Le régime municipal de l’ancienne ville de Luxembourg/12

Heintzé frères, imprimeurs-éditeurs (p. 34-40).

CHAP. XII.

Revenus de la ville et comptabilité communale.


Les revenus de la ville étaient les suivants : 1) les droits sur les boissons ; — 2) les droits de passage ; — 3) les droits de Balance ; — 4) les droits de marché ; — 5) le droit de Maltote ; — 6) le droit de courlerie ; — 7) le droit de rélaissement de la salle de l’hôtel de ville ; — 8) droits pour enlèvement des boues ; — 9) les amendes ; — 10) les droits de bourgeoisie ; — et 11) les produits du Baumbusch.

1. Droits sur les boissons.

En l’année 1346 le roi Jean accorda à la ville le droit de vins d’Alsaze. (Arch. rég. 4 f. 70.) Après lui, le duc Wenceslas accorda, en 1302, le même droit, appelé aussi droit d’Assay à la ville de Metz, parmi paiement d’une rente. (Arch. cart. 15.) La perception de ce droit était annuellement rélaissée à des particuliers. (Cart. 80.) Il consistait dans le paiement de quatre Batzen ou 8 gros, faisant sept patards de Brabant, de chaque charriot de vin d’Alsace passant en ville ou dans la banlieue. (Déclar. du Magistrat de 1632 ; reg. 22. fol. 12, No 1.) En 1472 Charles, duc de Bourgogne, prolongea, pour douze années, au profit de la ville, le droit de percevoir les droits sur les vins et autres breuvages. (Cart. 42.) Au mois de septembre 1480, Maximilien et Marie majoraient les droits à percevoir sur les vins qui se vendaient en ville, et par lettres patentes du 18 décembre suivant, les mêmes souverains attribuèrent à la ville ce droit, fixé au dixième dénier, à perpétuité.

En conformité d’un rescrit du Magistrat du 30 octobre 1653 les tonneliers étaient tenus de faire la déclaration des vins qu’ils mettaient en cave, dans le but de faciliter la perception du droit.

À dater du 14 mars 1690 les gens d’église et les nobles furent soumis au paiement du droit sur les boissons qu’ils débitaient en ville.

Le 18 décembre 1699 le Magistrat imposa le cidre.

Les fermiers des domaines étaient également assujetis au paiement du droit de ville sur les vins qu’ils y vendaient. Il en était de même des réligieux de St. Maximin. (Placard du 6 juillet 1695 et 11 juillet 1768.)

Par décret du 14 septembre 1771 la perception des droits de ville fut mise en régie.

2. Droits de passage.

Le droit de passage consistait en — « de toutes marchandises, denrées et vivres, qui se vendent ou s’acheptent en ladite ville, passant par les portes, se lève et se paie d’un cheval deux priquettes, d’une charrette quatre priquettes et d’un chariot six priquettes, chacune comptée à un dénier et demi, monnoye de Brabants ; item de chaque charette chargée de balles ou grosses marchandises deux pattars et demy et d’un chariot chargé de pareilles marchandises grosses et balles cinq pattars, en conformité des lettres des princes archiducs albert et isabel donnez à Bruxelle le derniers févriers 1601 à nous exhibez, lequel droit a pareillement de tout temps appartenu et lui avait été osté par le duc Philippe le bon à la prière d’icelle, mais pas après par iceluy plainement, entièrement et perpétuellement remis et rendu selon nos lettres du 25 de décembre 1447. » (Déclaration du Magistrat du 23 mars 1632.)

Le droit était perçu aux portes de la ville et rélaissé à des particuliers par adjudication publique.

3. Droit de balance.

L’origine de ce droit est inconnue. « Ce droit est tel, que de tout ce qui se pèse sur ladite balance se paye six priquettes faisant trois liards de Brabant, de chaque cent, lequel droit a de même toujours appartenu au corps de ladite ville de Luxembourg, sans qu’il ait onques appartenu au prince, ny qu’ils en aient de ce aucunes lettres, bien pourrait estre que ce deux points du droit de maltote de poid ou balance auront esté mis en compte du duque philippe le bon, du Ducq Charles et de l’archiducq maximilien, à raison qu’ayant iceluy ducq philippe, prince ladite ville de Luxembourg par force sur les Saxons qui la tenaient pour lors, iceluy Ducq se saisit aussi et mis entre ses mains tous les droits, rentes, priviléges et franchise d’icelle ville. » (Même déclaration.)

La perception de ce droit était également rélaissée chaque année par adjudication publique.

4. Droit de marché.

Les archives de la ville ne donnent pas davantage la moindre indication sur l’origine de ce droit. « De toutes espèces de grains, soit froment métillon, sègle, avoine, orge, pois, fèves, lentilles ou autres, ainsi que de l’avoine mondée, farine d’avoine, ou autres, exposés par qui que ce soit pour être vendus, le fermier lèvera le droit en nature, qui est d’un demi pot mesure de bierre d’un sac contenant un demi maldre, et d’une plus forte ou moindre quantité il lèvera le droit sur cette proportion, et les mesures seront ajustées à l’estoc de la ville et vérifiées de même au commencement de chaque année. Desdits droits continueront à être exemps les rentiers et autres qui vendront lesdits grains sur leurs gréniers, sans les exposer à vente aux marchés. » (Règlement du 14 septembre 1771.)

