Le salut est en vous/Avant-propos

Traduction par inconnu.
Perrin (p. 1-2).

LE

SALUT EST EN VOUS

ou

Le Christianisme donné non comme une doctrine mystique, mais comme une morale nouvelle


AVANT-PROPOS

J’ai écrit, en 1884, un ouvrage intitulé En quoi consiste ma foi[1], dans lequel, en effet, j’exposais toutes mes croyances.

En donnant ma façon d’entendre la doctrine du Christ, je n’ai pas dit pourquoi je considère comme une hérésie cette religion officielle appelée christianisme.

Elle se sépare, selon moi, de celle du Christ par bien des divergences au nombre desquelles j’ai tout d’abord constaté la suppression du commandement qui nous interdit de nous opposer au mal par la force. Plus que tout autre, cet écart de doctrine montre avec évidence combien l’Église officielle a dénaturé les principes du Christ.

J’étais, comme tant de gens d’ailleurs, fort peu au courant de ce qui a été fait, dit ou écrit, dans les temps anciens, relativement à cette question si importante de la non-résistance au mal.

Je savais cependant ce qu’en pensaient les Pères de l’église, tels qu’Origène, Tertullien et quelques autres. Je n’ignorais pas non plus qu’il a existé et qu’il existe encore certaines sectes appelées les ménonites, les gerngutters, les quakers, qui se refusent au service militaire et n’admettent pas pour les chrétiens le port des armes. Mais je savais tout cela trop imparfaitement pour approfondir et élucider complètement ce sujet.

Comme je m’y attendais, mon livre ne fut pas autorisé par la censure russe. Cependant, grâce peut-être à ma notoriété, grâce sans doute aussi à l’intérêt qu’offraient ces questions, mon travail eut un grand succès en Russie, et de nombreuses traductions en furent faites à l’étranger. Il a même provoqué d’intéressantes communications à l’appui de ma thèse, comme aussi toute une série de critiques.

Ce choc d’idées, joint aux derniers événements historiques, a éclairé pour moi bien des points restés obscurs, et m’a conduit à de nouvelles conclusions que je formulerai plus loin.

Je dirai d’abord quelques mots sur les communications qui m’ont été faites relativement à la non-résistance au mal, je m’étendrai ensuite sur les commentaires auxquels cette question a donné lieu de la part des critiques ecclésiastiques ou laïques, et je terminerai par les conclusions qui me paraissent découler de cette étude et des derniers événements historiques.



  1. Cet ouvrage a été traduit et publié en français sous le titre : Ma Religion.