Les Altérations de la personnalité (Binet)/11

Félix Alcan (p. 170-182).


CHAPITRE VII


L’ÉCRITURE AUTOMATIQUE CHEZ LES HYSTÉRIQUES

Écriture automatique. — Définition. — Procédé nécessaire pour la provoquer. — Ses caractères, son exagération chez les hystériques. — Son emploi. — Théorie. — L’écriture automatique ne consiste pas dans un simple réflexe d’idées. — Complexité du phénomène ; expérience de M. Babinski. — Expérience de M. Onanoff sur le temps de réaction. — Description générale des mouvements subconscients produits par des états psychologiques conscients. — Enregistrement de ces mouvements. — Influence de l’anesthésie sur leur développement. — Influence de l’intensité des excitations sur l’amplitude des mouvements.

I


La collaboration de plusieurs consciences, chez l’hystérique, se manifeste d’une façon tout à fait remarquable dans ce qu’on a appelé « l’écriture automatique » ; l’intérêt de ce phénomène se trouve encore augmenté par la fréquence avec laquelle il se produit dans un très grand nombre de circonstances, chez les spirites et même chez les sujets sains ; mais nulle part, croyons-nous, son mécanisme n’est aussi facile à étudier et à démontrer que chez les hystériques ; aussi la question mérite-t-elle bien d’être traitée dans un chapitre distinct.

Nous avons déjà parlé de l’écriture automatique et notamment au chapitre IV, quand nous cherchions à démontrer l’existence du personnage subconscient pendant l’état de veille. Rappelons brièvement les faits : nous avons vu que si on dirige la main anesthésique pour lui faire écrire un mot, la main répète ce mot ; c’est un premier exemple d’écriture automatique ; nous avons vu aussi que, dans une division de conscience produite par distraction, l’inconscient peut répondre par l’écriture aux questions qu’on lui pose à voix basse ; c’est un second exemple d’écriture automatique, et ici, l’écriture est plus développée, car elle ne se contente pas de reproduire la question, elle y répond.

Dans les deux circonstances que nous rappelons, le mouvement de l’écriture sert de moyen d’expression au personnage inconscient et, de plus, il traduit des perceptions et des idées qui appartiennent à ce personnage, et que la conscience principale ne connaît pas. La séparation des consciences est complète, absolue.

Dans nos recherches actuelles, où nous étudions les relations des consciences distinctes, l’écriture automatique va jouer un rôle différent ; elle va servir de trait d’union entre les deux consciences ; l’idée à traduire appartient à l’une des consciences, et le mouvement graphique qui exprime cette idée appartient à l’autre. On le voit, c’est une collaboration.

Voici comment l’expérience réalise cette collaboration. On prie l’hystérique de penser pendant quelque temps à un objet, ou à un mot ; on ne lui dit pas autre chose ; on ne lui commande de rien écrire, car si cet ordre lui était donné, on provoquerait un acte volontaire du genre de ceux que nous venons d’étudier dans le chapitre précédent ; en ce moment, ce n’est pas un mouvement que nous voulons étudier, mais une idée ; pour que le but soit atteint, il est bon de choisir, parmi les idées qu’on suggère, une de celles qui ne contiennent pas une invitation motrice évidente ; si par exemple on prie l’hystérique de penser à la personne avec qui elle vient de causer, à la lettre qu’elle vient de recevoir, ou à un autre souvenir du même genre, il est clair qu’on ne suscite pas en elle une idée d’acte à exécuter, mais un simple phénomène d’idéation.

Laissons-la s’absorber un moment dans son idée, puis glissons un crayon dans sa main insensible, qui lui est cachée derrière un écran ; bientôt la main s’agite ; elle serre le crayon, elle se met à écrire, et ce qu’elle écrit, c’est le mot pensé. Quand le sujet se représente, non pas un signe, mais un objet complet, comme une tête, une figure humaine, on voit parfois la main anesthésique qui cherche à tracer le dessin de ces objets, révélant ainsi à l’expérimentateur le fond intime de la pensée de son sujet.

Cette expérience, qui peut paraître délicate à réaliser, est au contraire très facile, et réussit chez beaucoup de malades qui ne présentent guère d’autres phénomènes de dédoublement mental. La traduction graphique d’un état de l’esprit par la personnalité secondaire doit donc être considérée comme un acte subconscient d’un ordre élémentaire chez les hystériques. Ainsi que nous l’avons dit, on peut reproduire l’expérience de l’écriture automatique chez une foule de personnes non hystériques ; ce qui est spécial à l’hystérie, c’est l’exagération du phénomène ; le mouvement est si net et pour ainsi dire si grossier que pour le voir il suffit de regarder la main insensible.