Ces droits étaient mis en régie pour le terme de deux ans.

Les grains provenant de la perception des droits de marché étaient vendus par enchère publique. (Arch. rég. 14, f. 97.)

5. Droit dit Ungelt ou Maltote.

Ce droit fut concédé à la ville par Jean de Bohème en 1346. (Arch. cartul. 8.) Il consistait en la perception d’un patard sur chaque maldre de grains vendu et exporté de la ville. En 1484 l’Ungelt avait été engagé à la ville de Metz, mais le document qui le constate a été adiré.

6. Droit de courlerie.

C’était là le prix de la vente des fonctions de courleur qui se faisait chaque année par hausse publique.

7. Relaissement de la salle de l’hôtel de ville.

Le produit de ces relaissements variaient selon l’usage pour lequel la salle était rélaissé.

8. Enlèvement des boues.

La première adjudication du droit de l’enlèvement des boues a été tenue le 16 août 1657. Antérieurement il constituait une charge de la ville, qui nommait un sergent, au traitement de quarante écus, chargé du service de l’enlèvement. Le plus ancien règlement à cet égard est du 16 mai 1603.

9. Amendes.

Les deux tiers des amendes prononcées en justice étaient dévolus à la ville.

10. Droits de bourgeoisie.

Le droit de bourgeoisie s’obtenait parmi versement, au profit du Magistrat, d’une somme de vingt-quatre florins.

11. Produits du Baumbusch.

Jusqu’en 1774 le Baumbusch ne produisait pas de bois de construction. En 1775 il fut emménagé en trente coupes. Depuis, on en vendit les fagots, la glandée et les écorces à tan. Le bois cordé était en majeure partie affecté à l’usage des employés et du service de l’administration municipale.

Les revenus de la ville furent une dernière fois réglés par l’ordonnance du 2 avril 1764, qui, en maintenant les droits que nous venons d’énumérer statue de la manière suivante : « 1. Le droit d’un demi écu continuera à être perçu sur chaque brassin de bière mais il sera payé à la recette des domaines et non à la baumaîtrie. — 2. Le dixième pot des vins et eaux-de-vie sera perçu comme par le passé. — 3. Il sera rédigé un nouveau règlement du poids bannal. »

Le plus ancien document sur la comptabilité communale est du 10 juillet 1564. Ce document propose des changements et améliorations à faire introduire en cette matière aux règlements antérieurs : « Vurſchlag uff Correktion und enderung, als umb Verbeſſerung der Statt pfennige und Inkommen, und das derſelbe fürtherhin derſelbigen Statt zu ruß treulich ingenommen und ausgegeben werden möchte. »

La comptabilité communale était des plus défectueuses. Nos ancêtres vivaient dans le régime patrialcal, sur le pied de la plus large et de la plus pleine démocratie, qui, pendant qu’ailleurs l’affranchissement ne s’obtenait que par l’insurrection, se développait chez nous à l’ombre de la tutelle bienfaisante de nos souverains. De là est venue la fidélité proverbiale des Luxembourgeois à leurs dynastes. Ils administraient la ville sans contrôle. Les rapports du Magistrat avec le gouvernement central des Pays-Bas étaient directs ; il correspondait suivant la nature des affaires avec le conseil privé ou le conseil des finances. Une pareille marche de l’administration devait naturellement faire naître beaucoup d’abus. Le gouvernement central ignorait complètement sa situation, et les vices, qui se glissaient dans le cours des temps dans la gestion de ce corps, échappaient aisément à la censure. Les seuls renseignements qui parvenaient au gouvernement central lui étaient fournis par les commissaires, qu’il chargeait de clore les comptes des villes.

Cependant Marie Thérèse chercha à rémédier à cet état des choses. À cette époque, le prince de Kaunitz-Rittberg, qui avait gouverné les Pays-Bas précédemment (sans s’être fait trop aimer des Luxembourgeois, qui immortalisèrent son administration détestable en attachant son nom aux produits manqués de notre Moselle), était chargé à Vienne des affaires de ce pays. Il proposa à la souveraine la création d’un département uniquement chargé de l’étude de l’état des administrations provinciales et municipales des Pays-Bas, de combler la lacune qui existait dans les institutions gouvernementales par rapport à la gestion de ces administrations. L’impératrice créa ce département sous le nom de « Jointe des administrations et des affaires des subsides ». Cette Jointe fut composée du trésorier général des finances comme président, du Conseiller du conseil des finances, de quatre rapporteurs et d’un secrétaire. Elle fut chargée de faire une révision complète des comptes des administrations, de veiller à l’exécution des projets résolus, de réfondre complètement les comptabilités municipales. Elle se mit à l’œuvre en 1782. Sa surveillance et son action s’exerçaient chez nous, à cette époque, au moyen de commissaires du gouvernement, qui vérifiaient et arrêtaient les comptes de la ville de Luxembourg et d’Arlon. (Ordonn. du 21 mars 1771 ; Gachard, documents inédits pour servir à l’histoire des Pays-Bas, 2e volume.)