Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834

CHAMBRE D’ASSEMBLÉE,

Vendredi, 21 Février 1834.


1. RÉSOLU, Que les loyaux sujets de Sa Majesté, le Peuple de cette Province du Bas-Canada, ont montré le plus grand attachement pour l’Empire Britannique dont ils forment partie ; qu’ils l’ont défendu avec courage dans la guerre, à deux diverses fois ; qu’à l’époque qui a précédé l’indépendance des ci-devant Colonies Anglaises de ce continent, ils ont résisté à l’appel qu’elles leurs faisaient de se joindre à leur confédération.

2. Résolu, Que le Peuple de cette Province a manifesté en tout tems sa confiance dans le Gouvernement de Sa Majesté, même dans les circonstances les plus difficiles, et sous des Administrations Provinciales qui foulaient aux pieds les droits et les sentimens les plus chers à des Sujets Britanniques ; et que le Peuple de cette Province persévère dans les mêmes dispositions.

3. Résolu, Que le Peuple de cette Province s’est toujours montré disposé à accueillir avec libéralité et fraternité ses co-sujets qui, ayant laissé diverses parties du Royaume-Uni et de ses dépendances, sont venus en ce Pays pour y faire leur demeure ; qu’il s’est empressé de leur faciliter, en tant qu’il a dépendu de lui, la participation aux avantages politiques et aux ressources industrielles dont il profitait, et à applanir pour eux les difficultés résultant du système vicieux, adopté par les administrations provinciales, à l’égard des parties du Pays qu’ils habitaient principalement.

4. Résolu, Que cette Chambre, comme représentant le Peuple de cette Province, a montré un vif empressement à avancer la prospérité générale du Pays, en assurant la paix et le contentement de toutes les classes de ses habitans, sans distinction d’origine ni de croyance, sur la base solide et durable des mêmes liens politiques, d’un intérêt commun, et d’une égale confiance dans la protection de la Mère-Patrie.

5. Résolu, Que cette Chambre s’est empressée d’adopter et de consolider dans la Province, au moyen des lois, non seulement le droit constitutionel et parlementaire anglais, nécessaire à l’opération de son gouvernement, mais aussi toutes les parties du droit public du Royaume-Uni qui lui ont paru salutaires et protectrices, et conformes aux besoins et aux vœux du Peuple, et que cette Chambre s’est également efforcée de régler ses procédés, par l’analogie avec ce qui se pratique dans les Communes du Royaume-Uni, d’une manière aussi rapprochée que les circonstances de cette Colonie ont pu le permettre.

6. Résolu, Qu’en l’année 1827, une très-grande majorité du Peuple de cette Province, par ses requêtes signées de 87,000 personnes, se plaignit d’abus graves et nombreux qui régnaient alors, dont plusieurs subsistaient depuis un grand nombre d’années, et dont la plupart subsistent encore aujourd’hui sans adoucissement ni mitigation.

7. Résolu, Que les dites plaintes et griefs, soumis à la considération du Parlement du Royaume-Uni, donnèrent lieu à la nomination d’un Comité de la Chambre des Communes, dont le très-Honorable Edward Geoffrey Stanley, maintenant Principal Secrétaire d’état de Sa Majesté pour le Département Colonial, formait partie, ainsi que plusieurs autres Membres du Gouvernement actuel de Sa Majesté ; et qu’après des recherches soigneuses et avec délibération, ce Comité en vint, le 18 Juillet 1828, à ces conclusions très-justes : 1o. Que les difficultés et les mécontentemens qui avaient longtems existé dans les Canadas, provenaient de défectuosités sérieuses, qui se trouvaient dans le système de lois et de constitutions établi dans ces Colonies. — 2o. Que les difficultés et les mécontentemens devaient en grande partie être attribuées à la manière dont le système existant avait été administré. — 3o. Que, suivant son entière conviction, ni les recommandations qu’il a faites, ni aucune autre amélioration dans les lois et les constitutions des Canadas, ne seront suivies de l’effet désiré, à moins qu’on ne suive envers ces Colonies loyales et importantes un système de Gouvernement impartial, conciliatoire et constitutionnel.

8. Résolu, Que depuis cette époque la Constitution de cette Province, avec ses défectuosités sérieuses, a continué d’être administrée de manière à multiplier les difficultés et à augmenter les mécontentemens qui y avaient longtems prévalu ; et que les recommandations du Comité de la Chambre des Communes n’ont été suivies d’aucun résultat efficace et de nature à produire l’effet désiré.

9. Résolu, Que la défectuosité la plus sérieuse de l’Acte Constitutionnel, son vice radical, le principe le plus actif de mal et de mécontentement dans la Province ; la cause la plus forte et la plus fréquente d’abus de pouvoir, d’infraction des lois, de dilapidation du revenu et du domaine public, avec impunité pour les gouvernans et avec oppression et ressentiment pour les gouvernés, se trouve dans la disposition très-injudicieuse, dont les funestes résultats furent prévus par feu le très-Honorable Charles James Fox, lorsqu’elle fut adoptée, savoir : celle qui donne à la Couronne le pouvoir exorbitant, incompatible avec tout gouvernement tempéré et basé sur la loi et la justice et non sur la force et la coercition, de choisir et composer sans règles, sans limites, sans qualifications prédéterminées, toute une branche de la Législature, réputée indépendante par la nature de ses attributions, mais inévitablement asservie à l’autorité qui la choisit, la compose, la décompose, la peut modifier chaque jour au gré de ses intérêts ou de ses passions du moment.

10. Résolu, Que l’abus est inséparable de l’usage d’un pouvoir aussi illimité, et que son exercice dans le choix de la majorité des Membres du Conseil Législatif, tel que constitué pour cette Province, a toujours eu lieu dans l’intérêt du monopole et du despotisme exécutif, judiciaire et administratif, et jamais en vue de l’intérêt général.

11. Résolu, Que le remède efficace à ce mal reconnu, a été judicieusement pressenti et indiqué par le Comité de la Chambre des Communes, demandant à John Neilson, Écuyer, l’un des Agens qui avaient porté la pétition des 87,000 habitans du Bas-Canada, s’il avait pesé dans son esprit quelque plan au moyen duquel on pût, selon lui, mieux composer le Conseil Législatif du Bas-Canada ; s’il pensait qu’il fût possible que ce corps pût commander la confiance et les respects du Peuple, ou être en harmonie avec la Chambre d’Assemblée, à moins que d’une manière ou d’une autre on introduisît l’Élection comme principe de sa composition ; et encore s’il pensait que la Colonie pût avoir quelque sûreté de la composition convenable et indépendante du Conseil Législatif, à moins que le principe d’Élection ne fût introduit d’une manière ou d’une autre ; les réponses auxquelles questions, par le dit John Neilson, Écuyer, comportaient, entr’autres réflexions, qu’il y avait deux moyens d’améliorer la composition du Conseil Législatif : l’une par de bons choix, en y appelant des personnes indépendantes de l’exécutif ; mais qu’à en juger par l’expérience il n’y aurait aucune sûreté ; et dans d’autres réflexions, si l’on trouvait ce moyen impraticable, l’autre mode serait de rendre le Conseil Législatif Électif.

12. Résolu, Que, jugeant d’après l’expérience, cette Chambre croit également qu’il n’y aurait aucune sûreté dans le mode indiqué en premier lieu, la suite des évênemens n’ayant que trop démontré la justesse de ces prévisions ; et qu’en tout ce que le dit John Neilson, Écuyer, a dit de fondé sur l’expérience et les faits, cette Chambre l’approuve ; mais que, quant aux suggestions d’avoir des électeurs d’une qualification plus élevée, et de déterminer la qualification foncière des personnes qui pourraient siéger dans le Conseil, cette Chambre a depuis, dans son adresse à Sa Très-Gracieuse Majesté, en date du vingt de Mars mil huit cent trente-trois, déclaré comment, dans son opinion, ce principe pouvait être tolérable en Canada, en le restreignant dans certaines limites définies, qu’il ne faudrait en aucun cas dépasser.

13. Résolu, Que même en précisant des limites de cette nature, et en réglant la propriété foncière comme condition d’éligibilité à un Conseil Législatif choisi par le Peuple, condition qui très-heureusement et très-sagement n’est pas attachée à l’éligibilité pour la Chambre d’Assemblée, cette Chambre parait plutôt avoir eu en vue de ménager les opinions reçues en Europe, où la loi et les mœurs donnent tant de privilèges et d’avantages artificiels à la naissance, au rang et à la fortune, qu’aux croyances reçues en Amérique, où l’influence de la naissance est nulle, et où, malgré l’importance naturelle que la fortune commandera toujours, l’introduction artificielle de grands privilèges dans l’ordre public, en faveur de la grande propriété, ne pourrait se soutenir longtems contre la préférence donnée, dans les élections libres, aux vertus, aux talens et aux lumières, que la fortune n’exclut pas, mais qu’elle ne peut acheter, et qui peuvent accompagner une pauvreté honnête, contente et dévouée, que dans le système électif la société devrait avoir le droit d’appeler et de consacrer au service de la patrie, préférablement à la richesse, lorsqu’elle y serait jugée plus propre.

14. Résolu, Que cette Chambre n’est nullement disposée à admettre l’excellence du système actuel de constitution du Canada, quoique, mal à propos et erronément, le Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le Département Colonial allègue qu’il a conféré aux deux Canadas les Institutions de la Grande Bretagne ; ni à repousser le principe d’étendre, beaucoup plus loin qu’il ne l’est aujourd’hui, l’avantage d’un système d’élections fréquentes ; et qu’en particulier ce système devrait être étendu au Conseil Législatif, quoiqu’il puisse être considéré par le Secrétaire Colonial comme incompatible avec le gouvernement britannique, appelé par lui gouvernement monarchique, ou comme trop analogue aux institutions que se sont données les divers états qui composent l’industrieuse, morale et prospère confédération des États-Unis d’Amérique.

15. Résolu, Que par sa Dépêche, dont la date n’est pas connue, et dont partie seulement a été communiquée à cette Chambre par le Gouverneur-en-Chef, le 14 Janvier 1834, le Secrétaire d’état de Sa Majesté, pour le Département Colonial, (cette Chambre ne sachant pas avec certitude si c’est le Secrétaire Colonial actuel ou son prédécesseur,) dit qu’un examen de la composition du Conseil Législatif, à cette époque, (c’est-à-dire à l’époque où elle fut si justement censurée par un Comité de la Chambre des Communes,) et dans le tems actuel, montrera suffisamment dans quel esprit le gouvernement de Sa Majesté s’est efforcé d’accomplir les désirs du Parlement.

16. Résolu, Que cette Chambre reçoit avec reconnaissance cette assurance des intentions justes et bienveillantes avec lesquelles, en exécution de son devoir, le gouvernement de Sa Majesté a souhaité accomplir les désirs du Parlement.

17. Résolu, Que malheureusement il a été laissé au principal agent du gouvernement de Sa Majesté en cette Province, d’accomplir les désirs du Parlement Impérial ; mais qu’il a détruit l’espoir qu’avaient conçu les fidèles sujets de Sa Majesté, de voir le Conseil Législatif réformé et amélioré, et les a confirmés dans l’opinion, que le seul moyen possible de donner à ce corps le poids et la respectabilité qu’il devrait avoir, est d’y introduire le principe d’Élection.

18. Résolu, Que le Conseil Législatif, fortifié d’une majorité ennemie des droits de cette Chambre et du Peuple qu’elle représente, a reçu de nouveaux et de plus grands moyens qu’il n’en avait ci-devant, de perpétuer et de rendre plus offensant et plus nuisible pour le pays le système d’abus dont s’est jusqu’à ce jour inutilement plaint le Peuple de la Province, et qu’inutilement aussi jusqu’à ce jour le Parlement et le gouvernement de Sa Majesté en Angleterre ont souhaité corriger.

19. Résolu, Que, depuis sa prétendue réforme, le Conseil Législatif a renouvelé d’une manière plus alarmante pour les habitans de cette Province, et en particulier dans son adresse à Sa Majesté, en date du premier Avril mil-huit-cent-trente-trois, sa prétention à n’avoir pour mission que de donner de la sécurité à une classe particulière des sujets de Sa Majesté en cette Province, comme ayant des intérêts qui ne pouvaient être suffisamment représentés dans l’assemblée, dont les sept-huitièmes des Membres, dit-il très-erronément, sont d’origine Française et parlent la langue Française ; que cette prétention est une violation de la constitution, et est de nature à susciter et à perpétuer entre les diverses classes des habitans de la Province, des méfiances, des distinctions et des animosités nationales, et à donner à une partie du Peuple une supériorité injuste et factice sur l’autre, avec l’espoir de la domination et d’une préférence indue.

20. Résolu, Que par cette prétention, le Conseil Législatif, après une réforme donnée comme devant le lier plus étroitement aux intérêts de la Colonie, en conformité aux désirs du Parlement, appelle, comme l’un de ses premiers actes, les préventions et les rigueurs du gouvernement de Sa Majesté sur le Peuple de cette Province et sur la Branche Représentative de sa Législature ; et que par cette conduite le Conseil Législatif a fait perdre au Peuple ce qu’il lui restait d’espoir de voir le Conseil Législatif agir en harmonie avec la Chambre d’Assemblée, tant que sa constitution reposera sur les bases actuelles.

21. Résolu, Que le Conseil Législatif de cette Province n’a été autre chose qu’un écran impuissant entre le Gouverneur et le Peuple, qui en mettant l’un en état de se maintenir contre l’autre, a servi à perpétuer un système de discorde et de contention ; et qu’il a sans cesse agi en hostilité ouverte contre les sentimens du Peuple, tels qu’exprimés constitutionnellement par la Chambre d’Assemblée ; qu’on ne devrait pas imposer, sous la forme de Conseil Législatif une Aristocratie à un pays où il n’y a pas de matériaux naturels à son existence ; que le Parlement du Royaume-Uni, en accordant aux sujets Canadiens de Sa Majesté le pouvoir de réviser la constitution dont ils tiennent leurs droits les plus chers, montrerait une politique libérale, indépendante de la considération d’intérêts antérieurs et de préjugés existans ; et que par cette mesure, d’une vaste libéralité et d’une saine et sage politique, le Parlement du Royaume-Uni, dans une noble rivalité avec les États-Unis d’Amérique, empêcherait que les sujets de Sa Majesté en Canada n’eussent rien à leur envier, et conserverait des relations amicales avec cette Province comme Colonie, tant que durera notre liaison, et comme alliée, si la suite des tems amenait des relations nouvelles.

22. Résolu, Que cette Chambre émet avec d’autant plus de confiance les opinions exprimées dans la résolution qui précède, que, si l’on doit ajouter foi à ce qui a été publié, elles ont été émises à une époque récente, avec d’autres réflexions dans le même sens, dans les Communes du Royaume-Uni, par le Très-Honorable Edward Geoffrey Stanley, maintenant Principal Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le Département Colonial, et par plusieurs autres Membres instruits et considérés, dont quelques-uns forment partie du gouvernement actuel de Sa Majesté ; et que la conduite du Conseil Législatif, depuis sa prétendue réforme, démontre que les dites opinions n’ont rien perdu de leur application ni de leur justesse, quant à sa composition actuelle.

23. Résolu, que le Conseil Législatif est aujourd’hui moins lié d’intérêt avec la Colonie, qu’il ne l’a été à aucune époque antérieure ; que sa composition actuelle, au lieu d’être propre à changer le caractère du corps, à faire cesser les plaintes et à effectuer, entre les deux Chambres de la Législature Provinciale, un rapprochement nécessaire au bien du pays, est telle qu’elle détruit toute espérance de voir adopter par ce corps les opinions et les sentimens du Peuple de la Province et de cette Chambre, sur son droit inaliénable au contrôle plein et entier de tout le revenu prélevé dans la Province, sur la nécessité où elle se trouvait, pour amener la réforme des abus depuis longtems inutilement demandée, de ne subvenir aux dépenses du gouvernement civil que par des appropriations annuelles, ainsi que sur une foule d’autres questions d’intérêt public sur lesquelles l’Exécutif et le Conseil Législatif de son choix et de sa création diffèrent diamétralement avec le Peuple de la Province et avec cette Chambre.

24. Résolu, Que les dits nouveaux Conseillers, pris dans la Majorité de l’Assemblée, qui avaient l’espoir qu’on leur adjoindrait un nombre suffisant de personnes indépendantes et d’opinions conformes à celles de la Majorité du Peuple et de ses représentans, doivent sentir maintenant qu’on les a noyés dans une majorité hostile au Pays, se composant d’hommes qui ont perdu sans retour la confiance publique, pour s’être montrés les partisans aveugles et passionnés de tous les abus de pouvoir, pour avoir encouragé toutes les violences commises sous l’administration du Comte de Dalhousie, pour avoir sans cesse outragé la Représentation et le Peuple du Pays ; de personnes pour ainsi dire inconnues, depuis peu d’années dans le Pays, sans propriétés foncières, ou n’en ayant que de très-modiques, la plupart n’ayant jamais été délégués à l’Assemblée, quelques-uns même refusés par le Peuple, et qui n’auraient jamais donné de preuves de leur aptitude à remplir les fonctions de législateurs, mais seulement de leur haine contre le Pays, et qui à raison de cette communauté de sentimens se sont vus tout à coup, par les partialités du Gouverneur-en-Chef, élevée à une situation où ils pourront influer durant tous le cours de leur vie sur la Législation et le sort de la Province, dont les lois et les institutions ont de tout tems été les objets de leur animadversion.

25. Résolu, Qu’en violation manifeste de la constitution, il se trouve parmi ces derniers plusieurs citoyens nés sujets des États-Unis et d’autres Pays étrangers, qui, au tems de leur nomination, n’avaient pas été naturalisés par Acte du Parlement Britannique ; de l’un desquels, Horatio Gates, la résidence n’a été que tolérée durant la dernière guerre contre les États-Unis, et lequel a refusé alors de prendre le serment d’allégeance et les armes pour la défense de ce Pays, où il ne restait que pour des motifs de lucre, et après ces antécédens a pris son siège au Conseil Législatif le 16 Mars 1833, pour y voter quinze jours plus tard, savoir, le 1er  Avril, l’Adresse mentionnée ci-dessus, contre ceux qui pendant cette guerre étaient armés sur la frontière pour repousser l’agression des armes Américaines et des Concitoyens du dit Horatio Gates ; qu’un autre, James Baxter, résidait durant la dite guerre, dans les dits États-Unis, et était tenu par les lois du Pays de sa naissance, dans certaines circonstances, d’envahir cette Province à main armée, de poursuivre, détruire et prendre s’il le pouvait les armées de Sa Majesté, ainsi que ceux de ses sujets Canadiens qui étaient en armes sur la frontière pour repousser l’agression des armes Américaines et des Concitoyens du dit James Baxter, qui, peu qualifié d’ailleurs sous le rapport de la propriété, devient, par la nomination du Gouverneur-en-Chef, législateur à vie pour le Bas-Canada, le 22 Mars 1833, pour voter huit jours plus tard, le dit 1er  Avril, la même Adresse dont les accusations calomnieuses et insultantes ont provoqué la juste expression du regret qu’avait Sa Majesté qu’on y eût employé des expressions qui parussent attribuer à une classe de ses sujets, d’une origine particulière, des vues opposées à l’allégeance qu’ils doivent à Sa Majesté.

26. Résolu, Qu’il eût été au pouvoir du Gouverneur-en-Chef actuel, plus qu’en celui d’aucun de ses prédécesseurs, vu la latitude qui lui a été laissée quant au nombre et au choix des personnes qu’il appellerait au Conseil Législatif, d’assoupir, momentanément du moins, les dissentions intestines qui déchirent la Colonie, et de faire quelques pas vers l’accomplissement des désirs du Parlement, en liant plus étroitement d’intérêts avec le Pays le dit Conseil Législatif, et en lui donnant un caractère plus indépendant par des nominations judicieuses.

27. Résolu, Que malgré seize nominations au dit Conseil, faites en deux ans par le Gouverneur-en-Chef actuel, nombre plus grand que n’en fournit aucune autre période de dix ans, ou aucune autre administration, et malgré les désirs du Parlement et les directions du Gouvernement de Sa Majesté, pour la réparation des Griefs dont le Peuple s’était plaint, les influences malfaisantes qui veulent perpétuer dans le Pays un régime d’irresponsabilité en faveur des fonctionnaires publics ont prévalu au point de rendre la Majorité du Conseil Législatif plus ennemie du Pays qu’à aucune époque antérieure ; et que ce fait confirme avec une force irrésistible la justice du jugement porté par le Comité de la Chambre des Communes, en censurant la constitution des Conseils Législatifs, tels qu’ils avaient existé, et la justesse d’opinion de ceux des membres du dit Comité, qui pensaient que jamais ces corps ne pourraient obtenir le respect du Peuple, ni s’accorder avec la Chambre d’Assemblée, à moins qu’on n’y introduisît le principe d’Élection.

28. Résolu, Que même en supposant que, par de meilleurs choix, le Gouverneur-en-Chef actuel eût réussi à calmer les alarmes et à assoupir pour un tems de profonds mécontentemens, cette forme de gouvernement n’en est pas moins essentiellement vicieuse, qui fait dépendre le bonheur ou le malheur d’un Pays, d’un Exécutif sur lequel il n’a aucune influence, qui n’y a aucun intérêt commun ni permanent ; et que l’extension du principe électif est le seul refuge dans lequel cette Chambre puisse entrevoir un avenir de protection égale et suffisante pour tous les habitans de la Province indistinctement.

29. Résolu, Que les accusations qu’a portées, contre la Chambre d’Assemblée, le Conseil Législatif, recomposé par le Gouverneur-en-Chef actuel, seraient criminelles et séditieuses, si leur nature même n’en détruisait le danger, puisqu’elles vont à dire que si dans sa libéralité et sa justice le Parlement du Royaume-Uni accordait la mesure que cette Chambre a instamment demandée pour la Province, et que dans ce moment solemnel, à la suite de l’examen des dépêches du Secrétaire d’État pour le Département Colonial, et à la veille d’Élections générales, elle répète et renouvelle, savoir, un changement dans la constitution du Conseil Législatif en le rendant Électif, le résultat de cet acte de justice et de bienveillance serait d’inonder le Pays de sang.

30. Résolu, Que, par sa dite Adresse à Sa Majesté, en date du 1er  Avril dernier, le Conseil Législatif impute à cette Chambre d’accuser calomnieusement le Représentant du Roi de partialité et d’injustice dans l’exercice des pouvoirs de sa charge, et, de calomnier délibérément les officiers de Sa Majesté, tant civils que militaires, comme une faction combinée portée par l’intérêt seul à lutter pour le soutien d’un gouvernement corrompu, ennemi des droits et contraire aux vœux du Peuple, sur quoi cette Chambre déclare que ses accusations n’ont jamais été calomnieuses, mais sont vraies et fondées, et que le tableau fidèle du gouvernement exécutif de cette Province, dans toutes ses parties, se trouve tracé par le Conseil Législatif dans ce passage de son Adresse.

31. Résolu, Que si comme cette Chambre aime à le croire, le Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre n’a pas en vue de nourrir systématiquement les discordes civiles dans la Colonie, les allégués contraires des deux Chambres lui imposent l’obligation de connaître mieux sa situation réelle, qu’il ne paraît le faire d’après la longue tolérance des abus que ses agens commettent impunément ; qu’il ne doit pas croire aux louanges que se donnent ceux qui ont eu la direction des affaires d’une Colonie, passant selon eux à un état d’anarchie ; qu’il doit se tenir assuré que si sa protection donnée à des fonctionnaires accusés par une autorité compétente, cette Chambre, au nom de tout le Peuple, pouvait, pendant un tems, par la force et la crainte, aggraver en leur faveur, et contre les droits et l’intérêt du Peuple, le système d’insulte et d’oppression qu’il souffre impatiemment, le résultat serait d’affaiblir les sentimens de confiance et d’attachement que nous avons eus pour le Gouvernement de Sa Majesté, et finirait par enraciner les mécontentemens et le dégoût insurmontable qu’ont inspirés de déplorables administrations, et qu’inspire encore actuellement la majorité des Fonctionnaires Coloniaux, combinés en faction et portés par l’intérêt seul à lutter pour le soutien d’un Gouvernement corrompu, ennemi des droits et contraire aux vœux du Peuple.

32. Résolu, Qu’en outre de son Adresse méchante et calomnieuse du 1er  Avril 1833, le Conseil Législatif, recomposé par le Gouverneur-en-Chef actuel, a prouvé combien il était peu lié aux intérêts de la Colonie, par le fait que sur 64 des Bills qui lui ont été envoyés, 28 ont été par lui rejetés, ou amendés d’une manière contraire au principe et à l’essence de ces Bills ; que la même unanimité qui, quant à la plûpart, avait dans l’Assemblée présidé à leur adoption, a dans le Conseil Législatif accompagné leur rejet ; et qu’il est clair, d’après une aussi violente opposition, que l’Exécutif Provincial et le Conseil de son choix, ligués ensemble contre le corps représentatif, ne le considèrent pas ou ne veulent pas le considérer comme l’interprète fidèle et le juge équitable des vœux et des besoins du Peuple, ni comme propre à proposer des lois conformes à la volonté générale ; et que, dans de telles circonstances, il devenait du devoir du Chef de l’Exécutif d’en appeller au Peuple par une dissolution du Parlement Provincial, si l’on se fût rattaché à l’analogie entre les institutions de la Grande Bretagne et celles de la Province.

33. Résolu, Que le Conseil Législatif, recomposé par le Gouverneur en Chef actuel, doit être regardé comme l’expression des sentimens du Gouvernement Exécutif Colonial, et que dès lors ces deux autorités paraissent s’être unies et liguées pour proclamer des principes subversifs de toute concorde dans la Province, et que c’est d’après d’odieuses et aveugles antipathies nationales qu’elles prétendent gouverner et dominer.

34. Résolu, Que l’Adresse votée à l’unanimité le 1er  Avril 1833, par le Conseil Législatif recomposé par le Gouverneur-en-Chef actuel, l’a été par les Honorables le Juge en Chef de la Province, Jonathan Sewell, à qui le très-Honorable Lord Goderich recommandait, dans sa Dépêche communiquée à cette Chambre le 25 Novembre 1831, de se garder avec soin de tous les procédés qui pourraient l’engager dans aucune contention qui sentirait l’esprit de parti ; John Hale, Receveur-Général actuel, qui, en violation des lois et du dépôt qui lui est confié, et sur des ordonnances illégales du Gouverneur, a payé de fortes sommes, en se dispensant de l’obéissance toujours due à la loi ; Sir John Caldwell, Baronet, ci-devant Receveur-Général, Péculateur condamné à payer près de £.100,000 en remboursement de même somme prélevée sur le Peuple de cette Province, et accordée par les lois à Sa Majesté, ses héritiers et successeurs, pour les usages publics de cette Province et le soutien du Gouvernement de Sa Majesté en icelle, et qui a pris et détourné la plus grande partie des dites sommes de leur destination et les a converties à son usage particulier ; Herman Witsius Ryland, Greffier du Conseil Exécutif et Pensionnaire sur l’établissement civil de la Province ; Mathew Bell, Concessionnaire indûment et illégalement favorisé par l’exécutif dans le Bail des Forges St. Maurice et dans l’acquisition de grandes étendues de terres vacantes, et par le Bail de grandes étendues de terre du ci-devant Ordre des Jésuites ; John Stewart, Conseiller Exécutif, Commissaire des Biens des Jésuites, et jouissant d’autres places lucratives ; lesquels sous le rapport d’intérêts pécuniaires et personnels sont tous sous l’influence de l’Exécutif ; et par les Honorables George Moffat, Peter McGill, John Molson, Horatio Gates, Robert Jones, James Baxter, tous nés hors du Pays, ainsi que les précédens, à l’exception de deux, et lesquels, à l’exception d’un seul, qui pendant plusieurs années a été Membre de l’Assemblée et a de grandes propriétés foncières, n’ont que de modiques qualifications sous ce dernier rapport, et n’avaient jamais été assez engagés dans la vie publique, pour faire présumer de leur aptitude à remplir les fonctions de Législateurs à vie ; et par Antoine Gaspard Couillard, seul natif du Pays, d’origine Française, qui se soit soumis à y concourir, qui aussi n’avait jamais été engagé dans la vie publique, qui n’a que de très-modiques qualifications foncières, et qui depuis sa nomination au Conseil, et avant le dit 1er  Avril, s’était placé sous la dépendance de l’Exécutif, en sollicitant un mince emploi lucratif subordonné.

35. Résolu, Que la dite Adresse, votée par sept Conseilliers sous l’influence de l’Exécutif actuel et par cinq autres de sa nomination, un seul des six autres qui l’ont votée, l’Honorable George Moffatt, ayant été nommé sous l’administration précédente, est l’œuvre de l’administration actuelle de cette Province, l’expression de ses sentimens, l’explication de ses actes et la proclamation des principes iniques et des maximes arbitraires qu’elle veut prendre pour règle de conduite à l’avenir.

36. Résolu, Que la dite Adresse n’est pas moins injurieuse au petit nombre des Membres du Conseil Législatif, qui sont indépendans et liés aux intérêts et à l’honneur du Pays, qui avaient appartenu à l’assemblée et étaient connus comme partageant ses opinions et ayant secondé ses efforts pour qu’elle obtînt l’entier contrôle et la disposition de tout le revenu provincial ; comme approuvant la démarche constitutionnelle et salutaire et non audacieuse, de s’adresser à Sa Majesté pour rendre le Conseil Législatif électif ; comme blâmant le projet de la formation d’un Monopole étendu des Terres en faveur de Spéculateurs résidant hors du Pays ; comme pensant que leur nomination au Conseil n’a pu être faite dans la vue d’accroître le poids et l’efficacité constitutionnelle de ce corps, où ils se trouvent en présence d’une majorité ennemie de leurs principes et de leur Pays ; comme croyant que l’intérêt et les vœux du Peuple sont fidèlement représentés par la majorité de ses représentans, et que la liaison entre cette Colonie et la Métropole sera d’autant plus durable, que le peuple aura une influence plus grande et plus directe sur la passation des lois propres à assurer son bien-être ; comme d’avis que les Sujets de Sa Majesté venus nouvellement s’établir dans le Pays, profiteront de toute la liberté et de toutes les améliorations qui se développeraient rapidement, si au moyen de l’extension du système électif, l’administration était empêchée de monopoliser le pouvoir et le lucre en faveur de la minorité et d’une origine particulière, contre la majorité et d’une autre origine, et d’acheter, corrompre et exciter une partie de cette minorité, de manière à voir donner à toutes les discussions d’intérêt local ou général, le caractère alarmant de lutte et d’antipathie nationale ; et que les dits Membres indépendans du dit Conseil Législatif, indubitablement convaincus de la tendance de ce corps, et désabusés sur les motifs au moyen desquels ils avaient été engagés à s’y agréger, se retirent maintenant des Sessions du dit Conseil, où ils désespèrent de pouvoir opérer le bien du Pays.

37. Résolu, Que le monde politique est agité dans ce moment par deux grands partis en Europe, qui se montrent sous différens noms dans ses différens Pays ; sous les noms de Serviles, Royalistes, Torys, Conservatifs et autres, d’une part ; sous ceux de Libéraux, Constitutionnels, Républicains, Whigs, Réformateurs, Radicaux et autres, d’autre part ; que ce premier parti est sur ce continent sans autre poids ni influence, que ce que peuvent lui en donner ses suppôts Européens, avec un très petit nombre de personnes qui se mettent sous leur dépendance en vue de profits personnels, et d’autres qui tiennent par l’âge ou l’habitude à des idées qui ne sont partagées par aucune classe nombreuse ; tandis que le second parti couvre l’Amérique tout entière ; et que le Secrétaire Colonial se méprend, s’il pense que l’exclusion du Conseil Législatif de quelques fonctionnaires salariés suffirait pour le mettre en harmonie avec les vœux, les opinions et les besoins du Peuple, tant que les Gouverneurs Coloniaux conserveront la faculté de le recruter en majorité des Membres serviles, par leurs antipathies contre les idées libérales.

38. Résolu, Que cette combinaison vicieuse à laquelle on s’est attaché, a donné au Conseil Législatif un caractère d’animosité contre le Pays, pire qu’à aucune autre époque, et qu’elle est aussi contraire à l’accomplissement des désirs du Parlement, que l’aurait été celle qui, pour résister aux vœux du Peuple Anglais et des Communes sur la Réforme Parlementaire, aurait jeté dans la Chambre des Lords une accession d’hommes connus par leur opposition factieuse et violente à cette grande mesure.

39. Résolu, Que le Conseil Législatif, ne représentant que les opinions individuelles de certains Membres d’un corps aussi fortement accusé, à une époque récente, par le Peuple de la Province, et aussi justement censuré par le Rapport du Comité des Communes, n’est pas une autorité compétente à demander des changemens dans l’Acte Constitutionnel de la 31e George III, chap. 31 ; et que cet Acte ne peut ni ne doit être changé que dans les occasions, où et de la manière dont le demande le Peuple de la Province, dont cette Chambre est seule compétente à représenter les sentimens ; que toute intervention de la Législature en Angleterre dans les Lois et la Constitution de cette Province, qui ne serait pas basée sur les vœux du Peuple librement exprimés, soit par cette Chambre, soit de tout autre manière constitutionnelle, ne saurait tendre en aucune manière à arranger aucune des difficultés qui peuvent exister dans cette Province, mais ne pourrait au contraire que les aggraver et les prolonger.

40. Résolu, Que cette Chambre attend de la justice du Parlement du Royaume Uni, qu’aucune mesure de cette nature, fondée sur les fausses représentations du Conseil Législatif, et des Membres et des suppôts de l’Administration Coloniale, tous intéressés à perpétuer les abus, ne sera adoptée à l’encontre des droits, des libertés et du bien-être des habitans de cette Province ; mais bien que, se rendant aux vœux du Peuple et de cette Chambre, la Législature Impériale accordera le remède le plus efficace aux maux présens et à venir, soit en rendant le Conseil Législatif Électif, en la manière demandée par cette Chambre, dans son Adresse à sa Très Gracieuse Majesté en date du 20 Mars 1833, soit en mettant le Peuple à même d’exprimer son opinion d’une manière encore plus directe sur les mesures à adopter à cet effet, et sur telles autres modifications que pourraient requérir les besoins du Peuple et l’intérêt du Gouvernement de Sa Majesté dans la Province, et que cette Chambre persévère dans sa dite Adresse.

41 Résolu, Que dans ses Dépêches, le Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le Département Colonial, reconnaît qu’il a souvent été admis que les habitans du Canada ne devraient rien trouver dans les institutions des Pays voisins, qu’ils pussent voir avec envie, et qu’il a encore à apprendre qu’un tel sentiment existe actuellement chez les Sujets de Sa Majesté en Canada : — À quoi cette Chambre répond que les États voisins ont une forme de Gouvernement très propre à empêcher les abus de pouvoir et très efficace à les réprimer ; que l’inverse de cet ordre de choses a toujours prévalu pour le Canada, sous la forme actuelle de Gouvernement ; qu’il y a dans les Pays voisins un attachement plus universel et plus fort pour les institutions, que nulle part ailleurs, et qu’il y existe une garantie du perfectionnement progressif des institutions politiques, dans leur révision à des époques rapprochées et déterminées, au moyen de Conventions du Peuple, pour répondre sans secousses ni violences aux besoins de toutes les époques.

42. Résolu, Que dans le Comité des Communes, c’était d’après des notions correctes de l’État du Pays et des Sociétés Américaines, en général, qu’on demandait s’il n’y avait pas, dans les Canadas, une inclination croissante à voir les institutions devenir de plus en plus populaires, et sur ce point de plus en plus ressemblantes à celles des États-Unis : — À quoi l’un des Agens du Pays, John Neilson, Écuyer, répondit que l’inclination en faveur des institutions populaires avait fait de grands progrès dans les deux Canadas. Et encore qu’on demandait au même agent s’il ne croyait pas qu’il fût sage de chercher, dans tous les changemens aux institutions de la Province, à rencontrer de plus en plus les désirs du Peuple et à rendre ses institutions extrêmement populaires : — À quoi cette Chambre pour et au nom du Peuple, qu’elle représente, répond solennellement et délibérément : Oui cela est sage, cela est excellent.

43. Résolu, Que la Constitution et la forme de gouvernement qui conviendrait le mieux à cette Colonie, ne doivent pas se chercher uniquement dans les analogies que présentent les institutions de la Grande Bretagne, dans un état de société tout-à-fait différent du nôtre ; qu’on devrait plutôt mettre à profit l’observation des effets, qu’ont produits les différentes Constitutions infiniment variées, que les Rois et le Parlement Anglais ont données à différentes Plantations et Colonies en Amérique, et des modifications que des hommes vertueux et éclairés ont fait subir à ces Institutions Coloniales, quand ils ont pu le faire avec l’assentiment des parties intéressées.

44. Résolu, Que le consentement unanime avec lequel tous les Peuples de l’Amérique ont adopté et étendu le Système Électif, montre qu’il est conforme aux vœux, aux mœurs et à l’État social de ses habitans ; qu’il prévaut également parmi ceux d’origine Britannique et ceux d’origine Espagnole, quoique pendant la durée de leur régime Colonial, ceux-ci eussent été courbés sous le joug calamiteux de l’ignorance et de l’absolutisme ; et que nous n’hésitons pas à demander à un Prince de la maison de Brunswick et à un Parlement réformé, tout ce que les Princes de la maison de Stuart et leurs Parlemens accordèrent de liberté et de pouvoirs politiques, aux plus libres et aux plus favorisées des plantations, formées à une époque, où de telle concessions devaient paraître moins favorables qu’à l’époque actuelle.

45. Résolu, Que ce ne fut pas le meilleur et le plus libre Régime Colonial, dans les Anciennes Colonies Anglaises, qui hâta leur séparation ; puisque la Province de New-York, dont les institutions étaient des plus monarchiques, dans le sens que semble comporter la dépêche du Secrétaire Colonial, fut la première à refuser obéissance à un Acte du Parlement de la Grande Bretagne ; et que la Colonie du Connecticut et de Rhode-Island, avec des constitutions purement démocratique, quoiqu’en connexion étroite et affectionnée pendant une longue suite d’années avec la Mère-Patrie, furent des dernières à entrer dans une confédération, nécessitée par la conduite de mauvais serviteurs de la Couronne, invoquant l’autorité suprême du Parlement et la Constitution Britannique pour gouverner arbitrairement ; écoutant les Gouverneurs et leurs Conseillers, plutôt que le Peuple et ses Représentans ; et couvrant de leur protection, ceux qui consumaient les taxes et non ceux qui les payaient.

46. Résolu, Que dans la vue d’introduire ce que les institutions des Pays voisins présentaient de bon et d’applicable à l’État de cette Province, cette Chambre a, entre autres mesures, passé pendant longues années, un bill fondé sur le principe arithmétique de proportionner le nombre des représentans, à celui de la population ; et que si par le malheur des circonstances, et dans la nécessité urgente qui existait d’augmenter la représentation, elle a été forcée d’acquiescer à des amendemens qui violent ce principe, en donnant à plusieurs Comtés qui n’ont qu’une population d’un peu plus de quatre mille âmes, le même nombre de représentans qu’à plusieurs autres, qui ont une population cinq fois plus grande, cette disproportion est, dans l’opinion de cette Chambre, une injustice dont elle doit chercher le remède ; et que dans les Pays nouveaux où la population s’accroît rapidement et se porte vers de nouvelles localités, il est sage et juste que des recensemens fréquens et périodiques fassent connaître ses accroissemens, et sa distribution principalement, pour que la représentation soit établie sur une base équitable.

47. Résolu, Que la fidélité des Peuples et la Protection des gouvernemens sont des obligations corrélatives, dont l’une ne saurait longtems subsister sans l’autre ; que par suite des défectuosités qui se trouvent dans les lois et constitutions de cette Province, et de la manière dont ces lois et constitutions ont été administrées, le Peuple de cette Province n’est pas suffisamment protégé dans sa vie, ses biens et son honneur ; et que la longue suite d’actes d’injustice et d’oppression dont il a à se plaindre, s’est accrue en violence et en nombre avec une rapidité alarmante sous la présente administration.

