XLIII

RÉVOLTE À ÉPHÈSE.
SAINT PAUL VA EN MACÉDOINE, PUIS À CORINTHE :
IL ÉTABLIT LA COMMUNION À JEUN.



Grand’mère. Il y avait à Éphèse un orfèvre nommé Démétrius.

Louis. Qu’est-ce que c’est : orfèvre ?

Grand’mère. Un orfèvre est un homme qui travaille l’or, l’argent et d’autres métaux.

Ce Démétrius gagnait beaucoup d’argent en faisant des bijoux qui représentaient des petites statues et de petits temples de Diane ; tous les pèlerins de Diane en achetaient pour avoir un souvenir de ce temple magnifique, célèbre dans le monde entier. Démétrius employait une quantité considérable d’ouvriers pour la fabrication de ces petits temples. À mesure que le nombre des Chrétiens augmentait, le nombre des acheteurs diminuait. Les Chrétiens ne rendaient plus aucun culte à Diane : ils n’allaient pas visiter son temple ; ils n’achetaient pas les bijoux fabriqués par Démétrius. Le commerce et le gain de l’orfèvre diminuaient de jour en jour.

Voyant les grands progrès du Christianisme, Démétrius rassembla ses ouvriers, Leur représenta avec beaucoup d’exagération les bénéfices que leur rapportait la fabrication de ces petits temples, la perte considérable que leur faisaient éprouver les Chrétiens, la ruine qui les menaçait tous, maître et ouvriers, la diminution certaine de l’importance d’Éphèse et de la grande Diane, leur déesse.

Alors, tous ces ouvriers entrèrent en fureur et se mirent à crier :

« Vive la grande Diane d’Éphèse ! »

En peu d’instants, toute la ville fut dans un tumulte effroyable. Ils coururent au théâtre, lieu ordinaire des assemblées du peuple, traînant avec eux deux des disciples de l’Apôtre saint Paul. Paul voulut aller lui-même parler au peuple. Mais ses disciples, craignant pour sa vie, l’en empêchèrent, le retenant de force. On le pria instamment de rester enfermé.

Les Juifs qui avaient, comme les Chrétiens, horreur des idoles, eurent très-peur que les révoltés ne se tournassent aussi contre eux ; ils se voyaient déjà livrés au pillage et au massacre comme les Chrétiens. Ils voulurent faire parler en leur faveur un certain Alexandre qui avait de l’empire sur les ouvriers ; mais ceux-ci, ayant reconnu qu’Alexandre était juif, se mirent à crier pendant deux heures, sans vouloir rien entendre :

« Vive la grande Diane des Éphésiens ! »

Enfin un homme sage et puissant apaisa les clameurs de la multitude et les engagea, si on leur avait fait du tort, à aller se plaindre au Proconsul qui leur ferait rendre justice. Il finit par les calmer et les disperser.

Lorsque le tumulte fut apaisé, Paul rassembla ses disciples et leur dit qu’il était résolu à partir pour la Macédoine. Il écrivit encore une Épître aux Corinthiens. Il la fit porter par Tite, qu’il envoyait à Corinthe pour y faire une collecte ou quête pour les pauvres de la Judée. Puis il partit pour la Macédoine, d’où il passa en Grèce ; il retourna une troisième fois à Corinthe ; c’est alors qu’il ordonna que la communion ne pourrait plus être reçue qu’à jeun, c’est-à-dire avant d’avoir mangé.

Pierre. Est-ce qu’avant on pouvait manger avant de communier ?

Grand’mère. Oui, on communiait et on disait la Messe, indifféremment avant ou après les repas.

Pierre. C’était bien plus commode.

Grand’mère. Oui ; mais saint Paul trouva des inconvénients graves à cet usage. Il y avait parmi les nouveaux Chrétiens, peu instruits encore, des gens qui mangeaient ou buvaient avec excès ; il pouvait en résulter des choses fâcheuses, ou tout au moins une disposition peu recueillie qui faisait recevoir avec irrévérence le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Depuis, l’usage de ne communier qu’à jeun se répandit dans toute l’Église ; il a toujours été conservé.