Le roi s’amuse/Note ajoutée à la cinquième édition

Eugène Renduel (Œuvres complètes de Victor Hugo. Drames, Tome Vp. 17-18).

NOTE

ajoutée à la cinquième édition.


— Décembre 1832 —



L’auteur, ainsi qu’il en avait pris l’engagement, a traduit l’acte arbitraire du gouvernement devant les tribunaux. La cause a été débattue le 19 décembre, en audience solennelle, devant le Tribunal du commerce. Le jugement n’est pas encore prononcé à l’heure où nous écrivons ; mais l’auteur compte sur des juges intègres, qui sont jurés en même temps que juges, et qui ne voudront pas démentir leurs honorables antécédents.

L’auteur s’empresse de joindre à cette édition du drame défendu son plaidoyer complet, tel qu’il l’a prononcé. Il est heureux que cette occasion se présente pour remercier et féliciter encore une fois hautement M. Odilon-Barrot, dont la belle improvisation lucide et grave dans l’exposition de la cause, véhémente et magnifique dans la réplique, a fait sur le tribunal et sur l’assemblée cette impression profonde que la parole de cet orateur renommé est habituée à produire sur tous les auditoires. L’auteur est heureux aussi de remercier le public, ce public immense qui encombrait les vastes salles de la Bourse ; ce public qui était venu en foule assister, non à un simple débat commercial et privé, mais au procès de l’arbitraire fait par la liberté ; ce public auquel des journaux honorables d’ailleurs, ont reproché à tort, selon nous, des tumultes inséparables de toute foule, de toute réunion trop nombreuse pour ne pas être gênée, et qui avaient toujours eu lieu dans toutes les occasions pareilles, et notamment aux derniers procès politiques si célèbres de la restauration ; ce public désintéressé et loyal que certaines autres feuilles, acquises en toute occasion au ministère, ont cru devoir insulter, parce qu’il a accueilli par des murmures et des signes d’antipathie l’apologie officielle d’un acte illégal révoltant et par des applaudissements l’écrivain qui venait réclamer fermement en face de tous l’affranchissement de sa pensée. Sans doute, en général, il est à souhaiter que la justice des tribunaux soit troublée le moins possible par des manifestations extérieures d’approbation ou d’improbation ; cependant il n’est peut-être pas de procès politique où cette réserve ait pu être observée ; et dans la circonstance actuelle comme il s’agissait ici d’un acte important dans la carrière d’un citoyen, l’auteur range parmi les plus précieux souvenirs de sa vie les marques éclatantes de sympathie qui sont venues prêter tant d’autorité à sa parole, si peu importante par elle-même, et qui lui ont donné le redoutable caractère d’une réclamation générale. Il n’oubliera jamais quels témoignages d’affection et de faveur cette foule intelligente et amie de toutes les idées d’honneur et d’indépendance lui a prodigués avant, pendant et après l’audience. Avec de pareils encouragements, il est impossible que l’art ne se maintienne pas imperturbablement dans la double voie de la liberté littéraire et de la liberté politique.


Paris, 21 décembre 1832.