48. Résolu, Qu’au milieu de ces désordres et de ces souffrances, cette Chambre et le Peuple qu’elle représente, avaient toujours nourri l’espérance et professé la foi, que le gouvernement de Sa Majesté, en Angleterre, ne participait pas sciemment et volontairement à la démoralisation politique de ses agens et employés coloniaux ; et que c’est avec étonnement et douleur, qu’ils ont vu dans les extraits des dépêches du Secrétaire Colonial, communiqués par le Gouverneur-en-Chef durant la présente Session, que l’un des Membres, au moins, du gouvernement de Sa Majesté, est animé contre eux de sentimens de prévention et d’animosité, et enclin à des projets d’oppression et de vengeance, peu propres à changer un système abusif, dont la continuation découragerait tout-à-fait le Peuple, lui enlèverait l’espoir légitime de bonheur, qu’il tire de son titre de Sujets Britanniques, et le mettrait dans la dure alternative de se soumettre à un servage ignominieux, ou de voir en danger les liens qui l’unissent à la Mère-Patrie.

49. Résolu, Que cette Chambre et le Peuple qu’elle représente, ne veulent ni ne prétendent menacer ; mais qu’appuyés sur les principes des lois et de la justice, ils sont et doivent être politiquement assez forts pour n’être exposés à l’insulte d’aucun homme, quel qu’il soit, et tenus de le souffrir en silence ; que dans leur style les dits Extraits de Dépêches du Secrétaire Colonial, tels que communiqués à cette Chambre, sont insultans et inconsidérés, à un degré tel, que nul corps constitué par la loi, même pour des fins infiniment subordonnées à celle de la législation, ne pourrait ni ne devrait les tolérer ; qu’on n’en trouve aucun exemple, même de la part des moins amis des droits des Colonies, d’entre ses prédécesseurs en office ; que dans leur substance les dites Dépêches son incompatibles avec les droits et les privilèges de cette Chambre, qui ne doivent ni être mis en question, ni définis par le Secrétaire Colonial, mais qui selon que les occasions le requerront, seront successivement promulgués et mis en force par cette Chambre.

50. Résolu, Qu’à l’occasion des termes suivans d’une des dites Dépêches : « si les événemens venaient malheureusement à forcer le Parlement à exercer son autorité suprême, afin d’appaiser les dissentions intestines des Colonies, mon objet, ainsi que mon devoir, serait de soumettre au Parlement telles modifications à la Charte des Canadas, qui pourraient tendre, non pas à introduire des institutions qui sont incompatibles avec l’existence d’un Gouvernement Monarchique, mais dont l’effet serait de maintenir et de cimenter l’union avec la Mère-Patrie, en adhérant strictement à l’esprit de la Constitution Britannique, et en maintenant dans leurs véritables attributions, et dans les bornes convenables, les droits et les privilèges mutuels de toutes les Classes de Sa Majesté ; » s’ils comportent quelque menace de modifier, autrement que ne le demande la majorité du Peuple de cette Province, dont les sentimens ne peuvent être légitimement exprimés par aucune autre autorité, que celle de ses représentans, cette Chambre croirait manquer au Peuple Anglais, si elle hésitait à lui faire remarquer que, sous moins de vingt ans, la population des États-Unis d’Amérique sera autant ou plus grande que celle de la Grande Bretagne ; que celle de l’Amérique Anglaise sera autant ou plus grande, que ne le fut celle des ci-devant Colonies Anglaises, lorsqu’elles jugèrent que le tems était venu de décider, que l’avantage inappréciable de se gouverner, au lieu d’être gouvernées, devait les engager à répudier un régime Colonial, qui fut, généralement parlant, beaucoup meilleur que ne l’est aujourd’hui celui de l’Amérique Anglaise

51. Résolu, Que l’approbation par le Secrétaire Colonial, dans sa dite dépêche, de la composition actuelle du Conseil Législatif, dont les Actes, depuis sa prétendue réforme, ont été signalé par l’esprit de parti et par d’odieuses distinctions et préférences nationales, est un juste sujet d’alarmes, pour les sujets Canadiens de Sa Majesté en général, et en particulier pour la grande majorité d’entre eux, qui ne l’a cédé, en aucun temps, à aucune autre classe des habitans de cette Province, par son attachement, au Gouvernement de Sa Majesté, son amour de la paix et de l’ordre, son respect pour les lois et son désir d’effectuer l’union si désirable de tout le Peuple, aux fins de jouir librement et également des droits et des avantages de sujets Anglais, et des institutions assurées et chères au Pays ; que les dites distinctions et préférences ont été presque constamment exploitées par les Administrations Coloniales de la Province, et la majorité des Conseillers Législatifs, Conseillers Exécutifs, Juges, et autres Fonctionnaires sous leur dépendance, et qu’il n’a fallu rien moins que l’esprit d’union des différentes classes du Peuple et la conviction de l’unité de leurs intérêts, pour prévenir des collisions incompatibles avec la prospérité et la sécurité de la Province.

52. Résolu, Que puisqu’un fait, qui n’a pas dépendu du choix de la majorité du Peuple de cette Province, son Origine Française et son usage de la Langue Française, est devenu pour les Autorités Coloniales un prétexte d’injure, d’exclusion, d’infériorité politique et de séparation de droits et d’intérêts, cette Chambre en appelle à la justice du Gouvernement de Sa Majesté et de son Parlement, et à l’honneur du Peuple Anglais ; que la majorité des habitans du Pays n’est nullement disposée à répudier aucun des avantages qu’elle tire de son origine et de sa descendance de la Nation Française, qui sous le rapport des progrès qu’elle a fait faire à la civilisation, aux sciences, aux lettres et aux arts, n’a jamais été en arrière de la Nation Britannique, et qui, aujourd’hui, dans la cause de la liberté et la science du Gouvernement, est sa digne émule ; de qui ce Pays tient la plus grande partie de ses lois civiles et ecclésiastiques, la plupart de ses établissemens d’enseignement et de charité, et la religion, la langue, les habitudes, les mœurs et les usages de la grande majorité de ses habitans.

53. Résolu, Que nos co-sujets d’origine Britannique dans la Province, sont venus s’établir dans un Pays, « dont les habitans, professant la religion de l’Église de Rome, jouissaient d’une forme stable de constitution, et d’un système de lois, en vertu des quelles leurs personnes et leurs propriétés ont été protégées et gouvernées, pendant une longue suite d’années, depuis le premier établissement du Canada ; » qu’appuyé sur ces considérations, et guidé par les règles de la justice et du droit des gens, le Parlement Britannique statua que, dans toutes les matières relatives à la propriété et aux droits civils, on recourrait au droit du Canada ; que dans les occasions où le Gouvernement s’écarta du principe ainsi reconnu, par l’introduction du Droit Criminel Anglais, en premier lieu, et plus tard par celle du Système Représentatif, avec toute la portion du Droit Constitutionnel et Parlementaire, nécessaire à sa pleine et libre action, il l’a fait en conformité aux vœux suffisamment connus du Peuple Canadien ; et que toute tentative de la part de fonctionnaires publics ou autres, qui ont fait volontairement leur condition, en venant s’établir dans le Pays, contre l’existence d’aucune partie des lois et des institutions propres et particulières au Pays, et toute prépondérance à eux donnée dans les Conseils Législatif et Exécutif, dans les tribunaux et les autres départemens, sont contraires aux engagemens du Parlement Britannique, et aux droits assurés aux sujets Canadiens de Sa Majesté, sur la Foi de l’Honneur National Anglais et sur celle des Capitulations et des Traités.

54. Résolu, Que toute combinaison, soit au moyen d’Actes du Parlement Britannique, obtenus en contravention à ses engagemens antérieurs, soit au moyen d’une administration partiale et corrompue du système existant de lois et de constitutions, serait une violation de ces droits, à laquelle, la majorité du Peuple ne devrait pas une obéissance de choix et d’affection, mais seulement de crainte et de coercition, tant qu’elles pourraient durer ; que la conduite des Administrations Coloniales et de leurs Employés et Suppôts dans cette Colonie, a le plus souvent été de nature à créer injustement des appréhensions sur les vues du Peuple et du Gouvernement de la Mère-Patrie, et à mettre en danger la confiance et le contentement des habitans du Pays, qui ne peuvent être bien assurés que sur des lois égales, et une justice égale, imposées comme règle de conduite, à tous les départemens du Gouvernement.

55. Résolu, Que, soit que la classe des sujets de Sa Majesté d’origine Britannique soit dans la Province au nombre porté dans la dite adresse du Conseil Législatif, ou comme le veut la vérité, qu’elle soit moins de la moitié de ce nombre, la grande majorité d’entr’elle a ses vœux, ses intérêts et ses besoins uns et communs avec ceux d’origine Française et parlant la langue Française ; que les uns aiment la terre de leur naissance, les autres celle de leur adoption ; que la plupart de ces derniers ont reconnu la tendance bienfaisante des lois et des institutions du pays en général ; ont travaillé de concert avec les premiers à y introduire graduellement par l’autorité du Parlement Provincial, les améliorations dont elles ont paru de tems à autre susceptibles, et ont réprouvé la confusion qu’on a tenté d’y introduire, dans des vues de monopole et d’abus ; et que tous indistinctement désirent un gouvernement impartial et protecteur.

56. Résolu, Qu’en outre des abus administratifs et judiciaires qui ont eu un effet nuisible au bien-être et à la confiance publique, on s’est efforcé, de tems à autre, d’obtenir du Parlement du Royaume-Uni, en trompant sa justice et en abusant de ses intentions bienveillantes, des mesures propres à amener des combinaisons de la nature exposée ci-dessus, et des Actes de législation intérieure pour cette Province, ayant une même tendance et sur lesquels le peuple du Pays n’avait pas été consulté ; que malheureusement on a réussi à obtenir la passation de quelques-unes de ces mesures, et en particulier l’Acte de la 6e . George IV, Chapitre 59, communément appelé l’Acte des Tenures, dont toutes les classes du peuple, sans distinction, ont unanimement demandé le rappel par leurs représentans, peu après l’augmentation dans la représentation de cette Province : et que cette Chambre n’a pu encore obtenir du représentant de Sa Majesté en cette Province ou d’aucune autre source, des renseignemens sur les vues du Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, quant au rappel du dit Acte.

57. Résolu, Que le dit Acte avait pour objet, suivant les intentions bienveillantes du Parlement, et comme son titre l’énonce, l’extinction des Droits Féodaux et Seigneuriaux et Redevances Foncières, sur les terres tenues en cette Province à titre de Fief et à Cens, dans la vue de favoriser et de protéger contre des charges regardées comme onéreuses, la masse des habitans de cette Province ; mais que d’après ses dispositions, le dit Acte, loin d’avoir cet effet, facilite aux Seigneurs, à l’encontre des Censitaires, les moyens de devenir propriétaires absolus de grandes étendues de terres non-concédées, qu’ils ne tenaient en vertu des lois du Pays, que pour l’avantage de ses habitans, auxquels ils étaient tenus de les concéder moyennant des redevances limitées ; que le dit Acte s’il était généralement mis à exécution, priverait la masse des habitans permanens du Pays de l’accès aux Terres Seigneuriales vacantes ; tandis que l’entrée des Terres du domaine de la Couronne, à des conditions faciles et libérales et sous une tenure conforme aux lois du Pays, leur a constamment été interdite par la manière partiale, secrète et vicieuse dont ce département a été régi, et par les dispositions du même Acte des Tenures, quant aux lois applicables à ces mêmes Terres, et que les applications faites par quelques Seigneurs pour des Mutations de Tenures, en vertu du dit Acte, paraissent justifier la manière dont cette Chambre en a envisagé l’opération.

58. Résolu, Que ce n’est que d’après une supposition erronée, que les charges féodales étaient inhérentes au corps du Droit du Pays, quant à la possession et à la transmission des propriétés, et aux diverses tenures que ce droit reconnaissait, qu’il a pu être statué au dit Acte, que les terres dont la mutation aurait ainsi été obtenue tomberaient sous la tenure du Franc et Commun Soccage ; que les charges Seigneuriales n’ont principalement été onéreuses, en certains cas, que par le défaut de recours auprès des administrations provinciales et des tribunaux, pour le maintien des anciennes lois du Pays à cet égard ; que d’ailleurs, la Législature Provinciale aurait été tout-à-fait compétente à passer des lois, pour permettre le rachat de ces charges, d’une manière qui s’harmoniât avec les intérêts de toutes les parties, et avec les tenures libres reconnues par les lois du pays ; que la Chambre d’Assemblée s’est occupée, à plusieurs reprises, de cet important sujet, et s’en occupe encore actuellement ; mais que le dit Acte des Tenures, insuffisant par lui-même, pour opérer d’une manière équitable, le résultat qu’il annonce, est de nature à embarrasser et à empêcher les mesures efficaces que la Législature du Pays pourrait être disposée à adopter à ce sujet, avec connaissance de cause ; et que l’application ainsi faite, à l’exclusion de la Législature Provinciale, au Parlement du Royaume-Uni, bien moins à portée de statuer d’une manière équitable sur un sujet aussi compliqué, n’a pu avoir lieu que dans des vues de spéculations illégales, et de bouleversement dans les lois du Pays.

59. Résolu, Qu’indépendamment de plusieurs autres vices sérieux, le dit Acte ne paraît pas avoir été basé sur une connaissance suffisante des lois, qui régissent les personnes et les biens dans le Pays, en déclarant l’application des lois de la Grande-Bretagne à certains accidens de la propriété y énumérés ; et qu’il n’a été propre qu’à augmenter la confusion et les doutes, qui avaient régné dans les tribunaux et dans les contrats privés, au sujet de l’application des lois aux terres auparavant concédées, sous la tenure du franc et commun soccage.

60. Résolu, Que la disposition du dit Acte, qui a excité le plus d’alarmes, et qui est le plus contraire aux droits des Habitans du Pays et à ceux du Parlement Provincial, est celle qui statue que les terres tenues en fief ou en censive, dont la tenure aura été commuée, seront tenues en franc et commun soccage, et par la même sujettes, d’après les dispositions du dit Acte, aux lois de la Grande Bretagne, dans les diverses circonstances ci-dessus mentionnées et y énumérées ; qu’outre son insuffisance en elle-même, cette disposition est de nature à mettre en contact, dans tous les anciens établissemens, sur des points multipliés, et contigus, deux systèmes opposés de lois, dont l’un, d’ailleurs, est entièrement inconnu dans le Pays et y est impossible dans ses résultats ; que d’après les dispositions manifestées par les autorités Coloniales et leurs partisans, envers les Habitans du Pays, ces derniers ont juste raison de craindre que cette dispositions ne soit que le prélude du renversement final, au moyen d’Actes du Parlement de la Grande Bretagne, obtenus frauduleusement, en violation de ses engagemens antérieurs, du système qui a continué de régir heureusement les personnes et les biens des Habitans de la Province.

61. Résolu, Que les habitans du Pays ont de justes motifs de craindre que les prétentions élevées aux biens du Séminaire de St. Sulpice de Montréal, ne soient dues au désir des administrations coloniales et de leurs employés et suppôts, de hâter ce déplorable état de choses ; et que le Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, en rassurant ses fidèles sujets Canadiens à cet égard, fera disparaître les alarmes du Clergé Catholique et de tout le Peuple sans distinction, et méritera leur vive reconnaissance.

62. Résolu, Qu’il est du devoir de cette Chambre de persister à solliciter le rappel absolu du dit Acte des Tenures, et en attendant qu’il ait lieu, de proposer aux autres branches du Parlement Provincial des mesures propres à en atténuer les pernicieux effets.

63. Résolu, Que cette Chambre voit avec regret, par l’une des dites dépêches du Secrétaire Colonial, que Sa Majesté ait été conseillée d’agir dans un cas qui touche aux privilèges de cette Chambre ; que dans la circonstance à laquelle il y est fait allusion, cette Chambre a usé d’un privilège solennellement établi par la Chambre des Communes, avant que le principe sur lequel il repose, fût devenu loi du Pays ; que ce principe est nécessaire à l’indépendance de cette Chambre et à la liberté de ses votes et de ses procédés ; et que les résolutions de cette Chambre du quinze Février mil-huit-cent-trente-et-un, sont constitutionnelles et bien fondées, et appuyées sur l’exemple des Communes de la Grande Bretagne ; que cette Chambre a, à plusieurs reprises, passé des bills pour mieux en assurer le principe ; mais que ces bills ne sont pas devenus loi, d’abord par les obstacles éprouvés dans une autre branche de la Législature Provinciale, et ensuite par la réserve du dernier de ces bills pour la sanction de Sa Majesté en Angleterre, d’où il n’est pas encore revenu ; que jusqu’à ce qu’un pareil bill soit devenu loi, cette Chambre persévère dans les dites résolutions ; et que le refus par son Excellence le Gouverneur en Chef actuel, de signer un Writ pour l’élection d’un Chevalier pour le Comté de Montréal, en remplacement de Dominique Mondelet, Écuyer, dont le siège a été déclaré vacant, est un grief dont cette Chambre a droit d’obtenir réparation, et qui aurait suffi pour mettre fin à toutes relations entre elle et l’Exécutif Colonial actuel, si les circonstances du Pays n’eussent présenté une foule d’autres abus et griefs, contre lesquels il est urgent de réclamer.

64. Résolu, Que les prétentions élevées depuis un grand nombre d’années, par le Gouvernement Exécutif, au contrôle et à l’application d’une grande partie du revenu prélevé dans la Province, qui de droit appartient à cette Chambre sont contraires à ses droits et à la constitution du Pays, et que cette Chambre persiste à cet égard dans ses déclarations des années précédentes.

65. Résolu, Que les dites prétentions de l’Exécutif ont été vagues et variables ; que les documens au sujet des dites prétentions et les comptes et estimations de dépenses soumis à cette Chambre, ont de même été variables, irréguliers, et insuffisans pour permettre à cette Chambre de procéder avec connaissance de cause sur ce qui en faisait l’objet ; que des branches considérables du revenu public de la Province, perçu soit d’après les lois ou d’après les règles arbitraires de l’Exécutif, ont été omises dans les dits comptes ; que des items nombreux ont été payés à même le revenu public, sans l’autorisation et en dehors du contrôle de cette Chambre, pour rétribuer des sinécures, des situations non reconnues par cette Chambre, et même pour des objets auxquels, après mûre délibération, elle avait jugé à propos de n’appliquer aucune partie du revenu public ; et que les comptes des dites dépenses n’ont pas non plus été communiqués à cette Chambre.

66. Résolu, Que le Gouvernement Exécutif s’est efforcé au moyen des dits règlemens arbitraires, et principalement par la vente des terres vacantes et des bois sur icelles, de se créer, à même le revenu sujet uniquement aux appropriations de cette Chambre, des ressources pécuniaires indépendantes du contrôle des Représentans du Peuple ; et qu’il en est résulté une diminution dans l’influence salutaire que le Peuple a droit d’exercer, d’après la constitution, sur la branche administrative du gouvernement, et sur l’ensemble et la tendance de ses mesures.

67. Résolu, Que cette Chambre ayant de tems à autre, dans la vue de procéder par bills à rétablir la régularité dans le système financier de la Province, et à pourvoir aux dépenses de l’Administration de la Justice et du Gouvernement Civil de Sa Majesté en icelle, demandé par adresse, à l’Exécutif Provincial, la production de divers documens et comptes liés aux affaires financières, et aux abus qui y existaient, a éprouvé de nombreux refus, surtout durant la présente Session et la précédente Session ; que divers fonctionnaires publics subalternes, sommés par des comités de cette Chambre de communiquer divers renseignemens sur le même sujet, s’y sont refusés, par suite de cette prétention des administrations provinciales, à soustraire une grande partie du revenu et de la dépense publique, au contrôle et même à la connaissance de cette Chambre ; que durant la présente Session, l’un des dits fonctionnaires subalternes de l’exécutif, sommé de produire divers Régistres des Warrants et Rapports en original, dont l’examen importait à cette Chambre, a persisté à être présent aux délibérations du comité délégué à cet effet par elle ; et que l’administration, informée du fait, s’est abstenue d’intervenir, quoiqu’en conformité à l’usage parlementaire, cette Chambre eût promis de remettre les dits documens, et que le Gouverneur en Chef lui-même se fût engagé à les communiquer.

68. Résolu, Que par suite de la distribution secrète et illégale d’une grande partie du revenu public de la Province, la comptabilité financière du Pays de la part du Gouvernement Exécutif, excepté quant aux votes pour des objets d’une nature locale, a sans cesse été envers les Lords Commissaires de la Trésorie en Angleterre, et suivant leurs réglemens et leurs directions, et non envers cette Chambre et en conformité à ses votes, ni même en conformité aux lois passées dans la Législature Provinciale ; et que les Comptes et Apperçus, soumis de tems à autre à cette Chambre, n’ont jamais formé un système régulier de comptabilité appréciable par bilan, mais ont été tirés successivement, avec les changemens et les irrégularités qu’il plaisait à l’administration du jour d’y introduire, des comptes tenus envers les Lords de la Trésorerie, où se trouvait comprise toute la recette, ainsi que tous les items de dépense autorisés ou non autorisés par cette Législature.

69. Résolu, Que ces prétentions et ces abus ont ôté à cette Chambre même l’ombre de contrôle sur le revenu public de la Province, et l’ont mise hors d’état de connaître, à aucune époque, le revenu perçu, le montant disponible sur icelui, et les besoins du service public ; et que cette Chambre ayant depuis plusieurs années passé des Bills dont le modèle se trouve dans les Statuts de la Grande Bretagne, pour établir une comptabilité et une responsabilité régulières dans les départemens liés à la recette et à l’emploi du revenu, ces Bills ont échoué dans le Conseil Législatif.

70. Résolu, Que depuis la dernière Session du Parlement Provincial, le Gouverneur en Chef de cette Province et les membres de son Administration Provinciale, s’appuyant des prétentions ci-dessus, ont payé sans appropriation légale de très-fortes sommes du revenu public, sujet au contrôle de cette Chambre, et que la répartition des dites sommes a été faite suivant leur bon plaisir, et même d’une manière contraire aux votes de cette Chambre, tels qu’incorporés dans le Bill de subsides passé par elle lors de la dernière Session, et rejeté dans le Conseil Législatif.

71. Résolu, Que cette Chambre tiendra pour responsables de toutes les sommes payées autrement qu’en vertu d’une loi de cette Législature ou sur une adresse de cette Chambre, à même le revenu public de la Province, ou qui pourront l’être à l’avenir, tous ceux qui auront autorisé ces payemens, ou y auront participé, jusqu’à ce que les dites sommes aient été remboursées, ou qu’un bill ou des bills d’indemnité, librement passés par cette Chambre aient obtenu force de loi.

72. Résolu, Que la pratique adoptée par cette Chambre, dans le Bill de subsides passé durant la dernière Session, d’attacher certaines conditions à certains de ses votes, dans la vue de prévenir le cumul de situations incompatibles et d’obtenir la réparation d’abus et griefs, est sage et constitutionnelle, et a été souvent adoptée par la Chambre des Communes, dans des circonstances analogues ; et que si maintenant elle n’y a plus aussi souvent recours, c’est parce qu’elle a heureusement obtenu l’entier contrôle du revenu de l’état, et que le respect pour son opinion au sujet de la réparation des abus et griefs de la part des autres autorités constituées, a régularisé la marche de la constitution d’une manière également avantageuse à la stabilité du gouvernement de Sa Majesté et aux intérêts du Peuple.

73. Résolu, Que ç’a été la pratique ancienne de la Chambre des Communes de retenir les subsides jusqu’à ce que les griefs fussent redressés ; et qu’en suivant cet exemple dans la conjoncture actuelle, nous sommes appuyés dans nos procédés, tant par les antécédens les plus approuvés, que par l’esprit de la constitution même.

74. Résolu, Que si dans la suite, après la réparation des griefs et abus, cette Chambre trouvait bon et convenable d’accorder des subsides, elle ne le devrait faire qu’en la manière mentionnée dans ses quatrième et cinquième résolutions du 16 Mars 1833, et en affectant principalement à ces votes, jusqu’à concurrence, les sources de revenu sur lesquelles le gouvernement exécutif a élevé des prétentions et ainsi qu’énumérées en la quatrième des résolutions susdites.

75. Résolu, Que la population du Pays étant d’environ 600,000 habitans, ceux d’origine Française y sont environ au nombre de 525,000, et ceux d’origine Britannique ou autres de 75,000 ; et que l’établissement du Gouvernement Civil du Bas Canada pour l’année 1832, d’après les Rapports annuels dressés par l’administration Provinciale, pour l’information du Parlement Britannique, contenait les noms de 157 Officiers et employés salariés en apparence d’origine Britannique ou Étrangère, et les noms de 47 des mêmes, en apparence natifs d’origine Française ; que cette disproportion ne présente pas toute celle qu’il y a dans la distribution du revenu ni du pouvoir, ces derniers étant en plus forte proportion appelés aux charges inférieures et moins lucratives, et ne les obtenant, le plus souvent, qu’en se plaçant dans la dépendance de ceux qui ont les charges supérieures et plus lucratives ; que le cumul prohibé par les lois et la saine politique de plusieurs emplois incompatibles des mieux rétribués et de ceux qui donnent le plus de pouvoir, se trouve surtout en faveur des premiers ; que dans la dernière Commission de la Paix publiée pour la Province, les Deux Tiers des Juges de Paix sont en apparence d’origine Britannique ou Étrangère, et le Tiers seulement d’origine Française.

76. Résolu, Que cet usage partial et abusif de n’appeller en grande majorité aux fonctions publiques dans la Province, que ceux qui tiennent le moins à ses intérêts permanens et à la masse de ses habitans, a été particulièrement appliqué au département judiciaire, les juges ayant été systématiquement choisis pour les trois grands districts, à l’exception d’un seul dans chacun d’eux, d’entre la classe qui, née hors du pays, est la moins versée dans ses lois et dans la langue et les usages de la majorité de ses habitans ; que par suite de leur immiscement dans la politique du pays, de leurs liaisons avec les membres des administrations Coloniales, et de leurs préjugés en faveur d’institutions étrangères et contre celles du Pays, la majorité des dits juges a introduit une grande irrégularité dans le système général de notre jurisprudence, en négligeant de coordonner leurs décisions à ses bases reconnues ; et que les prétentions des dits juges à régler les formes de la procédure d’une manière contraire aux lois du Pays, sans l’intervention de la Législature, ont souvent été étendues au règles fondamentales du droit et de la pratique ; qu’en outre par suite du même système, l’administration de la justice criminelle a été partiale, peu sûre, et peu protectrice, et a manqué d’inspirer la confiance qui en doit être la compagne inséparable.

77. Résolu, Que par suite de leurs liaisons avec les membres des administrations provinciales et leurs antipathies contre le Pays, quelques-uns des dits Juges ont, en violation des lois, tenté d’abolir, dans les Cours de Justice, l’usage de la langue parlée par la majorité des habitans du Pays, nécessaire à la libre action des lois et formant partie des usages à eux assurés, de la manière la plus solennelle, par des Actes du droit public et des Statuts du Parlement Britannique.

78. Résolu, Que plusieurs des dits Juges, par partialité, dans des vues politiques, et en violation du Droit Criminel Anglais, tel qu’établi dans le Pays, de leur devoir et de leur serment, se sont entendus avec divers officiers en loi de la couronne, agissant dans l’intérêt des Administrations Provinciales, pour laisser accaparer à ces derniers le monopole de toutes les poursuites criminelles, de quelque nature qu’elles fussent, sans vouloir permettre à la partie privée, d’intervenir ou d’être entendue, ni même aux Avocats d’exprimer leurs opinions comme amis de la Cour, lorsque les dits Officiers de la Couronne, s’y opposaient ; qu’en conséquence, de nombreuses poursuites d’une nature politique ont été élevées dans les Cours de Justice par les dits Officiers de la Couronne contre ceux dont les opinions étaient opposées aux administrations d’alors, tandis qu’il était impossible à la classe nombreuse des sujets de Sa Majesté, dont ces derniers faisaient partie, de traduire devant les tribunaux avec la moindre confiance, ceux qui protégés par les dites administrations et aidant à leurs violences, avaient pu se rendre coupables de crimes ou de délits ; que le personnel des tribunaux tel qu’exposé dans cette résolution et dans les précédentes, n’a éprouvé aucune modification et inspire les mêmes craintes pour l’avenir.

79. Résolu, Que cette Chambre, comme représentant le peuple de cette Province, possède le droit, et a exercé de fait dans cette Province, quand l’occasion l’a requis, les pouvoirs, privilèges et immunités réclamés et possédés par la Chambre des Communes du Parlement dans le Royaume-Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande.

80. Résolu, Que c’est le privilège indubitable de cette Chambre d’envoyer quérir tous papiers et records, et d’ordonner la comparution de toutes personnes civiles ou militaires résidantes dans la Province, sur tout sujet d’enquête dont s’occupe cette Chambre ; et de requérir de tels témoins la production de tous papiers et records, étant sous leur garde, lorsqu’elle le jugera nécessaire à l’avancement du bien public.

81. Résolu, Que, comme grande enquête pour toute la Province, il est du devoir de cette Chambre de s’enquérir de tous griefs et de toutes circonstances dangereuses au bien-être général des habitans de la Province, ou propre à les alarmer, par rapport à leur vie, leur liberté, ou leurs propriétés, aux fins telles représentations puissent être faites à notre Très-Gracieux Souverain, ou que telles dispositions législatives puissent être proposées, qui procureraient la réparation des griefs, feraient cesser le danger, ou appaiseraient les alarmes ; et que loin de pouvoir mettre obstacle à l’exercice de ces droits et privilèges, le Gouverneur en Chef est député par son Souverain et revêtu de grands pouvoirs, et rétribué de forts appointemens, aussi bien pour défendre les droits du sujet et faciliter l’exercice des privilèges de cette Chambre et de tous les corps constitués, que pour maintenir les prérogatives de la Couronne,

82. Résolu, Que, depuis le commencement de la présente Session, un grand nombre de requêtes relatives à l’infinie variété de sujets qui tiennent à l’utilité publique, ont été présentées ; plusieurs messages et communications importantes, reçues de la part du Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, et de la part du Gouvernement Provincial de Sa Majesté ; plusieurs bills ont été introduits dans cette Chambre, et plusieurs enquêtes importantes, ordonnées par elle, dans plusieurs desquelles le Gouverneur en Chef se trouve personnellement et profondément impliqué ; lesquelles requêtes de nos Constituans, le Peuple de toutes les parties de la Province, lesquels Messages du Gouvernement de Sa Majesté et du Gouvernement Provincial, lesquels Bills déjà introduits ou qui l’auraient été ci-après, lesquelles Enquêtes commencées pour être continuées avec diligence, peuvent et doivent nécessiter la présence de nombre de témoins, la production de nombre d’écrits, l’emploi de nombre d’écrivains, messagers, assistans, impressions, déboursées inévitables et journaliers, formant les Dépenses Contingentes de cette Chambre.

83. Résolu, Que, depuis l’année 1792 jusqu’à la présente, des avances de cette nature, en conformité à ce qui se pratique dans la Chambre des Communes, ont été constamment faites sur des adresses semblables à celle que la Chambre d’Assemblée a présentée cette année au Gouverneur-en-Chef ; qu’une telle adresse est le vote de crédit le plus inviolable qu’elle puisse donner, et que la presque totalité d’une somme de plus de £277,000 a été avancée sur de tels votes de crédit par les prédécesseurs de Son Excellence le Gouverneur-en-Chef et par lui-même, comme il le reconnaît par Son Message du 18 Janvier 1834, sans qu’il y ait jamais eu de risque à l’accorder pour aucun autre Gouverneur, quoique plusieurs aient été impliqués dans des difficultés violentes et injustes de leur part, contre la Chambre d’Assemblée, et sans qu’ils aient appréhendé qu’un Parlement prochain ne fût pas disposé à faire bon des engagemens de la Chambre d’Assemblée ; et que le refus du Gouverneur-en-Chef, dans la circonstance actuelle, nuit essentiellement à la dépêche des affaires pour lesquelles le Parlement a été convoqué, est contraire aux droits et à l’honneur de cette Chambre, et est un nouveau Grief contre l’administration actuelle de cette Province.

84. Résolu, Qu’en outre des Griefs et Abus exposés ci-dessus, il en existe dans la Province un grand nombre d’autres, dont une partie existait avant le commencement de l’administration actuelle, qui les a maintenus, et dont une partie est son ouvrage, dont cette Chambre se réserve le droit de porter plainte et de demander réparation, et dont l’énumération serait trop longue, que cette Chambre indique ici seulement, entr’autres :

1o. La Composition vicieuse et irresponsable du Conseil Exécutif, dont les Membres sont en même temps Juges de la Cour d’Appel, et le secret dans lequel on a tenu envers cette Chambre, lorsqu’elle a travaillé à en enquérir, non seulement les attributions du dit corps, mais même les noms de ceux qui en forment partie.

2o. Les Honoraires exorbitans illégalement exigés dans divers Bureaux publics de l’administration et du département judiciaire, d’après des réglemens du Conseil Exécutif, des Juges et d’autres Fonctionnaires usurpant les pouvoirs de la Législature.

3o. Les Juges illégalement appelés à donner secrètement leurs opinions sur des questions, qui pouvaient plus tard être discutées publiquement et contradictoirement devant eux ; et de telles opinions données par la plupart des dits Juges, devenus des Partisans politiques, dans un sens contraire aux lois, mais favorables aux administrations.

4o. Le Cumul des places et emplois publics et les efforts d’un nombre de familles liées à l’administration, pour perpétuer en leur faveur cet état de choses et pour dominer à toujours le Peuple et ses Représentans, dans des vues d’intérêt et d’esprit de parti.

5o. L’Immiscement de Conseillers Législatifs dans les Élections des représentans du Peuple, pour les violenter et les maîtriser, et les choix d’Officiers Rapporteurs souvent faits pour les mêmes fins, dans des vues partiales et corrompues ; l’intervention du Gouverneur-en-Chef actuel lui-même dans les dites Élections ; son Approbation donnée à l’immiscement des dits Conseillers Législatifs dans les mêmes Élections ; la Partialité avec laquelle il s’est interposé dans des procédures judiciaires liées aux dites Élections, pour influer sur ces procédures, dans l’intérêt du pouvoir militaire et contre l’indépendance du pouvoir judiciaire, et les applaudissemens par lui donnés, en sa qualité de Commandant des Forces, à l’exécution sanglante du Citoyen par le Soldat.

6o. L’Intervention de la Force Militaire armée aux dites Élections ; par quoi trois Citoyens paisibles, soutiens nécessaires de leurs familles et étrangers à l’agitation de l’Élection, ont été tués et fusillés dans la rue ; les Applaudissemens donnés par le Gouverneur-en-Chef et Commandant des Forces, aux Auteurs de cette sanglante exécution militaire, qui n’avaient pas été acquittés par un Petit Jury, sur la fermeté et la discipline qu’ils avaient montrées en cette occasion.

7o. Les divers Systèmes fautifs et partiaux d’après lesquels on a disposé, depuis le commencement de la Constitution, des Terres Vacantes en cette Province, lesquels ont mis la généralité des Habitans du Pays dans l’impossibilité de s’y établir ; l’Accaparement frauduleux et contraire aux Lois et aux Instructions de la Couronne, de grandes étendues de ces Terres par les Gouverneurs, Conseillers Législatifs et Exécutifs, Juges et employés subordonnés ; le Monopole dont la Province est menacée à l’égard d’une partie étendue des mêmes Terres, de la part de Spéculateurs résidans en Angleterre, et des alarmes répandues sur la participation du Gouvernement de Sa Majesté à ce projet, sans que ce dernier ait daigné rassurer ses fidèles Sujets à cet égard, ni répondre à l’humble Adresse de cette Chambre à Sa Majesté, adoptée durant la dernière Session.

8o. L’Accroissement des Dépenses du Gouvernement, sans l’autorité de la Législature, et la Disproportion des Salaires comparés aux services rendus, aux revenus des biens-fonds, et aux profits ordinaires de l’industrie, chez des personnes d’autant et de plus de talens, de travail et d’économie, que les fonctionnaires publics.

9o. Le Manque de Recours dans les Tribunaux, à ceux qui ont des réclamations justes et légales à exercer contre le Gouvernement.

10o. La Réserve trop fréquente des Bills par les Gouverneurs, pour le sanction de Sa Majesté en Angleterre, et la négligence du Bureau Colonial à s’occuper de ces Bills, dont un grand nombre ne sont pas revenus du tout dans la Province, et même dont quelques-uns n’en sont revenus qu’à une époque où il pouvait exister des doutes sur la validité de leur sanction ; ce qui a introduit l’irrégularité et l’incertitude dans la Législation de la Province, et gêné cette Chambre dans son désir de renouveler dans les Sessions postérieures les Bills réservés dans une Session précédente.

11o La Négligence du Bureau Colonial à répondre à des Adresses, transmises de la part de cette Chambre, sur des sujets importans ; l’Usage des Gouverneurs de ne communiquer que d’une manière incomplète, par extraits et souvent sans date, les Dépêches reçues de tems à autre, sur les sujets dont s’est occupée cette Chambre ; le Recours trop fréquent des Administrations Provinciales à l’opinion des Ministres de Sa Majesté en Angleterre, sur des points dont il est en leur pouvoir et de leur compétence de décider.

12o. La Détention injuste du Collège de Québec, formant partie des biens du ci-devant ordre des Jésuites, ravi à l’éducation pour y loger des soldats ; le bail d’une partie considérable des mêmes biens, renouvelé par l’Exécutif Provincial, à l’un des Conseillers Législatifs, depuis leur remise à la Législature, à l’encontre de la prière de cette Chambre, et du désir connu d’un grand nombre de Sujets de Sa Majesté d’y obtenir des concessions pour s’y établir ; le Refus du dit Exécutif, de communiquer à cette Chambre les Baux y relatifs et autres renseignemens à ce sujet.

13o. Les injustes Obstacles opposés par un Exécutif, ami des abus et de l’ignorance, à la Fondation de Collèges dotés par des hommes vertueux et désintéressés, pour répondre aux besoins et aux désirs croissans de la population, de recevoir une éducation soignée.

14o. Le Refus de faire droit sur les accusations portées au nom du Peuple par cette Chambre, contre des Juges, à l’égard de malversations flagrantes, d’ignorance, et de violation des Lois ;

15o. Les Refus des Gouverneurs, et surtout du Gouverneur-en-Chef actuel, de communiquer à cette Chambre, un grand nombre de renseignemens demandés, de tems à autre, sur les affaires publiques de la Province et qu’elle a droit d’avoir.

16o. Le Refus du Gouvernement de Sa Majesté, de rembourser à la Province, le montant de la Défalcation du ci-devant Receveur-Général, et sa négligence à exercer les droits de la Province, sur les biens et la personne du ci-devant Receveur-Général.

85. Résolu, Que l’exposé ci-dessus démontre qu’à aucune époque, les lois et les constitutions de la Province n’ont été administrées d’une manière plus contraire aux intérêts du Gouvernement de Sa Majesté et aux droits du Peuple de cette Province, que sous la présente administration ; et nécessite, de la part de cette Chambre, la mise en accusation de Son Excellence Mathew Whitworth Aylmer, Lord Aylmer de Balrath, Gouverneur-en-Chef actuel de cette Province, pour avoir dans l’exécution des devoirs de sa charge, en contravention au désir du Parlement Impérial, et aux directions qu’il a pu recevoir, à l’honneur et la dignité de la Couronne, aux droits et privilèges de cette Chambre et du Peuple qu’elle représente, recomposé le Conseil, de manière à augmenter les dissentions qui déchirent la Colonie ; mis des entraves sérieuses aux travaux de cette Chambre, comme grande enquête du Pays ; avoir disposé du revenu public de la Province contre le consentement des représentans du Peuple, en contravention à la loi et à la constitution ; maintenu des abus existans, et en avoir fait naître de nouveaux ; avoir refusé de signer un Writ d’Élection pour remplir une vacance, occasionnée dans la représentation de cette Province, et de compléter la dite représentation au nombre voulu par la loi ; — et que cette Chambre attend de l’honneur, du patriotisme et de la justice du Parlement Réformé du Royaume-Uni, que les Communes du dit Parlement porteront des Accusations Parlementaires (Impeachments), et les appuyeront devant la Chambre des Lords, contre le dit Matthew Lord Aylmer, par suite et à raison de son administration illégale, injuste et inconstitutionnelle du Gouvernement de cette Province, et contre tels des Conseillers méchans et pervers qui l’ont guidé, que cette Chambre pourra ci-après accuser, s’il n’y a pas moyens d’obtenir justice contre eux dans cette Province, ou de la part du Gouvernement Exécutif de Sa Majesté en Angleterre.

86. Résolu, Que cette Chambre espère et croit que les Membres indépendans des deux Chambres du Parlement du Royaume-Uni, seront disposés, autant par inclination que par devoir, à soutenir les accusations portées par cette Chambre ; à veiller à la conservation de ses droits et privilèges souvent et violemment attaqués, surtout par l’administration actuelle, et faire en sorte qu’on ne puisse, en opprimant le peuple de cette Colonie, lui faire regretter sa dépendance de l’Empire Britannique, et chercher ailleurs un remède à ses maux.