La figure 3 n’a d’autre intérêt que de montrer avec quelle facilité l’écriture automatique se manifeste. Une hystérique était assise dans le laboratoire, près d’une table ; à quelques mètres, un robinet ouvert laissait tomber de l’eau avec bruit. On glisse un crayon dans la main droite anesthésique de la malade, sans qu’elle s’en aperçoive, et l’écriture traduit l’agacement que le bruit de l’eau lui causait.

Ainsi, l’écriture automatique peut exprimer soit les pensées qu’on suggère à l’hystérique, soit ses pensées volontaires ; si sa main tient une plume ou un crayon, elle enregistre aussitôt l’état de conscience prédominant. Il n’est même pas besoin que l’idée soit obsédante, car il suffit que le sujet lise à haute voix pour que la plume se mette à écrire. Naturellement, la plume ne va pas aussi vite que la lecture ; aussi, arrive-t-il généralement que l’écriture automatique trace seulement quelques mots du texte lu ; ici, c’est un mot entier, plus loin, une seule lettre, ou un chiffre. Quand le mot entier est écrit, il ne coïncide plus avec la lecture qui va toujours ; le sujet est parfois arrivé deux ou trois lignes plus loin, quand la main achève d’écrire le mot ; il y a donc simultanéité de deux pensées différentes. J’ai remarqué que souvent les sujets écrivent moins facilement pendant qu’on provoque à leur insu l’écriture


Fig. 3. — Écriture automatique d’une hystérique. Elle a écrit : « C’est agaçant, cette fontaine. »



automatique ; ils hésitent, s’arrêtent, paraissent troublés ou agacés, sans pouvoir en donner la raison.

Les mouvements automatiques sont, dans une certaine mesure, en relation avec l’intensité des pensées. Dès que la malade fait un effort intellectuel pour se rappeler, ou pour raisonner, ou pour deviner quelque chose, on voit sa main insensible, tenant un crayon, qui prend l’attitude nécessaire pour écrire ; dès que le problème est résolu ou abandonné, la main laisse tomber la plume et s’affaisse dans une attitude de résolution.


II


Dans tous les cas précédents, c’est une représentation mentale consciente qui provoque un mouvement subconscient. Fixons par un exemple le point où le phénomène reste conscient. On demande au sujet quel est son âge. Au moment où il va répondre, ou même quelques secondes avant qu’il réponde, la plume qu’on a eu le soin de glisser entre l’index et le pouce anesthésiques fait la même réponse écrite. Le sujet a la représentation consciente de son âge, il n’a pas conscience de ce qu’il écrit. Le processus psycho-moteur est conscient dans sa première moitié, subconscient dans la seconde.

Si on s’en tenait à ce qui précède, on pourrait croire que l’écriture automatique consiste dans de simples mouvements réflexes produits par des idées. Il sera facile de montrer l’insuffisance de cette interprétation ; en réalité, il y a dans toutes ces expériences deux pensées qui s’entrecroisent et collaborent l’une avec l’autre. Ainsi, le membre insensible ne commence à écrire, en général, que lorsqu’on a mis une plume entre les doigts. Tant que la main ne reçoit pas l’attitude nécessaire pour écrire, elle reste immobile, ou bien exécute des mouvements vagues, indéterminés, faciles à distinguer d’un mouvement graphique véritable. Chez quelques sujets, il est vrai, la main insensible écrit sans qu’on lui ait donné l’attitude nécessaire ; elle écrit, à défaut de plume, avec le bout de son index, ce qui exige un mouvement tout différent. Ainsi l’attitude imprimée au membre change la forme de la réponse. Nous avons vu déjà un fait semblable dans les mouvements subconscients qui répondent à une sensation également subconsciente[1]. Cette influence de l’attitude est une première complication du phénomène.

En voici d’autres, comme le montre l’ingénieuse expérience qui a été imaginée par M. Babinski, et qu’il a bien voulu me communiquer[2]. On demande au sujet, pris à l’état de veille, de penser à un chiffre ; puis on prend sa main insensible, et à son insu, par exemple derrière son dos, on lui soulève le doigt un certain nombre de fois ; quand on arrive au chiffre pensé, le doigt se raidit, et indique ainsi le chiffre à l’expérimentateur. Inutile de remarquer que ce résultat ne peut guère s’expliquer par un simple mouvement réflexe. Pour arrêter l’expérimentateur au moment voulu, il faut qu’il y ait dans le sujet une intelligence qui laisse fléchir le doigt, compte le nombre des flexions, puis quand ce nombre est égal au nombre pensé, raidit le doigt dans l’intention évidente d’arrêter l’expérimentateur dans sa numération.

