Les Anacréontiques/L’Amour piqué par une abeille

XLI

L’AMOUR PIQUÉ PAR UNE ABEILLE


 
Cueillant des fleurs, Éros ne vit pas, un matin,
Dans le sein d’une rose une abeille endormie :
L’abeille lui piqua la main.
Aussitôt l’enfant-dieu fuit la mouche ennemie,
Et jetant là son frais butin,
Et criant, et courant, la figure éplorée,
Vers la charmante Cythérée :
« Ma mère, je me meurs, dit-il, je suis perdu !
Un petit serpent m’a mordu,
Serpent ailé, de ceux qui vont par les campagnes,
Volant des frais vallons aux cimes des montagnes,
Pillant partout le suc des fleurs,
Et que parmi les laboureurs
On connaît sous le nom d’abeilles. »
Et Cypris, souriant de ses lèvres vermeilles,
Répond à l’enfant courroucé :
« Si d’une abeille la piqûre
Fait tant souffrir, Éros, juge du mal qu’endure
Le cœur que ta flèche a blessé. »