87. Résolu, Que cette Chambre a appris avec reconnaissance, que Daniel O’Connel, Écuyer, avait donné avis dans la Chambre des Communes, en Juillet dernier, que durant la présente Session du Parlement Impérial, il soumettrait à sa considération la nécessité de réformer les Conseils Législatifs et Exécutifs dans les Canadas ; et que cet intérêt à notre sort et à notre bien-être, de la part de celui que la reconnaissance, les bénédictions et l’amour de ses compatriotes ont proclamé Grand et Libérateur, avec l’applaudissement de tout le monde civilisé ; que les mêmes sentimens partagés par nos compatriotes, nous laissent l’espoir qu’avec la bonté de notre cause et le dévouement d’un tel ami, le Parlement et l’Honneur Britannique ne permettront pas qu’un Ministre, trompé par les représentations intéressées de l’administration provinciale et de ses créatures et suppôts, ne fasse, ainsi que le font craindre les extraits de ses Dépêches communiqués à cette Chambre, l’essai du plus haut degré d’oppression, en faveur d’un système que, dans de meilleurs tems, il signalait comme défectueux, et contre des sujets de l’Empire qui ne lui sont connus en apparence, que par la longue patience avec laquelle ils ont attendu des réformes vainement promises.

88. Résolu, Que cette Chambre a la même confiance dans la personne de Joseph Hume, Écuyer, et la même reconnaissance pour l’intérêt qu’il a souvent pris au bon gouvernement de ces Colonies, et à l’amélioration de leurs lois et constitutions ; et qu’elle prie nommément les dits Daniel O’Connel et Joseph Hume, Écuyers, dont le dévouement constant a été suivie en partie de succès, sous un ministère Tory, et ayant la réforme du Parlement, pour faire émanciper l’Irlande du même servage et de la même infériorité politique, dont les Communications reçues du Secrétaire Colonial, durant la présente Session, menacent le Peuple du Bas-Canada ; de travailler à l’amélioration des Lois et de la Constitution de cette Province, en la manière demandée par le Peuple ; à la réparation pleine et entière des abus et griefs, dont il a à se plaindre, et à ce que les Lois et Constitutions soient administrées à l’avenir d’une manière qui se concilie avec la justice, l’honneur de la Couronne et du Peuple Anglais, et les libertés, privilèges et droits des Habitans de cette Province et de cette Chambre qui les représente.

89. Résolu, Que cette Chambre invite les Membres de la minorité du Conseil Législatif, qui partagent les opinions du Pays, les Membres actuels de la Chambre d’Assemblée, jusqu’après les prochaines Élections générales, et ensuite tous les Membres alors élus, et telles autres personnes qu’ils s’associeront, à former un ou deux Comités de correspondance, siégeant à Québec et à Montréal en premier lieu, et ensuite ainsi qu’ils l’aviseront ; lesquels Comités se consulteront l’un avec l’autre et avec les Comités locaux qui pourront se former en différentes parties de la Province, et pourront correspondre avec l’Honorable Denis Benjamin Viger, Agent de cette Province en Angleterre ; avec les dits Joseph Hume et Daniel O’Connel, Écuyers, et avec tels Membres de la Chambre des Lords et de celle des Communes, et telles autres personnes dans le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, que bon leur semblera, aux fins d’appuyer les demandes du Peuple de cette Province et de cette Chambre ; de fournir les renseignemens, documens et opinions qu’ils jugeront les plus propres à faire connaître l’état, les vœux et les besoins de la Province ; et que les dits Comités pourront aussi correspondre avec telles personnes qu’ils jugeront à propos, dans les autres Colonies Britanniques, toutes intéressées à ce que la plus peuplée de leurs Sœurs-Colonies, ne succombe pas à la tentative violente de perpétuer les maux et abus qui y résultent, tant des vices de sa constitution, que des malversations combinées des départemens administratif, législatif et judiciaire, d’où sont résultés l’insulte et l’oppression pour le Peuple, et par une suite nécessaire, sa haine et son mépris pour son Gouvernement Provincial.

90. Résolu, Que l’Honorable Denis Benjamin Viger, soit prié de demeurer au Siège du Gouvernement de Sa Majesté, durant au moins la Session du Parlement Impérial ; de continuer à y veiller aux intérêts de la Province avec le même zèle et le même dévouement, sans se laisser décourager par les exceptions de forme de ceux qui ne veulent pas entendre les plaintes du Pays.

91. Résolu, Que les dépenses justes et raisonnables des dits deux Comités de Correspondance ci-dessus, en exécution des pouvoirs que leur confie cette Chambre, sont une dette quelle contracte envers eux ; et que les Représentans du Peuple sont liés d’honneur à employer tous les moyens constitutionnels pour les rembourser à cet égard, ainsi que ceux qui leur feront des avances pour les fins énoncées ci-dessus.

92. Résolu, Que le Message de Son Excellence le Gouverneur-en-Chef, reçu le 13 Janvier dernier, relatif au Writ pour le Comté de Montréal, avec l’extrait d’une Dépêche qui l’accompagne, le Message du même reçu le même jour, relatif au Bill des Subsides, et le Message du même reçu le 14 Janvier dernier, avec l’Extrait d’une Dépêche qui l’accompagne, soient biffés des Journaux de cette Chambre.


Attesté,
J. Ant. BOUTHILLIER,
Greffier Assistant.
[Extrait des Journaux.]


Mr Bedard a proposé, secondé par Mr Morin, que Quatre Cents Copies des dites Résolutions en Langue Française, et Quatre Cents Copies en Langue Anglaise, telles que passées par cette Chambre, soient imprimées pour l’usage des Membres de cette Chambre.

La Chambre s’est divisée sur la question :

Pour,

Messieurs Amiot, Archambeault, Bedard, Bertrand, Besserer, Blanchard, Boissonnault, Bouffard, Bourdages, Bureau, Careau, Cazeau, Courteau, Child, De-Bleury, Déligny, Deschamps, De Tonnancour, De Witt, Dionne, Jacques Dorion, Pierre Antoine Dorion, Drolet, Fortin, Girouard, Guillet, Godbout, Huot, Kimber, Lafontaine, Larme, Leslie, Létourneau, Masson, Méthot, Morin, Mousseau, Noël, Poulin, Proulx, Raymond, Rivard, Rocbrune, Rochon, Rodier, Scott, Simon, Antoine Charles Taschereau, Pierre Elzéar Taschereau, Tessier, Toomy, Trudel, Turgeon, Valois, Vanfelson et Viger ; (56.)

Contre,

Messieurs Anderson, Baker, Berthelet, Caldwell, Casgrain, Cuvillier, Davis, Duval, Goodhue, Gugy, Hoyle, Knowlton, Languedoc, Le Bouthillier, Lemay, Neilson, Power, Quesnel, Stuart, Taylor, Wood, Wright, Wurtele et Young ; (24.)

Ainsi elle a été emportée dans l’Affirmative, et

Ordonné, En conséquence.

état de la province.


M. Neilson, secondé par M. Duval, a proposé le 21 Février, de renvoyer de nouveau à un comité général le rapport sur l’état de la province, avec instruction de savoir si la chambre ne devrait pas substituer aux résolutions ci-dessus les suivantes :

1er . L’état de cette province a été pleinement considéré par cette chambre, et représenté à Sa Majesté et aux deux chambres du parlement dans ses humbles adresses du 16 Mars 1831 ; et la réponse qu’y a faites le principal secrétaire d’état de Sa Majesté pour le département colonial en date du 7 Juillet suivant, mises devant cette chambre le 18 Novembre de la même année, contient une promesse solennelle de la part du gouvernement de Sa Majesté de son consentement et de sa coopération, à éloigner ou à remédier aux principaux griefs et abus dont se plaignent les dites adresses ; et qu’il est du devoir de cette chambre de procéder, dans l’esprit de la dite dépêche, à co-opérer et à promouvoir la paix, le bien-être, et le bon gouvernement de la province, conformément à l’acte du parlement britannique qui le constitue.

2. Que l’extrait d’une dépêche du principal secrétaire de Sa Majesté pour le département des colonies, communiqué à cette chambre par message de Son Excellence, sous date du 14 Janvier dernier, contient un nouveau gage de la disposition du gouvernement de Sa Majesté à donner effet aux recommandations du comité de la chambre des communes du 28 Juillet 1828, adopté après un examen des requêtes de toutes les classes des sujets de Sa Majesté en cette province, et qu’en cela cette chambre a un motif de plus pour procéder instamment, diligemment et avec persévérance, en autant que cela dépendra d’elle, à assurer à ses constituans les avantages qu’offrent les dites recommandations, cultivant en même temps l’harmonie et la bonne intelligence entre les habitans de la province, et en avançant son bien-être général.

3. Qu’il est dans ce moment urgent d’aider par des disposions législatives l’avancement de la province, ainsi que l’amélioration de la condition de ses habitans, plus particulièrement.

1o. Pour faciliter sous des titres l’occupation de toutes les terres incultes qui se trouvent dans le voisinage des établissemens, sans que le cultivateur soit sujet à des conditions arbitraires ou à des redevances injustes, avec liberté de posséder ou sous l’ancienne tenure du pays, ou en franc-aleu.

2o. Pour la plus grande certitude des lois sur les biens réels ; pour l’inamovibilité des juges ; pour une meilleure administration de la justice, et les moyens de faire valoir les réclamations contre le gouvernement provincial.

3o. Pour une plus grande responsabilité chez les grands fonctionnaires publics, et une cour dans la province pour les accusations portées par la chambre d’assemblée.

4o. Pour la liquidation de tous les appointemens, les émolumens d’office, les honoraires, et autres dépenses exigées sous autorité publique, ainsi qu’une diminution des frais de toutes charges inutiles.

La chambre se divisa sur l’amendement :

Pour : MM.  Anderson, Baker, Berthelet, Caldwell, Casgrain, Cuvillier, Davis, Duval, Goodhue, Gugy, Hoyle, Knowlton, Languedoc, Le Boutellier, Lemay, Neilson, Power, Quesnel, Stuart, Taylor, Wood, Wright, Wurtele, Young. (24.)

Contre : MM.  Amiot, Archambeault, Bedard, Bertrand, Besserer, Blanchard, Boissonnault, Bouffard, Bourdages, Bureau, Careau, Cazeau, Courteau, Child, De Bleury, Déligny, Deschamps, De Tonnancour, De Wilt, Dionne, J. Dorion, P. A. Dorion, Drolet, Fortin, Girouard, Guillet, Godbout, Huot, Kimber, Lafontaine, Larue, Leslie, Létourneau, Masson, Morin, Méthot, Mousseau, Noël, Poulin, Proulx, Raymond, Rivard, Rocbrune, Rodier, Rochon, Scott, Simon, A. C. Taschereau, P. E. Taschereau, Tessier, Toomy, Trudel, Turgeon, Valois, Vanfelson, Viger, (56.)

Elles passent dans la négative.

La motion originale est alors adoptée pour 56, contre 23, M. Gugy s’étant retiré.

Séparateur


Lundi, 17 Février 1834.
état de la province.


M. Neilson : les résolutions que l’on propose de soumettre n’ont été remises qu’en partie hier entre les mains des membres, et je viens justement d’en recevoir un supplément. Doit-on sans plus d’examen recevoir ces résolutions, sans avoir eu même le temps de les lire ? On ne peut pas le faire avec sûreté et avec décence. Elles ne peuvent plus être reçues par partie ; car il importe d’en connaître les conclusions. Pour ma part, je déclare que je ne les comprends pas encore. Il faut que chacun des membres puisse en connaître la substance. Si ces résolutions sont l’expression des sentimens de cette Chambre, je désire bien qu’elles soient portées aux pieds du trône ; mais je veux qu’on sache qu’elles ont été adoptées par les membres avec connaissance de cause, avec réflexion, et avec mûre délibération.

M. Bourdages : la chambre, suivant l’ordre du jour, doit se former en comité, pour que les résolutions y soient lues.

M. Gugy : je serais préparé, si c’était la volonté de la majorité d’entrer subitement dans les détails de ces résolutions, qui embrassent les droits, les privilèges, les griefs et les réclamations du peuple de cette province. Mais il y a une grande raison pour retarder, qui regarde non seulement la conscience des membres, mais leur devoir envers le pays, et qui exigent qu’ils prennent les précautions nécessaires, s’ils veulent marcher dans la voie de l’honneur et de la justice. Comment les membres qui n’ont reçu hier qu’une partie de ces résolutions, peuvent-ils les discuter aujourd’hui ? à moins qu’on ne veuille faire qu’une vaine simagrée, en ne nommant un président que pour lui faire laisser la chaire ; comme un polichinelle qu’on fait jouer derrière le rideau. Peut être que si j’avais lu ces résolutions je serais un de ceux qui les soutiendraient. Mais que me diront mes constituans ? que me dirai-je à moi-même, si je les vote aujourd’hui sans les lire ? Il y a en outre des membres plus capables que moi, qui n’ont pu les voir. J’en appelle à la justice de cette chambre et des membres, qui eux-mêmes ont rédigé ces résolutions. Ils ont mis un mois à les travailler, à les reviser, à les refondre ; et je n’aurai pas une heure, pas une minute pour les lire, quand justement je viens d’en recevoir l’appendice, en quelque sorte. J’espère qu’on donnera un délai suffisant, afin que si ces résolutions sont adoptées elles le soient avec connaissance de cause et réflexion. Si au contraire on veut les précipiter, on aura peut-être la force de les faire réussir, mais aussi on aura la conviction de n’avoir pas réuni toutes les opinions. C’est pour cette raison que, sans toucher au mérite de la question, sur laquelle je ne me suis pas expliqué, je demande le temps de la réflexion, et que je propose que le dit ordre du jour soit remis à lundi prochain.

[Il amende ensuite sa motion, et dit à jeudi prochain.]

M. Lafontaine : Je serais fâché d’empêcher aucun des membres de marcher dans les voies de l’honneur et de la droiture. Mais on doit sentir que ces résolutions qu’on veut examiner, on ne les tient que de la main de l’imprimeur, et non pas du membre qui les doit introduire, non plus que de la chambre. La régularité des procédés exige qu’elles soient soumises au comité. Cette raison induira, je crois, l’hon. membre à retirer sa motion, et à nous laisser entrer en comité général, afin que ces résolutions nous soient remises par la chambre. Au reste, il n’y a guère besoin de délai : ce sont des questions qui ont déjà été discutées et décidées par cette chambre en d’autres occasions.

M. Rodier : Il me semble que l’hon. membre ne s’est formé un fantôme que pour le combattre. Qui supposerait qu’un membre appellerait la chambre à décider, dès ce soir, sur 92 résolutions, dont la majorité de la chambre n’a pas lu la moitié ? Elles sont longues et compliquées, et méritent d’être considérées et discutées : la chambre ne les votera sans doute qu’après avoir entendu toutes les observations, auxquelles elles pourront donner lieu. Mais il faut un commencement partout. Pourquoi ne les pas lire ce soir, d’autant plus que le membre qui les introduira, pourra expliquer quel est son but ? M. Neilson s’est plaint lui-même qu’il ne savait pas quel était le but qu’on se proposait par ces résolutions : cela lui serait expliqué par celui qui en est le rédacteur. D’ailleurs puisque la chambre s’est formée samedi dernier en comité, elle le doit faire encore aujourd’hui pour entendre la lecture des résolutions, et le président fera ensuite rapport de progrès. La motion faite par l’hon. Doyen la semaine dernière, pour que cette question soit le premier ordre du jour, ne cessera d’avoir lieu.

M. Quesnel : L’hon. membre pour le comté de l’Assomption a, selon moi, raison ; la chambre s’étant formée en comité samedi, le doit encore faire aujourd’hui pour la régularité des procédés. En effet, aucunes propositions n’ont encore été soumises au comité ; il n’a encore rien devant lui. Veut-on nous exposer au ridicule de dire qu’en deux occasions nous aurons fait rapport de progrès, sans que rien n’ait été mis devant le comité ?

M. Bourdages : Il est de convenance que les résolutions, qui sont imprimées, soient soumises aujourd’hui au comité, afin qu’il ait quelque chose devant lui. Ou se rappelle pour quel objet l’appel nominal avait été demandé pour le quinze ; et voici qu’un membre, à qui ces résolutions ne plaisent pas probablement, demande à les remettre à une quinzaine. Que deviendra alors l’appel nominal ? On ne doit pas résister au moins à laisser mettre les résolutions devant le comité. Assurément l’hon. membre pour Sherbrooke n’est pas sérieux, quand il fait cette motion. Il nous parle du sentier de l’honneur et de la justice ; qui n’est disposé à y marcher comme lui ? Ce sont de ces grands mots, dont on se sert pour jeter de la poudre aux yeux ; quand on manque d’argumens, on y a recours. On devrait pourtant sentir combien il est important, essentiel et nécessaire de soumettre aujourd’hui ces résolutions. Mais il faut du délai, dit-on, pour les examiner : le long délai demandé, décèle assez bien le but. On n’aurait pas osé proposer de les renvoyer au 1er  août ; on a demandé un délai en apparence moins choquant : c’est se jouer de nous, et tenter de donner à nos procédés une apparence de ridicule. Quoi qu’on en dise, la chambre est disposée à suivre les sentiers de l’honneur et de la justice : nous y marcherons, et nous verrons qui ira le plus loin.

M. Bedard : L’hon. membre pour le comté de Sherbrooke devait supposer que ce n’est l’intention d’aucun membre de faire passer ces résolutions dès ce soir et comme par surprise. Elles doivent être méditées et adoptées par chaque membre sur sa responsabilité. L’intérêt de chacun de nous, comme de notre pays, exige que nous puissions décider d’après notre propre conviction. J’espère donc que l’hon. membre retirera sa motion, afin qu’on ne dise pas que la chambre a siégé deux jours sur cette question, sans faire un seul pas. Pour moi je ne ferai que soumettre ces résolutions, et je consentirai à donner quelque délai, pourvu que ce soit un délai raisonnable.

M. Duval : Il est singulier qu’on regarde le fait d’un membre qui demande quelques jours de délai, comme une opposition formelle à des résolutions sur l’état de la province, qu’il voudrait, mais qu’il n’ose, dit-on, remettre au premier d’août. Je crois qu’il n’y a personne qui désire les faire perdre par des délais. Au contraire, suivant moi, chacun est et doit être empressé de les décider : l’intérêt du pays l’exige même. Si ces résolutions sont conformes aux sentimens de la majorité du peuple, il est de son intérêt, il est de l’intérêt du Gouvernement Impérial qu’elles lui soient soumises au plutôt. Mais il ne faut pas que ceux qui les ont rédigées, nous crient d’avance, nous seuls avons raison, nous seuls savons bien juger des choses, nous seuls aimons notre pays ; et tous ceux qui ne pensent pas comme nous ont tort et ne sont pas des patriotes. Quoique ces résolutions en somme ne rencontrent pas mon assentiment, si c’est l’opinion de cette chambre qu’elles soient votées, et envoyées en Angleterre ; si l’on donne des raisons satisfaisantes pour cela, qu’elles le soient, je le veux. Mais qu’est-il besoin à l’hon. Doyen de venir nous dire que ceux qui n’ont pas d’argumens, ont recours à de grands mots ? Pour ma part, je lui conseillerais, à lui, de se servir de ce petit moyen. Je n’ai pas entendu un argument, une raison de sa part. Il vous dit, par exemple, que c’est se déclarer contre les résolutions, que de demander du délai pour pouvoir les lire. Si je voulais avoir recours à des argumens aussi peu candides ; si je voulais prendre les armes du Doyen et les tourner contre lui ; si je voulais faire sur sa conduite des jugemens aussi légers qu’il en fait sur la conduite des autres, je lui dirais : si vous imputez aux autres de vouloir rejeter ces résolutions, parce qu’ils demandent du délai, ne pourrait-on pas vous dire à vous, qui êtes le Doyen de cette chambre, et qui vous faites honneur de l’être, (et c’est une gloire), maintenant que vous désirez tout hâter, tout précipiter et quand le moteur de ces résolutions est lui-même coupable de négligence pour ne les avoir pas soumises plutôt ; ne pourrait-on pas vous dire, qu’à en juger par vos paroles, vous vous montrez déterminé, décidé d’avance à tout approuver, à tout soutenir, à tout admettre dans ces résolutions, quelque argumens et quelque raisons, qui vous soient donnés ? Voilà ce qu’on pourrait lui dire, en se servant de ses argumens. Pour moi, je suis d’avis qu’on devrait remettre jusqu’à jeudi. Si un client remettait à M. Bedard un papier important, sur lequel il lui demanderait son avis ; qu’il me dise, si, comme un homme qui connaîtra sa profession, qui aura étudié les lois, et qui n’aura pas fait de son office une boutique d’artisan, il ne demandera pas au moins vingt-quatre heures de réflexion ? Je ne prétends pas dire que ces résolutions soient mal fondées. Chacun aura à dire sur sa propre responsabilité, s’il veut le trouble ou la paix dans le pays. Nous sommes appelés, il est vrai, à résister, à nous opposer à des mesures violentes contre le pays. L’hon. membre nous dit : j’ai des résolutions chez l’imprimeur, j’en ai dans ma poche, et dans mon grenier ; mais quel est le but ? que contiennent-elles ? qui le sait ? un membre, ami de son pays, est-il déraisonnable à déclarer qu’il veut au moins quelques heures pour les lire ? Si vous lui refusez cela, vous aurez beau I dire que vous êtes les seuls patriotes, vous verrez si l’on vous croit. Qu’on sache bien que ce n’est pas pour faire perdre ces résolutions, que j’appuie ceux qui demandent pour les affaires publiques un délai que l’on demande même pour les affaires privées. Si aujourd’hui je ne suis pas prêt, c’est la faute de ceux mêmes qui ont demandé l’appel nominal, et qui ne sont pas prêts à nous dire ce qu’ils veulent.

Mr. Papineau. La seule question qui s’est élevée n’a rapport qu’a des délais de la part des membres qui résident ici ; auxquels la prolongation de la session ne peut être incommode ; qui donneront peut-être pour raison que leurs intérêts privés, que leurs occupations en cour ne leur permettent pas de travailler à l’intérêt public : tandis que ceux des membres qui sont de parties éloignées de la province, et sans cesse occupés ici, devront attendre que les premiers aient terminé leurs propres affaires, et soient enfin prêts. Dans l’état actuel du pays, sous des circonstances aussi urgentes que celles où nous sommes, je ne crois pas que, quand la considération de nos maux est proposée, si l’on nous traite avec justice, qu’il y ait nécessité à de bien longs délais affectés, à des délais de huit jours par exemple ; et qu’on puisse nous dire qu’on ne comprend pas encore le sujet et le but de ces résolutions, lorsqu’elles sont fondées sur des extraits de nos journaux, sur des documens publics qu’on a lus et relus, et qui forment la suite de démarches auxquelles on a dû prendre part, si l’on n’a pas été indifférent pour ce pays, qu’on dit être le sien, qu’on aime, où l’on dit qu’on a des intérêts ; et que cependant on trahirait hautement, si l’on ne disait pas qu’il est dans un état où tous les jours chacune de nos démarches pour le bien public, nous attire de nouvelles persécutions, en autant que l’administration ose se les permettre ; dans un état de gêne et de souffrance, quand nous sommes entrés dans une session malheureusement trop continuée, au milieu des injures et des outrages reçus jusque des derniers subalternes de l’exécutif, qui refusent de reconnaître nos privilèges et de s’y soumettre ; par le secrétaire civil, qui vient opposer ici son mince personnel et l’un des subalternes, qui refusent de nous remettre des papiers et documens du gouvernement, relatifs à quoi ? non aux prérogatives de la couronne, mais à des mesures qui nous concernent particulièrement, où l’exécutif est notre inférieur ; et où néanmoins il maintient des employés, dont l’un s’est permis l’acte bas et honteux d’effacer quelques lignes des régîtres, et que c’est peut-être pour cette raison ou d’autres semblables qu’on n’ose pas nous le soumettre cette année. M. le Président, c’est sous ces considérations qu’on demande des délais ! L’intérêt, l’attente du pays, les besoins du gouvernement demandent que nous ne nous ne jouions pas dans cette occasion, et que nous entrions aussitôt que possible, sur ce sujet. L’ensemble des résolutions tend à dire que le peuple est opprimé et a lieu de se plaindre ; quelques individus croient que tout est fait pour eux, et qu’ils ne doivent rencontrer de représentations nulle part, si ce n’est pour les mépriser ; etc. — et comme elles sont des extraits des journaux, de diverses requêtes, et de documens publics, elles doivent être familières à tous les membres. Mais y a-t-il quelqu’un qui hésitera à voter la première résolution, qui défend la loyauté des Canadiens, qui a été si injustement attaquée ? Les Canadiens, sous ce rapport, ont été accusés ; et ceux mêmes qui pendant la dernière guerre fuyaient, et se rangeaient de l’autre côté, sont aujourd’hui dans le conseil législatif, parce qu’il ont su manier le bâton, en temps de paix, et refusé de porter le mousquet en temps de guerre, et que depuis ils ont présidé au massacre des citoyens dans les rues de Montréal. Voilà des titres à la faveur. Et quand on demande à voter une résolution qui soutient la loyauté canadienne, on hésitera ! on ne sera pas prêt ! il semblera qu’on était hors du pays, au temps qu’il se défendait, peut-être même parmi ceux qui l’attaquaient ! il semblera qu’on n’a pas eu connaissance que les canadiens out combattu ! Je ne m’oppose pas à accorder quelques momens de délai, mais qu’on sache que, si l’on en accorde, on ne craint pas du moins d’aborder la question, et qu’il ne faut pas une heure, si l’on veut laisser là ses causes et ses plaisirs. Mais si l’on veut faire passer les intérêts publics après les intérêts privés, après les plaisirs, ce ne sera pas assez de deux jours de délai ; il en faudra bien huit. Je crois que l’importance du sujet est telle qu’il faut remettre à demain, au plus tard, et de siéger de jour en jour ; qu’il n’est pas juste d’accorder un plus long délai, et que les 24 heures d’intervalle ne doivent être consacrées qu’à cet objet. Nous ne sommes pas ici pour notre plaisir et pour plaider des causes, quand surtout on aspire avec tant d’empressement à cette place, et que quelquefois on en est déchu avec tant de chagrin. Si toutefois demain l’on n’était pas prêt, on pourrait demander de nouveaux délais. ?  ?  ?  ?  ?  ? il semble manquer la première ligne[illisible]

il y aurait de la bonne foi ; les membres des environs ne se montreraient pas indifférens aux sacrifices de ceux qui ont été d’opinion de s’en aller d’abord et de laisser le gouvernement seul, isolé, incapable d’exécuter les lois, et obligé de recourir à l’assistance. Cependant que les membres sont resté ici pour l’intérêt public, ils ont droit de demander qu’on ne prenne en considération aucun autre objet que celui qui les retient ; et de supplier que la chambre y donne en entier son attention. La foule était telle dans les galeries, que la chambre a été obligée de les faire vider. Il a été ensuite résolu que personne ne serait admis comme spectateur sans un billet d’un membre, et que Chaque membre n’en donnerait pas plus que trois billets,

La question a été remise.

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Séance du soir. — Mardi, 18 février, 1834.
Ière résolution.

M. Neilson : Si dès ce soir on veut poser la question sur aucune de ces résolutions, j’objecterai que le reste de la traduction anglaise vient justement de m’être livré, sans que j’aie eu le temps de la lire. La conclusion de ces résolutions est tellement liée avec le tout, elles découlent tellement les unes des autres, que s’il y a des amendemens à faire, ils doivent commencer par la première résolution même ; et comment ceux qui n’entendent que l’anglais auront-ils pu se mettre à portée d’en juger ? Des délais sont donc essentiels ; et pour moi, je déclare que si l’on presse la décision, quelques-unes de ces résolutions qui pourraient peut-être rencontrer mon assentiment après mûre réflextion, rencontreront mon opposition aujourd’hui.

