Les Amours de Tristan/À Monsieur le comte de Nançay

A

MONSIEVR

MONSIEVR

LE COMTE

DE NANÇAY.



Monsievr,

C’eſt auec beaucoup de raiſon que ie vous offre ces Vers d’amour, puis qu’il y en a vne partie que vous auez treuuez dignes de conſeruer en voſtre memoire : & d’autres que vos propres paſſions ont fait produire ; puis j’oſe dire que vous honorez de voſtre eſtime depuis vn aſſez long-temps celuy qui les a composez. S’il vous plaiſt que voſtre nom les deffende, MONSIEVR, ils n’auront point à craindre en allant par le monde, les Monſtres que leurs pareils y rencontrent : L’Enuie n’aura garde de les oſer attaquer, en les voyant marcher ſous la protections des Vertus, & des Graces qui vous accompagnent : Elle eſt auiourd’huy trop bien perſuadée de la grandeur de voſtre merite, pour ne porter pas de reſpect aux choſes que vous auoüez. Si voſtre modeſtie me permettoit de repreſenter icy vos excellentes qualitez, ie ferois voir comme vous auez paſsé pour vne Merueille de la Nature dés voſtre plus tendre ieuneſſe, ſoit par l’eclat d’vn Eſprit qui ſçait démeſler en vn moment les choſes les plus difficiles ; ſoit par les effets d’vne memoire ſans pareille, ſoit par vne grace à vous expliquer, qu’on n’obtient guere bien du Ciel. Ie dirois combien, cette noble audace qui s’eſt toûjours ſi glorieuſement conſeruée en ceux de voſtre Maiſon, vous rend amoureux des perils & vous fait auancer auec ardeur, partout où l’honneur vous appelle : Enfin, MONSIEVR, i’aprendrois aux Etrangers vne verité qui eſt cogneuë de toute la France : C’eſt qu’il y a peu de Seigneurs en ce Siecle qui ſoient accomplis comme vous eſtes ; Et que c’eſt dignement que vous portez l’Illustre nom de la CHASTRE & que vous marchez ſur les pas de ces fameux Anceſtres qui par vne ſi longue ſuite d’années ont merité qu’vne des plus belles & des plus importantes charges de la Cour, fuſt comme annexée à leur fidelité. Mais MONSIEVR, ie m’imagine que ie bleſſe voſtre retenuë, encore que ie ne face que toucher legerement à voſtre gloire : ie ſçay que vos loüanges vous font peine, bien qu’elles ſoient auſſi veritables que la paſſion que i’ay de vous teſmoigner que ie ſuis,


MONSIEVR,


Voſtre tres-humble, & tres-obeyſſant ſeruiteur,


TRISTAN l’Hermite.