Les épisLa Cie J.-Alfred Guay (p. 34-35).
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Les « brayeurs »


Allons à la corvée ! Allons, bande joyeuse,
Car le temps est venu de broyer le lin mûr !
On nous attend là-bas où la côte se creuse,
Comme une fraîche alcôve, à deux pas du flot pur.
Nous sommes vigoureux et nos mains sont brunies.
Nous aimons le soleil, nous aimons les hivers.
Pour nous enfants des champs les saisons sont bénies :
Nous aimons leurs travaux et leurs plaisirs divers.

Au-dessus des sapins s’élève la fumée,
Veillez au lin qui sèche, oh ! veillez bien, chauffeurs !
Dans plus d’un œil d’azur la flamme est allumée !
Veillez au lin qui sèche, et veillez à vos cœurs.

Frappons fort, jeunes gens, frappons tous en cadence !
De ces vallons connus éveillons les échos.
Travaillons tout le jour avec zèle et prudence ;
Plus rude est le labeur, plus doux est le repos.


Frappons, frappons gaîment ; sous l’active mâchoire
Le lin va se changer en un panache d’or.
Quand le devoir est fait nous avons la victoire,
Et l’esprit retrempé prend un nouvel essor.

Au-dessus des sapins s’élève la fumée,
Veillez au lin qui sèche, oh ! veillez bien, chauffeurs !
Dans plus d’un œil d’azur la flamme est allumée,
Veillez au lin qui sèche, et veillez à vos cœurs !

Autour de nous, partout, voltigent les aigrettes ;
On dirait de la neige à travers les rameaux.
Nous rions, nous chantons, dans les fauves retraites
Où souvent chantent seuls les gais petits oiseaux.
Nous luttons de vitesse, et la filasse blonde,
La filasse en cordons se tresse tout le jour,
Mais nous tressons nos mains pour danser une ronde
Sous les yeux des parents, le soir, à notre tour.

Au-dessus des sapins s’élève la fumée,
Veillez au lin qui sèche, oh ! veillez bien, chauffeurs !
Dans plus d’un œil d’azur la flamme est allumée,
Veillez au lin qui sèche, et veillez à vos cœurs.