M. l’Orateur Papineau : Je n’ai pas de doute que sous huit jours l’hon. membre pour le comté de Québec ne vote contre toutes les résolutions, comme il est disposé de le faire aujourd’hui. Ce n’est pas l’impression et le sentiment du moment, c’est une longue suite de réflexions et de combinaisons qui l’ont depuis longtemps déterminé. Si toutefois ses objections eussent été personnelles à lui, on aurait pu y déférer peut-être ; mais s’il élève la voix, ce n’est pas pour lui, c’est pour suggérer des objections à d’autres, dont tout gratuitement il se fait l’avocat et le procureur. Cette objection, que la traduction anglaise n’a été livrée que tard, ne peut-être d’aucun poids pour l’hon. membre lui-même, qui entend parfaitement bien le français : à moins qu’un sentiment d’orgueil national, ne s’élevant au fonds de son cœur, ne lui ait dit qu’il ne devait pas lire en français ce qu’il pouvait lire en anglais, dans une langue moins familière, ce qu’il pouvait lire dans une autre qu’il entendît mieux, et qu’il n’ait prétendu user du droit de voir ces résolutions dans l’une et l’autre langue. Ce droit serait applicable ici, s’il s’agissait des procédés de cette chambre ; mais il ne s’agit que de résolutions, l’ouvrage d’un seul membre, qui strictement parlant, sinon convenablement, aurait eu le droit de ne nous les communiquer qu’une à une et que dans une seule langue, et alors chacune d’elles aurait été traduite, à mesure qu’elle aurait été présentée. Dès hier j’ai été surpris qu’on tentât d’éloigner cette première résolution, qui défend contre la calomnie notre honneur et celui de nos constituants, la loyauté canadienne. La méfiance contre le peuple canadien, l’accusation de déloyauté contre lui, ont dû paraître toutes simples dans les calomnies et les aggressions du conseil législatif. Que ce mensonge effronté y ait pris source, il n’y a là rien de surprenant ; mais ce à quoi on ne devait pas s’attendre, c’est qu’il fût renouvellé ici, dans cette chambre, par des représentans du peuple. Ce comité général s’est formé à la demande de l’hon. membre pour le comté de Montmorency, M. Bedard : il nous a dit, au nom du pays qui nous attend, que nous étions tous appelés au 15, à donner chacun notre opinion libre et indépendante sur l’état de la Province, et à déclarer si nous avons lieu de nous louer des actes de l’administration et des institutions qui nous régissent, et si nous devons nous plaindre des uns et demander la réforme des autres. Chacun de nous doit être aujourd’hui accusateur, si l’amour du pays nous anime, chacun de nous doit être prêt à soutenir les accusations portées par l’hon. moteur, ou prêt à dire que l’exécutif a sa confiance, et que le conseil législatif lui paraît bien constitué. C’est sur cette question que nous devons être prêts à décider, à tout blâmer ou à tout approuver, à dire que tout est bien ou que tout est mal, sans nous occuper d’aucune considération étrangère, ni voir ce que pensent, ce que méditent, ce que se proposent d’autres autorités. C’est sur notre honneur et notre conscience seuls que nous avons à répondre de notre détermination. Il est bien vrai que nous venons ici avec des droits égaux d’entrer sur cette question, et de suggérer librement des propositions à l’assemblée. Mais il n’en est pas moins vrai que les règles des convenances et des usages parlementaires demandaient que M. Bedard, le principal moteur, eût la faculté de dire qu’il n’était pas encore prêt, et demandât la permission de remettre à quelques jours ; et je ne vois pas pour quelle raison les hon. membres pour le comté de Québec et de Sherbrook, MM. Neilson et Gugy, se sont levés avec tant de précipitation pour lui enlever, lui arracher sa mesure, et s’en sont emparés avec empressement et avidité, quand il ne s’agissait que de la faire venir un peu plus tôt ou un peu plus tard. Voilà quel était l’état de la question ; et voilà sur quoi personne ne devait avoir des idées plus saines et plus sûres que les deux hon. membres. Il a donc dû paraître surprenant que M. Bedard ait été interrompu au milieu de ses procédés par deux hon. membres, qui ont énoncé leur opinion sur ce sujet, démontré leur embarras et leur vacillation, et avoué une opposition formelle à ses résolutions, en demandant un délai de huit jours, sans songer qu’ils avaient eu trois semaines pour se préparer. Par cette demande de délais affectés, et leur opposition à la première résolution, ne nous annoncent-ils pas clairement qu’ils sont amis d’un ordre de choses différent de celui énoncé dans les résolutions, et qu’ils approuvent ce que celles-ci réprouvent. S’il en est ainsi, il s’agit donc d’entrer en matière, et de leur donner des argumens. Je ne crois pas qu’il puisse y avoir de difficultés à le faire dès ce moment ; surtout lorsqu’en grande partie ces résolutions ont déjà été votées par les membres qui font de l’opposition, et qu’ils doivent voter encore, s’ils ne veulent se jeter dans les contradictions les plus manifestes. Que s’ils comprennent bien leur devoir comme représentans du peuple, comme revêtus d’une des plus grandes dignités, comme appartenant à un corps bien supérieur en respectabilité à un autre qui dépend des caprices d’un seul homme, ils doivent sentir tout ce qu’il y a d’honneur d’être appelés à ce rang, et s’estimer assez eux et leurs confrères, pour dire qu’ils ne veulent pas jouer dans cette mesure, et l’éluder par des puérilités. Si parmi ces résolutions quelques-unes se trouvent être trop compliquées ; à mesure qu’elles se présenteront, ce sera le temps de les opposer, de donner des raisons et des argumens, de citer des faits et des principes, qui puissent jeter des doutes sur l’exactitude des faits et des principes qui y seront allégués, et la confiance qu’on doit y mettre, et justifier la demande de les ajourner à un jour ultérieur. Mais refuser de voter sur cette première résolution, qui énonce la loyauté canadienne, qui repousse la calomnie qui a tenté de la souiller, qui dit que les Canadiens ont résisté aux sollicitations de caractères aussi grands et aussi nobles que ceux des Franklin et des Washington, qui les appelaient à se joindre à eux dans la carrière où la persécution de l’Angleterre avait jeté les États-Unis, et qui les a conduits à cet état de bonheur et d’agrandissement où nous les voyons ; refuser, dis-je de voter cette résolution, est une détermination qui ne peut aisément se comprendre. Qu’on nous dise si les faits qu’elle énonce sont vrais ou non ; qu’on les nie, qu’on se joigne aux calomniateurs, qui payés par les Canadiens, n’ont cessé de mentir contre eux, et de choisir quelques faits isolés d’individus, pour en rejeter le blâme sur la population entière. Qu’on remonte au temps de la conquête, sous le général Murray, quand la calomnie avait donné tant de méfiance contre le peuple de ce pays, qu’on avait arraché les armes des particuliers, qui n’ont jamais été rendues, et distribué des soldats dans les familles : et l’on verra que depuis ce temps la faction anglaise, qui souille et salit les gazettes anglaises, n’a cessé de nous représenter comme un peuple déloyal et peu attaché à la Mère-Patrie. M. Neilson, mieux instruit qu’aucun dans l’histoire politique de cette colonie, a eu la générosité de se faire Canadien, et de dévoiler ces trames d’iniquité, et aujourd’hui il n’a pas la force de se répéter. Je ne crois pas qu’il y ait de difficulté à voter sur cette première résolution dès ce soir. Je suis bien aise de mettre les hommes à l’épreuve sur ce fait, et de voir si, dans le fonds du cœur, on nourrit des penchans à la calomnie. Il ne faut pas se jouer d’un sujet de cette importance. Nous devons faire quelques pas : déjà il y a eu assez de délai. Nous devons sentir, tout le monde doit sentir que la forme de notre gouvernement est vicieuse, et nos administrations fautives. Le gouverneur et le conseil ont leur part du pouvoir, et ils ont dû dans ces circonstances délibérer aussi eux sur l’état de la Province. Ni nous avions voté ces résolutions sans qu’elles fussent venues à leur connaissance, nous aurions eu l’air de n’oser avouer ces vérités, craindre une prorogation de la part de l’Exécutif, ou qu’il ne mît la défection dans nos rangs. Le gouverneur les a vues et les a lues, ces résolutions ; il a eu deux jours pour délibérer, et il a été le maître de nous dire qu’il ne donnait pas son consentement à ce qu’on les discutât, en nous prorogeant. Il a dû prendre, et il a pris l’avis de son conseil sur ce sujet. Hier et aujourd’hui, il a pu nous envoyer encore : il ne l’a pas fait. Il est vrai pourtant qu’on ne pouvait pas supposer qu’il nous permettrait d’examiner davantage ses torts et ses injustices. Le temps est passé à présent : si cette chambre n’est pas la force du pays, elle la représente, elle l’exprime. La vérité pénétrera enfin. L’Exécutif est convaincu que nos accusations seront appuyées par le peuple. Il doit savoir aussi qu’une faction et une fraction sont la même chose, et que la cabale commerciale, qui prétend tout régir ici, n’est pas la force de ce pays. La force des évènemens dans cette province a porté la conviction, que les vœux de la masse de la population doivent être suivis ; et je ne crois pas à ceux qui ont dit d’avance qu’on oserait nous dissoudre. Nous avons à examiner, si aujourd’hui nous ne sommes pas rendus à cette époque qu’il faut que la première magistrature de l’état recouvre le respect qu’elle a perdu, et que l’honneur, la fortune, la liberté et l’existence du peuple soient mises en sûreté, ou se résoudre à voir tomber l’un au dernier degré d’avilissement, et l’autre s’emporter à des excès. Oui, je le crois, nous en sommes venus à ce jour. Il y a de la honte, de l’infamie à ceux qui conservent des commissions sous un gouvernement, qui les met en opposition avec les lois, et en lutte avec le peuple et ses représentans. Quelques-uns semblent entrer dans cette mesure avec trop d’alarmes, et s’imaginer qu’il faut des nerfs de fer pour se soutenir dans cette époque importante. Ce n’est pas un état nouveau pour la Province que cet abus du pouvoir ; c’est une habitude à laquelle on est presque formé. Depuis la cession du pays jusqu’en 1792, des gouverneurs Militaires, tels que le Général Murray, ont pu maintenir contre les Canadiens l’orgueil et les jalousies de la partie de la petite population anglaise, de gens qui se disaient les conquérans du Pays, et qui ni étaient que les vivandiers de l’armée ; qui se fesaient grands eux-mêmes et qui n’étaient que petits dans l’esprit des autres. Dès lors a été mis en opération le système d’exclusion et de distinction nationale. Dans ces temps de malheur et d’ignorance, où l’on appelait à des guerres religieuses les sectes protestantes et catholiques ; dans ces temps, dis-je, on prétendit faire régner dans les Canadas ces lois de sang, et appeler sur les catholiques Canadiens la même persécution qui pesait sur les catholiques d’Angleterre. Si ce complot inique n’eut pas tout son succès, il en eut au moins de grands. C’est à cette époque qu’on disait que les Canadiens ne pouvaient pas être jurés etc., à cause de leur catholicité ; et que cette exclusion a été long-temps mise en pratique. On n’a choisi que des shérifs protestans, qui eux-mêmes ne prenaient que des jurés protestans : et les juges ont toléré ces abus, malgré que ce fût une violation des lois. Et quand il a fallu établir un nouvel ordre de choses, le préjugé était tellement enraciné, que dernièrement encore le shériff de Montréal, pour complaire à l’exécutif, en violation de la loi, et pour sauver des criminels, qui tôt ou tard auront leur juste punition, a fait un de ces choix illégaux et partiaux de jurés, et oublié son devoir et son serment. C’est à l’époque, dont j’ai parlé, qu’a commencé ce système de distinction dans les places, dans les honneurs, dans les privilèges, et qu’il a été perpétué jusqu’à nos jours. Sous ces circonstances, des démarches furent prises alors, des requêtes furent dressées et présentées avec fermeté, avec assurance, avec espoir, par des hommes, qui n’avaient pas l’inviolabilité de rang et de caractère qu’ont des représentans du peuple, qui voyant aujourd’hui des maux plus grands, n’osent demander ni des remèdes ni des réformes. S’ils disent que tout est bon, tout est bien, ils recevront, sans doute, des récompenses, mais personne ne leur enviera cet avantage. À cette époque, c’était des hommes qui réclamaient leurs droits comme hommes, et comme sujets britanniques. On reconnut qu’il y avait des principes conformes au droit des gens, qu’on ne pouvait violer ; qu’il y avait dans le Canada une population, qui avait des lois, une religion une langue, des mœurs et des institutions qui devaient lui être conservées ; on fit des représentations en Angleterre, appuyées par le peuple ; et dans un temps, où les Canadiens n’étaient guères instruits du droit public et politique, au milieu du mouvement et de l’agitation de la population des États-Unis pour résister à l’oppression de la métropole, on ne craignit pas de demander des réformes, et on les obtint. La suite de ces démarches fut l’acte de Québec, tout vicieux, tout imparfait qu’il était, et qui a été le sujet de tant de plaintes, mais qui fut donné alors, parce qu’il parut conforme au vœu général. Tous ceux qui avaient été employés par l’ancien gouvernement s’étaient retirés, avaient disparu avec sa chute, et il n’était resté qu’une population agricole, sans éducation, tremblants et muette de terreur par suite des évènemens dont elle avait été témoin, et ignorante des droits de l’homme en société. La seule partie de la population, qui avait des lumières et des idées de droit public, représenta la nécessité d’avoir un conseil législatif. Cet acte rencontra l’assentiment et fut reçu avec avidité d’un corps, qui pouvait mieux en juger. Le peuple n’avait point alors d’existence politique ; mais le clergé, à qui cet acte conservait tous ses droits, ses privilèges, et sa prépondérance, avantages qui lui sont bien mieux conservés par la confiance, la persuasion religieuse et la conviction des peuples, parce que l’histoire prouve combien folles et vaines sont les persécutions religieuses ; le clergé, dis-je, accueillit cet acte avec empressement, s’attacha à la cause du gouvernement, et négligeant celle du peuple, le trouva bon, parcequ’il lui était avantageux. Néanmoins quelles furent les premières démarches de l’administration ? L’autorité des juges devint exorbitante, et le pouvoir législatif se trouva dans les tribunaux. On énonça la maxime que les lois d’un autre pays devaient être données aux Canadiens, parcequ’elles couvraient l’ignorance et la mauvaise foi des juges. Si quelqu’un croyait avoir droit de se plaindre d’un jugement qui le mettait hors de cour, on lui disait : c’est un manque de forme, c’est par une règle de pratique que vous ne connaissez pas. C’est à cette époque d’injustice odieuse, que la demande d’une réforme ne pouvait aisément se faire, parcequ’il n’y avait pas de branche populaire, de point de ralliement pour les hommes éclairés et bienveillans, qui se formaient à l’étude de la politique. Il se trouva néanmoins des individus, dévoués à la cause de leur pays, qui demandèrent des changemens, et des changemens bien plus importans que ceux que nous demandons aujourd’hui ; qui fesaient trembler ceux qui avaient le pouvoir en main, et qui devaient faire trembler des conseillers, qui gouvernaient arbitrairement, et dont la réforme devait amener la ruine. C’est sous ce régime, où l’on entassait dans des pontons, dans des vaisseaux pourris, ceux qui avaient osé se plaindre des gens en pouvoir, qu’on allait même jusqu’à leur couper les oreilles ; c’est dans ce temps que des hommes zélés et intrépides préparèrent des requêtes et sollicitèrent des signatures, pour demander à sortir de cet état funeste. Si l’on n’a pas lu l’histoire de ces temps, l’on ne peut pas s’imaginer à quels dangers ils s’exposaient. Le conseil réunissait alors tous les pouvoirs, législatif, judiciaire, et administratif. Quand il fut question de ces requêtes, c’était quelque temps après l’indépendance des États-Unis. Dès lors commença ce temps de calomnies et d’injures, qui a continué jusqu’à aujourd’hui, et c’est alors que ceux qui voulurent le bien de cette colonie, furent traités de mécontens, d’ambitieux, de révolutionnaires, comme on l’est de nos jours, sans qu’on se donne la peine de citer des faits. Ceux qui signèrent ces requêtes, furent accusés d’avoir favorisé la révolution des Américains, quand ceux-mêmes, qui portaient ces accusations, s’étaient sauvés aux États-Unis, et avaient ensuite reçu des places dans cette Province, comme il est arrivé de nos jours. L’amour du désordre dans le conseil avait conservé une ordonnance odieuse, tyrannique, en vertu de laquelle on distribuait des soldats chez les citoyens. Les juges en personne menaçaient tels et tels individus de se bien venger, s’ils demandaient le système électif ; et ils disaient qu’ils renouvelleraient cet usage de distribuer ainsi les soldats. L’année suivante cette ordonnance fut rétablie, et malgré que nous ayons voulu depuis effacer du livre de nos statuts cette loi inique, le conseil n’a jamais voulu y consentir, peut-être parcequ’il a espéré pouvoir la mettre en force quelque jour. C’est probablement une lettre morte, parcequ’en effet dans la guerre avec les États-Unis on a tenté en vain de vouloir la mettre en opération, et que devant les tribunaux des avocats en ont si bien fait sentir les inconvéniens, que le gouvernement y a renoncé. Il y a donc lieu de croire qu’elle ne sera plus jamais mise en force. Toutefois au temps dont j’ai parlé, on annonça qu’on la renouvellerait, et on le fit. Des soldats furent distribués dans les familles, et leur insolence y a causé plus de trouble, de désordre, et de chagrins qu’il n’y en ait jamais eu dans ce pays. Néanmoins ces citoyens, qui étaient ainsi examinés, et exposés à être traînés devant les tribunaux, n’ont pas craint d’arracher la toute-puissance de l’autocratie qui régnait alors. Jusque là il n’y a donc pas de paix et de bonheur dans le pays, mais de l’oppression et de l’arbitraire. On a cru que quelque chose de semblable au régime colonial des États de l’Amérique, convenait au Canada. Quel a été le jour qu’on puisse dire avoir été une époque de contentement ? Quel est le gouverneur, qui n’a pas plus mérité de reproches et de haine, que d’estime et d’affection ? Est-il possible que le hasard ou que quelque divinité maligne qui préside à ce pays, aient voulu qu’on ne nous ait donné, pour nous gouverner, que des hommes ignorans et corrompus ? Il faut que cette circonstance, qui remonte si haut, se trouve dans la nature même de nos institutions. Je demande si les mêmes plaintes n’ont pas toujours été répétées. Parcourons les diverses époques, entre lesquelles on peut partager les variations, qu’a souffertes la constitution. Depuis 1792 jusqu’en 1810, les canadiens furent indifférens et peu éclairés sur leurs droits constitutionnels ; ils ont vu les délibérations de l’assemblée influencée par les administrations, l’assemblée elle-même composée exclusivement de la population d’origine anglaise, qui parce qu’elle avait eu l’impudence de dire qu’elle seule était sage et éclairée, et à force de le répéter, avait fini par se faire croire, et engagé les canadiens à lui remettre le soin de leurs affaires. Tout alors fut fait pour et par l’administration. Eux qui reprochent l’ignorance aux canadiens de ce temps, n’en ont-ils pas montré d’avantage ? Cette époque de la législature n’est-elle pas la plus pauvre ? Quel acte important a été passé pour l’avantage des canadiens ? Que n’a-t-on pas fait plutôt pour augmenter le pouvoir et le patronage ? C’est aussi vers ce temps que ceux qui, par leur partialité et leur animosité contre les droits du peuple, avaient fait révolter l’Amérique, se sont réfugiés en foule dans ce pays, et en ont usurpé les places. Depuis M. Smith, et toute sa famille, attentive à torturer les lois du pays et à se revêtir de la toute-puissance, ces étrangers ont prévalu et régné sur tout sans contrainte. Pour s’attacher l’Exécutif, et se mettre à l’abri de son autorité, ils ont consenti à passer des actes de revenus perpétuels, quand ils avaient sous les yeux l’exemple des autres colonies, qui ont eu la sagesse de n’en créer que de temporaires : ici au contraire toutes les appropriations ont été permanentes ; et la chambre lutte encore en vain pour reconquérir ses droits. Il semble que la liberté qu’ils aiment tant en Angleterre, n’ait plus d’attrait pour eux ici, et qu’elle ne leur paraisse plus qu’une prostituée, qu’ils doivent rejeter, s’il faut qu’elle soit amie de nous, comme elle l’est d’eux. Ils ont donné des pouvoirs sans limites aux cours et aux juges qui les président ; ils leur ont donné des droits énormes, qui répugnent à l’état du pays, et qui ont été le sujet de plaintes graves. Tous les membres diront qu’ils ont en vain demandé que la justice fût rendue librement, et sans qu’elle fut contrôlée par quelque autre autorité. Poussera-t-on aujourd’hui la partialité jusqu’à n’oser demander la réforme de ces abus ? Est-ce que les juges, s’ils n’eussent eu ce pouvoir, auraient fait ces règles de pratique si contraires aux lois du pays, où ils semblent avoir pris à tâche de se grandir eux-mêmes, d’enchainer le barreau et de l’humilier ? Eh bien ! la source des mêmes abus se trouve encore dans la circonstance, qu’un gouverneur, appuyé par une branche de la Législature, peut toujours faire le bien de ses favoris, d’hommes qui eux-mêmes peuvent faire la fortune des gouverneurs. Il me semble qu’il n’y a rien de plus bas que la noblesse anglaise, qui nous vient dans ce pays, tant elle aime les places, tant elle aime l’argent. Quand je pense qu’un duc de Richmond, qui avait commandé l’Irlande en qualité de vice-roi, un sentiment d’orgueil national l’environnait tous les jours, au milieu de Dublin, de la pompe et de l’éclat de la Royauté, et que cet homme, après avoir abandonné, ce théâtre brillant, s’en vint ici pour réparer les débris de sa fortune ; et qu’il eut pour successeur un autre noble, qui venait aussi gagner de quoi réparer son vieux château délabré : je commence à douter de ce grand désintéressement de la noblesse anglaise. Des hommes de cette trempe, qui ne sont ici que pour s’enrichir, et qui trouvent des conseillers, qui sont aussi receveurs généraux, et prêts à prendre l’argent, tous se passant les uns les autres des actes frauduleux pour se soustraire à leurs créanciers, de tels hommes veulent des hommes de leur trempe et de leur pâte, qui diront que tout est bien, que tout est bon, puisqu’ils en profitent. C’est un ordre de choses qui a régné et qui règne encore plus que jamais. Il n’y a jamais eu d’administration plus ignorante et plus méprisée que celle d’aujourd’hui. Et, je le demande, quel est le plus faible des gouvernemens, celui qui s’est attiré la haine, ou celui qui est tombé dans le mépris ? Des chansons peuvent autant contre lui que des boulets et des épées. Depuis 1810, la Législature a pris une nouvelle forme : c’est parceque les lois avaient été foulées aux pieds, que chacun, voyant tout ce que pouvait un mauvais gouvernement, s’est empressé des s’immiscer aux affaires, et de prendre la cause de la patrie. Le goût pour la représentation a de beaucoup augmenté, et l’on a senti que la chambre n’était jusque là en partie constituée que par la junte et la cabale administrative. Depuis ce temps les dissolutions, les menaces, l’argent, les honneurs, tout a été employé pour intimider et pour corrompre ; et tout a été inutile. L’opinion publique marche, s’avance pour accuser, pour écraser l’opinion des cabales ; pour dire que cet ordre de choses ne peut exister plus longtemps. Ceux qui s’y opposent ont proposé des palliatifs, des petits bills pour la disqualification de certains officiers à siéger dans les conseils, certains qu’ils sont qu’on leur saura gré d’avoir voulu retarder le moment de la défaite, et ignorant qu’ils ont trop tardé, et dépassé le but. Des plaintes existent depuis longtems ; tous conviennent de nos maux ; tous sont unanimes pour accuser : la difficulté est quant aux remèdes. Il s’agit d’examiner où nous les prendrons. Il y a des personnes, qui, occupées des systèmes électifs et des autres constitutions Européennes, voudront nous entretenir de ces idées. Ce n’est pas à nous à décider des institutions de l’Europe ; on ne peut l’éclairer ni en bien juger. Nous devons examiner quel doit être notre sort, le rendre aussi bon et aussi durable que possible. Il est certain qu’avant un temps bien éloigné, toute l’Amérique doit être républicaine. Dans l’intervalle, un changement dans notre constitution, s’il en faut, doit-il être en vue de cette considération ? et est-il criminel de le demander ? Les membres de cette chambre en sont redevables à leurs constituans comme d’un devoir sacré, et, quand bien même le soldat devrait les égorger, ils ne doivent pas hésiter à le faire, s’ils y voient le bien de leur pays. Il ne s’agit que de savoir que nous vivons en Amérique, et de savoir comment ont y a vécu. L’Angleterre elle même y a fondé de puissantes républiques où fleurissent la liberté, la morale, le commerce et les arts. Les colonies Espagnoles et Françaises, avec des institutions moins libérales, ont été plus malheureuses, et ont dû lutter beaucoup contre le vice de ces institutions. Mais le régime anglais, qu’a-t-il été dans les colonies ? A-t-il été plus aristocratique que démocratique ? Et même en Angleterre est-il purement aristocratique ? C’est d’une une grande balourdise de M. Stanley, de nous parler du gouvernement monarchique d’Angleterre en 1834. Du temps de la maison des Stuart, ceux qui ont maintenu le pouvoir monarchique, ont perdu la tête sur les échafauds. Depuis ce temps la constitution de l’Angleterre a été appellée mixte, et elle ne devait pas être appelée autrement. Lui, Mr. Stanley, ministre par un vote de la chambre et malgré le Roi, à qui l’on a dit de l’accepter ou de perdre sa couronne, Mr. Stanley, méprisé aujourd’hui par le peuple, vient nous parler du gouvernement monarchique de l’Angleterre, quand des changemens sont permis à ses habitans, si grands par leur commerce, leurs institutions, et les progrès qu’ils ont fait faire à la civilisation, aux arts et à la liberté sur tout le globe ; et quand cette nation vient d’introduire de nouveaux alimens de bonheur, en demandant la réforme de l’aristocratie, et en augmentant la force du principe démocratique dans son gouvernement. Le système vicieux qui a régné dans les colonies, n’a fait que donner plus d’énergie au peuple, pour se rendre républicain ; c’est ce qui a été le cas dans les états du nord de l’union. Dans les colonies du milieu des États-Unis, quoique les institutions y fussent plus républicaines et plus libérales, le peuple y a été le dernier à se révolter : et la raison en est bien simple, c’est qu’il n’avait pas eu à lutter contre la métropole, les secrétaires coloniaux ; que les assemblées y étaient nombreuses, et les salaires modiques ; que personne n’y pouvait influer sur des corps élus tous les ans, et qu’il était donné pour avis à la mère-patrie que le gouvernement colonial ne durerait qu’aussi longtemps que la bonne intelligence. D’ailleurs le nombre des états rendait la lutte plus facile. Dans les États régis par des propriétaires, les oppositions y étaient plus fréquentes ; mais néanmoins le gouvernement n’y était pour rien, il ne menaçait pas sans cesse : aussi un sentiment de liberté a-t-il régné de bonne heure ? Quelles n’en ont pas été les conséquences ? Comme ces colonies ont eu bientôt dévancé celles de la France, qui avait fait de bien plus grands sacrifices que l’Angleterre. En effet, depuis Québec jusqu’à la Nouvelle-Orléans, la France avait bâti en divers lieux des forteresses, et des maisons d’instruction publique ; elle y a sacrifié ses trésors sans succès, parce que c’était des Européens, qui voulaient gouverner des Américains, et suivant cet axiome qu’une nation n’en peut gouverner une autre. Cette prétention de dire, je vous réglerai, je législaterai pour vous, y a tout perdu : c’est le contraire, où le principe démocratique a prévalu. Quel espoir d’agrandissement n’ont pas les États voisins ? Dans un temps où des gouvernemens militaires couvrent l’Europe de sang, les États-Unis, sans alarmes, sans trouble, ouvrent leurs ports comme l’asile du malheur, ou viennent se froisser et se briser toutes les opinions contre des opinions bien meilleures, et bien plus profondément gravées dans les cœurs. C’est pourquoi ils ne craignent pas les sentimens des généraux de Bonaparte, qui s’y sont réfugiés. Toutes les opinions, tous les préjugés de la vieille Europe viennent tomber auprès du républicanisme de l’Union. On n’y a pas besoin d’armée, ni de censeur de la Presse. Chacun peut tout dire, tout écrire, et l’intérêt de tous assure qu’il n’y a pas de danger que des erreurs y prennent racine, et s’étendent au point de devenir contagieuses. L’esprit humain y a tous les moyens de s’y éclairer et perfectionner ; et néanmoins, sous prétexte d’améliorations, on n’y peut rien bouleverser. C’est donc dans l’histoire des autres colonies anglaises, qu’il faut chercher ce qui nous convient. On demandera d’où vient la différence de notre régime avec le leur. Cela est dû à des circonstances particulières. Le peuple de ce pays, étant sous la foi des traités, aucune autorité n’a pu changer des droits qui lui étaient assurés. Mais ce sont des ambitieux, des factieux, des méchans, tels que ceux qui, guidés par la passion, nous disent aujourd’hui qu’ils nous imposeront d’autres lois, sans examiner si elles nous conviennent ; ce sont eux qui ont été les auteurs de cet état de choses. Les intrigues des marchands étrangers, les préventions suscitées contre nous, ont été les moyens mis en œuvre pour capter l’assentiment des Bureaux Coloniaux, pour bouleverser les lois du pays, et pour ôter à la législature le pouvoir de décider sur ce qui lui convient. À quoi bon ce simulacre de législature ? Ce n’est donc qu’un jeu qu’on a fait en Angleterre, quand on a reconnu que nous seuls devions juger de nos besoins, et les faire connaître ; si d’un autre côté quelques individus dans le conseil législatif, concourant dans quelques lois absolument nécessaires pour ne point s’exposer à une haine trop forte, intriguent ensuite pour les faire rejeter ailleurs. À quoi bon une telle législature, si sans cesse nous sommes entravés ? Je ne connais pas de combinaison possible qui, tant que l’exécutif présidera à la formation du conseil, puisse lui permettre de faire le bien. On a voulu chercher quelques palliatifs, en y appellant de grands propriétaires ; mais souvent ceux-ci sont des dissipateurs, qui consument leur patrimoine, et perdent bientôt leur indépendance dans une situation, où les gouverneurs, pouvant toujours puiser dans les coffres pour acheter, non leur conscience, car ils n’en ont pas, mais leurs opinions, les achèteront inévitablement. On peut voir par le rapport des débats que quelques-uns des plus frénétiques, qui ont pris part aux discussions, sont de grands propriétaires, mais s’ils ont été choisis, c’est que leur frénésie était bien connue. Il y a des gens qui croiraient ne se pas distinguer, s’ils avaient les sentimens communs des hommes, et s’ils ne montraient leur goût pour ce qu’on méprise : ce sont ces gens qui conseillent l’administration. Quand on voit qu’on ne peut pas citer un jour où la constitution a produit du contentement, doit-on douter qu’il faille des changemens ? Qu’on demande au peuple de ce pays, s’il est content. Qu’on se demande si, sous un autre ordre de choses, le Conseil constitué de manière à avoir autant de bonne foi que de lumières, ne produirait pas le bien du pays ? parcequ’en effet, partout où il y a des lumières, il y a de l’amour pour la liberté. Réunis par le système électif, ils seraient les apôtres des droits de l’homme ; leurs sentimens seraient conformes à ceux du peuple ; et l’expérience en bien des choses, qu’ils ont acquise au delà de l’océan, ferait marcher graduellement les améliorations dans cette colonie. Ces hommes si fougueux, et si acharnés contre les droits du peuple, ne voyant pas d’autre théâtre que celui qu’il leur offrirait, et rencontrant des compétiteurs dans la Chambre d’Assemblée, auraient des motifs d’agir d’après leur pleine conviction et de concourir dans tout ce qui serait bon ; tandis qu’aujourd’hui ils ont des motifs de semer la discorde et la dissention. Et cela est d’autant plus vrai, qu’étant dans un pays nouveau, nous recevons des gouverneurs qui n’ont que de deux rôles l’un à jouer : s’ils ont des talens et des lumières, l’orgueil des Européens qui les environnent, fiers de cette qualité, comme s’ils emportaient toutes les lumières et tous les progrès de la nation qu’ils quittent, les corrompt, bientôt. Quelle en est la récompense ? Portés dans les conseils, ces gens ont des intérêts contraires à ceux du peuple, et dès lors le gouvernement devient difficile, et désavantageux pour le peuple. Si au contraire il se trouve un gouverneur ignorant et qui demeure dans l’inaction, bientôt le peuple le méprise, et se demande s’il n’est ici que pour s’engraisser. Il ne voit dans les emplois qu’un frelon indolent, qui dévore le miel, et n’est d’aucune utilité. Il est donc clair que le système, qui donne le plus de patronage est le plus contraire à la permanence du régime colonial. Nous l’avouons, c’était un malheur de circonstances que celui de la différence d’origine, auquel il n’y avait pas de remède. Néanmoins on a fait ce qu’on a pu pour le faire disparaître, en divisant les Canadas en deux Provinces. Pourquoi était-ce, sinon pour permettre à chacune de ces diverses contrées de défendre ses droits respectifs ? mais non pas jusqu’au point d’être aveugles sur les améliorations introduites par les étrangers, et de ne vouloir pas recevoir ses co-sujets d’Angleterre. Il a fallu bien de la malveillance pour oser dire le contraire ; quand toujours on a vu de la partialité en faveur des étrangers. Lorsqu’elle n’était pas avouée, on l’a tolérée. L’administration est passée outre à l’ouverture d’une session, elle a demandé des lois particulières pour une classe particulière, et ce qu’il y a de plus odieux et de plus damnable dans le conseil, c’est qu’il a eu la lâcheté de l’appuyer. C’est passé en principe que le conseil veut tout ce que l’exécutif veut. Cet abus exige absolument une réforme. Quel est le moyen de la faire ? Est-ce de donner encore au gouverneur le pouvoir de choisir les conseillers, après un outrage aussi sanglant fait à ce pays, en y appelant ces étrangers, comme s’il ne s’était trouvé personne dans ce pays pour remplir cette place. Mais il a trouvé dans le cœur de ces gens, bien indignes du rang qu’ils occupent, des sentimens conformes aux siens. Que ceux qui n’ont rien de Canadien, qui ne savent pas ce qui est juste et équitable ; que cette vile faction s’attache à ses doctrines ; qu’elle nous menace, elle ne nous fera pas fléchir. Qu’elle nous dise qu’elle nous déteste, qu’elle nous hait : nous lui répondrons que nous nous en réjouissons, et que nous la haïrons encore davantage. Mais il faut changer cet état malheureux de choses, sans redouter le tableau des dangers frivoles qu’on prétend y voir. Il n’y a rien à craindre pour ceux qui veulent le bien, dans ce siècle, et à la porte des États-Unis. Ce sont aux auteurs de nos maux, à les dévorer, à les avaler eux-mêmes. Nous ne devons pas concourir dans leurs odieux projets ; ils voudraient nous faire pendre, ou nous faire égorger, s’ils pouvaient. Ils nous ont reproché jusqu’à notre langue, comme si ceux qui possèdent les deux langues, qui puisent à cette double source, n’ont pas plus d’avantages que ceux qui ne puisent que dans une seule. Les connaissances des deux nations, dont on parle ici le langage, sont également étendues, et également essentielles à une éducation parfaite. On trouvera dans les publicistes anglais, dans les histoires parlementaires, dans les discours des Fox et autres, des maximes sublimes de droit et de liberté publics ; et celui qui n’a pas puisé à ces sources, s’est privé de grands moyens, et ne connaît pas tout ce que lui permet la loi publique, et jusqu’où elle lui permet de s’étendre : en sorte que les ennemis du nom canadien, qui veulent donner des bornes si étroites à la liberté anglaise, feraient bien mieux d’y aller lire. Il est donc essentiel d’y voir qu’elles sont les institutions qui nous conviennent, et qui ne puissent jamais nous être arrachées. Du moment que nous avons appartenus à l’Angleterre, nous avons eu droit à des institutions aussi démocratiques que les siennes. On a tenté de nous donner une aristocratie, et le système ne se trouve pas applicable. Y a-t-il parmi les masses un commencement d’affection pour le Conseil Législatif ! Si, lorsque quelqu’un est nommé conseiller, il était mieux vu, plus respecté, on pourrait dire que le principe commence à s’établir. Mais, je le demande, y a-t-il eu une époque, où la place de conseiller ait été recherchée, enviée ? Au contraire ne voit-on pas ceux qui y entrent, s’en retirer, n’oser y paraître, et avouer que c’est un opprobre pour eux d’y siéger, s’ils ont encore des titres au respect et à l’honneur de leurs concitoyens.

M. Stuart appelle à l’ordre sur ces dernières expressions ; et M. Gugy demande à faire vuider les Galeries. Après quelques momens le public a été de nouveau introduit ; et

M. Papineau a continué : je disais, quand j’ai été interrompu pour répondre d’un mot choisi au milieu d’une phrase, pour être mal interprété ; quand on a abusé de la règle de vuider les galeries, sous le faux prétexte qu’il y avait du bruit, (question sur laquelle ce n’est pas à nous à décider, mais à être jugés,) je disais donc qu’il fallait des changemens dans une branche de la Législature, qui tous les jours devient plus méprisable ; et qui a été la cause de nos maux depuis qu’elle existe. Est-ce dans ce moment, que tout le monde convient de ses défauts, et qu’un des membres, qui fait de l’opposition, est convenu qu’il fallait des changemens, qu’on voudrait nous faire prendre une marche rétrograde ; quand un homme, qui lui-même a presque abusé du système de réforme libérale, nous menace d’introduire des changemens propres à augmenter le pouvoir. Appelés à juger des actes du conseil, demandons-nous le ; qu’a-t-il voulu ? la spoliation de l’Isle de Montréal. De quelles personnes est-il formé ? de ceux qui ont demandé l’union. Quel sera le défenseur de ces gens qui ont voulu nous préparer un avenir si déplorable ? Dans ce moment que le développement du principe démocratique étend ses ramifications sur toute la face de l’Europe, resterons-nous stationnaires, et ne demanderons-nous pas des changemens dans le même sens, aux maux dont nous souffrons ? On fera voir d’avance que la force des choses est telle, que quand nous nous sommes exprimés, nous l’avons fait pour dire que nous serions de plus en plus libres. En effet, les colonies, qui se sont donné des institutions libres, l’ont fait en vue des progrès de la liberté dans les temps modernes. Par cette heureuse prévoyance, elles ont détruits ces germes de commotions violentes, et ces grandes catastrophes, qui ont désolé les vieilles monarchies, et les ont fait sortir avec tant de peine de l’état de stagnation, où les avait engourdies l’ancien régime. De nouvelles doctrines se sont répandues avec l’éducation, et elles se sont trouvées plus ou moins contradictoires aux principes politiques des gouvernemens. Quelles en ont-été les conséquences ? C’est que les mœurs ont changé, et que les gouvernemens, en bien des places, n’ont point changé, et sont restés en arrière : de là aussi toutes ces convulsions révolutionnaires, qui ont ébranlé l’Europe. Mais, quelle a été la marche des États-Unis ? à mesure que de nouvelles conventions ont été formées, tout a tendu vers la démocratie. Il est donc de la nature des choses que sous un gouvernement, où l’influence de la naissance est détruite, où est peu de chose l’influence des fortunes, qui ne peuvent être grandes, parcequ’on y a défendu les substitutions, par le moyen desquelles se fait la transmission des grandes propriétés ; il est donc naturel, dis-je, qu’il n’y ait point de classes privilégiées, et qui aient des titres particuliers au respect. La magistrature qui seule pourrait y ennoblir, est le corps représentatif choisi par le peuple. Or est-il possible que des luttes puissent voudrait avoir lieu entre les corps ainsi nommés par le peuple, et celui qui s’en isoler ? En Angleterre, une simple réforme a donné lieu à tant d’excès et de violence qu’on a dû craindre l’anarchie. Les prétentions du conseil nous conduiraient là, si les abus existaient encore plus longtemps. Sur quoi s’appuie-t-il pour nous opposer ? sur ce que la population d’origine anglaise n’est pas représentée, quand les sept-huitièmes des habitans du pays sont d’origine Française, et qu’un tiers de la représentation se compose d’hommes d’une origine différente. Cela ne satisfait pas son odieuse préférence nationale ! S’il y a du tort dans la force de mes expressions, elles sont pourtant bien faibles pour la vérité de mes sentimens. Un corps qui a invoqué des principes aussi destructifs de nos droits, peut-il avoir des titres à la protection ? Quand il a voulu nous écraser ; quand il a provoqué de justes ressentimens, ces ressentimens doivent rester gravés au fond de tout cœur vraiment canadien. Si donc tous les changemens dans cette partie du monde ont tendu à établir le système démocratique, et que ceux des États-Unis qui sont à l’ouest, établis les derniers, sont les plus démocratiques de tous, il est évident que c’est un ordre de choses particulier à l’Amérique, et qu’on n’y peut créer d’aristocratie. Que reste-t-il donc à faire à la Métropole, si elle veut être juste envers nous ? Nous donner un conseil qui convienne au peuple de cette colonie. Il faut donc qu’il soit tiré du peuple, et rendu au peuple qui le jugera à diverses époques ; qu’il ne forme pas une classe particulière, influencée par les autorités au delà de l’Océan, mais qu’il ait ses intérêts ici comme nous. Dira-t-on que ces principes sont nouveaux et inouïs ? Il s’agit de se reporter en Angleterre, depuis Fox jusqu’à Mr. Stanley, pour se convaincre du sentiment, si souvent exprimé, que les institutions qui conviendraient le mieux à notre état, seraient celles qui se rapprocheraient davantage des institutions des États-Unis, notre modèle, et notre étude. Il n’est pas besoin que nous fesions valoir ici ces sentimens. Ils ont été exprimés bien plus éloquemment par Fox et d’autres grands hommes de l’Angleterre, que je ne serais capable de le faire : et ils sont justes, ils sont bons, ils sont vrais ; et nous les adoptons parce qu’ils nous conviennent. Est-il possible que ces institutions ne soient pas les seules qui nous conviennent, et dont nous soyons le plus à portée de juger ? Nous ne connaissons celles de l’Europe que par des livres. Le nombre de ceux qui les ont vues en opération est petit, auprès de ceux qui ont visité les États-Unis, et qui ont pu admirer leurs lois, leur gouvernement, leur industrie, leurs villes et leur commerce. Tout cela fait comprendre que l’influence du gouvernement n’est sentie nulle part plus fortement qu’aux États-Unis, et que l’on ne s’y occupe pas des préjugés et des sentimens que peuvent y apporter les étrangers. Eh, bien ! il est un moyen efficace d’attachement, c’est celui de ne nous plus répondre par des phrases, mais par des effets et des réalités. On a senti que ce temps était arrivé, et Mr. Stanley n’a pu s’empêcher d’avouer qu’il faudrait que nous n’eussions rien à envier aux États voisins, de l’Amérique, et qu’alors le bien en résulterait. Pour retenir les Canadiens, il n’y aurait pas besoin de chaînes, de soldats, de répression. Plus attachés à la Mère-Patrie, sous un gouvernement libre, ils auraient tous les avantages politiques des États-Unis, et de bien plus grands avantages commerciaux. Pour ces derniers avantages, il vaut mieux encore renoncer à d’autres dont jouissent les Américains, et auxquels on ne veut pas nous laisser participer à cause de notre origine ; et sacrifier pour le commerce quelques droits naturels moins importans. Dans un pays où les 9-10 de la population sont agricoles, et ne prennent presque aucune part au commerce, n’est-il pas juste de demander une réforme, quand les hommes les plus marquans dans la société sont accusés, et qu’il y en a beaucoup d’autres en outre qui devraient l’être ? Sans quoi, peut-on croire que les Canadiens demeureront attachés à un pareil ordre de choses ? Je suis certain qu’il n’y a personne qui me dira qu’il existe quelque confiance dans le conseil et dans l’administration de la justice, et qu’ils n’ont pas abusé de leurs pouvoirs. S’il en est ainsi nous sommes appelés à le dire à l’Angleterre. Il y a dans ces résolutions autant de force dans la vérité des faits que de ménagement dans les expressions. L’Angleterre n’a-t-elle pas droit de connaître ce que sont les corps constitués dans cette colonie ? Il n’y a pas de doute que s’il y avait quelque analogie entre nos institutions et celles de l’Angleterre, l’opposition qui règne entre le Gouverneur, le Conseil, et la Chambre exigeait une dissolution. Pour notre part, on aurait dû cesser toute communication, si la détresse n’eût pas été aussi grande dans le pays. Mais quand on ne nous a retenus en session, que pour nous faire part des violences dont on nous menaçaient, nous devons dire qu’à une époque plus reculée nous devons avoir des libertés qui nous appartiennent, et qui ne nous ont pas été données comme à bien d’autres colonies. En cela, nous remplirons notre devoir envers l’Angleterre, en lui disant qu’un changement de système rendra plus durable l’alliance entre les deux nations. Ceux qui n’approuvent pas les changemens proposés, auront sans doute d’autres systèmes à nous soumettre ; et nous serons prêts à les écouter et à les adopter, s’ils sont meilleurs, c’est-à-dire plus libres. Mais s’ils n’ont que des phrases à nous donner, je ne comprends pas comment ils pourront se faire entendre et se faire croire. Je ne me suis étendu ici que sur des apperçus généraux, ne croyant pas, quand tous les membres ont lu les résolutions, qu’il fut nécessaire de les examiner en détail ; c’est ce qui pourra se faire à mesure qu’elles seront soumises à la décision de l’assemblée. Je dois néanmoins appeler l’attention des membres sur une certaine considération, c’est que dès le commencement de ce parlement, on s’est élevé contre les abus du conseil, et l’on a déclaré que le seul remède serait le principe électif, et un moyen sûr de calmer les mécontentemens. Si des membres alors, effrayés de la nouveauté de ces propositions, ont voté contre elles, ce n’est pas qu’ils croyaient le conseil bien constitué, mais c’est qu’ils espéraient qu’on le réformerait ; qu’ils comptaient sur les promesses qu’on nous en avait faites ; et qu’ils croyaient que ces promesses se réaliseraient. Ils ont pu voir depuis, que ce n’était qu’illusion et qu’on se jouait de nous. Quelques-uns des membres de la majorité de la chambre, portés dans le conseil, n’y peuvent siéger ; ils y sont flétris par les libelles de leurs confrères, comme nous le sommes nous-mêmes. Les résolutions du conseil l’année dernière, établissant des distinctions nationales, sont une insulte pour eux comme pour nous. Est-il surprenant qu’ils ne veulent pas y siéger ? Ils n’ont pas même daigné envoyer leurs raisons à l’appel nominal, qui a eu lieu dernièrement. Ils avouent qu’ils ont été séduits, trompés ; qu’on leur avait promis de leur adjoindre des hommes qui représentassent les sentimens du peuple, et on ne l’a point fait. Peut-on porter plus loin la conviction que ce corps ne peut faire le bien ? On m’a appellé à l’ordre, en prétendant que j’avais dit que le conseil était un opprobre. Je n’avais point dit cela ; j’avais dit que dans l’opinion publique, le refus de quelques conseillers de se rendre à l’appel nominal devaient induire à croire, qu’on regardait comme un opprobre d’appartenir à ce corps. Ce n’était pas une opinion que j’émettais, c’était des faits qui me conduisaient à cette conclusion. Quant aux résolutions, il est impossible, que si quelqu’un y objecte, il n’y ait pas de discussion. Pour ma part je ne voudrais pas prendre l’attention de la chambre trop longtemps, ni trop souvent, et priver qui que ce soit du plaisir de prendre part dans une discussion si intéressante pour tous. Ce n’est pas parceque ces sentimens sont les miens, qu’ils doivent avoir du poids. C’est une erreur de croire que quand des opinions appartiennent à un homme plutôt qu’à un autre, malgré qu’elles soient nouvelles et dangereuses, elles devront entraîner l’assentiment du peuple. Si mon nom est plus souvent cité, exposé à plus d’animosité, et défendu par plus de vrais amis, ce n’est pas parceque mes sentimens me sont propres, mais parce qu’ils sont ceux de tous, et qu’ils rencontrent ceux de tous ; au moins de ceux qui ont des intérêts communs avec le peuple. En effet, il n’est aucune occasion où la majorité de la chambre ait décidé quelque chose qui ne rencontrât pas l’opinion de nos constituans : la chose est même impossible. Si la majorité vote ces résolutions, on doit croire qu’elle sera appuyée par le peuple. Il est d’autant plus important de nous montrer fermes aujourd’hui, que le bureau colonial emploie contre nous des menaces ; parceque peut-être on lui aura dit que de gros mots nous feraient fléchir. Si aujourd’hui nous ne le fesons pas, nous le ferons encore bien moins plus tard. Si nous démontrons les défauts du système actuel, et que nous disions franchement la vérité, dans ce cas, croyons que nous deviendrons de plus en plus forts. Si le gouverneur croyait que nous ne représentions pas les sentimens du peuple, il devait nous dissoudre. Pourquoi donc ne l’a-t-il pas fait ? Il trompe et trahit l’Angleterre. Il a peut-être espéré que la cabale le ferait réussir dans cette chambre, et dans cette persuasion il a négligé d’employer les moyens constitutionnels. Quelle sera donc sa défense ? Il calomniera le peuple et dira que c’est son ignorance qui l’entraine dans des écarts ; ou bien il osera soutenir que ces résolutions ne sont que l’expression des sentimens de la chambre : le peuple en sera le juge. Je crois que ceux qui ont voté l’année dernière contre un conseil électif, conviendront cette année que c’est le seul moyen de sortir de l’embarras ; et qu’ils s’étaient mépris, quand ils comptaient sur de bons choix. Il est clair qu’ils devront être mauvais, parceque ceux qui ont le pouvoir seront toujours portés à en abuser, et que les probabilités sont de 99 contre un, que l’Exécutif fera comme il a toujours fait. Aujourd’hui que toute confiance sous ce rapport est détruite, il nous faut donc chercher dans de nouvelles combinaisons politiques un remède, qui puisse calmer les mécontentemens. L’Angleterre ne pourra pas trouver notre demande étrange quand elle est appuyée sur des idées de ses plus grands hommes d’État ; et que pour la première fois on a osé nous faire des menaces. La chambre est un théâtre assez élevé, pour que la vérité se fasse connaître ; et qu’une poignée d’hommes du pouvoir ne puissent étouffer les plaintes et les remontrances de tout un peuple, et empêcher des remèdes qui mettront fin à nos maux, et feront de tous les colons un peuple de frères, et leur donneront des motifs de se lier ensemble. Les distinctions, les privilèges, les haines et les antipathies nationales, tout cela sera détruit. La législature au lieu de s’occuper d’accusations et de débats politiques, n’aura en vue que des objets de législation utile. Le but et l’ambition de tous sera le bien commun. En finissant, je rappellerai aux membres que l’acte de 1791 ne fut qu’un assai de M. Pitt, et que malheureusement cet assai a été funeste.

