Le procès de Marie-Galante (Schœlcher)/VII

E. de SOYE & Cie (p. 65-66).


CHAPITRE VII.

Condamnations.



Devons-nous dire maintenant que sur les 67 accusés renvoyés devant les assises extraordinaires de la Basse-Terre, 5 ont été condamnés aux travaux forcés, 16 à la réclusion, 20 à la prison, et que 26 seulement ont été absous[1]… L’accusation s’était bornée à demander 33 condamnations capitales !

Vingt-et-un des condamnés se pourvurent en cassation dès le lendemain, 19 avril 1850. Le ministère trouva bon de ne transmettre leur pourvoi au greffe de la Cour que le 31 octobre. Il a fallu au parquet de la Guadeloupe et aux bureaux de la marine six mois pour expédier un dossier ! C’est toujours six mois de plus de prison pour ceux dont l’arrêt sera cassé et qui pourront être acquittés par de nouveaux juges. Le parquet de la Guadeloupe et M. Mestro auront pensé que c’était, comme on dit vulgairement, autant de pris sur l’ennemi. Enfin la Cour de cassation, après deux audiences et une longue délibération en chambre du conseil, a rendu son arrêt le 14 décembre.

Cet arrêt casse celui de la Basse-Terre en ce qui concerne les condamnés Germain, Zami Claudie, Jean Laurent, dit Gringrin, Guillaume Saint-Cyr, Lucien, Louis Remy, Arsonneau et Jean Pierre, et les renvoie devant les assises de Fort-de-France.

L’arrêt est cassé pour avoir refusé de poser les questions d’excuse légale résultant de provocations par coups et violences envers les accusés, ou de leur retraite à première sommation des autorités, nonobstant les conclusions prises par leurs défenseurs pour que ces questions fussent posées.

Le pourvoi est rejeté à l’égard des autres condamnés, auxquels ne pouvaient profiter les questions d’excuse légale.

Le jugement qui frappe le principal accusé, M. Alonzo, devient ainsi définitif. En effet, acquitté sur seize chefs de complicité dans les divers faits incriminés, il avait été déclaré coupable seulement d’avoir provoqué à la rébellion par machination et artifices. C’est pour ce fait qu’il a été frappé de dix années de réclusion !

M. Alonzo est un grand et noble caractère ; il supportera sa peine avec stoïcisme. L’espoir, d’ailleurs, est au fond de son cœur aussi bien qu’au fond du nôtre.

Les jugements humains sont faillibles, et les grandes réparations consolent les grandes infortunes. L’histoire contemporaine est féconde en exemples de ce genre. Qu’était M. A. Marrast, président de l’Assemblée constituante ? Un ancien condamné à la déportation ! Combien d’hommes, qui sont aujourd’hui revêtus du plus beau titre qui soit dans une république, celui de représentant du peuple, ont été, à différentes époques, atteints par les rigueurs de la loi ! Quand les passions seront apaisées, c’est notre conviction profonde, l’opinion publique ne sera pas plus injuste, pour le condamné de 1850 et plusieurs de ses compagnons, qu’elle ne l’a été pour tant d’autres tombés victimes des discordes civiles.


  1. Voir aux annexes, lettre C, les noms des condamnés et le détail des peines prononcées.