M. Onanoff a cherché à mesurer le temps de réaction de ces mouvements inconscients produits par des idées conscientes. Voici comment il a disposé l’expérience. On propose au sujet de penser à un nombre. Supposons qu’il ait pensé au nombre 2. On touche le membre une première fois ; le moment du contact est marqué sur le cylindre enregistreur ; le doigt du sujet ne bouge pas ; on touche une seconde fois, le doigt du sujet se déplace ; le contact de l’expérimentateur et le mouvement du sujet s’inscrivent sur le même cylindre et la distance entre les deux marques donne la mesure du temps de la réaction subconsciente. La lecture des tracés a montré que le temps de la réaction subconsciente est moindre que le temps de réaction d’un même sujet accomplissant un mouvement volontaire, avec son membre non anesthésié. En effet, le temps est de 0”,07 à 0”,11, chez des sujets présentant dans les mouvements volontaires un temps de réaction de 0”,127 à 0”,196. Cette expérience fournit un bon signe objectif contre la simulation ; elle s’accorde du reste avec celle que nous avons rapportée plus haut relativement à la réaction subconsciente qui accompagne un mouvement volontaire d’un membre anesthésique.

En appendice à la série d’expériences précédentes, nous devons noter un fait un peu différent, qui prouve avec quelle complexité de formes parfois se réalise la collaboration des deux consciences. Dans l’écriture automatique que nous avons décrite, une des consciences représente l’idée et l’autre l’exprime. Il est possible que la conscience principale, au lieu de provoquer le processus d’un acte dans le domaine de l’autre conscience, provoque seulement une tendance, une orientation particulière des idées ; voici dans quelles circonstances se produit cette sorte d’induction psychique, que je crois très intéressante, car on la retrouve en dehors de l’hystérie, et dans des cas très nombreux. On demande au sujet le nom d’une personne ou d’un objet qu’il a peine à se rappeler ; on peut faire l’expérience sur une date, sur un événement quelconque ; le sujet cherche à se rappeler, mais n’y parvient pas ; il dit qu’il a le mot sur le bout de la langue, mais ses efforts pour le prononcer ne servent à rien. Si alors on met un crayon dans la main anesthésique, qui est habituée déjà à l’écriture automatique, il peut arriver que celle-ci écrive sur-le-champ le mot que le sujet cherche vainement. Ceci nous prouve : d’abord que la seconde conscience peut avoir une mémoire plus étendue, sur certains points, que la mémoire de la première conscience ; l’observation est intéressante, et vaut la peine d’être enregistrée, car des expériences très bien faites ont conduit au même résultat d’autres observateurs, et ont montré également que la mémoire inconsciente est plus étendue que la mémoire consciente[3]. Mais ce n’est pas pour mettre en lumière ce fait que j’ai rapporté l’expérience précédente ; c’est pour donner un nouvel exemple de collaboration des deux consciences. Dans cette recherche d’un mot oublié, la première conscience donne l’impulsion à la seconde ; il y a donc eu là une influence complexe et assez difficile à définir, réelle pourtant, entre les deux consciences.

Il est bien curieux que malgré ces communications si directes et si intimes, les deux consciences restent séparées, et que l’une d’elles au moins, la conscience principale, continue à ignorer complètement l’existence de l’autre. Il m’a semblé qu’une telle situation ne se prolonge jamais longtemps, et que si on multiplie expérimentalement les points de contact de ces deux consciences, l’une d’elles, l’anormale, tend à se développer aux dépens de l’autre ; nous avons déjà assisté une fois à ce développement des phénomènes subconscients, capables d’envahir le moi normal et même de l’effacer[4]. Nous avons vu que si pendant un état de distraction on excite un peu le personnage subconscient, la personne normale s’endort, et le personnage subconscient passe au premier plan, ce qui amène le somnambulisme. Il se produit ici un fait du même genre. Si on oblige une hystérique à penser à une série d’idées, pendant qu’à son insu l’écriture automatique se manifeste et traduit tous ses états de conscience, il arrive un moment où la malade s’arrête avec inquiétude ; elle sent fuir les idées qu’elle vient d’évoquer, elle en perd la conscience nette ; si c’est à un calcul mental qu’on l’a occupée, elle s’embrouille au milieu de ses chiffres, ne se les rappelle plus, et se déclare incapable de trouver le nombre total, alors que l’écriture automatique, qui, elle, n’a rien oublié, écrit le nombre sans hésitation. Le subconscient, dans ces expériences, s’étend sur le terrain de la conscience principale, et accapare quelques-unes de ses idées ; facilement, il pourrait les accaparer toutes et amener le somnambulisme.