M. Gugy : M. le Président, une foule d’accusations vagues et hazardées, une multitude d’expressions peu mesurées et injurieuses, l’exagération dans les sentimens, les erreurs dans les faits, qui se trouvent dans le discours de l’hon. Orateur, me forcent à élever ici la voix, et à lui répondre. Je n’entreprendrai pas de le suivre dans toute cette longue chaîne d’argumentations, soignées et travaillées depuis longtemps, renfermant une foule immense de considérations, dont les unes, pour lui rendre justice, sont vraies et lumineuses, et beaucoup d’autres pernicieuses et désorganisatrices. Je n’entrerai pas non plus sur le mérite des résolutions. Au moment qu’il a commencé son discours, j’étais dans une chambre de comité, listant les résolutions, et peu s’en est fallu que je n’aie eu la satisfaction de l’entendre. Au moment même où je vous adresse, M. le Président, je ne les ai pas encore toutes lues, ces résolutions, en sorte que je ne puis pas même dire positivement si je voterai pour ou contre. Mais il y en a une ou deux que je dois signaler, et qui ne rencontreront jamais mon appui. Elles contiennent des doctrines nouvelles pour ce pays, et qui lui deviendront fatales. D’après ce que j’avais lu de menaces et de déclamations, dans les papiers publics, je me doutais que les résolutions seraient violentes, emportées, énergiques, mais je ne croyais pas qu’elles le seraient jusqu’à la démence et l’exaspération. Dans la 49me et 50me résolutions, il est clairement expliqué que, si l’on ne veut pas faire comme on le demande, on veut la guerre, et l’on en appelle aux États-Unis. Il est vrai, il y a des guerres de toutes sortes : il y a des guerres de boulets et des guerres de paroles. Si l’on ne veut parler que de ces dernières, on aurait dû nous l’expliquer. Ce serait le cas de citer le texte mis au frontispice de certain auteur : —

« We’ll blow the villains up sky high,
But do it with economy.
 »

Ce serait un moyen bien plus facile ; car il est dangereux de déclarer la guerre, et de menacer d’en appeller aux États-Unis. Pourtant j’ai promis de ne pas entrer ce soir en matière sur ce sujet, et je ne m’étendrai pas plus loin. Je ne croyais pas non plus que l’hon. Orateur voudrait profiter de l’occasion, user des moyens que lui ont donnés la connaissance de ces résolutions, pour tenter ce soir de capter, comme par surprise, l’assentiment des membres. On nous avait promis le contraire hier ; et j’en appellerai à M. Bédard, le moteur des résolutions, pour qu’il me dise, s’il n’est pas qu’un instrument dans cette affaire, s’il n’a voulu que m’abuser, lorsqu’il m’a assuré que rien ne serait fait aujourd’hui. Je l’avouerai, j’ai voulu avoir l’hon. Orateur pour mon ami. J’ai respecté et suivi ses opinions, quand elles ont été bonnes. Mais si l’année dernière je me suis opposé à changer le Conseil par une convention, je me crois obligé encore cette année à m’opposer à cette partie des résolutions que j’ai lues, en autant qu’elles ont rapport au Conseil Législatif. Comme je l’ai dit, j’ai cherché l’amitié de l’Orateur, j’ai pris quelquefois ses opinions, mais je n’ai pas voulu me donner un maître. Voyant qu’il fallait être tout entier avec lui ou rien du tout et ne l’ayant pas fait, je me suis attendu qu’il fondrait sur moi. Il a parlé aussi du Shériff de Montréal, dont je suis parent ; il a parlé du crime de corruption, qui, dit-il, a sauvé des criminels, qui tôt ou tard devront avoir leur juste punition. Je veux croire que c’est conviction chez l’hon. Orateur ; mais ce n’est pas le jugement de cette chambre. Je ne m’arrêterai pas à des mensonges odieux, qui inculpent ici mon père. Ce père a ses peines, il souffre de voir ici son fils écouter des accusations portées contre lui ; et je souffre moi-même davantage d’être obligé de repousser ces accusations, de dire qu’elles ne sont nullement fondées, mensongères, criminelles et calomniatrices : et quand l’Orateur de la chambre le voudra, j’entrerai en lice et je le lui prouverai. La passion domine quelquefois les hommes publics : c’est cette passion qui leur fait dire : « Ôte-toi que je m’y mette, je veux régner, je veux dominer, je veux occuper le rang de cette misérable faction Anglaise, cette faction poltrone et lâche. » Voilà les sentimens, de l’hon. Orateur, et ses expressions quand il parle d’hommes qui sont morts, et qu’on ne connaît pas : et encore, ce sont ses expressions lorsqu’il parle de griefs. Pour exciter les passions et nous précipiter dans ses écarts, il s’en vient nous parler du peu d’humanité qu’avaient des gens qui sont morts il y a plus de cent ans. Quand je serais prêt à en convenir, je le dirai toujours ; qu’est-ce que cela a à faire avec nous ? Nous coupe-t-on les oreilles aujourd’hui ? nous jette-t-on dans des vaisseaux pourris, ? nous donne-t-on la bastonade ? Y-a-t-il une preuve plus convaincante de notre liberté, que les termes envenimés et insultans dont il se sert contre ce qu’il appelle la Faction Anglaise, quand elle met un frein à ses projets d’agrandissement ? Il est un fait que tout le monde connaît, un fait qui nous a tous affligés, et dont l’hon. Orateur a su tirer un si grand parti pour émouvoir les passions, je veux parler du 21 Mai. Je demande à ceux qui viennent d’entendre cette philippique enflammatoire, que si M. Papineau est aussi violent à Montréal, qu’il l’est à Québec est-il bien difficile de s’expliquer le 21 Mai ? Je dirai que les passions d’un homme qui croit que tout est fait pour lui, que le soleil et la lune ne luisent que pour lui, sont dangereuses et funestes. On nous parle de la confusion mise dans nos lois, et pour cela on veut tout bouleverser. On crie contre les menaces et le ton du Secrétaire Colonial, M. Stanley, et qu’est cela auprès des discours de M. Papineau, et de résolutions qui comportent la menace de se joindre aux États-Unis ? On me dira peut-être, vous ne comprenez pas encore ces résolutions. Il est vrai, je n’ai malheureusement pas les moyens de l’hon. Orateur, et de ses amis, qui les travaillent depuis bien longtemps. Elles ne m’ont pas coûté tant de veilles qu’à eux. Néanmoins, j’ai mes affections dans ce pays. Par mon travail j’ai gagné une honnête fortune, je me suis rendu indépendant, et plus indépendant que ces patriotes mendians, qui font métier de politique, et vivent de patriotisme. Mes services toutefois sont moins grands que les leurs, mais aussi ils sont moins bien payés. Cependant ces résolutions, qu’ils nous présentent comme le fruit de tant de recherches, sont un chef d’œuvre de démence. Les Canadiens j’en conviens, sont vertueux, loyaux ; mais que deviendra leur vertu, si de telles mesures, proposées par des têtes chaudes, précipitent le pays dans une lutte avec l’Angleterre ? Les bienfaits de la mère-patrie envers eux sont écrits en gros caractères. Elle leur a conservé leur religion, quand les Washington et les Franklin lui reprochaient de favoriser dans ses colonies du Canada, un culte impie et blasphématoire. Voilà les expressions dont on se servait aux États-Unis à la suite de la révolution, pour qualifier le culte de mes compatriotes. Et ce sont ces Américains, qui sont les modèles de l’hon. Orateur, et dont il affecte de faire de si grands éloges. Depuis ce temps, nous avons eu tous les avantages de sujets Britanniques, constitution, presse libre, procès par juré &c. Mais dira l’hon. Orateur, cela a-t-il été bien exécuté ? et il en viendra aux oreilles coupées. Quelle est la cause de nos maux ? À qui faut-il les attribuer ? aux administration et non pas aux institutions. Qu’on se rappelle qu’au temps de la conquête, les hommes marquans d’alors répudièrent les Anglais, et se retirèrent dans leurs terres. Il fallut pourtant avoir des hommes capables de remplir les places ; et jusqu’en 1806, le manque d’hommes dans le pays qualifiés pour les fonctions publiques, s’est fait sentir beaucoup ; de là la nécessité de recourir à des étrangers, et de les élever à tous les postes d’honneur, de les mettre dans le Conseil. On nous dit que la minorité des membres du conseil n’y veulent pas siéger. Eh bien, c’est à ceux qui pouvant s’y trouver, se sont absentés, que nous devons attribuer l’adresse du conseil de l’année dernière. Il y a là parmi les anciens membres, des hommes de la vieille école, qui ont de vieux préjugés, dont ils ne peuvent se défaire. Ceux qui pourraient opposer ces préjugés, et qui ne le veulent pas, sont la cause de nos maux. S’ils eussent été présens l’année dernière, ils auraient pu protester contre cette adresse si injurieuse. Mr. l’Orateur s’indigne des petits bills qui ont été proposés pour réformer le conseil. Ce langage est celui d’un médecin à qui l’on apprend que son malade est pire, et qui répond tant mieux. On lui dit : La maladie augmente, c’est bien ; le malade est à l’agonie, c’est encore mieux ; le malade se meurt, ah ! tant mieux, tant mieux ! Il semble qu’il veuille tout voir s’écrouler, pour avoir le plaisir de le refaire. Je souhaite qu’il le fasse bien, mais certes je crains fort. — On me dit que je n’ai pas à faire un apprentissage, que je sais fort bien ce dont il s’agit. Pour ma part je veux lire et étudier ces résolutions. Néanmoins, je citerai deux faits qui sont controuvés, sans fondement. Dans une des résolutions on fait dire à J. Neilson, Écuyer, qu’il a préféré pour ce pays un conseil électif, quand il fut interrogé devant le comité de la chambre des communes en Angleterre. Qu’on lise le rapport du comité, et l’on verra qu’il n’a parlé d’un Conseil Électif qu’hypothétiquement. Je n’ai pas l’honneur d’être en relation intime avec cet honorable membre ; mais j’attache beaucoup d’importance à ses opinions, et je serais fâché qu’on lui en attribuât de fausses pour accréditer des principes que je réprouve. Il est encore un autre fait erroné, qui a rapport à un homme que l’on prétend, je ne sais avec quel fondement avoir porté le bâton, quoiqu’il ait refusé de porter le mousquet. Ce fait tel qu’énoncé dans la résolution, lui conteste sa qualité de sujet Britannique. Néanmoins il est certain qu’il est d’origine Anglaise. Je veux parler d’Horatio Gates. Il est vrai qu’il a prêté le serment d’allégeance, mais ce fait n’exclue pas l’autre, et pour cela j’en appelle au bon sens des membres de cette chambre. Il est possible qu’il réclame contre un procédé de cette nature. Peut-être aura-t-il l’occasion d’établir un fait que je tiens de lui même. Par suite de cette doctrine : « ôte-toi que je m’y mette, » l’hon. Orateur prend un moyen, que prenait Don Quichotte qui se battait avec des moulins. Mais il est vrai, l’Orateur de la chambre a un avantage sur Don Quichotte ; c’est que celui-ci se battait avec des moulins qu’il trouvait tout faits, au lieu que le premier les fait et les combat : il a au moins sur Don Quichotte le mérite de l’invention. Ces moulins de l’hon. Orateur, c’est le conseil législatif recomposé tel qu’il est aujourd’hui, des actes duquel il forme une foule immense de maux, qu’il attribue toujours à ceux qui ne sont pas de son opinion. N’avons-nous pas assez de griefs ? Pourquoi en chercher de nouveau ? Nous ne souffrons que trop par suite des divisions de partis, sans les augmenter encore par des distinctions et des crimes supposés. On a dit que les Anglais d’origine sont peu nombreux ici. Les Canadiens d’origine française ne sont pas les seuls toutefois. Je conviens qu’ils sont vertueux, je leur donne ce qui leur appartient, je suis prêt à prendre leur défense dans les occasions ; mais je ne crois pas que je doive être en butte à la persécution, si j’ose croire que tous ceux, qui ne pensent pas comme l’hon. Orateur, ont des droits comme habitans de ce pays. Je le répète, les Canadiens ne sont pas les seuls dans cette colonie, et moi-même je ne suis pas Canadien, si l’on restreint ce nom à ceux qui sont d’origine française. Mais c’est une idée de distinction qui n’entre pas même dans la tête des habitans de nos paisibles campagnes. C’est une idée de trouble et de dissension qui n’est née que dans cette chambre. Et les conséquences funestes qui en résulteront, nous vivrons assez pour les attribuer à l’hon. Orateur. Qu’en ne m’accuse pas d’oublier mon serment de défendre la cause du pays : mon serment est celui d’Annibal, et je préfère être exposé aux traits de plusieurs, plutôt que de ne me pas prononcer, quand l’intérêt et le sentiment du pays l’exigent. Il y a un autre fait sur lequel j’ose dire que je suis plus à portée de juger que M. Papineau, c’est l’administration de la justice. Elle a perdu entièrement la confiance du peuple, et je suis un de ceux qui ont pris une grande part à en démontrer les défauts. J’espère aussi que la chambre y apportera des remèdes. Quant aux règles de pratique, je conçois que Mr. l’Orateur n’est pas qualifié à en décider. Elles contiennent du bon et du mauvais. Je serais certainement prêt à voter sur plusieurs résolutions à ce sujet. Quant à la constitution, je conviens aussi qu’il faut une réforme ; mais sans précipitation, sans l’étourderie de la jeunesse, avec réflexion et prudence, Mais la suite de ces résolutions incendiaires, sera qu’on n’en aura point du tout. Le système proposé tournera peut-être à l’avantage de ses auteurs, et voilà tout. Peut-être même le système électif pourrait être bon, vu que la corruption est rare dans nos élections. Mais n’est-il pas contradictoire avec les institutions de la Mère-Patrie ? Nous avons aujourd’hui entre les mains une dépêche, que j’ai prédite, au sujet des résolutions de l’année dernière, contre lesquelles a voté l’hon. membre pour le comté de Montmorency, qui vient lui-même aujourd’hui avec des propositions dans le même sens. Cette dépêche, dit-on, contient de dures menaces. Qu’avons-nous fait de notre côté nous, qui avons refusé ce que nous offrait le Roi par la dépêche du Lord Goderich ? Toutefois je suis persuadé que le Conseil Électif aurait ses inconvéniens. Dans un pays où l’on voit l’Orateur d’une des branches de la Législature en appeler si souvent aux passions, et où se trouve une majorité des habitans d’origine française, si le Conseil était électif, qu’est-ce qui représenterait nos co-sujets qui viennent d’Angleterre, qui ont les mêmes droits que nous et sont Canadiens comme nous ? On aurait un Conseil et une chambre, qui seraient mus par les mêmes sentimens, par des sentimens comme ceux déjà énoncés, quand on a fait un crime à un fonctionnaire public très respectable d’avoir un nom Anglais, et que pour cette raison on a voulu destituer. Quelle confiance pourraient avoir une partie de la population dans deux corps ainsi constitués ? Il est clair que la suite de ce système serait fatale aux uns et aux autres. Peut-être les Anglais, peu nombreux, seraient-ils abattus ? Peut-être aussi, excités par les expressions que l’on emploierait contre eux, les verrait-on se roidir et forcer la majorité de les écraser. L’hon. Orateur sera-t-il content alors ? lui, dont le sang de trois individus a tant excité la sensibilité, croit-il qu’il en serait moins versé alors ? et de quel œil le supporterait-il ? Je ne vois pas dans le Conseil un corps qui soit un opprobre, mais qui a servi et servira bien des fois d’échec à l’effervescence des passions qui règnent quelquefois dans cette chambre. Si les Rois ont leurs flatteurs, les peuples ont aussi les leurs. N’est-ce pas une flatterie, faite au peuple, que de chercher à lui donner des institutions plus démocratiques que les nôtres ? Ces flatteurs du peuple veulent lui faire croire qu’il est malheureux, quand il est heureux. Ce sont des flatteurs de mauvaise foi, qui le perdent ; ce sont des gens qui font métier de politique pour leur propre intérêt, et qui n’ont en vue que leur agrandissement personnel. Je suis incapable pour le moment d’entrer dans une discussion plus étendue sur le sujet qui est devant nous, mais je puis dire quel en sera la conséquence. Je partage jusqu’à un certain point les idées de l’hon. Orateur quant au bonheur et à la splendeur des États-Unis. Je les ai vus, et je désire pour mon pays l’époque qui lui donnera les mêmes avantages, sans espérer de la voir jamais. Néanmoins le désir qu’a le Haut-Canada de faire occuper ses terres par l’émigration, qui passe sur notre sol, pourrait bien le mettre en lutte avec nous, et quand le peuple de cette colonie voudrait devenir républicain, il ne l’oserait pas, ayant un autre peuple opposé derrière lui. Je dis en outre, que les notions républicaines détruiraient plus vite l’union de l’Angleterre et du Canada, et amèneraient bientôt à leur suite une révolution. Ce peuple qui aime tant à conserver sa religion, la conserverait-il mieux uni avec un peuple qui la traitait d’impie et de blasphématoire ? Sous ces circonstances, il vaudrait mieux encore souffrir notre conseil législatif. Les Canadiens sont heureux, contens, paisibles. Nous, grands hommes, nous sommes sujets à l’ambition et aux mécontentemens. Nous souffrons de voir occuper par un autre, une place à la quelle nous aspirons. Mais comment le peuple, dont les neuf-dixièmes sont agricoles, souffre-t-il des petites injustices, et des cabales que font la chambre et le conseil ? Et puis, au reste, il en est de certains hommes publics comme des maris jalous : ils voyent partout ce qui n’est pas. Je suis donc persuadé que ces mesures ne conviennent pas, parce qu’il n’y aurait que l’hon. Orateur et quelques autres de ses amis, qui en profiteraient. Les États-Unis sont assez tranquilles, en vertu de leur isolement de toute autre puissance. Cet empire cependant n’est encore qu’un essai. Cinquante huit ans d’existence n’est rien dans l’histoire des empires. Nous pouvons réformer notre constitution, mais non pas l’abandonner pour en adopter une qui renferme même les germes de sa destruction. S’il faut voter aujourd’hui les résolutions, je dois voter contre. Si l’on nous accorde quelque temps, il en est plusieurs pour les quelles je voterai, et je promets aussi d’en préparer quelques-unes de mon côté. Quant à la première résolution il n’y a pas de difficulté à la voter ; mais à quoi sert de dire d’un côté que le peuple Canadien est loyal, si de l’autre la chambre déclare qu’elle veut faire la guerre ? Insister à avoir une décision aujourd’hui, c’est dire adoptez tout, ou rejetez tout. Il y a néanmoins des résolutions que j’approuve, parmi d’autres que j’ai montrées être fausses. Je ne puis approuver la dépêche de M. Stanley relative à l’élection de Montréal. La chambre a le droit de présider à sa composition, et de recevoir qui elle veut. (M. Stuart le nie.) J’en suis content, Mr. le Président ; cela prouvera que je ne regarde ni à droite ni à gauche : que tout ce que j’ai dit est conviction chez moi, et que mes paroles sont l’expression de mes sentimens. Mes yeux physiques sont mauvais, ceux de mon intelligence ne sont peut-être pas meilleurs, mais j’avais cru que ces résolutions seraient tempérées, venant d’un homme qui l’année dernière était opposé a un conseil Électif. Je me suis trompé. Sous ces circonstances, j’en appelle à M. Bedard lui-même, qui nous avait promis de ne nous faire entrer en comité que pour en sortir, afin que je puisse avoir le temps de lire au moins les résolutions, et de me décider. C’est ce que j’attends de l’honneur d’un gentilhomme Canadien.

M. Bedard : Je dois répondre à cet appel, comme j’ai répondu hier. Pour ma part je suis prêt à voter ces résolutions, mais je ne veux presser ni prendre personne par surprise. Il n’a pas dépendu de moi qu’on n’entrât pas aujourd’hui en discussion, mais bien de l’hon. membre pour le comté de Sherbrook, M. Gugy, qui lui-même s’est emparé de la question, et a fait des remarques sur plusieurs résolutions. Après l’avoir entendu parler de guerre, de boulets et de sang, je ne m’attendais pas qu’il m’associerait avec l’hon. Orateur. Je l’assure que, quand il voudra me faire plaisir, il me dise que j’ai suivi les opinions d’un homme aussi éclairé et aussi justement célèbre. On me reproche d’avoir changé d’opinion depuis l’année dernière. Je ne croyais pas alors, que la demande d’une convention fût la première démarche à faire. Maintenant qu’il n’y a pas d’autre mesure à prendre, je me fais un devoir de la soutenir. Nous ne disons rien autre chose à l’Angleterre, que nous voulons une réforme, et que si elle doute que ce soit les vœux du peuple, qu’elle en appelle à lui. On rejette une ou deux résolutions, comme contenant des idées de républicanisme ; on nous accuse de vouloir faire des distinctions nationales, et inonder le pays de sang pour soutenir nos propositions : et en preuve de ces allégués, on cite la 49e et la 50e résolutions. Or je le demande, n’expriment-elles pas ce qui est senti par tout le pays ? La dépêche de M. Stanley menace de porter atteinte à nos droits. Faut-il nous soumettre aveuglément, ou bien prendre une position ferme et libre, et lui dire qu’il ne trouvera pas parmi nous des hommes prêts à porter son joug ; ni à être ses jouets et ses instrumens ? Il vaut mieux que ce soit M. Stanley, qui nous ôte notre liberté, plutôt que de consentir nous à la lui abandonner. L’hon. M. n’a pu s’empêcher d’approuver la résolution de la chambre relativement à l’élection de Montréal : eh ! bien, la 50e, qui selon lui doit inonder le pays de sang, est comme celle-là, une conséquence des menaces de Mr. Stanley. Quelle doit être notre réponse ? Celle même de MM. Stanley et Fox : « Que le seul moyen de rendre les colonies heureuses et contentes, est de ne leur laisser envier rien aux États voisins. » Il est temps qu’on fasse entendre cette vérité en Angleterre : Vous pouvez gouverner comme vous voudrez ; vous avez la force en main : mais sachez que, sous moins de vingt ans, la population des États-Unis de l’Amérique sera autant ou plus grande que celle de la Grande-Bretagne ; que celle de l’Amérique Anglaise sera autant ou plus grande que ne l’était celle des ci-devant colonies anglaises, lorsqu’elles décidèrent que le temps était venu de décider, que l’avantage inappréciable de se gouverner au lieu d’être gouvernées, devait les engager à répudier un régime colonial, qui fut, généralement parlant, beaucoup meilleur que ne l’est aujourd’hui celui de l’Amérique Anglaise. » Nous devons rappeler à l’Angleterre qu’il est un temps où les colonies deviennent majeures, et doivent se gouverner elles-mêmes : c’est même un principe qu’on y a reconnu. Toutefois on peut éloigner pour nous cette époque, en nous donnant un bon gouvernement. C’est pour cette fin que nous demandons une réforme ; et quand il faudra nous séparer de la mère patrie, pour devenir ses alliés, nous pourrons le faire sans efforts et sans boulets. Je me réserve à m’étendre sur chacune des résolutions, lorsque le temps en viendra. En attendant, je suis d’accord avec M. Gugy, qui dit, qu’il attache un grand poids à l’opinion de M. Neilson ; et je lui citerai aussi l’opinion qu’il a émise au sujet du conseil, lorsqu’il avait été envoyé comme agent en Angleterre. Il a maintenu devant le comité des communes qu’il n’y avait que deux modes de réformer le conseil, par de bons choix, ou par le système électif. Il est vrai que ce n’est que son opinion individuelle ; (M. Neilson soutient qu’il ne l’a pas dit dans ce sens,) et s’il ne l’a pas dit dans ce sens, nous le dirons nous. (M. Bedard lit le rapport du comité de la chambre des communes, où se trouve cette Opinion de M. J. Neilson. Voir ce rapport.)

M. Neilson. Je conviens que j’ai dit que le système électif serait un moyen de réformer le conseil ; mais j’ai ajouté qu’il serait contraire à la constitution. Qu’on lise toute ma réponse, et l’on verra ce qui en est. Il n’y a pas de franchise à citer ainsi une réponse par partie, pour la mal interpréter.

M. Papineau : L’hon. membre ne croit pas sans doute que son opinion, méchante ou bonne, doit enchainer cette chambre. Il nous est permis de citer partiellement ses propres paroles, qui sont extrêmement verbeuses. Elles sont devenues un document public, et il n’a pas le droit de se plaindre que nous nous en servions, au moins pour ce qu’elles nous paraissent contenir de bon et de juste, et que nous ne citions que cette partie que nous croyons mériter l’attention. S’il répudie aujourd’hui ses propres doctrines, elles sont écrites, et elles sont les mêmes pour nous. Il m’a dit lui-même, que s’il n’avait pas demandé le système électif pour le conseil, lorsqu’on lui avait demandé son opinion à ce sujet, c’est que les requêtes n’en parlaient pas ; qu’il craignait d’outrepasser son mandat, et qu’en effet on ne lui tendît un piège ; cela seul l’avait arrêté. À son retour plusieurs de ses amis lui ont exprimé de vifs regrets, que sa timidité l’eût empêché de faire cette demande, et adopter sur ce sujet l’opinion de son collègue, M. Viger. (M. Neilson nie que M. V. lui ait exprimé cette opinion.) M. Viger m’en a parlé lui-même ; et M. Neilson m’a déclaré, en présence de plusieurs amis, qu’il avait craint qu’on ne lui reprochât que ces notions ne fussent trop républicaines. Et quand il répudierait ses propres doctrines, elles n’en seraient pas moins bonnes pour cela. Ce n’est pas parceque Platon a dit la vérité, mais c’est parce que la vérité est bonne en elle-même, qu’il faut la rechercher. Il faut lire les témoignages de l’hon. membre devant le comité, pour voir combien il était alors ami des idées libérales, et avec quelle force il parla contre les abus. Ils n’étaient pourtant pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Le sang n’avait pas coulé dans les rues ; on n’avait pas ordonné à un solliciteur général de sauver des meurtriers, et de soumettre à des militaires le pouvoir judiciaire. Depuis ce temps les militaires ont dominé dans ce pays ; et cela est-il un abus moins grand que ceux pour lesquels l’hon. membre avait été envoyé en Angleterre ? Il y a aujourd’hui des causes bien plus pressantes et bien plus nombreuses, qui nous portent à demander une réforme. Si depuis ce temps M. Neilson est resté stationnaire, si même il a fait une marche rétrograde, doit-il être surpris de ne se trouver pas avec nous ? Au reste, lui et moi, nous sommes près de disparaitre de dessus la scène. Nous nous sommes trouvés dans des temps difficiles ; et bientôt nous devons céder la place à de jeunes compatriotes, capables et zélés, qui arrivent avec la force et la vigueur de l’âge. Ils sont à la veille de nous dévançer, mais ne leur reprochons pas de le faire. Nous leur avons peut-être applani des difficultés, et leurs succès seront les nôtres. Il n’y a pas de doute que la marche de cette chambre ne soit progressive. C’est en hâtant ses progrès, que l’hon. membre pour le comté de Québec avait eu le mérite de remplir son devoir, s’était vu accueilli avec tant d’enthousiasme, et appelé le Franklin du Canada. Qu’il se rappelle lui-même que, quand on lui demanda si des institutions populaires seraient bonnes pour ce pays, il répondit, « c’est excellent ; » et en effet je le dis, c’est excellent.

M. Neilson : Ce n’était point là mes idées, je n’en veux pas.

M. Papineau : Vous avez au moins le mérite de les avoir inspirées,

E. Gugy : Je demande de bonne foi quelque tems pour me décider.

M. Bedard fait motion d’ajourner la discussion à un jour subséquent.

M. Papineau : Il serait bon de voter dès à présent les deux premières résolutions. S’il y a des membres qui croient pouvoir conduire leurs propres affaires et celles du public, il n’y a pas moyen de savoir quand nous pourrons commencer la discussion. Si la première résolution n’est pas adoptée, les autres tomberont par ce fait même. Si elle passe au contraire, le président pourra rapporter progrès. Je ne suis pas disposé à attendre que l’hon. M. pour le comté de Sherbrook nous dise : commençons à présent, je suis prêt ; et nous devons tout au plus ajourner d’un jour à l’autre. Si après ce temps on nous dit franchement qu’on ne s’est occupé que de ce sujet, et que 24 heures n’ont pas suffi pour en venir à une détermination, dans ce cas on pourrait peut-être condescendre encore à accorder des délais. Nous avons tous été sommés pour le 15, et ceux qui déjà sont prêts ont autant de droit d’avancer, que les autres ont droit de retarder. Ainsi en votant la première résolution, on ne se trouve pas engagé à voter les autres, (c’est une absurdité que de soutenir le contraire,) et l’on montre au public que l’on veut faire notre devoir, et que l’on comprend pour quel objet on est appelé. À une heure si avancée, je n’entrerai pas en réponse à l’hon. membre pour le comté de Sherbrook, cela reviendra dans le cours de la discussion.

M. Gugy : Je ne perdrai rien pour attendre.

M. Quesnel appuie la motion de M. Bedard.

M. Papineau observe qu’en effet il vaudrait peut-être mieux ajourner tout de suite, pour décider une question de privilége importante sous le rapport des principes. Il voulait parler de l’élection de MM. Chamberlin et Child. Il importait de décider cette question avant l’autre, afin qu’on ne vit pas voter sur l’état de la Province, un membre qui ne devait pas être dans la chambre.

La motion de M. Bedard passe unanimement.

Séparateur


Mercredi, 19 février, 1834.

Mr. Neilson : Je pense que les membres ont eu occasion d’examiner les résolutions, et sont prêts aujourd’hui à prononcer sur leur mérite. Ces résolutions contiennent une atteinte à l’existence d’un corps constitué comme nous, en vertu de l’acte impérial de 1791 ; la mise en accusation du gouverneur en chef, qui forme aussi une autre branche de la législature ; le refus formel de subvenir par des appropriations d’argent aux dépenses de la Province ; et en outre, un procédé injurieux contre la Mère-Patrie, c’est-à-dire son secrétaire colonial. Il n’est pas nécessaire de dire que je ne puis voter pour de telles résolutions. Il me serait même impossible de le faire, quand ce ne serait qu’à cause des changemens qu’on veut apporter à l’acte constitutionnel. Toutes nos requêtes ont appuyé cette constitution, que la représentation du peuple a si vivement défendue lors du projet d’union, quand nos droits et nos privilèges étaient menacés. Chacun doit voir qu’à l’âge où je suis, je ne puis aisément changer d’opinion pour une constitution, que j’ai moi-même soutenue. Si je suis disposé à repousser toute attaque contre cette chambre, je suis disposé à en faire, autant pour le gouverneur, qui est le représentant du Roi dans ce pays. Il est vrai qu’il peut être mis en accusation par cette chambre devant le gouvernement impérial. Mais comment faire le bien commun, en s’attaquant au représentant du Roi ? N’est-ce pas nous mettre en inimitié avec les autorités, sous lesquelles nous siégeons, et déclarer qu’il n’y en a pas d’autres que la nôtre ? Il est de même contraire à mes principes d’arrêter la marche du gouvernement, en refusant de voter les subsides. Ce doit être la dernière ressource de la chambre. Si elle sait en faire un usage constitutionnel, elle amène le gouvernement à la raison, quand il s’en écarte. Mais l’usage inconsidéré de cette mesure en diminue l’effet, et détruit nos forces comme dispensateurs des deniers publics. Assurément je serai la dernière personne à consentir, qu’on s’emporte en injures, et en insultes contre celui qui nous communique les ordres de sa Majesté dans cette Province, et qui doit communiquer avec nous en notre qualité de corps législatif. Il est vrai que, comme législateurs, nous n’avons point d’ordre à recevoir de lui ; mais nous avons les règles de la décence à observer envers lui comme envers tous les autres. Dire que nous voulons rompre toutes communications avec lui, que nous jetons sous la table les dépêches de Mr. Stanley, sont des idées, que comportent les résolutions, qui jamais ne rencontreront mon assentiment. Je les rejette entièrement. Je sais que les affaires de la Province sont dans un état également nuisible pour cette chambre, le conseil, l’exécutif, et le public en général. Je sais qu’il existe un grand nombre d’abus, qui auraient dû être corrigés depuis très longtemps. Mais je suis d’avis que la chambre elle-même a négligé de faire ce qui était nécessaire pour cet objet. Nous avons en 1831 considéré l’état de la Province, et des résolutions ont été alors adoptées à l’unanimité. Elles ont été envoyées en Angleterre par le canal ordinaire du gouvernement : et peu de temps après le secrétaire d’état, nous a renvoyé une réponse, qui nous a été communiquée en 1832. Au lieu de recevoir cette dépêche, dans l’esprit qu’elle avait été écrite et qu’elle avait été dictée, on a poursuivi le projet d’un changement dans la constitution, et tenté de porter atteinte à l’existence d’une des branches de la législature, dont le concours est nécessaire pour donner force de loi à tous objets de législation. C’est nous qui avons mis ces entraves à la réforme des abus. Je prendrai la liberté de lire quelques extraits de cette dépêche, du Lord Goderich, datée du 9 juillet 1831. Et s’il y a quelque chose qui montre la libéralité de l’Angleterre envers nous, c’est sans doute cette dépêche. Voyons la. Nous nous sommes plaints dans notre adresse au Roi du 16 mars 1831, « que les progrès de l’éducation parmi le peuple ont été grandement retardés par la diversion des biens des Jésuites, destinés à cette fin. » Si ces biens n’ont pas été encore accordés, le principe a du moins été reconnu, et il n’a dépendu que de nous de les avoir. Voici quelques-uns des termes de la dépêche. « Le gouvernement de Sa Majesté ne nie pas que les biens des Jésuites n’aient été, à la dissolution de cet ordre, appropriés à l’éducation du peuple, et j’admets volontiers que les revenus de ces biens doivent être regardés comme inviolablement applicables à cet objet… Il est à regretter que ces fonds aient été appliqués à d’autres fins… Si l’assemblée était disposée à procurer des casernes aux troupes de Sa Majesté, tous les biens des Jésuites seraient affectés à leur véritable destination. » S’il arrive que par rapport à cet objet, quelque chose a été négligé, c’est à nous à faire des représentations en Angleterre, avec convenance et sans employer l’injure. Nous avons aussi représenté par la même adresse : « que la régie des terres incultes de la Couronne est vicieuse et injudicieuse, et gêne rétablissement de ces terres. » L. G. répond que, « ce sujet a occupé toute son attention, et qu’il se propose de répondre dans une dépêche séparée. » Cette dépêche ainsi promise, datée du 21 Novembre 1831, a été reçue par cette chambre le 1er  Février 1832. Sa seigneurie adopte le même système au sujet des terres incultes, que dans les États-Unis. Son projet méritait l’attention, et je ne sais pas qu’il ait jamais été référé à aucun comité ; au moins n’en a-t-il été rien fait. Nous nous sommes plaints en outre, que « l’exercice par le Parlement d’Angleterre, de son pouvoir de régler le commerce de la Province, occasionne une incertitude dommageable dans les spéculations mercantiles, et des fluctuations préjudiciables dans la valeur des biens-fonds &c. » L. G. répond, que « l’avantage du commerce des colonies n’a jamais été perdu de vue, et que le gouvernement de S. M. recommandera autant que possible, toute modification aux lois existantes, qui pourrait être utile aux colonies. » Nous avons aussi représenté que, « les habitans des villes, paroisses et townships manquaient de pouvoirs légaux suffisans pour régler et régir leurs affaires locales. » À ce sujet L. G. a recommandé au gouverneur « de sanctionner les bills pour la subdivision des paroisses, et pour l’incorporation de Québec et de Montréal, et toutes autres lois bien considérées, qui auraient pour but de mettre les autorités locales des comtés en état de régler les affaires qui les intéressent plus immédiatement. » Nous nous sommes plaints que « le mélange de différens codes de lois et règles de procédure dans les cours de justice, ont jeté de l’incertitude et de la confusion dans les lois qui protègent et régissent la propriété. » L. G. répond que, « c’est un sujet de politique locale, à l’égard duquel le jugement d’hommes éclairés de la Province doit avoir plus de poids que toute autorité extérieure ; et que la législature coloniale devra législater sur ce sujet. » S’il y a encore des abus à ce sujet, je suis prêt à prendre l’initiative et à chercher des remèdes. Nous nous sommes plaints que « plusieurs jugea ont pris une part publique aux affaires politiques, et tiennent des situations incompatibles avec la due exécution de leurs fonctions judiciaires. » L. G. répond « que divers arrangemens avaient été suggérés au gouverneur pour retirer les juges de toute connexion avec les affaires politiques, et les rendre indépendans. » Pour terminer cette discussion, il ne restait plus à la chambre que de leur voter une allocation permanente. Nous nous sommes plaints de la partialité de l’exécutif en faveur d’une seule classe des sujets de S. M. dans la distribution des places. On nous a répondu que par la suite les malversateurs seraient sévèrement punis ; qu’on ne souffrirait plus une telle partialité ; et qu’à mesure que les places deviendraient vacantes, elles seraient données à tous indistinctement. Si ces promesses n’ont pas été exécutées, nous avons droit de nous en plaindre d’une manière convenable, mais non comme de griefs, puisqu’on nous a donné des moyens dont nous avons négligé de nous servir. Nous nous sommes plaints aussi de la non-comptabilité de certains fonctionnaires publics, et L. G. nous répond qu’il est prêt à sanctionner toute mesure à ce sujet. Nous nous sommes plaints qu’un « acte du Parlement impérial rendît permanent des impôts fixés temporairement par la Législature provinciale, et en laissât les revenus à des officiers sur lesquels la chambre ne peut avoir aucun contrôle. » L. G. répond à ce grief que, « les ministres de la Couronne sont prêts à coopérer à toute mesure pour révoquer cet acte, si elle est passée par les deux législature du Haut et du Bas-Canada, ces deux Provinces y étant intéressées. » Le dernier sujet de plainte avait rapport à la constitution du conseil législatif. L. G. avait promis une dépêche séparée à ce sujet, et je ne sais pourquoi elle ne nous est pas parvenue. Voilà les réponses qui ont été faites à notre adresse de 1831, et c’est à nous à montrer, que de notre côté, avons fait tout ce que nous avons du faire pour remédier aux abus. Je crois que nous avons encore beaucoup à faire. Nous plaignons nous avec justice aujourd’hui que nos bills n’ont pas dans le conseil tout le succès qu’ils devraient y avoir ? Ces plaintes sont communes à tous les corps législatifs, qui sont indépendans les uns des autres. Chacun d’eux croit avoir le droit de faire à sa façon. C’est l’inconvénient de ces sortes de constitutions ; mais on a encore mieux aimé le souffrir, quand ce ne devenait point un abus, que de courir les dangers qu’il y a à donner tous les pouvoirs à un seul corps. J’ai fait moi-même des plaintes contre notre conseil législatif. En regardant la liste des bills, dans lesquels il n’avait jamais voulu concourir jusques là, je vois que la presque totalité de ces bills y a passé depuis, il n’est donc pas vrai de dire que toutes les lois nécessaires au bien du pays, sont sûres d’y être rejetées. Elles ne l’ont été que trop souvent ; mais ce n’est plus le cas. Le conseil a concouru dans divers bills importans, pour l’appropriation de certaines sommes d’argent, pour les corporations, pour les procès par jurés, pour la milice, pour les subdivisions des comtés. Cette dernière mesure a donné une représentation vraie et juste de la Province. Le conseil a lui-même passé un bill pour rendre les juges indépendans, et c’est nous-mêmes qui l’avons refusé. Il a encore concouru dans plusieurs autres mesures utiles ; tel est le bill pour l’éducation, celui pour les commissaires des chemins dans les campagnes, celui pour les subdivisions de paroisses, et un autre acte qui rappelle en partie l’acte des tenures ; et cela quand le conseil était encore mal composé. Je ne parle pas du conseil tel qu’il est aujourd’hui. Je ne crois qu’il convienne de parler disconvenablement dans cette chambre d’une autre branche de la législature. Nous n’avons point d’injures à nous échanger ainsi. Voilà un apperçu de l’état de la Province en 1831 tel que communiqué dans notre adresse au gouvernement impérial, et des réponses qui nous ont été faites à ce sujet en 1832. Il serait bon de voir s’il n’y aurait pas de moyens de remédier aux abus qui règnent aujourd’hui. Qu’on fasse voir à l’Angleterre ce qui peut et ce qui doit être fait : nous remplirons notre devoir, et la charge sera grande contre ceux qui auront négligé le leur. Mais en attaquant le conseil, on s’est élevé une barrière contre bien des lois, qu’on aurait pu faire et qui auraient rencontré l’assentiment du Roi. Cette attaque contre l’existence d’un corps constitutionnel, m’empêche d’espérer qu’on nous accorde de sitôt une réforme contre bien des abus. Nous y avons mis nous-mêmes un obstacle. La constitution dans tout pays est la règle de conduite pour toutes ses parties et la sauve-garde de la liberté de chacun. Du moment qu’on l’attaque on ébranle les passions. Nous nous trouvons dans des circonstances différentes des celles des pays où il y a eu des changemens. En Angleterre et aux États-Unis, qu’on a cités, des changemens ont été opérés par le peuple, non par suite d’un goût pour la réforme, mais parce que les rois eux-mêmes voulaient altérer la constitution. La ligne de démarcation est bien distincte : ils combattaient pour des droits qui existaient ; et nous voulons renverser ceux qui sont établis. Le résultat doit être différent. L’histoire est un moniteur fidèle : elle nous apprend que les conséquences suivent le principe. Il est inutile que j’entre dans des détails, pour le prouver. Je finirai par proposer en amendement de subtituer les résolutions suivantes : — (Voir ci-devant).

M. Stuart : je conviens avec tout le monde que le pays se trouve dans une situation déplorable ; et je désire de tout mon cœur de l’en voir sortir. Je ne parlerai pas de nos griefs avec cette passion, que l’on a montrée, et m’abstiendrai d’entrer dans des objets entièrement étrangers à la question. Loin de moi toutes ces distinctions nationales, ces expressions exagérées et injurieuses que s’est permises dans la discussion l’hon. Orateur de cette chambre. Ces expressions sont extrêmement inconsidérées, et j’en laisse l’honneur à celui qui s’en est servi. Je sais que dans ce pays il est impossible d’empêcher les inconvéniens qui résultent du mélange de la population ; mais est-ce à nous à semer les dissentions, et à augmenter l’irritation ? Tel a parlé de distinctions, qui les suscite. J’ai eu occasion d’observer quelles sont les doctrines de plusieurs hon. membres de cette chambre ; et j’ai cru appercevoir dans la discussion plus de personnalité que de raisonnemens. Je vais m’attacher particulièrement à la question, et démontrer les résultats de ces résolutions de sang-froid, j’espère, et sans exaspération. Nous sommes appelés à dire ce que nous pensons sur l’état de la province. Nous sommes dans un moment de crise. Nous faut-il adopter des mesures propres à augmenter l’embarras et à exciter l’irritation ? Est-il conforme aux lois de la raison et de la prudence de tourner en même temps contre nous toutes les autorités ?

