Le tour du Saguenay, historique, légendaire et descriptif/21

IV

LA POINTE-AUX-ALOUETTES




Nous croyons intéresser les touristes en publiant, dans le français du temps passé, les extraits des Mémoires de Champlain touchant la Pointe-aux-Alouettes. On verra que cette pointe historique est fort minutieusement décrite par le découvreur de Québec qui la reconnut dès son premier voyage, en 1603, alors qu’il y fit son premier traité de paix avec les Montagnais.

Il est assez remarquable de constater comme cet endroit n’a guère changé depuis cette époque lointaine.

Voici ces extraits des Mémoires de Champlain :

1603 — Le 24 de may nous vinsmes mouiller l’ancre devant Tadousac, et le 26, nous entrasmes dans le dict port qui est faict comme une anse, à l’entrée de la rivière du Sagenay, où il y a un courant d’eau et marée fort estrange pour sa vitesse et profondité, où quelques fois il vient des vents impétueux à cause de la froidure qu’ils amènent avec eux. L’on tient que laditte rivière a quelque quarante-cinq ou cinquante lieues jusques au premier sault et vient du costé du Nord-Norouest. Le dict port de Tadoussac est petit, où il ne pourroit que dix ou douze vaisseaux ; mais il y a de l’eau assés à l’Est, à l’abry de la dite rivière de Sagenay, le long d’une petite montaigne qui est presque coupée de la mer. Le reste, ce sont montaignes haultes élevées, où il y a peu de terre, sinon rochers et sables remplis de bois de pins, cyprez, sapins, et quelques manières d’arbres de peu. Il y a un petit estang proche dudit port, renfermé de montaignes couvertes de bois. À l’entrée du dict port, il y a deux poinctes : l’une du costé de Ouest, contenant une lieue en mer, qui s’appelle la poincte de Sainct-Matthieu, ou autrement aux Allouettes : et l’autre, du costé du Su-Est, contenant un quart de lieue qui s’appelle la poincte de tous les Diables, (pointe aux Vaches), pour le grand danger qu’il y a. Les vents du Su et Su-Sorouest frappent dedans le dict port. Mais de la pointe de Sainct-Mathieu jusques à la poincte de tous les Diables, il y a prés d’une lieuë, l’une et l’autre poincte asseche de basse-mer.

1626. — Partant de Tadoussac à la poincte aux Allouettes il y a une petite lieuë, ceste poincte met hors plus de demy lieuë, elle asseche de basse mer. Il y a un islet de cailloux couvert de persil, qui a la feuille fort large, et quantité de pois sauvages. Les barques de plaine mer rangent la grand terre. Du Cap de la rivière du Saguenay (Pointe-Noire), l’on passe proche d’un islet qui est au fond d’une anse qui s’appelle l’islet Brulé (au fond de l’anse Ste-Catherine), presque tout rocher. Le travers il y a ancrage à un cable vers l’eaue, au fond de l’anse est un ruyseau qui vient des montagnes. De ce ruyseau rongeant la terre à demy ject de pierre, il n’y a que sable jusques au Cap de la poincte des Allouettes, sur iceluy, est une plaine comme une prairie, contenant quelques quatre à cinq arpents de terre, le reste sont bois de pins, sapins et bouleaux, ou il y a force lapins et perdrix. Les barques (comme dit est) passent proche de ce cap pour abréger chemin, à aller à Québec : car passant dehors la pointe de l’Islet de Cailloux (l’île aux Allouettes appelée encore îlet Blanc, et île-aux-Morts) vers l’eaue, il faudrait faire plus d’une lieuë et demy qui est le grand passage, où il y a de l’eaue assez pour quelque vaisseau que ce soit : Il se faut donner garde de l’Isle Rouge, où les marées changent. Ayant le temps clair et sans bruines, il n’y a point de danger en toute ceste pointe et autre bans de sables qui y sont attenans, asséché tout de basse mer où l’on trouve une quantité de coquillages, comme bregos, coques, moulles, hoursains, et force loches, qui sont sous les pierres en plusieurs endroits : cela va jusqu’à l’anse aux Basques, contenant prés de trois à quatre lieuës de circuit. Il s’y voit aussi une infinité de gibier en sa saison, tant oyseaux de rivière, et sarselles, que petites oyes, outardes, et entr’autres il y a un si grand nombre d’allouettes, courlieux, grives, begasses, beccasses, plusieurs et autres sortes de petits oyseaux, qu’il s’est veu des jours que trois ou quatre chasseurs en tuoient plus de trois cens douzaines, qui sont très grasses et delicates à manger. Pour aller à cette poincte aux Allouettes, il faut traverser le Sagenay, qui tient en son entrée un quart de lieuë de large.

