Les Amours de Tristan/Le Mespris

Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 54-55).


LE MESPRIS.

STANCES.



NE te ris plus de mes douleurs
Perfide ſujet de mes pleurs,
Ingrate cauſe de mes plaintes :
Tu ne fais plus mes deſplaiſirs,
Mes triſteſſes ny mes ſouſpirs,
Tu ne me donnes plus d’atteintes,
Et pour toy ie n’ay plus de craintes,
D’eſperances, ny de deſirs.

Mon eſprit abhorre ta loy,
Tu m’as trop engagé ta foy,
Et me l’as trop ſouuent fauſſee :
Ie ſeray ſage à l’aduenir,
Ma peine commence à finir,
Toute mon ardeur eſt paſſee,
Et ie deffens à ma penſee
De m’en faire plus ſouuenir.

Ie pourrois auec raiſon
Punir ta laſche paßion,
Et te noircir d'vn iuste blaſme :
Mais ie commence à negliger
Le ſoin de te deſobliger,
Car cet obiect est trop infame
Pour n'effacer pas de mon Ame
La volonté de me vanger.

Penſers, mon aimable entretien,
Ne me repreſentez plus rien
Des charmes de ceſte cruelle :
Ne me venez point abuſer,
Ne me venez point excuſer
Les deffauts de ceſte Infidelle,
Et ne me parlez iamais d'elle
Si ce n'eſt pour la meſpriser.