Les Amours de Tristan/À des cimetières


À DES CIMETIERES.

SONNET.


SEIOVR melancolique, où les ombres dolentes
Se pleignent chaque nuict de leur aduerſité,
Et murmurent touſiours de la neceßité
Qui les contraint d’errer par les tombes relantes.

Oſſemens entaſſez, & vous pierres parlantes
Qui conſeruez les noms à la poſterité ;
Repreſentans la vie & la fragilité,
Pour cenſurer l’orgueil des Ames inſolentes.

Tombeaux, paſles teſmoins de la rigueur du Sort,
Où ie viens en ſecret entretenir la mort
D’vne Amour que ie voy ſi mal recompenſee :

Vous donnez de la crainte & de l’horreur à tous :
Mais le plus doux obiect qui s’offre à ma penſee
Est beaucoup plus funeſte & plus triſte que vous.