Les Amours (1553)/Poème 158


Les amours de P. de Ronsard Vandomois, nouvellement augmentées par lui, & commentées par Marc Antoine de Muret. Plus quelques odes de l'auteur, non encor imprimées
chez la veuve Maurice de la Porte (p. 191).

Contre le ciel mon coeur étoit rebelle,
Quand le destin, que forcer je ne puis,
Me traina voir la Dame à qui je suis,
Ains que vestir cette escorce nouvelle.

Un chaut adonc de moëlle en moëlle,
De nerfs en nerfs, de conduits en conduits,
Vint à mon coeur: dont j’ai vescu depuis,
Or en plaisir or en peine cruelle.

Si qu’en voiant ses beautés, & combien
Elle est divine, il me resouvint bien
L’avoir jadis en paradis laissée:

Car des le jour que j’en refu blessé,
Soit pres ou loin, je n’ai jamais cessé
De l’adorer de fait ou de pensée.