III


Il faut, pour rester fidèle aux faits, élargir un peu la description de ce que nous avons appelé l’écriture automatique. Ce terme, depuis longtemps consacré par l’usage, mais fort incolore, ne peut s’appliquer qu’à une catégorie restreinte de mouvements, aux mouvements graphiques ignorés de la conscience principale. En réalité, ce ne sont pas les seuls qui peuvent se produire dans les conditions que nous avons fixées. Les sensations, les idées, les états de toutes sortes qui se produisent dans la conscience principale peuvent amener dans la conscience secondaire un très grand nombre de mouvements variés. Si l’écriture se produit pour enregistrer ces états, c’est parce qu’on a mis un crayon dans la main, ou pour une autre raison analogue. Rien n’est plus facile que de modifier la forme de l’enregistrement, car elle dépend en grande partie de l’attitude donnée au membre insensible ou de l’appareil enregistreur qu’on met en contact avec lui. Plaçons dans la main insensible un tube de caoutchouc relié à un cylindre enregistreur, et prions le sujet de penser à un nombre ; la main va changer la nature de son mouvement ; au lieu d’écrire, elle presse le tube et le nombre de pressions indique le chiffre pensé. La netteté de ces pressions est montrée par la figure 4.

Si l’on met l’appareil d’exploration sur une autre partie du corps, quelle qu’elle soit, cette partie du corps exprimera à sa manière l’idée dominante du sujet. Le mouvement respiratoire lui-même peut se trouver modifié par cette influence psychologique.

Ces résultats curieux s’expliquent de la façon la plus satisfaisante lorsqu’on a compris le jeu des sous-consciences. Le personnage inconscient a saisi l’idée poursuivie par l’expérimentateur et il fait son possible pour s’y soumettre.

La méthode graphique a l’avantage d’éclaircir un certain nombre de particularités qui passeraient inaperçues ou resteraient bien peu visibles si on s’en tenait à l’écriture automatique. Le premier point sur lequel nous voulons attirer l’attention, c’est l’influence qu’exerce sur les mouvements du personnage subconscient l’intensité de l’excitation. Nous avons dit que l’écriture automatique traduit spécialement les états d’obsession. Il est clair que si, en un même instant, par hypothèse, deux idées de force inégale sillonnent le champ de la conscience, c’est l’idée la plus forte, la plus colorée, la plus intéressante qui dirigera le mouvement subconscient de la main. Il est intéressant de voir cette différence se marquer sur les tracés. Nous réalisons l’expérience en plaçant un métronome près du sujet, et nous prions celui-ci de ne pas écouter les battements ; sa main insensible tient, à son insu, un dynamographe relié à un cylindre enregistreur, et on peut voir par la ligne droite qui se trace d’abord sur le


Fig. 4. — Une hystérique tient dans sa main droite insensible un tube de caoutchouc, relié à un cylindre enregistreur de Marey ; elle pense au chiffre 5 ; les pressions de la main expriment ce chiffre, sans qu’elle en ait conscience.


Fig. 5. — Expérience sur une hystérique hémianesthésique. Le sujet tient dans sa main gauche insensible un dynamographe, pendant qu’un métronome est mis en mouvement. De a à b, le sujet s’efforce de ne pas écouter les battements du métronome ; de b à c, le sujet les écoute. Le tracé se lit de droite à gauche.



cylindre, que la main n’a exercé aucune pression (fig. 5). Le sujet s’efforçant de ne pas entendre le bruit de l’instrument, l’excitation auditive a, au point de vue psychologique, diminué de force. Puis, renversant les conditions de l’expérience, on demande au sujet d’écouter avec attention le métronome, et on voit qu’aussitôt de fortes pressions de la main qui se font rythmiquement et restent inconscientes, viennent montrer que la sensation acoustique a augmenté d’intensité, ou en tout cas d’importance.

Il est un second point que les appareils graphiques mettent bien en lumière, et c’est en le signalant que nous terminerons ce chapitre.