Je n’ai pas intention d’entrer dans les détails des résolutions, je ne veux envisager la question que sous un point de vue général. Je le ferai sans m’occuper d’aucune considération étrangère, et suivant ce que je crois être mon devoir. Depuis que je suis dans cette chambre le pays a toujours été divisé en deux partis ; à la tête de l’un est l’Orateur de la chambre ; et à la tête de l’autre l’Orateur du conseil. Dans les deux partis, on n’a pas su garder de bornes, et je ne saurais dire lequel est le plus fautif. Dans cette chambre j’ai été témoin qu’on s’est souvent arrêté à des distinctions nationales. Quels sont ceux qui ont été constamment dans la majorité ; sinon ceux qui sont d’origine Française ? Et d’un autre côté quels sont ceux qui occupent les places ? On y voit des personnes de toute origine. Des hommes, tirés de toutes les classes de la société, sont élevés aux divers postes d’honneur. Et qu’est ce qui rend un homme digne d’un emploi ? Ce n’est certes pas son origine ni son langage, mais sa conduite et ses talens. Si un homme est qualifié pour un emploi, qu’il l’occupe, peu importe son nom, ses relations, et ses idées politiques. On se plaint de la partialité dans la distribution des places ; quelqu’un, qui a occasion de fréquenter les bureaux publics peut-il se plaindre qu’on ait laissé entrevoir des préférences et des égards pour les uns plus que pour les autres ? Mais ce n’est pas le peuple qui est mécontent ; ce sont ceux qui se mêlent des affaires. Où sont donc dans ce pays, les esclaves dont on parle dans les résolutions ? Peut-être y en aura-t-il un jour, si ces résolutions sont adoptées. Ceux qui vantent tant leur amour pour la liberté, qu’ont-ils fait pour le pays ? Qu’ils nous montrent donc leur ouvrage. Ils ont suscité des mécontentemens, il est vrai ; ils ont su exciter les passions ; mais si ce sont là les fruits de la constitution, n’en ayons pas du tout plutôt. Il est de fait qu’autrefois il y a eu des abus. Ceux qui avaient le pouvoir, étaient des hommes peu éclairés, et dominés par les préjugés. Aussi, en 1810 on vit conduire sans raison dans les prisons des hommes respectables. Ce fut un acte de violence inexcusable. Mais aujourd’hui quelle nécessité y a t-il de mettre la Chambre en collision avec les autorités locales et extérieures ? Il n’y a pas un homme sensé qui ne convienne qu’une pareille lutte nous serait funeste à tous. Elle aurait l’effet sans doute de donner des forces à la minorité dans cette colonie, contre la majorité qui se plaint. Voilà quel en serait le résultat. Comme représentant du peuple, je me ferais un reproche si je n’indiquais cette conséquence, qui pourrait être terrible. De bonne foi, se persuade-t-on que ces résolutions sont de nature à consolider l’état du Pays ? Pour moi j’y vois son malheur, sa destruction, et l’esclavage. J’ai exprimé librement et courtement mes sentimens par rapport à ces résolutions ; je voterai contre ; et quoiqu’il arrive, j’aurai fait mon devoir.

M. Gugy : Ces paroles ne sont pas des raisons. L’hon. membre qui vient de s’asseoir vient de nous faire ce qu’on appelle un discours parlementaire ; il a voulu nous faire un grand tableau de nos maux ; il a pris pour son texte nos griefs, il en a cité une foule ; et il n’a pas montré d’où ils venaient et si la chambre n’en était point la cause. Il y a des griefs, et ces résolutions sont le moyen d’en avoir la réparation : voilà tout ce qu’il dit. Il a parlé de documens dont le gouverneur a refusé la communication à cette chambre, sans prouver qu’ils étaient nécessaires ni que le gouverneur pouvait ou devait les montrer. Je citerai le cas du président des États-Unis, qui a dernièrement refusé au congrès des États, l’état des comptes de la banque ; lui qui n’est élu que pour quatre ans, il a cru qu’il y avait quelquefois des devoirs à remplir, qui se trouvent contraires aux vœux du peuple. Sans être appelé à défendre la cause de l’Exécutif, je demanderai qu’on nous démontre en quoi les documens, qu’il nous a refusés, pouvaient nous être utiles. L’hon. membre pour le comté de Richelieu nous a fait part d’une anecdote fort agréable, moi aussi je finirai par une anecdote applicable à la circonstance : Un officier commandant, ayant demandé à un subalterne ses retours de parades ; eh bien ! mon général, dit celui-ci ils sont tous présens, excepté ceux qui sont absens : tels sont les argumens de l’hon. M : ils sont tous présens, excepté ceux qui sont absens.

M. l’Orateur Papineau : Une anecdote aussi indéchiffrable et aussi triviale semble ne devoir pas convenir dans cette Assemblée, ni mériter beaucoup d’attention. Quant au président des États-Unis, l’hon. membre se méprend entièrement. Il n’a pas refusé les papiers qu’on lui demandait ; mais il a dit que par les lois, c’était entre les mains de l’officier de la Trésorerie que se trouvaient ces documens, et que c’était à lui de les communiquer au congrès : et cet officier l’a fait aussi. Le président n’a fait que référer à une autre autorité. D’ailleurs cette affaire ne nous regarde en rien ; et quand il aurait fait ce refus, toujours serait-il vrai que ce n’est pas comme ici un usage constant et journalier.

M. Vanfelson : Jusqu’ici j’ai gardé le silence, pour entendre les argumens donnés de part et d’autre. Avant ce soir la question n’a été envisagée que sous un point de vue général ; et personne n’a parlé sur le mérite des résolutions. Ce soir a commencé cette discussion sur les détails. En applicant mon opinion, je tâcherai de le faire avec le sang-froid de l’hon. membre pour la Haute-Ville, m’adressant à la chose, et non aux personnes mais sera pour en venir à des conclusions différentes des siennes. Je me déclare en faveurs de la mesure. Il y a longtemps que le Pays souffre, et nous devons demander des remèdes. Tout le monde convient de ces maux : on ne diffère que sur les moyens. Les uns prétendent qu’il est dangereux de se mettre en collision avec toutes les autorités, coloniales et métropolitaines. M. Neilson, ami du pays, et avec bonne foi, comme j’aime à le croire, maintient que c’est notre faute, si nos maux n’ont pas été réparés. M. Stuart, de son côté, assure que si une collision avait lieu, cela aurait l’effet d’augmenter les forces de la minorité dans ce Pays. Quant à moi, qui approuve ces résolutions, je crois que nous appartenons à un gouvernement sage, judicieux ; que nos représentations, également justes et raisonnables, en seront bien accueillies, et qu’enfin nous en obtiendrons ce que nous demandons depuis si longtemps. M. Gugy, dans son discours d’hier au soir, a voulu faire croire qu’il s’agissait de déclarer la guerre à la mère-patrie. Je défie de démontrer qu’aucune de nos représentations ne soit conforme aux règles de la saine politique, et contienne rien d’offensant pour le peuple anglais ; Il ne s’agit pas de soldats, de boulets, ni de canons. L’hon. membre s’est mépris, ou a feint de se méprendre. Dans tous les temps, il y a eu des abus, et des représentations ont été faites : et quand ces abus sont rendus à un excès insupportable, il n’est pas à supposer que nous n’oserons pas nous plaindre. Pour repousser cette assertion de M. Gugy, qui tendrait à intimider les esprits, je prendrai la liberté de rappeler les diverses époques politiques où le pays a eu à lutter, et où il a toujours eu l’avantage, quand il s’est montré ferme. Depuis la cession, nous avons toujours été en lutte avec les étrangers qui sont venus, ici ; et quoiqu’ils fussent en petit nombre, leurs relations de l’autre côté de la mer, et l’intérêt qu’on y prend pour eux, ont rendu forte leur opposition ; et empêché que nous ne puissions, obtenir ce que nous demandions. Dès 1790, quand on parlait de nous donner la constitution telle qu’elle est, ces ennemis du pays s’y sont opposés. Depuis six ans les Canadiens sollicitaient en vain pour l’obtenir, tant était vive et forte leur opposition. Mais à peine l’acte de 1791 eut-il été passé, qu’ils furent les premiers à en profiter. Leur influence était alors la plus considérable, et pendant les 15 premières années ils composèrent la majorité dans cette chambre. Il y avait parmi eux des juges, des conseillers exécutifs. On poussait l’antipathie nationale, jusqu’à reprocher aux membres de la minorité leur manque de loyauté, s’ils osaient faire quelque opposition ; et cet ordre de choses a duré jusqu’en 1810. Vers ce temps un engin utile pour l’éducation politique, je veux dire la presse, qui n’avait alors que l’ancienne Gazette de Québec, s’est établi dans le Bas-Canada. On a senti la nécessité d’avoir un papier public à mettre en opposition avec le Mercury, pour réfuter ses calomnies contre les Canadiens. En conséquence il s’est établi à Québec un papier, appelé le Canadien. Alors a commencé le goût de la politique ; et c’est ce qui a fait changer la composition de cette chambre. La discussion de ces papiers a fait comprendre que les juges ne devaient pas être membres de la chambre. Par une résolution il fut déclaré qu’ils ne devaient pas y être, et la chambre fut accusée de vouloir renverser la constitution. Le résultat fut que l’année suivante on reçut un ordre d’Angleterre, qui disqualifiait les juges à siéger dans la chambre. À une époque plus reculée, cette presse a encore produit une autre révolution. La liberté de ses discussions lui attira de la part de l’administration, une persécution, dont celle-ci aura longtemps à rougir. On fit saisir cette presse populaire ; on arrêta ceux qui la conduisaient ; et on plongea dans les cachots les citoyens les plus respectables. Cette persécution n’a été que momentanée. La fermeté et l’énergie de ceux qui en ont été les victimes, ont tourné au profit du peuple. Ces mêmes personnes, ainsi confinées dans les prisons, ont été reconnues comme des hommes de caractère, et on leur a donné les charges les plus importantes. À cette époque de 1810, dans une crise des plus violentes, un individu surtout a défendu et maintenu les droits du peuple. Cet homme est feu M. le Juge Bedard ; je devrais dire l’immortel Bedard, qui a fait pour nous les plus grands sacrifices, et dont le nom doit être à jamais cher aux Canadiens. Quelle a été encore la conséquence de cette lutte ? Quelque temps auparavant les juges avaient été disqualifiés comme membres, on s’est alors débarrassé de l’influence de l’exécutif dans la chambre. À cette époque il y avait encore des conseillers exécutifs dans la branche représentative. Les violences du gouverneur d’alors firent ouvrir les yeux, et l’on s’apperçut que la charge de représentans du peuple ne convenait pas à ceux qui avaient d’autres intérêts à représenter. Une administration plus heureuse succéda à celle du gén. Craig, et les affaires politiques du pays prirent un meilleur aspect. Au sortir de cette administration orageuse, ce même peuple qui avait été calomnié, a été appelé à défendre le pays contre les États-Unis, qui l’invitaient à se joindre à eux. Les mêmes individus, qui avaient été plongés dans les cachots, ont volé sur les frontières ; et on les a vus à la tête des milices. On a reconnu qu’on avait mal à propos injurié et calomnié les Canadiens. Ils ont ouvert les coffres publics pour soutenu la guerre, et ils ont souffert le cours des bills d’armée. La chambre même a déclaré tous les citoyens soldats. De pareils traits auraient dû engager à mettre fin à nos maux. Néanmoins, la guerre Américaine n’a pas été plutôt finie, que de nouveau on a cherché à nous calomnier. Depuis 1815 jusqu’en 1827, nos maux ont considérablement augmenté. À cette époque l’administration qui n’était rien moins que populaire, a forcé le peuple de s’assembler, de dresser des requêtes, dénommer des agens, et de soumettre ses plaintes en Angleterre. En conséquence de ces requêtes, les affaires furent suspendues ; et la chambre se montra l’organe du peuple. En 1831 on reçut une dépêche d’Angleterre, qui répandit la joie dans la Province. On y récapitulait tous nos griefs ; on en convenait ; on promettait d’y remédier ; et je le demande à M. Neilson, quels remèdes a-t-on employés, et quels maux sont disparus ? Quelques-unes de ces promesses ont-elles été accomplies ? Nos Finances ne sont-elles pas encore dans le même embarras ? La Législature a passé un bill par rapport à des impôts temporaires, rendus permanens par des lois passées dans le Parlement Impérial ; le Conseil y a concouru ; mais le Haut-Canada n’a pas voulu y accéder. La condition imposée par la Dépêche était que le Haut-Canada devait y donner son consentement, au lieu de dire simplement que la clause de l’acte de la 14e, relative aux revenus dont il est question, pourrait être rappelée par un Acte de cette Législature. Pourquoi faire intervenir ainsi une autre Province dans nos propres affaires ? Le Haut-Canada a su profiter de son influence en Angleterre pour empêcher que cette clause de l’Acte de la 14e Geo. 3 ne fût rappelée. On nous a donc indiqué un remède impossible à appliquer. Qu’est ce qui a été fait pour les terres de la Couronne ? À cette époque on se plaignait que ces terres étaient particulièrement données à des étrangers ; et notre plainte a été regardée comme fondée. Que fait-on aujourd’hui ? On les vend à une compagnie ; et ceux qui retireront les produits de cette vente n’ont pas de comptes à nous rendre : on ne sait pas même quel est leur salaire. Sont-ce là les remèdes, qu’on entendait donner ? On a parlé de distinction nationale ; c’est un sujet qui me déplait extrêmement, et dont je ne voudrais pas entendre parler. Mais est-ce notre faute, si nous sommes obligés de nous y arrêter ? N’est-ce pas dû plutôt à une dépêche du Bureau colonial, de Lord Goderich ? Si par une telle dépêche on nous force d’émettre notre opinion sur cette matière, qu’on ne nous en fasse pas un crime ; mais qu’on s’en prenne à ceux qui nous ont obligés d’en prendre connaissance. Depuis 1831, loin qu’on ait remédié à nos griefs, le mal a toujours été croissant ; raison de voir avec chagrin la manière dont les affaires ont été conduites alors. Tout le monde se rappelle les difficultés qui ont eu lieu, l’année dernière, entre l’Exécutif et la Chambre d’Assemblée. Il suffit d’ouvrir le journal, et d’y lire les messages et les réponses de Son Excellence, pour se convaincre que nous sommes en arrière de ce que nous étions en 1828. Peut-on voir cet état de choses, sans y être sensible ? Quand nous ne rencontrons partout que froideur et opposition, resterons-nous muets et inactifs ? Enfin pour comble de malheur le parti qui veut nous opprimer s’est grossi d’un nouvel ennemi politique. Les choses en sont rendues à un point que, quand bien même la chambre n’aurait pas été en collision avec M. Stanley, elle n’en aurait pas été moins obligée de faire entendre à l’Angleterre les sentimens du Peuple. L’année dernière la chambre, usant de ses droits, a déclaré vacant le siège de M. Mondelet. C’était une question de privilège, dont elle seule devait connaître. Le ministre avoue lui-même que la chambre ne doit compte à personne de l’exercice de ses droits. Néanmoins on reçoit une dépêche qui censure directement la chambre à ce sujet. S’il en est ainsi, que devient notre indépendance comme corps législatif ? Les privilèges ne valent quelque chose, qu’autant qu’ils sont illimités. Du moment qu’on leur assigne des bornes, ils deviennent illusoires. Comment ne pas réclamer contre cette dépêche de M. Stanley ? Comment ne pas faire des remontrances au peuple Anglais, pour une pareille injustice ? Si donc la chambre est forcée d’entrer dans une telle lutte, ce n’est pas sa faute. J’avoue que nous sommes dans un moment de crise ; que les évènemens sont sérieux ; que les conséquences en peuvent être dangereuses ; qu’il y a de la responsabilité à prendre : toutefois je voterai d’après ma conviction, je serai d’opinion de nous montrer fermes et énergiques dans nos résolutions, si l’honneur et l’intérêt du Pays l’exigent. C’est pourquoi je voterai pour les résolutions qui sont maintenant devant la chaire. Si dans mon vote je ne rencontre pas l’opinion de mes constituans, du moins j’aurai voté d’après ma conscience, et ils en seront quittes pour ne me plus réélire, s’ils ne m’approuvent pas. L’hon. membre pour le comté de Québec nous dit, que ces résolutions attaquent la constitution d’une des branches de la Législature. Cela est vrai. Une partie de ces résolutions demande des changemens dans le conseil. Si l’on veut examiner les faits, qui y sont énoncés, on verra qu’un changement est indispensable. Que faire d’un corps législatif qui ne peut pas correspondre avec les délégués du peuple ? Depuis qu’il a été recomposé, il n’en est que plus opposé au bien commun. Je citerai comme exemple le Bill pour les assurances mutuelles du feu. Trois comtés ont fait des pétitions demandant d’établir des Bureaux d’assurance mutuelle, la chambre a jugé cette mesure bonne, et l’a étendue à tout le Pays : et voilà que le conseil le restreint à trois comtés, sans nous donner aucune raison. Il fallait de bien fortes raisons pour justifier un pareil amendement. Les lois doivent être générales. Il n’y a d’exception que les cas particuliers, où une mesure ne convient qu’a une seule localité, comme un privilège pour un pont ou autre chose semblable. Dans tout autre cas, les objets de législation doivent s’étendre à tout un peuple. Ç’a donc été de la part du conseil une innovation, dont on ne voit point de cause. Si donc il y a une telle antipathie entre la chambre et le conseil, il faut que l’un ou l’autre soit remodelé ; et dans ce cas, ce doit-il être la branche populaire ? Le conseil a un vice radical, qu’ont indiqué les grands hommes, qui ont discuté notre constitution. On sait que Pitt, en nous donnant cette constitution, ne faisait qu’un essai, et que Fox en démontra tous les inconvéniens. De ces deux grands hommes, Fox est celui qui se trouve avoir dit la vérité. Pitt croyait pouvoir créer dans ce pays une véritable aristocratie ; mais n’ayant pas donné des titres de noblesse, il n’a pu y réussir. D’ailleurs le conseil n’en a-t-il pas demandé ? Voyez ses journaux, et voyez aussi les réponses qu’il a reçues du Roi. Il n’a pas voulu leur en accorder, parcequ’il a vu l’impossibilité de former dans ce pays un véritable corps aristocratique. Pour soutenir des titres de noblesse, il faut de grandes fortunes, et il n’y en a pas dans ce pays : en sorte donc qu’il faut réformer ce corps. Plusieurs des résolutions ont cela pour but. M. Neilson est effrayé de cette demande, et dit que lui-même il a été en Angleterre demander que la constitution fût conservée intacte. Oui, mais les changemens même faits dans le conseil depuis ce temps, ont convaincu de l’impossibilité de voir régner l’harmonie dans notre Parlement, sans une réforme complète de ce corps. Est-il possible sans cela de passer des lois salutaires ? Pourquoi donc hésiter à demander une réforme, si tous les membres conviennent qu’elle doit être avantageuse ? Pourquoi dire qu’une telle demande sera mal reçue de l’Angleterre, quand ce n’a pas été le cas dans toutes les occasions que j’ai citées ? En nous adressant à la chambre des communes, nous y trouverons la même libéralité que nous y avons déjà trouvée ; et elle nous accordera toute ou la plus grande partie de nos demandes. Je ne veux pas fatiguer plus longtemps l’attention de ce comité. Je m’arrêterai ici, me réservant à faire quelques observations à mesure que les résolutions passeront. Je finirai en invitant les membres à penser à l’état où se trouve le pays ; à ne pas abandonner l’intérêt de leurs constituans pour des craintes puériles. Attaqués dans ce moment, nous devons défendre nos droits. Pourquoi crainderions-nous ? Il y en a qui disent que ces remontrances sont trop sévères. Elles sont fermes, elles sont énergiques. Ce n’est pas une déclaration de guerre, mais une déclaration de principes, une déclaration de ces droits qui nous appartiennent comme sujets britanniques, et qui nous sont garantis par l’acte de 1791. Voilà pourquoi je voterai pour ces résolutions, et j’espère même qu’il n’y aura pas de division.

M. Bourdages : Je m’abstiendrai pour le moment de parler des résolutions présentées par M. Bedard ; je ne m’arrêterai qu’aux amendemens de l’hon. membre pour le comté de Québec, M. Neilson. Nous convenons avec lui que le pays est dans une situation déplorable. Mais il nous en attribue la cause. Il est singulier que depuis quelques années les yeux de l’hon. M. se soient fermés, ou que, s’il voit encore, ce soit avec d’autres lunettes. Où fonde-il son espoir ? dans les dépêches de 1831. Vraiment, Mr. Pr. c’est prêcher encore la venue du Messie. De bonne foi se persuade-t-il que les promesses de Lord Goderich se réaliseront ? Depuis trois ans, loin qu’on ait apporté des remèdes à nos maux, ils se sont de beaucoup augmentés. Y a-t-il rien de plus alarmant que de voir un secrétaire colonial nous dénier nos privilèges, et prétendre nous dicter nos votes de subsides ? On veut donc ne nous laisser qu’un squelette hideux de constitution. Comment expliquer ce changement dans les principes de M. Stanley ? Je respecte son rang et ses talens, mais je ne puis attribuer cette manifeste contradiction qu’à sa jeunesse. Il nous reproche de vouloir attaquer l’existence d’une des branches de la législature. Mais quel espoir peut-on mettre dans un corps, qui tous les jours devient plus mal constitué ? On y fait entrer des étrangers, qui ne sont pas même sujets britanniques. Il est clair qu’on voudrait se jouer de cette chambre, qu’on voudrait la paralyser. Toutefois nous sommes une des parties intégrantes de la constitution, et il ne sera probablement pas facile de nous écraser. C’est le peuple entier qui nous a délégués ici, et nous verrons s’il le fera encore. Je suis bien aise que cette question vienne à la fin d’un Parlement, afin qu’en sortant d’ici nous soyons jugés par nos constituans. En finissant je rappellerai aux membres, qui reconnaissent tout le vice qui règne dans la constitution du conseil, qu’il est de leur devoir de se débarrasser d’un corps nuisible au bien-être du pays. Il y aurait lâcheté à ne le pas faire. Le seul moyen de réforme est le système électif, si l’on veut avoir un corps intermédiaire, qui sympathise également avec l’exécutif et le peuple. Mais, dira-t-on, ce sera une nouvelle chambre ; c’est donc un autre exécutif, quand il est nommé par le gouverneur. Entre ces deux alternatives, y a-t-il du doute sur le choix qu’il faut faire ?

Mr. Lafontaine. Dans une question si importante et si difficile, je n’aurais pas osé élever la voix après les discours profonds et lumineux qui nous ont été donnés, si les discours de MM. Gugy et Neilson n’étaient de nature à laisser de mauvaises impressions, et à avoir de mauvais effets. Je l’avouerai, j’ai écouté M. Gugy tantôt avec plaisir, et tantôt avec chagrin. La foule d’anecdotes et de plaisanteries, dont il a semé ses discours, me force de le comparer à ces gazettiers, qui, recevant indifféremment toutes les nouvelles qu’on leur rapporte, sans en examiner ni la source ni la vraisemblance, les débitent pour ce qu’elles sont. Hier la nouvelle était à la guerre : il ne voyait partout que sang, que boulets, que carnage et que mort. Aujourd’hui les nouvelles sont à la paix ; aussi ne fait-il que rire et plaisanter. Hier dans son ardeur guerrière il se comparait à un sénateur romain, des sentimens du quel il semblait pénétré : Delenda est Carthago ; il faisait le serment d’Annibal : Salus populi suprema lex. Avec d’aussi belles maximes, se peut-il qu’il soit tant changé aujourd’hui, et pour me servir d’une de ses comparaisons, se peut-il qu’il prenne tant de plaisir à édifier des moulins à vent, pour les combattre à la façon de Don Quichotte ? Je ne sais de qui M. Gugy a voulu parler, lorsqu’il a dit que ces résolutions ne pouvaient venir que de la part de patriotes mendians. S’étant servi de ces expressions d’une manière générale, chaque membre doit les regarder comme si elles lui étaient adressées. Pour moi, je n’appartiens pas, il est vrai, à une de ces familles célèbres par les places qu’elles ont occupées, et les émolumens qu’elles ont reçus : j’appartiens à la famille d’un honnête bourgeois, qui par son industrie à su se procurer une existence aisée ; et, je m’en loue, je suis aussi indépendant que qui que ce soit. S’il a voulu parler de ceux qui mendient des suffrages aux élections, je lui déclare que je ne prends point ce reproche pour moi. J’ai dû céder aux vives sollicitations de mes constituans. J’espère donc que M. Gugy voudra bien révoquer cette fausse imputation. Qu’il ne se venge pas sur moi, s’il n’a pas été élu au comté de sa naissance. Dans le cours de la discussion, M. Gugy a dit que les discours emportés de l’Orateur expliquaient assez quelle a été la cause du 21 Mai. Il est vrai que de mon côté, j’ai pris une part active à cette élection ; et si M. Gugy prétend dire que ceux qui se sont mêlés de cette élection, y étaient invités par M. l’Orateur, il est grandement en erreur pour moi. Avant la fusillade du 21, je n’avais pas vu M. Papineau depuis la fin de la session : il en était ainsi des autres. Revenant à Mr Neilson, je dirai qu’il est en contradiction avec ses propres paroles et ses propres principes. Rien n’est plus fort pour nous engager à voter en faveur des résolutions, que ce qu’il nous a dit lui-même. La conséquence, dit-il, suit le principe. Quel est le principe du conseil législatif ? La volonté arbitraire et capricieuse d’un gouverneur, voilà quel est ce principe. Si l’hon. M. dans un autre temps, quand son cœur battait encore pour le pays, a dit en Angleterre que ce principe était la cause de nos maux, je le lui demande aujourd’hui, ce principe ne dépend-t-il pas encore de la même volonté, qui le faisait opérer en 1828 ? Toutefois l’hon. M. avoue avec candeur que nous avons le droit d’accuser le gouverneur, mais il ajoute en même temps, qu’il n’est pas prudent de le faire. Pourquoi faut-il qu’il soit accusé ? pour la manière arbitraire dont il a composé le conseil. C’est le peuple sur qui pèse le tort de ses actions, qui devient son accusateur. M. Neilson a remarqué dans une autre partie de son discours, que c’est s’écarter des droits de la constitution, que d’accuser une autre branche de la législature : voilà donc une contradiction dans ses propres doctrines. Il ajoute aussi que c’est entraver la marche du gouvernement. Dans une circonstance bien minime auprès de celle-ci, lui-même a consenti a entraver la marche des affaires, quand un gouverneur refusait de confirmer le choix que la chambre avait fait pour son Orateur. Il était un de ceux qui criaient hautement qu’il ne fallait pas sacrifier un privilège, et qu’il fallait forcer le gouverneur à recevoir l’homme du peuple. Cette chambre manquait-elle alors d’hommes capables d’être Orateur ? Qu’est-ce qui l’engagea donc à adopter cette démarche ? La raison en est claire, c’est que dans un temps on a des convictions, et dans un autre on en a d’autres. L’hon. M. s’attache particulièrement à l’adresse de 1831, et a la réponse qu’elle nous a valu. Le premier chef de cette dépêche a rapport aux biens des Jésuites. Y a-t-il de violation plus flagrante de la justice que cette partie de la dépêche de L. Goderich ? Quoi de plus odieux que de reconnaître notre droit de propriété sur ces biens, et de dire : je ne consens à vous les rendre qu’à condition que vous m’indemnisiez, que vous me payiez ? On nous dit encore, ne devez vous pas être satisfaits ? le conseil a concouru dans un bill de milice ; comme si en 1828 nos agens n’avaient eu d’autre mission en Angleterre que de demander un bill de milice. Une autre contradiction de l’hon. M. est de nous dire que nous devrions nous contenter des promesses du ministre, et d’avouer ailleurs que le pays est dans un état ruineux pour tous les partis. Certes, cette contradiction là du moins est palpable ; cet argument n’est pas même spécieux. Nous avons, il est vrai, une loi pour les jurés. Cependant l’époque est-elle éloignée où ceux qu’a amollis le soleil du château St-Louis, ont fait une tentative, dans une assemblée tenue à la Bourse de Québec, de nous ravir cet avantage ? M. Neilson a-t-il réclamé contre cette injustice ? non, il ne l’a point osé. On avoue que ceux qui sont depuis longtemps dans le conseil, sont de la vieille école ; mais parmi les nouveaux conseillers, quels sont ceux de la nouvelle ? Qu’on nous les nomme donc. Il est vrai qu’il y en a quelques-uns, mais associés comme ils le sont, il serait à souhaiter qu’un acte leur permît résigner. Si l’on demande à réformer cet état de choses, on crie à la révolution ! Mais n’a t-on pas crié de la même manière en 1810 ! Ceux qui proposèrent d’exclure les Juges de la chambre furent traités de révolutionnaires. Ceux qui plus tard ont voulu régler les appropriations d’argent, ont aussi été appellés des révolutionnaires par les Cartaginois de ce temps-là ; cette accusation s’est renouvelée dans tous les temps. Je crois que tout considéré, ceux qui aiment le Pays, et veulent son bien, ne peuvent avoir aucune difficulté à voter ces résolutions. J’avoue que je sens un plaisir secret de voir, qu’elles ont été présentées par le fils de celui qui défendit si bien la cause de la patrie. Si ses cendres ne reposaient pas dans la tombe, s’il vivait encore, il sympathiserait vivement avec nous ; il ferait peut-être entendre sa voix, non pour demander un conseil électif, mais pour en demander l’entière abolition. Cet homme était un véritable apôtre de la liberté. Je ne vois pas de nécessité d’occuper plus longtemps l’attention de cette chambre.

M. Gugy. J’ai pris plaisir entendre à l’hon. membre, qui vient de s’asseoir, répéter quelques parties du discours que j’eus l’honneur d’adresser hier à cette chambre. Je ne me rappelle pas s’il a été bien correct dans ses citations, mais je regrette qu’il ne m’ait pas répondu dès hier, parceque, parlant sur l’impression du moment, et m’étant laissé emporter dans la chaleur de la discussion, j’aurais pu profiter de son commentaire et corriger plusieurs inexactitudes dans mon style. Ordinairement c’est M. l’Orateur qui se défend lui même ; je vois aujourd’hui le contraire. C’est M. Lafontaine qui prend sa défense : l’Orateur lui en saura bon gré, je suppose. Je ne m’étendrai pas dans de plus longues observations à ce sujet ; je suppose que M. Papineau saura reprendre ses droits. J’appellerai encore l’attention des membres à la 50e résolution, qui, dans la stricte valeur des mots, va à dire : faites ce que nous vous demandons, ou attendez-vous à nous voir nous raidir contre vous, et imiter l’exemple des États-Unis. Les termes de cette résolution sont formels. (Il la lit.) N’est-ce pas là une déclaration de guerre ? De qu’elles autres expressions se servaient les Américains, quand ils se sont révoltés, eux qui étaient si bien gouvernés ? Nous qui sommes bien plus mal gouvernés qu’eux, nous avons sans doute de plus fortes raisons de prendre leur démarche ? En bonne foi, est-il prudent d’adresser un pareil langage à la Mère-patrie ? Quelles sont les ressources du Pays ? et quand on ne voudrait pas recourir à ces moyens extrêmes il n’en est pas moins vrai que ces résolutions devront exciter des soupçons par rapport à la loyauté des Canadiens. Je nie pourtant qu’on y ait exprimé leurs vœux et leurs sentimens. Il n’y a que de fréquens appels aux passions, des intrigues, et des menées, qui puisse leur faire désirer des événemens qui devront être funestes. M. Lafontaine, connaissant mieux que moi la valeur des mots dans le français, me dira sans doutes, ce que veut dire cette allusion qu’on fait aux forces et à la révolution de l’Amérique. Si l’on ne veut pas faire entendre que l’on ferait comme les États-Unis, quel sens cela a-t-il ? Le temps viendra indubitablement, où nous deviendrons indépendans ; ce Pays sera le centre d’un grand empire. Mais ils ont tort, ceux qui veulent hâter ce moment : les États-Unis ne nous envieraient-ils pas nos beaux fleuves, et souffriraient-ils que nous fussions indépendans auprès d’eux ? Avec le Mississipi, et l’Ohio, il leur faut encore le St. Laurent pour arrondir leur domination. Il est impossible de se cacher que nous deviendrons libres ; mais si pour parvenir à cet ordre de choses, il nous fallait passer par la guerre civile et tous les maux qui en sont la suite, ceux qui s’affligent si profondément et avec tant de raison, de la mort de trois de leurs concitoyens, seraient-ils insensibles à la désolation universelle dont ils seraient les témoins, dont leur cœur leur rappellerait sans cesse qu’ils sont la cause ? Si d’avance ils étaient convaincus de toutes ces scènes de désordre et de carnage, n’aimeraient-ils pas mieux souffrir mille fois la mort, que d’en être les auteurs ? Quant à l’amour de la Patrie, quant au salut de la République, c’est un sentiment universel : personne ne veut être esclave ; tout le monde veut servir son Pays. Je veux aussi moi faire la guerre : mais c’est la guerre aux abus, et aux griefs. Je voudrais améliorer notre constitution, je ne voudrais pas la détruire. L’idée ridicule d’un système républicain en Canada n’existe que dans la tête de ceux qui auraient espoir d’en tirer parti. Qu’on nous cite donc une république parfaite et tranquille ; même la petite République de St. Martin en Italie, qui existe depuis si longtemps, n’est pas exempte de cabales et d’agitation. Je crois donc que la réforme de nos abus serait la démarche la plus avantageuse au Pays. Je dois rendre justice à M. Lafontaine, pour les expressions dont il s’est plaint. Je suis persuadée qu’il n’a jamais eu envie ni cherché de places ; je ne m’étais pas adressé à lui non plus : je m’étais servi des paroles dont un savant Orateur avait fait une fois usage, dans le Parlement d’Irlande. Je m’arrêterai aussi à un autre incident un peu étrange, parce qu’on y a fait allusion. Né dans le comté de St. Maurice, j’ai dû y avoir beaucoup de relations, et je n’ai pas été privé de croire que je pourrais y être élu peut-être. À la prière de plusieurs personnes je m’y suis donc rendu. Quoique je n’eusse pas raison de croire qu’on pût dire que j’étais anglais, cependant, à la vue même du clocher de ma paroisse, je vis sortir un certain club d’un certain presbytère, qui s’en vint crier et répandre que j’étais anglais ; et j’étais bien anglais, disaient ces gens, puisque je n’étais pas catholique. Par ce mensonge et cette effronterie, ils me firent éprouver une mortification plus déshonorante pour eux que pour moi. L’allusion qui en est faite à ce sujet, et les funestes distinctions nationales qu’on s’est permises ici, m’ont forcé d’entrer sur cette matière. N’ai-je pas raison de me plaindre, moi qui suis né dans ce Pays, qui suis canadien, qui ne me suis jamais éloigné, qu’on ait dit que j’étais Anglais, parmi ceux mêmes au milieu des quels où j’étais né ? Malgré toutefois qu’on m’ait substitué deux hommes que je suppose être capables et zélés ? Voilà la raison qui m’a forcé de vous entretenir de moi un peu plus longtemps que je n’aurais voulu. Il est certain que M. Vanfelson a parlé d’une foule de vieux griefs, si nombreux et si crians, que je suis surpris qu’on les ait endurés. Mais y en a-t-il autant aujourd’hui ? On crie contre le conseil, ne sait-on pas la nouvelle du jour ; ne sait-on pas qu’il vient de concourir dans un Bill qui disqualifie plusieurs conseillers ?

M. Lafontaine : Il paraît donc que les nouvelles sont encore à la guerre. L’honorable membre m’a demandé une explication que je suis obligé de lui donner. Il me demande ce que je pense de la 50e résolution. Je lui dirai d’abord que je n’ai point travaillé à ces résolutions, et que je ne les ait vues que depuis que je suis descendu de Montréal. Si je comprends bien la 50e, je la trouve exacte. Il convenait de mettre sur ses gardes M. Stanley, qui nous fait de si violentes menaces ; et si ce pays doit être un jour un grand empire, comme nous l’a dit M. Gugy il faut l’en informer d’avance. Nous disons que nous désirons rester attachés à la mère-patrie aussi long-temps que possible, aussi long-temps que pourra durer le régime colonial : voilà quel est le sens de cette résolution.

M. Kimber se prononce en faveur des résolutions proposées par M. Neilson. Il observe que le conseil, tel qu’il est constitué, a retardé la prospérité du pays.

La chambre se divise ensuite sur les amendemens de M. Neilson, et ils sont rejettés à une majorité de 52 contre 18.

[M. Neilson se retire ensuite, avec la plupart de ceux qui étaient de son opinion, et déclare qu’il reviendra en chambre avec d’autres amendemens. Dix-huit des résolutions sont ensuite lues et adoptées, et l’on ajourne au lendemain à 10 heures p. m.]


Jeudi 20 Février. — [ Séance du Matin. ]

[ La Chambre en comité général, M. A. C. Taschereau au Fauteuil. ]

Après la lecture de la 25e Résolution, M. l’Orateur Papineau, prend la parole et dit : Avant que cette résolution soit mise aux voix, je crois, M. le Président, devoir donner des détails sur ce dont elle parle, puisque celui à qui il y est fait allusion s’est prostitué à tous les gouverneurs du pays, uniquement conduit par le vif motif du gain. Je dois exposer aux yeux de ce comité quelques circonstances de la vie d’Horatio Gates. Deux membres ont récemment prétendu justifier l’administration, en disant que cet individu avait été régulièrement appelé au conseil législatif ; ils en ont fait la déclaration sur ce qu’il leur a dit, mais ils se compromettaient, puisqu’ils prenaient le parti d’un homme qui s’était rendu coupable de trahison envers sa majesté. Lorsqu’il a été nommé conseiller législatif, il n’était point qualifié par la loi ; il n’était point sujet britannique et n’avait point prêté le serment d’allégeance. Il n’y a que quelques jours qu’il l’a prêté ce serment ; c’est dans le mois de janvier, qu’il a rempli cette obligation imposée par la loi du pays. Dans son zèle brûlant pour récompenser les ennemis de Peuple Canadien, pour remplir des promesses faites par inconsidération, c’est par un crime, et non par une simple légèreté que le Gouverneur en Chef l’a choisi pour être Conseiller Législatif, lorsqu’il aurait dû être exclus de ce corps, s’il n’eût pas voulu insulter le peuple de cette province.

Pendant la dernière guerre avec les États-Unis, il y eut à Montréal un comité du conseil exécutif qui siégea pendant quelque tems. Il se composait de MM.  McGill, Panet, Richardson et 2 ou 3 autres ; au commencement ils s’occupèrent pendant quelque tems des réclamations des américains qui se trouvaient à Montréal. Un grand nombre d’entre eux se décidèrent à y demeurer. Il fut publié une Proclamation, qui leur enjoignait à tous de sortir du pays, s’ils ne voulaient point prendre les armes pour sa défense Cela était conforme au droit public et international. Le nombre des applicans qui s’adressèrent à ce comité se monta à plus de 230. Ils obtinrent de rester dans le pays sous différentes conditions ; on leur administra divers sermens d’allégeance. Il y en eut qui, regardant ce pays comme le pays de leur adoption, prêtèrent un serment d’allégeance plein et entier, et se firent gloire de se déclarer sujets Anglais ; ils prêtèrent le serment sans aucune condition. Au nombre des premiers qui prêtèrent ce serment, se trouve un digne citoyen, que j’ai le plaisir de voir siéger avec nous (M. De Witt) ; il y en eut beaucoup d’autres qui suivirent son exemple. D’autres au contraire ne prêtèrent que des sermens conditionnels ; ils consentaient bien à combattre au loin, au delà des mers, les ennemis de l’Angleterre ; mais ils ne voulaient point prendre les armes contre ses ennemis qui étaient plus près. Leur serment n’était qu’un serment de prudence qui annonçait bien peu de dévouement.

On donnait à ces personnes des certificats de diverses sortes. Les uns disaient : Le porteur du présent certificat ayant prêté le serment d’allégeance et promis de prendre les armes contre les ennemis de S. M., il lui est permis de demeurer dans cette province. — D’autres, au contraire, conçus dans les mêmes termes, contenaient l’addition suivante « sujet à se retirer au premier moment, lorsqu’il en sera requis. » M. Gates était alors un des plus marquans entre les Américains qu’il y avait à Montréal ; il y exerçait un commerce étendu, et il exprima souvent les objections qu’il avait à sortir du pays. On lui permit donc, ainsi qu’à d’autres, d’y demeurer pendant quelque tems, pour qu’il pût terminer ses affaires, sous la condition qu’il se conduirait comme un loyal sujet, et laisserait le pays quand il en serait requis.