Le 68e jour dudict mois, ils se vindrent cabanner audict port de Tadousac, où estoit nostre vaisseau. À la poincte du jour, leur dict grand Sagamo sortit de sa cabanne, allant autour de toutes les autres cabannes, en criant à haulte voix, qu’ils eussent à desloger pour aller à Tadousac, où estaient leurs bons amis. Tout aussy tost un chascun d’eux deffit sa cabanne en moins d’un rien, et ledict grand capitaine le premier commença à prendre son canot, et le porter à la mer, où il embarqua sa femme et ses enfants, et quantité de fourrures, et se meirent ainsy près de deux cents canots, qui vont estrangement : car encore que nostre chaloupe fust bien année, si alloient-ils plus vite que nous. Il n’y a que deux personnes qui travaillent à la nage, l’homme et la femme.

Ils estoient au nombre de mille personnes, tant hommes que femmes et enfans. Le lieu de la poincte de Sainct Matthieu, où ils estoient premièrement cabannez, est assez plaisant. Ils estoient au bas d’un petit costeau plein d’arbres, de sapins et cyprès. À ladicte poincte, il y a une petite place unie, qui descouvre de fort loin ; et au dessus dudict costeau, est une terre unie, contenant une lieue de long, demye de large, couverte d’arbres ; la terre est fort sablonneuse, où il y a de bons pasturages. Tout le reste, ce ne sont que montaignes de rochers fort mauvais. La mer bat autour dudict costeau, qui asseiche prés d’une grande demy lieue de basse eau.




QUELQUES NOMS PROPRES EXTRAITS DES ŒUVRES DE CHAMPLAIN




Mai, 1603 — Le 20 dudict mois, nous eusmes congnoissance d’une isle qui s’appelle Anticosty…

Le lendemain, eusmes cognoissance de Cachepé…

Dudict Mantanne, nous vinsmes prendre cognoissance du Pic (Bic)…

1626 — Du cap de Gaspey à la terre du Nort y a vingt cinq à trente lieues…

Du Bic on traverse la grande rivière au Norrouest… et va on recognoistre Lesquemain à la terre du Nort, y ayant sept à huict lieuës…

De Lesquemain l’on passe prés des Bergeronnettes, qui en est à quatre ou cinq lieuës… puis l’on va au moulin Baudé trois lieuës, qui est la rade du port de Tadousac….

1620 — Le 7 de juillet nous mouillasme l’anchre au moulin Baudé, à une lieuë du port de Tadousac…

1626 — Le travers de Tadousac… à deux lieuës au sud il y a nombre d’isles et est entr’autres l’Île verte, à quelque six lieuës dudit Tadousac…

Partant de Tadousac à la poincte aux Allouettes il y a une petite lieuë…

De la pointe aux Allouettes… l’on va au Cap de Chafaut aux Basques… à trois quarts de lieuë de la pointe aux Allouettes et une bonne lieuë et d’avantage du Chafaut aux Basques, est une petite rivière laquelle est abondante en poisson en son temps, comme de truites et saumons, quantité d’Eplan tres-excellent qui s’y prend, le gibier s’y retire en grand nombre (Rivière-aux-Canards).

Du Cap de Chafaut aux Basques… jusqu’à la rivière de l’Équille, il y a trois lieuës, et de la poincte aux Alouettes cinq. Costoyant la coste du nort l’on passe proche de l’Anse aux Rochers…

De l’anse de Rocher à la rivière de l’Équille, il y a prés d’une lieuë et demie…

L’Isle au Lièvre demeure au Suest trois lieuës, (deux lieues)… laquelle isle est éloignée de la terre du Sud près de trois lieuës, entre les deux il y a des isles (les îlots du Pot-à-l’eau-de-vie et des Pèlerins)…

Du port de l’Équille au port aux femmes (la Rivière Noire), il y a une bonne lieue…

Du port aux femmes l’on va au port au Persil, distant près d’une lieuë…


Du port au Persil l’on va tournant au tour d’une montagne de rochers qui fait Cap
(la pointe à l’Homme) : une lieue après l’on vient au port aux saumons…

Du port aux Saumons au cap de Malle Baye (Cap à l’Aigle) est distant d’une lieue double…

Du Cap de Male Baye jusqu’à la rivière Plate (rivière de La Malbaie) trois lieues…

Du Cap de Male Baye jusqu’à la Rivière Plate aux Oies… trois lieues et demie…

Du Cap aux Oyseaux (cap Martin) à l’Isle au Coudre, il y a une bonne lieue…


— De l’Alma Mater[1].


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  1. Petit journal mensuel publié au séminaire de Chicoutimi.