meut un véhicule unique de voyageurs, qui a à peu près le même diamètre que le tunnel à l’intérieur de ce wagon. On conçoit bien que ces applications de la pression atmosphérique comme force motrice sont plutôt des expériences intéressantes, dont le succès en petit n’a rien de difficile, mais qui, à moins de perfectionnements non encore réalisés, ne paraissent pas susceptibles d’être mises en pratique sur une grande échelle. Ce n’est guère que dans les villes très-étendues et très-populeuses qu’un réseau souterrain de tubes pneumatiques pourrait être établi avec de grands avantages pour la circulation rapide des paquets et des dépêches télégraphiques ou postales.

explosion des torpilles.

Explosion des torpilles par l’électricité. — Système de défense des ports et des côtes du général Chazal.


L’explosion des premières torpilles n’était pas produite par l’électricité. Mais on songea bientôt aux avantages pouvant résulter d’une inflammation à distance, et qui restait à la volonté des autorités chargées de la défense. L’ex-ministre de la guerre en Belgique, le général Chazal, a combiné l’emploi de l’électricité avec celui de la chambre noire, d’une façon très-ingénieuse pour la défense de l’Escaut par les torpilles. Sous une tente protégée par un terre-plein, se trouve disposée la pile ou l’appareil d’induction qui détermine la production de l’étincelle. Là aboutissent séparément tous les fils qui relient électriquement les lignes des torpilles à l’appareil, et chacun d’eux est numéroté, de façon à rendre toute erreur impossible. Sur une table est placé un plan de l’Escaut, où les positions des lignes de torpilles sont indiquées, et qui n’est autre chose que la reproduction de la projection optique du fleuve par l’appareil de la chambre noire disposé au sommet de la tente. Supposons qu’un navire ennemi soit aperçu remontant le fleuve. L’officier chargé de la surveillance et du commandement pourra suivre de minute en minute la position qu’il occupe relativement aux lignes d’immersion des torpilles. Au moment opportun, il donnera l’ordre au marin chargé de l’appareil électrique, et indiquera le numéro du fil dont celui-ci doit fermer le circuit. Aussitôt l’explosion aura lieu. Des expériences faites, il y a quelques années, ont été, paraît-il, couronnées de succès. — Paris, pendant le siège, eut les abords de ses remparts et de ses forts protégés par un réseau de torpilles. Mais aucune attaque de vive force n’ayant eu lieu contre la grande cité, de la part de l’armée assiégeante, ce système de défense, d’ailleurs parfaitement organisé, n’a joué nécessairement qu’un rôle préventif.

dorure et argenture galvanique.

Balance Roseleur servant à déposer un poids déterminé d’argent, dans l’opération de l’argenture galvanique.

On peut, dans les opérations de dorure et d’argenture galvanique, employer un appareil qui règle automatiquement la durée de l’opération toutes les fois qu’on veut déposer, sur les objets à recouvrir, un poids fixé d’avance du métal précieux or ou argent. Cet appareil imaginé, par Roseleur, n’est autre qu’une balance disposée comme l’indique la figure ci-dessus.

À gauche, on voit l’appareil placé au-dessous du fléau, de manière que les objets à dorer ou à argenter soient supportés par ce dernier, lorsqu’ils plongent dans le bain. Une tringle horizontale, fixée à la colonne de la balance, porte d’un côté, l’anode soluble qui plonge dans le bain, et communique de l’autre avec le pôle positif de la pile. L’autre fléau porte un double bassin : dans le bassin supérieur on place une tare qui produit l’équilibre et maintient le fléau horizontal. Dans cette position, le courant ne passe pas, attendu que les tringles portant les objets qui doivent former le pôle négatif ne communiquent pas avec la pile. Mais si l’on place alors dans le second bassin de la balance, les poids marqués formant le poids du métal précieux qu’on veut déposer sur les objets immergés, l’équilibre est rompu, le fléau penche vers la droite ; une pointe métallique dont il est muni plonge dans un godet rempli de mercure relié au pôle négatif de la pile, et dès lors le circuit est fermé ; l’opération commence. L’opération dure, sans surveillance, tant que le dépôt n’a pas atteint l’excès de poids déterminé ; mais aussitôt que cette limite va être dépassée, l’équilibre se rétablit, le contact cesse, et le courant est interrompu.


  1. Un volume grand in-8o, contenant 427 figures et 22 planches. — L. Hachette. Paris, 1874.