Depuis le commencement de la guerre jusqu’au 14 Décembre 1813, les 230 individus dont je viens de parler, avaient pris l’un ou l’autre de ces sermens ; mais M. Gates était toujours sous la surveillance de la police ; il n’était que toléré, sujet à laisser le pays au premier ordre. Les régîtres de la police de Montréal contiennent une foule de faits à l’appui de ce que j’avance. Ces régîtres qui devraient maintenant être sous la garde de la Corporation, au lieu de rester entre les mains des magistrats, puisque l’Acte Provincial l’ordonne expressément, sont néanmoins au pouvoir des magistrats, parce que des Juges de Paix violens et fougueux ont refusé de les livrer à la Corporation, qui devrait les avoir. Ces livres sont remplis d’une foule de règlemens et de détails sur les chemins et autres matières, dont la connaissance servirait à guider les Citoyens. On devrait donc les livrer à la Corporation, au lieu de les laisser aux Juges de Paix.

Parmi ces renseignemens utiles, on y trouve aussi les entraves du corps des magistrats, ses menées ténébreuses, et criminelles intrigues qu’ils n’ont pas songé à consigner dans de régistres secrets et séparés et qui les couvrent aujourd’hui de confusion ; et c’est parce que ces régistres les impliquent qu’ils veulent les garder.

Le début du prochain paragraphe est sur la page suivante. À quel point le texte est-il mélangé ???

chef a refusé de lui répondre. Qui serait assez aveugle, assez incapable de connaître ses droits pour ne pas comprendre que ce refus est une insulte des plus graves ? Et le gouverneur ne devait-il pas savoir, que s’il ne voulait point nous donner ces renseignemens, nous pouvions nous les procurer ailleurs ?

On y voit que le 14 décembre 1813, il fuitait (M. Thos. McCord présent à cette assemblée des magistrats) un rapport à S. E. relativement aux sujets Américains qui se trouvaient alors à Montréal, et qui avaient refusé de prêter le serment d’allégeance pur et simple. Ce rapport parle de six, savoir : Horatio Gates, G. Henshaw, Elisha Lane, Royal Moore, Ebenezer Tuttle, Win. Wilsey. Voilà donc une preuve, que ce que M. Gates a dit à deux membres de cette chambre, qu’il était alors sujet Anglais, n’est pas vrai, puisqu’avec cinq autres sujets Américains, il était sous la surveillance de la police, exposé à être forcé de sortir du pays, au premier ordre qu’il recevrait. Une lettre de M. Brenton, secrétaire du gouverneur d’alors, du 1er  avril 1813, adressée à M. McGill, président du comité en question, l’autorise à permettre à M. Gates de demeurer à Montréal, jusqu’à la prochaine arrivée du gouverneur en cette ville. Mais il ne suffit pas de dire que M. Gates était regardé comme étranger ; il faut voir s’il se regardait lui-même comme bon sujet de S. M.

En 1813, il présenta au comité du Conseil Exécutif une requête signée par lui et par E. Jones, son associé, pour demander un nouveau délai. Il eut été facile au gouverneur actuel de se mettre au fait de ce que nous savons nous-mêmes. Cette requête disait :

Au Conseil Exécutif de Sa Majesté pour la Province du Bas-Canada :

Ayant été notifiés par les officiers de Police que nous devons venir de l’avant et prêter le serment d’allégeance, qui nous obligera de prendre les armes, si on le demande, contre les États-Unis ou de laisser la province, nous, prenons la liberté d’informer l’honorable Conseil, que des deux alternatives nous choisissons celle de laisser la province. Nous ne sommes cependant point entièrement prêts à partir immédiatement, ayant ci-devant eu occasion de pétitionner vos honneurs pour avoir du délai pour régler nos affaires, dans laquelle pétition nous exposions notre position. Nous regardons comme inutile de nous répéter. Vos honneurs doivent bien connaître les difficultés qu’on éprouve maintenant pour régler ses affaires, et si la chose est consistante avec vos devoirs (d’après la libéralité que nous ont manifestée ci-devant S. E. et son hon. conseil) nous espérons avec confiance qu’on nous accordera encore quelques jours, pour faire les arrangemens nécessaires, afin de nous mettre en état de régler celles de nos affaires qui ne sont pas encore réglées. Nous prenons de plus la liberté de remarquer que, comme notre affaire la plus importante qui n’est pas réglée, se trouve à Québec, nous prions vos honneurs de nous accorder du tems, au moins pour écrire à Québec et en obtenir des retours et nous ne cesserons de prier.

HORATIO GATES,
ELNATHAN JONES.

Montréal, 12 Décembre, 1812.

Voilà une déclaration officielle de M. Gates, qui se voyant pressé de près, préfère laisser le Canada pour s’en aller aux États-Unis. Est-ce que l’administration n’aurait pas pu connaître tous ces détails ? Non, parce qu’elle s’abandonne aveuglément aux ennemis du pays qui l’égarent. Quand la chambre a demandé des renseignemens à cet égard ; le gouverneur-en-

le paragraphe de la page précédente semble la suite du paragraphe précédent. Mais jusqu’à quel endroit ?  ?  ?  ?

Les déplorables événemens de l’Élection du Quartier-Ouest de Montréal, sont évidemment une intrigue commencée par le Conseil Législatif et l’Administration, qui voulaient se venger des marques d’estime et d’approbation publiques données à deux hommes qui avaient été leurs victimes, et dont le triomphe blessait au vif leur orgueil. Ceux qui ont à cette élection pris une part si active, pour gêner la franchise élective, servaient les vengeances du Conseil Législatif, qui se voyait directement censuré dans cette occasion.

Il était généreux, digne de sujets anglais, de faire voir que les victimes d’une injuste persécution fussent honorées de marques d’approbation ; de prouver que Messieurs Duvernay et Tracey, emprisonnés par les ordres du Conseil Législatif, pour l’expression honnête de leurs sentimens, pouvaient encore être soutenus par leurs concitoyens. Mais quand un corps a abusé d’un pouvoir trop longtems exercé, il est du devoir des amis de la Liberté de la Presse de s’attacher à montrer leur mépris pour la persécution, pour ceux qui sont devenus les auteurs du crime affreux dont un Petit Jury peut, tôt ou tard, avoir à s’occuper, et sur lequel il sera appelé à prononcer. En attendant ils peuvent se glorifier en se regardant comme des « Honorables » ; mais un Petit Jury pourra avoir à décider s’ils sont coupables ou non coupables de cet attentat, et dire s’ils ne se sont point rendus coupables de meurtre volontaire.

C’était pour se venger des imprimeurs, qu’on a recouru à des moyens violens qui ont répandu le deuil et la consternation. Les magistrats de Montréal se crurent en droit d’assommer les Canadiens, spectateurs tranquilles de ce qui se passait, et ne prirent point les précautions nécessaires. Ils ramassaient aux coins des rues des mensonges, des déclarations vagues, que ne soutenait aucun affidavit ; et ils s’en servaient pour satisfaire leur animosité. Ils recouraient à la violence, avant de se procurer des affidavits qui ne venaient qu’après coup. Ce n’est pas ainsi que des magistrats Anglais doivent agir ; ils ne sont que simples citoyens ; et ils ne peuvent sortir de cette qualité, sans avoir des affidavits qui les forcent d’interposer leur autorité.

Il a fallu gêner les électeurs, intimider les uns, flatter et favoriser les autres, au moyen d’une foule de constables spéciaux choisis généralement parmi la plus vile crapule de Montréal. Ces constables allaient côte à côte de ces magistrats. On assermenta les Bill Collins et autres individus semblables, flétris par la main de la justice pour crime d’homicide (Manslaughter.) Les magistrats assermentaient en foule ces individus qui, sans intérêt dans la société qui les repousse de son sein, sont toujours prêts à vendre leurs bras à celui qui veut les payer ; ils partageaient la violence et la dépravité de ces âmes vénales et achetées. Ils sentaient bien qu’ils ne pouvaient élever cette canaille jusqu’à eux ; mais ils descendirent jusqu’à elle.

À la tête de ces sicaires se trouve Horatio Gates ; et c’est parce qu’il s’est alors montré un des plus actifs, qu’il a mérité d’être recommandé au Gouvernement pour être Conseiller Législatif. Il est donc impossible que ceux qui portaient le bâton et l’assommoir, aient représenté au Gouverneur en Chef le refus qu’avait fait M. Gates, durant la dernière guerre, de porter le mousquet contre les ennemis de S. M. M. Gates ne fut recommandé que pour son zèle à l’élection du Quartier Ouest de Montréal et pour les efforts qu’il fit en cette circonstance, pour faire réussir le candidat de l’administration. Ainsi, lorsque nous demandions au Chef de l’Exécutif de nous dire à quelle époque M. Gates avait été recommandé pour être Conseiller, c’était pouf constater s’il avait été recommandé par ses collègues lors de l’Élection, qui devaient le connaître. Le Gouverneur a refusé de nous donner ces renseignemens ; il avait résolu d’écraser les réclamations de la Chambre et du Peuple ; il voulait décourager la Chambre et la contraindre à renoncer à ses enquêtes et à ses démarches. Mais le refus du Gouverneur n’aura point cet effet. Il faudra bientôt qu’on rende un compte. De jour en jour l’enquête déroule de nouveaux crimes. Que nous soyons sur la scène ou que nous en soyons disparus ; tant qu’il restera un des coupables, chacun pourra faire valoir sa réclamation ; chacun pourra obtenir un bill d’indictement, et mettre en accusation, non seulement le militaire qui n’a été que l’instrument actif de la magistrature et de ses chefs, mais encore tous les autres qui ont trempé dans cette intrigue criminelle. Ceux qui connaissaient ces circonstances de la vie de M. Gates, n’en ont pas informé le gouverneur, et l’ont associé à eux ; ils ont dû cacher qu’il n’était point qualifié à siéger. Cependant ni M. Gugy, ni M. Gates, ni M. Baxter, ni M. De Rocheblave, qui sont nés hors des domaines de S. M., n’ont le droit de siéger au Conseil Législatif.

M. Gates et plusieurs autres membres du conseil, n’ont donc aucun droit d’y siéger. Ce n’est que par une aveugle partialité du Gouvernement local qu’on les y voit siéger, parce qu’il cherche à s’environner et à s’appuyer de flagorneurs toujours prêts à aller se jeter à ses pieds.

Il y a des statuts anciens qui règlent la naturalisation des étrangers protestans, qui s’établissent dans les colonies britanniques. Un de ces individus ne s’est point conformé aux dispositions de ces actes, qui imposent l’obligation de souscrire aux 39 articles de l’Église Anglicane. Il y en a plusieurs qui n’ont jamais dit le credo Anglican ; qui n’ont jamais souscrit aux 39 articles. Mais quand ils auraient été aussi dévots que leurs ancêtres, ces lois ne valent rien pour eux. Ils peuvent bien être nommés juges, shérifs, conseillers ordinaires de l’administration ; mais rien de plus. L’acte constitutionnel est postérieur à l’acte du Parlement Britannique. Il est clair que pour devenir membre du Conseil Législatif, ou membre de l’Assemblée, il faut être sujet anglais de naissance, ou naturalisé par un acte du Parlement Britannique. Si on voit au Conseil Législatif M. Gugy et plusieurs autres, ce n’est que par une usurpation du pouvoir souverain. S’ils sont propres à remplir d’autres places, il ne sont point qualifiés à siéger au Conseil.

C’est un de ces traits nombreux qui montrent l’arbitraire du système suivi en ce pays. C’est par suite de ce système qu’on voit, depuis 25 ans, le juge en chef de la Province, à force d’adresse, d’astuce, faire tout plier sous le joug de ses volontés, et employer comme marche-pied tous ces étrangers, qui n’ont aucun droit d’être au conseil législatif.

J’ai donc prouvé que si M. Gates eut été sujet anglais, il se serait compromis au dernier point, puisqu’il ne voulait point prendre les armes pour S. M. B. et qu’il préférait s’en retourner aux État-Unis, ou il pouvait prendre les armes contre ce pays. Pourquoi donc restait-il ici ? Ses requêtes le prouvent assez. Il n’était guidé que par l’amour du gain, par la crainte des pertes. Il serait trop long de lire ces requêtes ; on y trouve toujours les mêmes protestations que celles que je viens de rapporter. (Pour la continuation du discours de M. Papineau, voyez à la fin, lettre B)


Vendredi, 21 Février, 1834.

M. l’Orateur Papineau au fauteuil.

M. Bedard, secondé par M. Morin, propose que les résolutions passées en comité général soient soumises à la concurrence de la chambre.

M. Neilson se lève et s’exprime à peu près en ces termes : je n’ai point en vue d’apporter des entraves aux procédés de la chambre ; je ne doute point que la majorité ne pense que la marche qu’elle croit devoir adopter est la plus avantageuse pour le pays. Pour moi je n’envisage point les choses sous le même point de vue. Je pense qu’une autre marche serait plus favorable au but qu’on se propose. Je crois donc devoir soumettre des propositions qui, si on les adopte, produiront un résultat plus favorable et plus subit pour l’intérêt général. Je ne crois pas et je n’ai jamais cru que le gouvernement de S. M. ait eu l’intention d’insulter les habitans et les représentans du pays, ou de refuser leurs demandes raisonnables. Je crois que c’est une grande erreur que de ne pas avoir confiance en lui, et que c’est une grande erreur que de demander justice au gouvernement, qui malgré les difficultés qu’il a rencontrées, laissé des preuves qu’il a été favorable au Canada. Je crois que c’est une grande erreur que d’adopter des mesures violentes qui ne respirent point le ton respectueux, que des sujets doivent tenir envers leur souverain ; ce ton ne me parait point convenable. L’autre moyen que je propose me semble le meilleur. En adoptant les résolutions du comité, on semblerait avoir perdu patience. Dans ces résolutions on s’est écarté du rapport du comité de la chambre des communes sur les affaires du Canada, et on a demandé un changement total dans la constitution ; car, détruire une branche du gouvernement, n’est autre chose que cela. Il me semble que si le peuple a le droit de choisir ses conseillers législatifs, nous sommes les conseillers législatifs du peuple, le roi peut choisir les siens. Il agit en deux capacités distinctes ; comme chef de l’exécutif et comme législateur. Nous sommes les conseillers du peuple, et nous exposons ses sentimens au roi, il peut aussi lui choisir ses conseillers. Nous avons voulu priver le roi de ce privilège qui lui est accordé par la constitution, et nous en rendre maîtres. On sait bien où commence l’usurpation, mais on ne sait pas où elle finit. C’est la plus grande désolation qui puisse affliger un peuple. C’est pour ces raisons, par respect pour le rapport du comité du Canada, qui a en grande partie été dressé d’après le témoignage que j’ai rendu devant ce comité, que j’ai cru devoir m’opposer à ce qui me semblerait s’en écarter. Si j’ai bien ou mal jugé, c’est ce que l’avenir décidera. Dieu seul sait ce qui en est ; quant à moi il me reste à déclarer que je partage aujourd’hui les mêmes idées que j’ai toujours eues dans cette chambre, et j’espère que j’y vivrai toujours. Je proposerai donc mon amendement. (Il lit sa motion secondée par M. Duval :) Le public doit avoir une connaissance parfaite de tout ce qui se passe ; on ne doit jamais passer de loi sans consulter l’opinion publique et sans la demander. Dans tous les pays on a fait cela. Les lois faites à la hâte ont causé la ruine des peuples, ce que n’ont jamais fait les refus et les délais dans la passation des lois ; les lois au contraire qui ont été reçues avec ardeur ont entraîné à leur suite de grands malheurs et ont ruiné les peuples.

M. Stuart prend ensuite ; dans un discours de près d’une demi-heure que le rapporteur a de la peine à entendre, il dit qu’il votera contre la motion en amendement, et contre la motion principale. La première lui semble inutile, et les résolutions contiennent des faits qui ne sont point vrais. Les droits du pays ne reposent point sur des dépêches, mais sur les lois et la constitution britannique. Malgré tout son respect pour le ministre des colonies, il a encore plus de respect pour les auteurs de la constitution. Il aura toujours, il l’espère, du respect pour les autorités, mais il en aura encore plus pour les lois. Il les soutiendra toujours comme loi, non comme homme. Malgré le rang élevé, malgré les talens brillans de l’hon. Orateur, peu lui importe qu’il se soit prononcé en faveur des résolutions. Ce sont les principes des résolutions qu’il faut examiner. Ce n’est point parce que celui-ci ou celui-là a dit une chose qu’il faut la faire ; il faut voir avant de se décider, si elle est juste ou si elle ne l’est pas. Il n’aime point à se montrer servile, il parlera avec franchise, car la franchise consiste à dire non pas tout ce qu’on pense, mais à dire tout ce qu’on peut dire. Il avoue ne pas comprendre les résolutions ; il a des yeux et des oreilles et veut juger par lui-même. Cette idée peut paraître extravagante, mais il ne s’en rapportera jamais à ce qu’un autre aura dit à Paris ou à Londres sur nos affaires. Pourquoi ne pas avouer ses erreurs ? Pourquoi s’en rapporter au Rapport du Comité des communes sur le Canada ? Il a depuis longtemps vécu dans la chambre, on doit en Angleterre connaître moins nos affaires. Je dirai avec franchise, continue-t-il, que quant à moi je suis prêt à discuter ces résolutions. Ce rapport du comité et ces dépêches du ministre colonial devront-ils nous lier entièrement ? Je nie l’autorité de la chambre des communes à prononcer sur nos affaires. Et jetant les yeux sur la liste des ordres du jour, j’y vois le message relatif à l’expulsion de M. Mondelet. En voyant la résolution de M. Neilson, je suis surpris de son silence à ce sujet. C’est lui qui avait proposé et soutenu cette mesure. Si la résolution n’est pas correcte, il y a eu violation de la loi ; si au contraire elle est exacte, il aurait dû soutenir sa position. Si l’expulsion de M. Mondelet n’est point conforme à la loi, nos procédés sont des nullités, et la dépêche de M. Stanley est correcte. C’est M. Neilson qui nous a mis dans cette position. Il fallait dans le cas de M. Mondelet passer une loi pour l’exclure, et ne point recourir à de simples résolutions. Si la loi est comme le disent les résolutions, le message est une violation de nos privilèges. Si ce n’est pas le cas, l’expulsion est illégale. M. Neilson n’aurait point dû mettre ce message et cette dépêche dans sa motion en amendement. Nous n’aurions pas le pouvoir de faire ce que nous avons fait dans cette circonstance, je l’ai déjà dit dans la dernière session. Il faut répondre à ce message d’une manière spécifique. On doit regarder ce message non pas comme venant du secrétaire colonial, mais comme venant de S. M. il faut donc lui répondre. L’ordre du jour a aussi rapport au Conseil Législatif ; ce sujet a été assez débattu, et je ne m’y arrêterai pas. Il s’agit aussi de la réponse de S. E. au sujet des terres vacantes de la couronne, et de la compagnie des terres du Canada ; on aurait bien pu laisser cela de côté. Un quatrième objet, c’est la question de la faillite du ci-devant Receveur-Général Caldwell. J’en dirai autant de cette question. Je voterai contre toutes les résolutions, contre les résolutions principales et contre l’amendement.

M. Neilson : L’hon. membre qui vient de parler dit qu’il n’aime point mon amendement ; chacun est maître de son opinion. Cependant je regarde ce que je propose comme digne de l’attention de la chambre ; et je pense que si on suivait mon avis, on ferait naître la paix parmi nous. Quant aux dépêches du secrétaire colonial, je n’ai pas pour elles plus de respect que n’en a l’hon. membre pour la Haute-Ville (M. S.) ; le roi a plus de droit ; les deux chambres du parlement représentent le peuple d’Angleterre. Il n’en est pas ainsi parmi nous. Le roi seul est notre protecteur, et ce qui nous vient de lui a droit à notre respect. Je ne m’arrêterai point à ce qu’il a dit ; si la chambre se forme en comité sur ma motion, je me flatte d’avoir alors son assistance.


[M. Quesnel parle, voyez lettre C.]


M. Bedard : Je n’ai encore donné que bien peu de raisons à l’appui des résolutions que j’ai proposées, d’autres ayant fort bien traité le sujet. J’avoue que je m’attendais que, dans le cours de la discussion, ceux qui ont opposé cette mesure donneraient des raisons plus solides et plus fortes, que celles que j’ai entendues jusqu’à présent. Il n’est pas juste de dire que ces résolutions tendent à attaquer la mère-patrie, à moins qu’on ne veuille nous interdire le droit de pétitioner. L’hon. membre pour le comté de Chambly, M. Quesnel, ne s’est arrêté qu’à des détails. Il nous demande, par exemple, s’il convient de s’adresser à MM. Hume et O’Connell pour leur demander de soutenir nos Pétitions ; comme s’il fallait s’arrêter à de semblables détails, quand il s’agit d’une réforme constitutionnelle et de l’existence politique d’un Pays. M. Neilson, tout en nous reprochant de vouloir changer la constitution en demandant un Conseil Législatif Électif, a admis qu’il n’y avait que deux influences dans ce Pays ; celle de l’Exécutif soutenue par le Conseil Législatif qu’il compose lui même ; et celle du peuple par la Chambre d’Assemblée. Nous n’avons donc pas véritablement la Constitution Anglaise, qui se compose de trois branches indépendantes les unes des autres. Cet aveu de M. Neilson démontre bien que le conseil n’est qu’inutile sinon nuisible, et qu’il vaudrait mieux encore n’en point avoir. On nous parle du respect que nous devons avoir pour l’acte de 1791. Mais cette vénération pour ce vieux chapitre de nos lois, ne doit pas aller jusqu’à nous empêcher de faire les représentations que nous croyons nécessaires au bien du Pays. Le droit de pétitioner que nous exerçons actuellement est reconnu par la constitution. Du reste presque toutes nos lois ne sont-elles pas des violations de cet acte ? celle pour exclure les juges du conseil, celle pour disqualifier certains Conseillers, en faveur de laquelle M. Neilson a voté lui-même, sont toutes des lois contraires à cet acte ; puisqu’en effet l’Exécutif a le droit d’appeler au conseil qui il lui plait, et que c’est limiter la constitution que de limiter ce droit. En maintes et maintes autres occasions nous nous en sommes écartés de la même manière, et avec droit : cet acte n’a jamais été qu’un essai malheureux, et dont les vices ont été prédits par les hommes les plus éclairés. Quant aux reproches que nous faisons à Mr Stanley, je regrette de ne pouvoir répéter avec la même force, ce que Mr Stuart a dit en anglais à ce sujet, il y a un instant, quand il a évidemment prouvé que nous n’avions pas de leçons à recevoir de lui. Quoi ! ne nous serait-il pas permis de réclamer contre les vexations d’un seul individu, qui nous menace de l’oppression ? se gêne-t-on en Angleterre de censurer les ministres de la Couronne ? Toute fois avec M. Stanley, nous sommes sur la défensive ; nous ne faisons que repousser ses attaques. C’est lui qui sur un ton que nous ne devons pas souffrir, attente à nos privilèges. Je suis surpris que M. Neilson n’ait pas répondu, dans les résolutions qu’il a introduites, à une certaine partie des dépêches de M. Stanley ; je veux parler du droit qu’a cette chambre d’exclure ses membres, et que le ministre nous conteste. Il est étonnant qu’on ait laissé à de jeunes membres le soin de prendre la défense de nos privilèges. Le droit d’exclure ses membres, le droit de maîtrise chez soi, est un droit naturel, qui appartient à tout corps. Les plus petites corporations l’exercent, et elles ne peuvent pas exister sans ce droit, si conforme aux lois de la raison. Il y a encore une raison de plus qui confirme ce droit de la chambre, c’est l’usage constamment suivi par la chambre des communes en Angleterre. On trouve extraordinaire de mettre Lord Aylmer en accusation. N’est-il pas conforme aux lois de la constitution et aux règles du sens commun de se plaindre des injustices que l’on sent, et de faire retomber sur chacun la responsabilité de ses actes ? Nous ne portons point sur nos cœurs une fenêtre, à travers laquelle on puisse lire les sentimens qui nous animent ; il faut que nous soyons jugés sur nos actes, pour ce qu’ils valent. Puisque Lord Aylmer s’est emparé des deniers publics, pour s’en payer lui-même, ainsi que ses favoris, en violation des droits du peuple, il en doit rendre compte. C’est un principe reconnu et qui a fait verser du sang en Angleterre, que celui de ne pouvoir toucher les argents publics sans le vote exprès de la branche populaire. Voilà l’infraction que Lord Aylmer s’est permise contre nos droits, et lui seul en est responsable à nos yeux et doit satisfaire à la justice, quelles que soient les instructions qu’il puisse avoir reçues. Ce droit de pouvoir mettre en accusation l’exécutif, a d’ailleurs été reconnu en Angleterre. Fox ayant observé à Pitt que le conseil législatif dans le Bas-Canada ne serait que l’instrument de l’exécutif, celui-ci répondit que si c’était le cas, le peuple pourrait faire des plaintes et des représentations contre les gouverneurs ; ce qui était admettre le droit de les accuser, droit dont nous prétendons user aujourd’hui. Il faut voir si nous pouvons partager les avantages de l’acte de 1791, quand si souvent l’on nous arrête avec ce fantôme de constitution. Le second reproche que nous faisons au gouverneur est la manière dont il a composé le conseil, surtout en y appelant Mr Horatio Gates, qui n’est pas même sujet britannique. Il est né dans les États-Unis avant l’admission de l’indépendance par l’Angleterre ; et quand il s’est agi de porter les armes contre les États-Unis, il a demandé de s’y retirer, démontrant qu’il n’était ici que pour faire fortune. Le troisième reproche adressé au gouverneur est d’avoir entravé la marche de la législature en nous refusant la communication de divers documens officiels, et principalement les contingens de cette chambre. S’il voulait une session, il devait nous accorder les moyens de la continuer. Nous siégeons en quelque sorte malgré lui. C’est encore un de ces actes dont il est responsable. Il est encore un autre acte qui l’accuse hautement, dont nous devons nous plaindre, et dont il doit répondre : je veux parler de son entremise dans une occasion ou l’on a attenté à la vie des citoyens à Montréal, je veux parler de sa lettre aux officiers de la Couronne, chargés de poursuivre cette affaire. J’aime à croire qu’il avait alors de bonnes intentions ; mais les conséquences en ont été funestes, et c’est lui qui les a voulues et qui en répond. Il écrivait à ces officiers, veillez à ce qu’aucune mesure illégale ne soit mise en œuvre pour compromette les militaires. Il ne pouvait pas dire formellement : sauvez les militaires par tous moyens ; il n’y a point d’hommes publics qui auraient pu se résoudre à signer une pareille lettre. Mais en ne s’expliquant qu’indirectement, il savait qu’il pourrait être entendu. La lettre était portée à un solliciteur général accoutumé à entendre à demi-mot. Il devait insister devant les juges à ce que les accusés donnassent des cautions ou fussent envoyés en prison : il ne l’a point fait. Toutes les formes de procédures ont été renversées. C’était l’usage de ne faire entendre devant les grands jurés que des témoins à charge ; on en a fait entendre à décharge, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Voilà quelles ont été les conséquences de cette lettre. Les juges en outre n’ont pas voulu permettre à la partie privée qui accusait, de se faire entendre, malgré qu’on puisse citer plusieurs cas où le contraire ait été permis. Une autre injustice faite en cette occasion, est d’avoir élargi M. McIntosh après sa seconde arrestation, sans en exiger de cautionnement. Je citerai le cas d’un individu en Angleterre, qui après avoir été acquitté par un petit jury, fut arrêté de nouveau sur le warrant d’un magistrat. Cet individu ayant démontré qu’il était arrêté pour la même accusation dont il venait d’être déchargé, les juges déclarèrent qu’ils ne pouvaient pas prendre sur eux de le décharger, et qu’il leur suffisait d’avoir le warrant d’un magistrat pour l’envoyer en prison. Il serait terrible aussi que des juges de leur propre chef, pussent décider que l’accusé est coupable ou non, et le laisser échapper à leur gré. Voilà ce qu’ont fait les juges à Montréal, et voilà encore quel a été la conséquence d’une malheureuse lettre, écrite avec précipitation. Quand il s’agit si directement de la conservation de nos vies, ne pouvons-nous pas dire que les juges influencés par un gouverneur, ont pris sur eux la discrétion illégale de décharger des individus accusés de meurtre, sans l’intervention d’un petit jury. On nous reproche de prendre une attitude menaçante, qui devra avoir l’effet de faire rejeter nos représentations. Et bien ! que faut-il faire ? attendre, et souffrir encore vingt ou trente ans ? et serons-nous plus avancés après ce temps ? Il faudra toujours en venir à la même détermination et dire, qu’il y a des droits qui nous appartiennent, et dont nous voulons jouir. Nous n’avons qu’à nous demander si nous sommes bien gouvernés ; si nous le sommes mieux qu’au temps que M. Neilson fut envoyé comme agent en Angleterre ; et si l’on prouve que nous ne jouissons pas de la constitution, quel avantage y a-t-il d’attendre un demi-siècle sans la demander ? L’Angleterre a promis de rendre les Canadiens heureux. Nous le prions d’effectuer cette promesse, l’assurant que c’est le moyen de resserrer les liens d’attachement entre cette colonie et la mère-patrie. Mais si vous voulez nous priver de nos droits de sujets britanniques, si vous voulez nous gouverner avec une verge de fer, si vous voulez nous opprimer, vous êtes forts, vous pouvez le faire : mais rappelez-vous que vous le ferez sur votre propre responsabilité, et que vous ne devez compter sur notre attachement qu’autant que vous serez forts et que nous serons faibles. Quand un gouvernement est tyrannique, qu’il se met au-dessus des lois, et qu’il règne par l’arbitraire et le caprice, le peuple est justifiable d’employer des moyens violens pour s’y soustraire, et il est de son devoir de ne s’y pas soumettre ; mais si l’oppression du gouvernement a une apparence de légalité, si cette oppression est fondée sur des moyens constitutionnels, le peuple doit aussi la repousser par des moyens constitutionnels, tels que sont des requêtes, des représentations. Mais, dit-on, nos représentations ne seront point écoutés : en serons nous pis ? on nous ôtera le contrôle des argens ; l’avons-nous jamais eu ? on emploiera contre nous le système coercitif mis en opération en Irlande par le ministre actuel ; dans ce cas, ne veut-il pas mieux périr que de vivre esclaves ? Quoiqu’il en soit, je voterai ces résolutions d’après ma conscience, et j’en prends sur moi toute la responsabilité.

M. Gugy : J’ai eu occasion d’entendre dire à l’hon. membre pour la Haute-Ville de Québec. M. Stuart, que les résolutions sont destructives de tous droits constitutionnels, et je m’attendais qu’il soutiendrait les amendemens de M. Neilson, qui tendent à les modifier ? À ma grande surprise, je vois qu’il s’oppose aux unes et aux autres. Toutefois j’en appellerai à ses propres connaissances, aux connaissances qu’il a des affaires, pour qu’il me dise s’il ne conviendrait pas de laisser ces amendemens à la considération de la chambre, et de ne point commencer par préjuger la question. Ce sont des considérations que je lui sousmets. Il y a devant cette chambre d’autres objets dont je m’occuperai. On ne m’avait pas dit quel plan l’on avait formé par rapport aux résolutions, présentées par M. Bedard, ni qu’un membre, entré d’hier dans cette chambre, M. Child en serait. Cependant j’avais cru pouvoir prédire le sort de ces résolutions, et je m’étais douté que la division était déjà toute faite d’avance. Le 19 après la discussion, je me suis retiré avec plusieurs autres membres. Ma raison était que je ne voulais point voter contre la première résolution, qui a rapport à la vertu et à la loyauté des Canadiens, et que je connais trop bien moi-même leur dévouement dans une occasion où il leur était si aisé d’être traîtres ; mais d’un autre côté, je ne pouvais pas non plus voter pour cette résolution, étant liée à d’autres que je désapprouve. Je n’ai pas été sans espérance que plus tard on pourrait peut-être mitiger ce premier emportement ; je vois que je me suis trompé. J’ai depuis étudié ces résolutions ; et je me suis apperçu qu’elles ont des modèles dans l’histoire politique des États-Unis. Vers l’année 1770, il s’agissait de pareilles résolutions dans le Connecticut, et les mêmes objets à peu-près y étaient pris en considération. On y parlait de paix et de loyauté, et l’on songeait à la révolution. L’on y cherchait aussi des sujets de plainte et de querelles. Par quelle fatalité faut-il qu’on ne s’occupe dans les corps délibératifs qu’à chercher des sujets de querelles, pour avoir le plaisir de les repousser ? J’ai dit sous quelles circonstances je me suis retiré. J’ai appris depuis que M. L’orateur, désirant me faire la réponse qu’il m’avait promise, avait regretté mon absence, et moi-même je regrette de n’y avoir pas été. Pour plusieurs raisons je désirerais que la chambre se formât de nouveau en comité, pour prendre en considération les résolutions et les amendemens : j’aimerais à voir les Hon. membres, MM.  Papineau, Stuart et Neilson, faire essai de leurs forces les uns contre les autres. Du choc des opinions d’hommes aussi éclairés, soutenant chacun un parti différent, il devrait résulter de nouveaux éclaircissemens, conformes à l’intérêt général du peuple, et de la postérité qui doit le suivre. Ces considérations m’induisent à prier les membres de cette chambre de se rappeler que les résolutions leur ont été offertes sous des circonstances désavantageuses ; qu’elles ont été votées un jour auparavant que je m’attendais qu’elles nous seraient soumises, et d’ailleurs elles ont rapport aux questions les plus importantes qui aient jamais été discutées dans cette chambre. Si je demande d’entrer de nouveau eu comité, ce n’est pas que j’espère changer la détermination de qui que ce soit, mais j’ai lieu de croire que par le conflit des discussions, les membres seront plus en état de se prononcer avec connaissance de cause. Celui qui parle semble toujours avoir raison ; mais on propose de nouvelles résolutions, qui sait si la réflexion n’opérera pas ? qui sait si on ne les trouvera pas meilleures ? si de nouvelles raisons ne renverseront pas celles qui ont été données ? J’entrerai en explication sur quelques paroles dont je me suis servi il y a quelques jours, et qui semblent avoir déplu à quelques personnes. À moins d’intrigues que je ne connais pas, il faut qu’on ne m’ait pas bien compris. J’ai dit, que j’aimais les Canadiens, mais j’ai ajouté qu’ils n’étaient pas les seuls dans ce pays qui eussent droit aux avantages de sujets britanniques. En cela je n’ai dit que ce qui est vrai et juste, et ce que tout le monde connaît. Si je n’ai pas été compris, j’ai dû en souffrir, mais j’espère qu’on me rendra justice. Je puis me tromper quant aux moyens, mais ce que je désire, c’est le bien de tous les habitants de ce pays. Si jamais des distinctions nationales pouvaient avoir des conséquences sérieuses, j’aurais la pénible occasion de prouver quelles sont mes intentions. J’énoncerai en peu de mots, qu’elles sont les matières que j’approuve dans les résolutions de M. Bedard, et que j’aurais soutenues, à la tournure et aux expressions près : le libre contrôle de la chambre sur tous les argens ; la représentation vraie de la population ; la réforme du conseil, en lui donnant une composition plus analogue à l’état du pays ; l’indépendance des juges, et un tribunal d’impeachment pour les y accuser ; la concession libre des terres de la couronne à tous les individus, sans distinction d’origine ni de langage ; l’impartiale distribution des places à mesure qu’elles deviendront vacantes ; je voudrais aussi qu’on abolît la cour de vice-amirauté. (À ces mots, il se fait un éclat de rire.) Des souvenirs ont sans doute arraché cet éclat de rire à mes confrères ; je me sens gré de leur avoir procuré cet amusement ; d’avoir en cette occasion mêlé l’agréable à l’utile, et d’avoir su dérider les plus sérieux et les plus sombres d’entre eux. Mais revenons à la question. Les sentimens que je vais exprimer montreront que ce n’est pas l’exécutif que je crains, quand je m’oppose en partie à la mesure. Je serais disposé à dire que le gouverneur a violé les droits de cette chambre, quand par un de ses officiers, M. Ryland, il a refusé de nous communiquer certains documens ; je serais disposé à dire que M. Stanley n’a pas droit de nous dicter la manière de voter nos subsides : mais je voudrais le dire nettement, franchement. Ce sont là des objets que j’aurais soutenus s’ils n’étaient tellement inextricablement liés à d’autres, qu’ils n’en peuvent être séparés : en sorte que je me vois forcé de voter contre tous. Je m’opposerai toujours à ce qu’on forme des comités permanens, hors de nos sessions, je n’approuverai jamais qu’on fasse des menaces et qu’on adresse des expressions injurieuses à celui qui est le représentant du Roi ; je regarderai toujours comme une mesure impolitique de nous adresser à MM. O’Connell et Hume, pour soutenir nos représentations, sachant qu’ils sont dans la minorité en Angleterre ; et je ne puis m’empêcher de croire que ces comités, ces clubs que l’on prétend former ici, ne seront que des boute-feu de sédition. Tout cela vraiment sent la révolution Française, tout cela sent la force brute. On va plus loin, on va jusqu’à offrir les deniers publics pour maintenir ces associations. Est-il à supposer que le plus jeune des étudians en droit pourrait accéder à de pareilles propositions ? Ceux qui nous les ont soumises sont de bonne foi, j’espère, ils ne voyent pas qu’ils vont tout renverser, tout détruire. Peut-être, mais trop tard voudront-ils arrêter les progrès de leurs doctrines incendiaires. Ceux qui mettent les machines d’un mécanisme en mouvement ne savent pas bien souvent en calculer la force, et une fois que l’impulsion est donnée, ils ne peuvent plus le maîtriser ; il en est de même des agitations populaires. Réveillez l’énergie des masses, et elles s’entrechoqueront ; elles briseront aujourd’hui leur idole d’hier ; et aujourd’hui A est à leur tête, demain ce sera B ; elles auront commencé par le règne de la liberté et de l’union, elles finiront par celui de la terreur et de l’anarchie. Ces sentimens, direz-vous, ne sont pas dans le caractère des Canadiens. Ils n’étaient pas non plus dans celui des Français, leurs ancêtres. Rappelez-vous cependant le règne de ces démagogues sanguinaires, qui ont rempli de cadavres les cités de la républiques, et couvert la France de deuil. Dans le court espace de quelques années, combien de chefs, de factions, de gouvernemens se sont succédés. Les auteurs mêmes de la révolution en ont été les premières victimes. Voilà des considérations que je suis bien aise de rappeler à celui qui a introduit ici ces résolutions, qu’il les ait dressées seul ou non, comme on paraît en douter dans toute la province.

