Les Amours de Tristan/La Sage Considération

Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 212).


LA SAGE CONSIDERATION.

SONNET.



M ON ame, eſueille toy du dangereux ſommeil
Qui te pourroit conduire en des nuits eternelles :
Et chaſſant la vapeur qui couure tes prunelles,
Ne pren plus deſormais l’ombre pour le Soleil.

Ne croy plus de tes ſens le perfide Conſeil,
C’eſt aſſez adorer des Obiects infidelles :
Seruons à l’auenir des Beautez immortelles
Que l’on treuue touſiours en vn eſtat pareil.

Aimons l’Autheur du monde, il eſt ſans inconſtance,
Sa bonté pour nos vœux n’a point de reſiſtance,
Nous pouuons en ſecret luy parler nuit & iour :

Il cognoiſt noſtre ardeur & noſtre inquietude,
Et ne reçoit iamais de traits de noſtre amour
Pour les recompenſer de traits d’ingratitude.