Le vol sans battement/A propos du vol théorique
À PROPOS DU VOL THÉORIQUE
Il est un chapitre dans l’Empire de l’Air qui m’a valu bien des critiques : c’est le « Vol théorique ».
Sur cette question, l’aviation, il faut, d’après les uns, se taire et agir. Ceci est parfait, mais ce n’est pas instructif. — Il est facile d’émettre un aphorisme bien redondant. — D’après les autres, il est bon, quand on s’est trouvé de par le fait du hasard en bonne position pour voir beaucoup, de raconter à ceux qui ont été moins bien partagés ce que l’on a vu. C’est, en somme, le livre, l’instruction par le récit ; il n’y a donc pas à avoir de remords.
Cependant ce chapitre a été trop loin pour beaucoup de gens. Oser dire que plus tard l’homme volera mieux que l’oiseau semble dépasser l’hérésie. Et cependant, rien n’est plus vrai. L’homme volera. Il a déjà volé ! Quand il se remettra à cet exercice, quand, avec l’accoutumance, il reprendra en action la plénitude de ses facultés, il aura ce que l’oiseau n’a pas, des ailes comme lui, bien imparfaites c’est vrai, mais une tête qui, comme analyse et combinaison, n’est pas à comparer avec celle du volatile.
Oui, sans aucune outrecuidance, on peut dire que l’homme, quand il adaptera ses facultés à l’étude de ce problème, fera des merveilles. Voyez-le dans tous les exercices auxquels il s’applique. Voyez le patin, ce qu’il produit ! le vélocipède ! Regardez seulement en gymnastique à quoi il est arrivé ! Quel est le gibbon agile capable de produire les tours de force que font certains clowns ?
Par une espèce de timidité outrée, je n’ai fait qu’effleurer ces problèmes ; celui qui n’est certain que d’une chose, c’est que l’air porte parfaitement, n’avait pas mission de parler ; et cependant les échappées qu’on entrevoit sont vraies, voire même le vol en arrière qu’on m’a fortement reproché.
Ce ne sont pas des réflexions imaginatives qui ont amené ces considérations sur le vol de l’avenir, c’est simplement la vision du phénomène et son analyse.
Le domaine de l’observation et des démonstrations est tellement vaste au Caire qu’il n’est besoin de rien rêver comme manœuvre, la vue seule suffit pour éclairer. Vous voyez l’acte de vol se produire devant vos yeux quelque jour et par quelque vent particulier, phénomène souvent très rare, mais qui ne vous permet pas moins, et cela sans le moindre effort d’intelligence, de vous dire : Mais pourquoi l’oiseau se sert-il si rarement de ce procédé ? C’est un acte à noter et à utiliser plus tard.
Ce vol en arrière qui a surpris nombre de penseurs, mais je le vois se reproduire chaque jour de grand vent. Contre certains à-coups violents du courant aérien, les milans n’osent pas se retourner : ils seraient emportés trop loin et ne veulent pas le permettre. Comme le transport des pointes à l’arrière ne semble pas être suffisant pour résister à cette rafale violente, ils reculent simplement.
Cette marche en arrière est ordinairement peu importante : quelques mètres seulement, mais cependant j’ai vu plusieurs fois les deux ou trois douzaines de ces oiseaux que j’observais reculer d’au moins cent mètres en s’élevant.
Voilà ce qui m’a fait dire que, dans le vol de parcours, l’ascension en reculant devant le vent est possible. Comme on le voit, je n’ai rien inventé, j’ai seulement beaucoup vu.