M. Bedard. Je n’en prends pas pour moi seul le mérite, mais je consens à en prendre toute la responsabilité.

M. Gugy, S’il en est ainsi, que l’hon. membre me permette de lui dire qu’il est jeune encore, et de juger sa complaisance à prendre cette responsabilité au poids de la jeunesse. Lorsque j’ai lu ces résolutions pour la première fois, je me suis demandé : celui qui a dressé ces résolutions, ou du moins celui qui s’en est chargé, n’a-t-il pas en vue qu’elles soient refusées, pour avoir le prétexte de dire au peuple, levez-vous, égorgez ceux qui n’ont pas écouté votre demande ? S’attend-t-on que ces représentations seront agréées ? si c’était vraiment l’objet qu’on avait en vue, aurait-on pris soin de réunir tout ce qui peut irriter et aigrir ceux à qui l’on s’adresse ? Voilà les questions que je me suis faites, et auxquelles je ne puis répondre. Quelques mois décideront peut-être la question ; on verra si mes soupçons sont bien ou mal fondés ; on jugera de l’arbre par les fruits. S’ils sont amers, ceux qui l’ont planté, en auront le mérite et la responsabilité, s’ils comprennent bien ce que c’est qu’une telle responsabilité : du moins qu’elle ne pèse pas sur moi. Parmi ces résolutions il y en a une qui annonce un manque total de réflexion. Elle ressemble aux avis des encanteurs, qui contiennent une longue suite, d’articles, et au bas desquels l’on ajoute « et beaucoup d’autres effets, &c. » Cette résolution, qui est la 84e je crois, contient une liste de seize griefs, et elle se termine en disant, qu’il y en a encore tant d’autres qu’il est impossible de les rapporter. Que dira-t-on en Angleterre ? Quoi ! on nous envoie une liste de tous les griefs du monde, et il en reste encore une foule immense. On y rira sans doute de ces lucubrations. Quel remède attend-t-on pour des maux qu’on n’indique même pas ? Tous les griefs du monde, et il en reste encore ! Peut-on vivre dans un tel pays ? Des étrangers m’ont dit qu’ils croyaient que ce pays n’était qu’un glaçon, ne diront-ils pas que c’est quelque chose de pis encore. Je suis persuadé moi que, si ces résolutions passent, elles auront l’effet de diminuer de moitié la valeur des biens-fonds. J’ai des propriétés qui m’ont coûté 20,000 louis, elles ne vaudront pas 10,000. Qu’on réfléchisse à toutes ces conséquences. Ces résolutions, si elles passent, seront, pour me servir de l’expression d’un hon. membre, les fenêtres à travers lesquelles on pourra voir les sentimens de cette Chambre ; et il n’en paraîtra que plus étonnant que de si jeunes membres, comme l’a remarqué M. Bedard, se soient chargés de cette mesure. Moi-même, si je ne connaissais quel est le mot d’ordre, j’eusse été surpris qu’ils l’eussent entreprise. (M. l’Orateur appelle l’hon. membre à l’ordre, et observe qu’il n’y a pas de distinction d’âge à faire dans la Chambre.) Il y a quelques mots d’explications alors, et M. Gugy observe qu’un membre l’avait appelé à la question, au lieu d’appeler à l’ordre, ce qui ne convenait pas. Sur quoi on lui rend justice et il continue. Je me suis apperçu qu’on ne mettait pas dans cette affaire toute la bonne foi possible. Je me suis rencontré avec l’hon. membre pour le Comté de Montmorency à la Bibliothèque de la Chambre ; il avait entre les mains les résolutions, et quoique j’aie coutume de me mêler un peu des affaires, il s’est hâté de me les cacher. Il avait raison de croire que je ne les approuverais pas, mais il aurait dû supposer aussi, qu’il ne me les ferait pas voter, sans que j’eusse le temps de les lire. Si dans cette mesure, comme l’a dit M. Bedard, il ne faut point s’occuper de petits détails, il ne faut point non plus recourir à de si petits moyens. On a appelé notre constitution un fantôme ; à ce propos je ne puis m’empêcher de dire que ce fantôme, que fait surgir le Conseil, a du moins ses avantages. On vient de recevoir du Conseil un bill que j’ai introduit, dans lequel soit par ma faute ou celle des écrivains, il se s’est glissé une douzaine de petites erreurs ; cependant le Conseil, tout inepte et tout insensé qu’il est, les a corrigées. Dans ce bill qui donne à une certaine congrégation le droit de tenir des régîtres de baptêmes, &c., il a introduit un amendement très nécessaire, par lequel il est dit que les ministres devront prêter le serment d’allégeance, avant de pouvoir jouir de ce droit : cet amendement est d’autant plus nécessaire que des membres de cette Chambre ont dernièrement contesté à un brave citoyen, qui rend plus de services à ce pays qu’ils n’en rendront peut-être jamais, sa qualité de sujet britannique. Jamais fantôme fut-il plus fécond ? C’est le premier, que je sache, qui ait eu l’avantage sur un corps aussi éclairé que cette Chambre. Quant à l’hon. Horatio Gates, en temps et lieu, je saurai le défendre et prouver ce que j’ai dit. Nous avons parmi nous un citoyen respectable, que j’estime beaucoup, qui a aussi refusé de prêter le serment d’allégeance, et dont le frère a été officier dans l’armée Américaine ; (ce membre est M. De Witt ;) et il n’en aime pas moins les Canadiens. Pourquoi a t-on cherché des griefs de tout côté, et se recrie-t-on avec tant de force contre de prétendus abus ? Personne ne nous menace de mettre le feu à la Ste. Barbe. Je viendrai à une autre question, à l’affaire du 21 Mai. Je ne me suis pas encore prononcé sur cette question ; mais j’espère qu’elle sera décidée. En attendant, je me mets en garde contre les pétitions de principes. Sans quoi, qu’est-il besoin d’enquête ? si nous sommes prêts à décider, fesons le tout de suite, sinon donnons le temps à la vérité de percer. Si l’on me soutient le contraire, si l’on prétend préjuger la question, je prendrai la liberté grande d’être d’un autre avis. Quant à MM.  O’Connell et Hume, je n’ai voulu rien dire contre le caractère et la capacité de ces deux grands hommes. J’ai voulu faire comprendre seulement, qu’il était impolitique de s’adresser à eux ; qu’étant en mauvais odeur dans la Chambre des Communes, ils ne pourraient pas y influer beaucoup en notre faveur, et que là comme ici les mesures qui viennent d’un membre de la minorité ne sont pas celles qui sont les mieux vues.

M. De Witt maintient que M. Gugy est en erreur, quand il dit qu’il n’a pas prêté le serment d’allégeance. Il affirme qu’il l’a prêté, et qu’il a fait de son mieux son devoir comme sujet britannique, depuis 33 ans qu’il est dans le Canada.

M. Bedard : Je ne me suis point prononcé sur l’affaire de Montréal ; j’ai seulement dit que les accusés ont été illégalement déchargés par les Juges, et j’ai attribué cela à une lettre du gouverneur. Je félicite sans doute M. Gugy sur ses richesses, dont il nous a parlé, lui qui se plaignait si vivement que son honneur le juge Kerr l’avait ruiné.

M. Gugy : S’il ne l’a point fait, c’est qu’il n’a pas pu.

M. Child : Dans le cours des débats, M. Gugy a fait allusion à mon vote. Je lui déclare que personne n’a connu mon opinion avant que je sois entré dans cette chambre, et que je l’ai donné avec toute la connaissance de cause, dont je suis capable. Pour justifier mon vote, je dois dire que je suis convaincu, que le conseil, tel qu’il est constitué, ne peut nullement faire le bien, parceque choisi par une autre branche et composé d’hommes étrangers au Pays, aucune responsabilité ne pèse sur lui. Dans ce cas nous avons un droit plein et entier de nous plaindre, et de demander une réforme.

M. Lafontaine : Il fuit présumer que les résolutions sont toutes vraies, puisque personne n’a osé les attaquer directement. Quant à l’hon. membre pour le comté de Sherbrook, M. Gugy, si l’on met de côté tout ce qu’il a dit hors de la question, l’on verra qu’il approuve en entier les résolutions ; qu’il voudrait seulement qu’elles fussent faites autrement. J’espère qu’avec un peu de réflexion, il ne s’attachera pas autant à la forme, et votera avec nous. Un autre Membre, M. Quesnel, convient de nos maux, et de notre droit d’accuser le gouverneur et de nous plaindre du Secrétaire Colonial. Mais il nous dit qu’il est impolitique et même inutile d’accuser un gouverneur qui n’est que passagèrement dans cette colonie. Il se fonde sur la constitution, qui une fois bien mise en opération, devra faire notre bonheur ; et il n’indique aucun moyen, aucun remède pour parvenir à ce but. Il avance que les constitutions des États-Unis ont été les plus libérales de toutes, et que c’est à cela qu’il faut attribuer la cause de leur séparation d’avec la Mère-patrie. J’ai lu l’histoire des États-Unis, et je me suis convaincu que ce ne sont point les système libéraux de gouvernement, mais la violation des droits et les actes des administrateurs qui ont amené la révolution. On s’étonne que nous nous adressions à M. O’Connell, dont le nom est si cher à l’Irlande, et à qui l’on attribue faussement les maux qui l’afflige. Menacés de l’oppression par M. Stanley, nous devons le prier de nous défendre, dans l’espérance qu’il obtiendra pour nous une partie des libertés qu’il a obtenues pour son Pays. L’on a une autre raison de nous adresser à lui, c’est qu’il a promis d’introduire quelques amendemens à notre acte constitutionnel de 1791. Quant aux propositions de M. Neilson, je suis fâché qu’il ne les ait pas proposées en comité général : elles sont de nature à mériter l’attention. Elles détaillent bien une partie de nos griefs, mais ce n’est pas tout : il faut dire toute la vérité ; il faut suivre les progrès du Pays, et ne nous point arrêter quand la force des choses nous entraîne. Il parait que l’on convient des principes et des faits énoncés dans les résolutions, seulement on n’en approuve pas les expressions. Il ne convient qu’à un plaideur de s’attacher tant à la forme ; pour nous — arrêtons, nous au fonds. — Pour ma part, je ne trouve pas le ton de ces résolutions plus dur que celles de 1828. Aujourd’hui l’état de la Province est-il meilleur ? Ceux mêmes qui veulent rester stationnaires, conviennent que nous sommes cruellement menacés. Le Conseil est le même qu’il était, lorsqu’on représenta qu’il était nuisible au bien-être du Pays. M. Neilson signa la Pétition des habitans de Québec, qui signalait le vice radical du conseil. (Il cite quelques parties de cette Pétition.) Ne nous sera-t-il pas permis aujourd’hui de faire les mêmes représentations, et d’indiquer les remèdes aux maux dont on se plaint ? Comme je me suis levé pour répondre à M. Quesnel, je dois parler aussi de la Pétition des habitans de Montréal. Il trouve les résolutions trop violentes, il n’approuve pas que nous parlions d’esclavage ni de tyrannie. Quelles sont les expressions de la Pétition de Montréal, que M. Quesnel a signée lui même ? N’y lit-on pas ces mots, « Il ne convient pas à des sujets Britanniques d’être esclaves &c » ? J’ai moi-même rédigé cette pétition sous la dictée de Mr Viger. Elle est généralement plus énergique que les résolutions, dont il est question. Si donc on ne s’attache pas à des mots, comment expliquer dans les mêmes personnes ces changemens dans les principes ? M. Neilson veut s’arrêter aux Pétitions de 1828. Mais si ces résolutions sont l’expression de la majorité des habitans du Pays, pourquoi dire que, malgré que ces faits soient vrais, il faut nous en rapporter à M. Stanley, et nous attendre à ce qu’il nous donnera une constitution analogue avec celle de l’Angleterre ? Les craintes qu’ont énoncées quelques membres sont insuffisantes pour nous arrêter : fesons notre devoir, advienne que pourra.

M. Neilson cite la requête des habitans de Québec en 1828, et observe qu’on voulait rendre alors le conseil indépendant, mais non pas électif. Quant à ses opinions, il dit qu’il n’a rien à répliquer ; que tout le monde les a approuvées ; qu’il croit que les membres qui approuvent les Résolutions, doivent voter pour sauf à y ajouter tout ce qu’ils voudront ; que pour lui, il croit de bonne foi que plusieurs des résolutions sont mal fondées. Division sur l’amendement de M. Neilson :

Pour : 24, contre : 56.

M. M. Badeaux et Hamilton étaient absens.

[La question de concurrence est mise sur les résolutions, et sur la première la division est la même que la précédente : Les membres conviennent entre eux que la même division sera prise pour toutes. Elles sont toutes adoptées sans amendement. Un comité de membres est nommé pour préparer l’adresse, savoir : MM.  Bedard, Lafontaine, Leslie, Morin, Girouard, Bourdages, et De Witt.


Séance du soir — Samedi, 1er  Mars 1834.

M. Bedard soumet à la chambre une adresse à Sa Majesté, fondée sur les résolutions. Elle est lue en entier en français. M. Bedard fait ensuite motion qu’elle soit lue en français et en anglais, paragraphe par paragraphe, et que la chambre y concoure.

M. Stuart : — Il est impossible que la chambre puisse voter cette adresse si précipitamment ; pour moi, je ne suis pas prêt à le faire. Ceux qui la travaillent depuis huit jours, ne voudraient-ils pas nous donner vingt-quatre heures pour l’examiner ? Quelle est la raison d’agir avec tant de précipitation ? Je serais d’avis de remettre la question à lundi prochain. Il n’est pas facile de voter sans examen une adresse qui renferme une si grande foule d’objets. Je dois demander de ne pas décider ex abrupto et sur une simple lecture, une question qui intéresse tout le pays.

M. Bedard : — Il n’y a rien dans cette adresse qui n’ait été proposée à la chambre ; c’est la répétition des résolutions. Ce procédé en outre a toujours été suivi. Quant à moi, je n’aurais aucune difficulté à consentir à du délai ; mais je sais qu’il y a un grand nombre de membres, qui ont donné beaucoup de temps aux affaires, et qui désirent retourner dans leurs familles. Il n’est pas juste de les retarder inutilement. Pour cette raison, et parce qu’il n’y a rien dans l’adresse qui ne soit aussi dans les résolutions, je persisterai dans ma motion.

M. Bourdages : — On veut employer contre l’adresse les mêmes moyens qui ont été employés contre les résolutions, savoir, les délais ; ces argumens ne nous ont point arrêtés, et j’espère qu’il ne mous arrêterons pas aujourd’hui. L’usage a toujours été de concourir dans les adresse de cette nature, aussitôt qu’elles ont été présentées.

M. Neilson : — L’honorable doyen a tort de vouloir insinuer que des membres de cette chambre aient voulu entraver les résolutions sur l’état de la province. Moi-même j’ai demandé des délais, et j’étais fondé en raison puisque la conclusion de ces résolutions n’avait pas encore été imprimée en anglais. Un jour de délai qu’on demandait alors, n’était certainement pas un délai bien long. Dans ce moment qu’on nous informe que l’adresse est fondée sur les résolutions, on doit s’en rapporter à l’honneur des membres, et je ne vois pas de nécessité de demander les délais pour la prendre en considération. Elle ne nous intéresse pas beaucoup, nous qui sommes dans la minorité : il suffit que la majorité en soit contente. Puisqu’elle est fondée sur les résolutions, il n’y a pas de doute que je suis déterminé à voter contre. Pour moi, je ne demande donc aucun délai, et j’ai toujours dit que je ne voulais pas entraver la mesure, et qu’il était juste que les sentimens de la majorité de cette chambre parvinssent en Angleterre, afin qu’on y sût quelle mesure adopter. J’espère donc que l’adresse sera votée dès ce soir, et que nous qui avons voté contre les résolutions, si nous voulons être consistans, nous voterons dans le même sens aujourd’hui.

M. Stuart : — Quand je demande du délai jusqu’à lundi, je crois user de mon droit. Une adresse semblable à celle-ci, qui concerne toutes les affaires du pays, ne se vote pas comme un petit bill de quelques louis. Pour ma part, je veux la lire et la comprendre. Je ne comprends pas la logique de M. Neilson, quand il nous dit que cette adresse ne nous intéresse pas. Parceque je me suis trouvé dans la minorité, cesserai-je de m’occuper des affaires qui concernent toute cette colonie ? sans doute, non ; je manquerais envers mes constituans. Ce n’est pas assez pour moi d’avoir opposé les résolutions, je veux encore examiner l’adresse, et voir si elle ne contient pas quelque chose, sur quoi je pourrais avoir des observations à suggérer.

M. Anderson demande que l’adresse soit toute lue en anglais, avant que d’être lue dans les deux langues, paragraphe par paragraphe.

M. Gugy : J’ai prêté toute mon attention à la lecture de l’adresse, pour me mettre en possession de son contenu ; mais il a régné ici un tel bruit, que, quoique je me flatte de comprendre le français aussi bien que qui que soit, je n’ai pu entendre qu’une très petite partie : en sorte qu’il n’y a que ceux qui l’ont préparée, qui sachent si elle ressemble aux résolutious. Toujours est-il vrai, qu’elle n’a été lue que dans une seule langue, savoir : en français, dans une chambre où il y a plusieurs membres qui ne parlent que l’anglais. Il y a plus, l’hon. membre pour le comté de Mégantic, M. Anderson, a réclamé le droit de l’avoir en anglais, et je ne sache pas que personne ne lui ait répondu. Il y a des gens qui pour des bagatelles se font des cas de conscience. Comme Tartuffe, ils se font un crime d’avoir écrasé une puce, et ils ne craindraient pas de commettre les plus grands crimes.

« He’ll strain at a gnat,
And swallow a camel. »


Tous les jours j’entends l’honorable Orateur demander dans les deux langues :« Cette motion sera-t-elle accordée ; shall this motion be granted » — et quand un membre, qui n’entend que peu le français, demande la lecture en anglais d’une adresse aussi importante que celle-ci, ne sera-t-il point écouté ? Pourquoi non, M. l’Orateur, pourquoi non ? Est-ce parceque d’ordinaire il ne prend pas part aux débats, et que dans cette mesure il n’a point voté avec l’honorable doyen ? Tous les jours on crie qu’on veut tout faire à l’anglaise, et qu’on proscrit la langue des habitans du pays ; on crie à la partialité, à l’injustice. Aujourd’hui en voudrions-nous faire autant dans cette chambre ? Ce n’est pas un sentiment de préférence qui me fait élever la voix. Si je me trouvais dans une assemblée anglaise, où se trouveraient des personnes ne parlant que le français, et où l’on affecterait de ne parler que l’anglais, je réclamerais également contre une telle injustice. En cette occasion la justice veut que cette adresse soit lue dans les deux langues.

[M. Stuart interrompt M. Gugy, pour lui dire qu’elle doit être lue dans les deux langues paragraphe par paragraphe, et que cela doit suffire.]

M. Gugy continue : Puisque j’ai la parole, je prendrai l’occasion de faire en peu de mots quelques réflexions qu’exige la circonstance. il y a dans cette adresse une référence à la 91e résolution, je crois, sur laquelle je me trouve en devoir d’appeler l’attention de mes concitoyens. Il se peut qu’elle ait été passée par inadvertance. C’est cette résolution par laquelle on autorise les Comités qui seront nommés a Québec et à Montréal à dépenser toutes sommes d’argent qu’ils jugeront à propos, et pour lesquelles on leur promet de les indemniser sur les deniers publics.

M. Rodier a observé qu’il n’en est point parlé dans l’adresse.

M. Gugy: J’en suis bien aise. Cela fait connaître du moins quelle part a dans cette mesure le père putatif des résolutions, qui nous a dit qu’elles se trouvent toutes dans l’adresse. Quelle peut être la conséquence de cette résolution dont j’ai parlé, et quel en est le but ? N’est-ce pas prodiguer les revenus de cette Province ? inviter les capitalistes à prêter leurs capitaux pour effectuer les desseins de cette chambre ? mettre le pays entre les mains des étrangers ? l’ouvrir aux États-Unis ou à la France, s’ils ont intérêt à détruire notre alliance avec l’Angleterre ? N’est-ce pas enfin promettre de salarier les rebelles ? L’autocrate Russe pourra, s’il le trouve bon, nous aider contre la Mère-Patrie. Voilà quelle peut être la conséquence de cette résolution, et voilà comme on offre les revenus publics. Ce qui me surprend, c’est que M. Bedard ignore que cette résolution ne se trouve point dans l’adresse : il en est probablement comme de la pantoufle du Roi que le cuisinier avait tellement défigurée, que le Roi lui-même ne put la reconnaître. J’envie vraiment la grande capacité de ces personnes, qui font tous en courant, tellement qu’elles ne peuvent pas dire ce qu’elles ont fait. Je voudrais que tout ce qui a rapport à ce pays fût comme en Angleterre, afin que quelque ministre sage et éclairé pût adopter quelque mesure efficace pour rétablir le calme et la tranquillité dans ce pays. Mais qu’y dira-t-on d’une résolution qui ouvre cette colonie aux étrangers ? qui invite les masses à renverser la constitution à prix d’argent ? qui met, pour ainsi dire, la hache au pied de l’arbre ? Pour moi, elle me parait insensée, si non séditieuse. Ceux qui sont en possession de ces faits, n’auront donc pas le temps d’y appeler l’attention ? Si l’on veut procéder avec tant de précipitation, à quoi bon les délibérations et les règles parlementaires ? pourquoi ne pas dire tout de suite que toute mesure sera présentée et décidée dans un instant ? On paraîtrait vouloir faire passer cette adresse précipitamment, pour rétracter peut-être comme par surprise quelque chose qu’on regrette et qu’on rougit de voir dans les résolutions. Le législateur qui s’est mépris, n’a-t-il pas droit de revenir sur ses pas ? Il peut décider d’une façon, et après 24 heures de réflexion il peut venir dire : j’ai été en erreur ; je me suis laissé entraîner par l’éloquence d’un tel ; le respect dû à un autre m’en a imposé ; j’ai eu tort et je vois que j’ai voté d’une manière contraire au bien de mon pays ; aujourd’hui je change d’opinion, et je vote en un sens contraire. C’est ce que les règles parlementaires ont en vue, afin qu’une mesure ne se décide point subitement et ne soit point l’impression du moment. S’il n’en était pas ainsi, les sessions ne seraient pas aussi longues qu’elles le sont. Un bill de subsides se ferait dans une veillée ; tout s’arrangerait sans débats : il n’y aurait qu’à diviser. Une mesure serait proposée ; ce serait un bill ; l’instant d’après, une loi. Les règles parlementaires ont eu quelque autre chose en vue : elles ont voulu que les déterminations des corps délibératifs dépendissent de la réflexion. Dans cette occasion je ne crois pas devoir changer d’avis : j’ai voté contre les résolutions, et je voterai aussi contre l’adresse. J’ose croire que les membres de bonne foi, qui ont voulu y réfléchir, voteront avec moi, sans s’occuper qu’on leur dise qu’ils sont inconsistans ou non. En effet, quel est l’homme qui peut dire ? je ne penserai pas autrement, je ne me trompe pas, j’aurai toujours raison. Mais quand la division devrait être la même, il n’en est pas moins vrai que c’est notre droit de lire l’adresse à tête reposée, et pour ceux qui ne comprennent que l’anglais, d’en avoir la lecture dans cette langue. Si des circonstances malheureuses appelaient un homme à défendre avec énergie ses concitoyens d’origine Française, j’espère que je serais cet homme. Comme je l’ai déjà dit, si dans une assemblée Anglaise on fesait la même injustice que l’on prétend faire ici, je réclamerais également. Comme ennemi des distinctions nationales, je demande donc que la lecture de l’adresse soit faite en Anglais pour M. Anderson. Que le reproche que M. Bourdages fait à des membres d’avoir voulu entraver cette mesure, retombe sur ceux qui l’ont mérité : pour moi je m’en tiens quitte. Faut-il aussi que de leur côté ceux qui laissent leurs familles nous précipitent aveuglément dans une telle mesure, et nous livrent, pieds et mains liés, parce qu’ils ne veulent pas manquer le stage de demain ?

M. Stuart. Quant aux distinctions nationales, personne n’y est plus étranger que moi. Pourquoi la lecture de l’adresse, faite dans les deux langues paragraphe par paragraphe, ne suffirait-elle pas ? Quelle objection peut-on faire à cela ? Pour moi, ce n’est point ce que je demande, c’est un moment de délai.

M. Bedard : Je n’ai pas envie de répondre aux personnalités et aux s——— de l’honorable membre pour le comté de Sherbrooke. S’il est quelqu’un qui fomente les distinctions natioales, et dont on doive mépriser les i…ies, c’est lui sans doute. Je demande pardon à la chambre de ces expressions que m’arrache la futile déclamation, que je viens d’entendre.

M. Hamilton appelle à l’ordre.

M. Gugy : écoutez, écoutez : ce sont les politesses de M. le Maire.

M. Bedard : Je ferai remarquer aux membres que, comme il fallait toujours lire l’adresse dans les deux langues paragraphe par paragraphe, j’ai cru qu’une seule lecture suffirait en la soumettant à la chambre. Cependant je m’en rapporterai à l’opinion de cette chambre. Qu’elle ordonne une seconde lecture, si elle ne croit pas que c’est du temps perdu.

M. Neilson est d’avis qu’une seule lecture en anglais et en français doit suffire, et que ceux qui ne veulent pas s’en contenter ne peuvent avoir en vue que de prendre le temps de cette chambre,

M. Morin : Je regrette qu’une telle discussion se soit élevée, puisqu’elle pourrait faire croire que nous fesons dans cette chambre des distinctions nationales : ce qui n’est point le cas. Il n’y a point d’objection de la part d’aucun membre à permettre d’abord la lecture de l’adresse en anglais : la chambre l’offre à M. Anderson. Je proteste donc contre toutes les insinuations qu’a pu faire M. Gugy à ce sujet ; et puisque nous sommes d’accord avec lui, toutes ces observations doivent tomber d’elles mêmes.

(La chambre offre à M. Anderson la lecture de l’adresse en anglais ; mais celui-ci se désiste de sa demande.)

M. Gugy : Je ne répondrai pas aux politesses de M. Bedard : pour trancher toute difficulté, je fais motion en amendement de remettre la considération de cette adresse à lundi prochain. La chambre se divise et rejette l’amendement à une majorité de 59 contre 11.

Pour,

MM.  Anderson, Davis, Gugy, Hoyle, Languedoc, Lemay, Le Boutillier, Stuart, Taylor, Wright, Wurtele (11).

Contre,

MM.  Amiot, Archambeault, Baker, Bedard, Berthelet, Bertrand, Besserer, Blanchard, Boissonnault, Bouffard, Bourdages, Bureau, Careau, Casgrain, Caseau, Courteau, Child, De Bleury, Déligny, Deschamps, De Tonnancour, De Witt, Dionne, Dorion, J. Dorion, P. A. Drolet, Duval, Fortin, Girouard, Guillet, Godbout, Hamilton, Huot, Kimber, Lafontaine, Larue, Leslie, Létourneau, Méthol, Morin, Mousseau, Neilson, Poulin, Proulx, Quesnel, Raymond, Rivard, Rocbrune, Rochon, Rodier, Scott, Simon, Taschereau, P. E. Tessier, Toomy, Trudel, Turgeon, Valois, Vanfelson, Viger [59].

La question de concurrence est ensuite mise sur le premier paragraphe de l’adresse, après qu’il a été lu en français et en anglais ; et il est accordé à une majorité de 53 contre 20.

Pour,

MM.  Amiot, Archambeault, Bedard, Bertrand, Besserer, Blanchard, Boissonnault, Bouffard, Bourdages, Bureau, Careau, Cazeau, Courteau, Child, De Bleury, Deligny, Deschamps, De Tonnancour, De Witt, Dionne, J. Dorion. P. A. Dorion, Drolet, Fortin, Girouard, Guillet, Godbout, Huot, Kimber, Lafontaine, Larue, Leslie, Letourneau, Méthot, Morin, Mousseau, Poulin, Proulx, Raymond, Rivard, Rocbrune, Rochon, Rodier, Scott, Simon, P. E. Taschereau, Tessier, Toomy, Trudel, Tuigeon, Valois, Vanfelson et Viger. (53)

Contre,

MM.  Anderson, Badeaux, Baker, Berthelet, Davies, Duval, Goodhue, Gugy, Hamilton, Hoyle, Languedoc, Le Boutillier, Lemay, Neilson, Quesnel, Stuart, Taylor, Wood, Wright et Young (20).

Il est convenu que la même division sera prise pour tous les paragraphes.

MM. Neilson et Lemay observent qu’il y a des paragraphes qu’ils approuvent dans l’adresse, mais qu’ils votent contre tous, parce qu’ils sont liés à d’autres qu’ils ne sauraient approuver.

MM.  Noël, Masson et Taschereau, qui avaient voté pour les résolutions, étaient absens ; ainsi que M. Cuvillier, et autres, qui avaient voté contre.

MM. Badeaux et Hamilton qui n’avaient point voté, ont voté contre l’adresse.

M. Bedard fait motion que M. Morin soit député à Londres avec l’adresse.

À propos, des mots « M. Viger, Agent du Bas-Canada » qui se trouvent dans la motion ci-dessus, M. Taylor déclare qu’il proteste contre ces expressions, et dit que M. Viger n’est point l’agent du Bas-Canada.

M. Bedard fait motion que la dite adresse soit présentée à Son Excellence le gouverneur-en-chef par la chambre d’assemblée, le priant de la communiquer à Sa Majesté.

MM.  Bourdages, Leslie et Child ont été nommés pour demander à Son Excellence le gouverneur, quand il serait prêt à recevoir la chambre. Aujourd’hui, le 4 mars, le gouverneur à reçu la chambre avec son adresse.



A.
(Discours omis dans cet ouvrage.)

Mercredi, 19e Février, 1834.

M. Bleury : Quand je me rappelle avec quelle force l’honble. membre du comté de Québec défendait jadis nos droits constitutionnels, je dois l’avouer, ma surprise a été grande quand je l’ai entendu, il n’y a qu’un instant, nous dire qu’il s’opposait à toutes et à chacune des résolutions devant la chaire, et qu’il proposait un amendement dans le but évident de les faire échouer. À quoi attribuer un pareil changement ? je l’ignore, et ce n’est pas mon but d’en chercher la cause ; mais puisque l’honble. membre préfère l’état actuel de souffrance dans lequel se trouve le pays, à un avenir plus heureux, je le renvoie à sa conscience, je le laisse dans le statu quo qu’il aime mieux : pour moi, je suis d’opinion que voilà déjà trop longtemps que les habitans de ce pays souffrent, qu’il est temps de chercher à leur procurer un sort plus favorable. Destinés à vivre en paix, ils ont jusqu’à ce moment tout supporté patiemment, parce qu’ils attendaient avec espérance la réalisation des promesses solennelles du ministre, d’apporter un remède efficace aux maux sans nombre, dont ils ont à se plaindre, et qui ont fait le sujet de plusieurs de leurs requêtes aux pieds du trône. Mais maintenant que leurs espérances s’évanouissent, maintenant qu’ils voyent dans le lointain l’orage qui les menace, il est grandement temps qu’ils sortent de cette léthargie dans laquelle ils semblent plongés. Il est temps qu’ils soient sur l’alerte pour détourner les conséquences de l’orage sur le point d’éclater. Dans une crise aussi fâcheuse, il est important pour le bien-être et le bonheur de ceux qui nous ont confié leurs destinées, que nous, représentans du peuple, prenions une attitude ferme et décidée : rappelons-nous qu’il a dans cette occasion solennelle les yeux sur nous. Il me semble l’entendre de toutes les parties du pays, nous inviter à être fermes et à nous montrer dignes de son estime et de sa confiance ; moi je suis prêt à répondre à cet appel et s’il faut aujourd’hui élever la voix et contre l’administration coloniale, et contre le ministre des colonies, je ne reculerai point devant la tâche : je ne suis pas de ces hommes qui volontiers brûlent un encens honteux sur l’autel de l’adulation, et dont l’esprit vénal et timide ne connaît d’autre aiguillon que l’intérêt, d’autre frein que la crainte. En effet comment se taire, sans se déshonorer, à la vue de tant d’outrages, de tant d’injures lancés de toutes parts contre nous et par contrecoup contre le peuple que nous représentons. Les résolutions devant la chaire sont un récit fidèle de ces griefs sous le poids desquels gémissent depuis longtemps les habitans de ce pays, et dont il faut bien comprendre l’étendue pour ne jamais cesser d’en demander le redressement. L’honble. Orateur en a bien déroulé sous nos yeux le tableau, avec une telle force et avec une telle énergie, qu’il a dû porter la conviction dans tous les cœurs et démontrer la nécessité de l’adoption de ces résolutions. Après un discours aussi sublime que raisonné, que celui qu’il nous a adressé, il y aurait témérité de ma part de vouloir parcourir le même terrain ; d’ailleurs ce ne serait que répétition, ce qui fatigue toujours ; néanmoins aux risques d’encourir ce reproche, je ne puis laisser passer cette occasion sans émettre les sentimens qui m’animent, à la vue de quelques-uns de ces griefs nouveaux qui m’ont le plus frappé : je fais allusion à ces dépêches, tissu d’injures, qui forment, je puis dire, le dernier anneau de cette longue chaîne de calomnies et d’injures, dont nous avons tant de droit de nous plaindre ; contre lesquelles il ne faut cesser de réclamer que quand nous en aurons obtenu l’entier redressement. Il ne fallait pas moins que l’oppresseur de l’Irlande, du tyran je devrais dire, qui a réussi à faire mettre ce beau pays dans les fers par une loi barbare et inhumaine, pour approuver la conduite récente de l’exécutif ; déclarer que nous ne pouvons veiller à nos privilèges et que nous ne pouvons apposer à nos votes d’argent, telle condition qui nous semble juste et nécessaire. Si la doctrine extraordinaire de ce ministre était appuyée et une fois admise que deviendraient les pouvoirs de cette chambre ? Une ombre, et autant faudrait-il qu’il n’y eût pas de chambre, puisque nous ne pourrions être d’aucune utilité au peuple qui nous députe. Mais, M.  le Président, perdons de vue pour un moment le principe que le ministre émet, la doctrine qu’il soutient, pour exprimer l’arbitraire et le ton insolent qu’affecte le ministre, et qui sont les traits caractéristiques de ces dépêches et qui doivent révolter tout homme bien né. En effet relisons attentivement ces dépêches et nous trouverons que le ministre fait usage envers ce corps d’un langage, d’expressions qu’il n’oserait tenir envers son égal, sans s’exposer à recevoir le châtiment que son impudence lui attirerait sur le champ, et nous, corps constitué, nous souffririons patiemment de pareilles insultes ? je ne puis le croire… Quoi ! parceque cette chambre dans sa sagesse a, l’an dernier, soumis et sollicité un changement dans la constitution, et nommément l’extinction ou plutôt la modification d’un corps qui entrave continuellement les affaires, sape, je puis dire, les fondemens de cette liberté civile à laquelle le peuple canadien a tant droit de prétendre ; ce monsieur prend sur lui de nous tenir un langage où la grossièreté et l’impudence sont les traits dominans. Il nous attaque sans ménagement, et avec cette sorte de hardiesse effrontée qui suppose toujours du mépris pour ceux contre qui l’attaque est dirigée ; mais qu’il me soit permis de demander la réforme du gouvernement de nos compatriotes, de demander un changement dans la constitution, si l’expérience nous démontre que cette réforme est nécessaire, que ce changement dans la constitution produirait le plus grand bien. Serait-ce parceque nous serions colons, que tout respect est oublié, que nous sommes traités comme des esclaves ? mais comme colons, ne sommes-nous donc pas membres de la société, comme les habitans de la métropole ? ne sommes-nous pas enfans de la Mère-Patrie ? n’appartenons-nous pas à la même famille ? ne sommes-nous pas citoyens de la même patrie, sujets du même empire ? ne devons-nous pas jouir des mêmes droits et des mêmes privilèges ? je voudrais bien savoir si M. Stanley oserait tenir envers la chambre des communes en Angleterre, le langage qu’il s’est permis à notre égard ; mais il semble que tout est permis contre la branche populaire de cette Province ; il n’y a pas jusques au dernier gazettier qui, encouragé, je puis dire, par l’administration coloniale, ne se fasse un devoir dans chaque numéro de sa gazette, de diriger contre ce corps les attaques les plus virulentes, les libelles les plus mensongers, les épithètes les plus injurieuses ; quelques lâches ligués ensemble, et se couvrant lâchement du manteau de l’anonyme, vont au point d’attaquer la conduite privée de plusieurs membres de cette chambre. Si l’exécutif n’était pas radicalement vicieux, s’il entendait son devoir, ou plutôt voulait le faire, de pareils écrits seraient-ils tolérés ? je le demande quel peuple au monde, si j’en excepte les Canadiens, souffrirait longtemps au milieu de lui, une presse soldée par ses ennemis et qui ne cesserait de lancer contre lui et ses représentans les calomnies les plus injurieuses et les plus mensongères, comme le font journellement au milieu de nous quelques unes des presses anglaises ? mais laissons ces ennemis méprisables pour suivre le ministre dans ses dépêches. Ce monsieur ne se contente pas de nous donner une mercuriale, il va plus loin, il nous fait des menaces ; il ajoute ce ministre impérieux : si vous ne compromettez les intérêts de ceux que vous représentez, je m’adresserai au parlement impérial pour trouver un remède. Vraiment il croyait s’adresser, je suis porté à croire, aux esclaves des îles, mais qu’il apprenne que le peuple canadien, que ses représentans, ne craignent point de pareilles menaces ; que le ministre se détrompe s’il croit que nous ne résisterons point avec énergie à ce que nous regarderons comme des outrages et des injustices ; s’il croit que nous ne lui renverrons point avec mépris les chaînes qu’il voudrait nous imposer, en assurant en même temps que nous avons trop de confiance dans la magnanimité du peuple anglais et dans les talens et l’honneur de ses représentans, pour supposer qu’ils se prêteraient aux vues tyranniques d’un despote. Non, le gouvernement de la métropole ne souffrira jamais que la prophétie du marquis de Lafayette à l’égard de ce pays se réalise ; quand ce père de la liberté disait à un officier de Sa Majesté Britannique, et cet officier était mon père, qui fut fait prisonnier à la bataille de Burlington, sollicitait son intervention auprès des autorités américaines pour obtenir quelque adoucissement dans sa captivité : non, le répondit ce grand personnage, puisque vous vous battez pour être esclave, soyez-le… C’est maintenant le moment propice, M. le Président, de faire connaître au gouvernement britannique, que si nous lui sommes attachés, si dans toutes les occasions nous et nos ancêtres nous nous sommes montrés loyaux, et toujours prêts à voler aux frontières pour défendre le pays d’une aggression étrangère, il ne s’ensuit pas que nous consentirions à être gouvernés avec un sceptre de fer, à continuer d’être le jouet de quelques hommes intriguans, qui trompent les gouverneurs et les portent à des excès qui font notre malheur. Le peuple canadien connaît trop bien ses droits, il ne souffrira jamais qu’ils soient impunément violés. Encouragé sans doute par la conduite du ministre, le gouverneur suit son exemple : en effet ce n’est que peu de jours après nous avoir dit qu’il espérait un résultat favorable de nos travaux, qu’il vient mettre toutes les entraves possibles à nos procédés. Il refuse de nous faire les avances nécessaires pour nos dépenses à moins qu’on ne lui donne une garantie par un bill. N’est-ce pas nous dire qu’il n’a aucune confiance en ce corps ? et quelle raison peut l’induire à en agir ainsi ? ne devait-il pas être convaincu que si le fonds approprié pour cet objet n’était pas suffisant, nous sommes liés en honneur ? n’a-t-il pas notre promesse par écrit, que nous lui fournirons le déficit à même les autres fonds ? Un pareil refus démontre bien, suivant moi, un désir évident de faire manquer la session aussitôt après qu’il a eu le plaisir de nous faire parvenir ces dépêches insultantes, que peut-être son influence auprès du ministre a suscitées. Mais ce n’est pas tout, dans maintes occasions le gouverneur s’est refusé de nous communiquer des papiers dont nous avions absolument besoin, qu’il était tenu de nous communiquer et sans lesquels nous ne pouvions efficacement procéder ; je citerai, entre autres, copies des opinions des hommes de loi qu’il avait consultés au sujet du writ d’élection pour le comté de Montréal, un compte des ventes semestrielles des terres de la couronne par le commissaire de la couronne, le bail des forges de St.-Maurice renouvelé pour dix autres années, et je ne cesserais si je récapitulais tous les refus de cette nature que nous avons essuyés et qui ont été autant d’entraves à nos procédés. Tant d’abus, M. le président, auront l’effet, je m’en flatte, de nous convaincre tous que dans cet état de choses, le bien du pays ne peut avoir lieu, et qu’il est urgent que nous fassions parvenir a la mère-patrie, avec cette franchise qui doit appartenir à tout bon sujet, le tableau détaillé de nos griefs, et qu’elle sache que nous entendons avoir justice, et justice prompte et entière. —


Jeudi, 20e Février, 1834.
Continuation du Discours de M. Papineau.

M. Papineau :

M. Gates s’adressa plusieurs fois au comité du conseil exécutif pour avoir la permission de demeurer dans ce pays ; il obtint chaque fois des délais de 8 à 10 jours, tantôt du comité, tantôt du gouverneur Prévost ; on lui ordonnait alors de laisser la province. Ces demandes et ces ordres se répétèrent longtemps. Néanmoins, plus tard (il était alors moins martial qu’il l’a été depuis,) il apprend que ceux qui, dans les États-Unis, sont opposés à la guerre, sont exposés à des désagrémens et des pertes dans leurs affaires ; il change aussitôt de dessein. Il envoie donc une nouvelle requête au comité du conseil exécutif. Voici comme il s’exprime : —

« À l’hon. Conseil Exécutif de S. M. pour la province du Bas-Canada :

« Votre pétitionnaire prend humblement la liberté de représenter, qu’ayant ci-devant pétitionné vos honneurs pour avoir la permission de prêter le serment général d’allégeance et de rester dans la province, le délai qui s’est écoulé en donnant une réponse, et le bruit courant que ceux qui avaient prêté le serment de qualification (au nombre desquels était votre pétitionnaire) n’auraient point la permission de prêter le serment général, ont engagé votre pétitionnaire, après avoir attendu quelques jours, à saisir toute occasion pour se procurer des lettres de change, billets de banque et argent monnayé des États, et pour y transmettre ses fonds, et il avait commencé à le faire lors