Les mouvements subconscients du genre de ceux que nous étudions s’accomplissent en général dans les parties insensibles du corps ; c’est là du moins que l’expérimentateur cherche surtout à les produire, parce qu’il désire être mis à l’abri des simulations par la présence d’une anesthésie bien contrôlée. Mais l’anesthésie n’est pas une condition nécessaire de la division de conscience, et un état de distraction est capable de produire des effets analogues. Nous avons donc pensé qu’il serait utile d’étudier l’influence qu’exerce l’anesthésie sur l’intensité des mouvements subconscients.

La recherche a été faite sur une jeune fille hystérique qui était insensible du bras droit. Deux appareils enregistreurs sont placés, l’un sur le bras droit, l’autre sur le bras gauche et dans une première expérience, on fait battre un métronome ; dans une seconde, on prie le sujet de penser à un chiffre. Quatre tracés réunis dans la figure 6 expriment les résultats de ces premières épreuves. Au premier coup d’œil, on voit que les mouvements subconscients, très nets sur les tracés qui correspondent au membre insensible, ne sont pas marqués sur le tracé du membre sensible ; il ne faut pas faire trop grand fond sur cette différence, car elle résulte d’une comparaison entre tracés pris avec deux appareils différents ; or comme jamais on n’obtient des tambours et des leviers qui soient strictement comparables, on ne peut dire dans quelle mesure la différence des tracés dépend des phénomènes enregistrés, et dans quelle mesure elle dépend des appareils.

Mais, pour tirer profit des tracés précédents, il faut, sans modifier les appareils en place, changer la distribution de la sensibilité du sujet ; une suggestion hypnotique nous suffira pour frapper le bras gauche d’insensibilité et de paralysie ;


Fig. 6. — Enregistrement graphique de mouvements inconscients chez une hystérique. Le premier tracé et le second correspondent à une même expérience ; un métronome est mis en mouvement à côté du sujet : le tracé du bras insensible (1) indique que des mouvements inconscients se sont produits dans ce bras sous l’influence du bruit ; le tracé du bras sensible (2) n’indique aucun mouvement. Les deux tracés suivants ont été pris pendant que le sujet pense au nombre cinq ; le tracé du bras insensible (3) présente des mouvements inconscients, qui traduisent bien l’idée du nombre cinq, celui du bras sensible (4) n’en indique pas.



puis le sujet est réveillé, le cylindre est remis en mouvement, et on recueille, comme avant, deux sortes de mouvements subconscients, d’abord en utilisant le bruit du métronome, et ensuite en priant le sujet de penser à un chiffre. Les tracés qu’on obtient (fig. 7) ne doivent pas être comparés entre eux, pour les raisons que nous avons indiquées ; ils doivent être comparés à ceux de la figure précédente.

J’attire simplement l’attention sur les lignes qui concernent le bras gauche ; pendant qu’il est sensible, les mouvements inconscients qu’il présente sont nuls ; dès qu’il est frappé de paralysie, ces mouvements deviennent très considérables. La différence est si nette qu’elle se passe de tout commentaire.

Ajoutons encore une remarque de détail qui est


Fig. 7. — Même expérience que celle de la figure précédente avec cette différence que le bras sensible a été frappé d’anesthésie et de paralysie par suggestion. Les tracés 1 et 3 correspondent au bras primitivement anesthésique (anesthésie spontanée) ; les tracés 2 et 4 correspondent au bras rendu anesthésique par suggestion.


peut-être nécessaire, car si précise qu’elle soit, la méthode graphique a besoin d’être interprétée incessamment pour ne point donner lieu à des erreurs. Il ne faudrait pas croire que les membres sensibles ne présentent aucun mouvement subconscient. Le résultat négatif des tracés est dû en grande partie à ce qu’on a fait une exploration bilatérale ; les deux tambours enregistreurs ont été appliqués simultanément sur une région sensible et sur une région insensible. Par là, on a en quelque sorte obligé le personnage inconscient à s’occuper simultanément de deux points du corps ; il a préféré se rendre dans la région insensible. Si l’exploration est unilatérale, si le tambour est appliqué seulement sur la région sensible, on obtient des tracés tout différents, où la présence des mouvements subconscients est bien marquée.


  1. Voir p. 113.
  2. M. Babinski est arrivé d’une façon indépendante à observer plusieurs des faits que je vais maintenant décrire. Il en est de même pour M. Onanoff. (Arch. de neurologie, 1890.)
  3. Beaunis, Les Sensations internes, p. 133.
  4. Voir chap. v, p. 138.