Le ministre de la police générale de la République, aux administrations départementales et municipales

LE MINISTRE

DE LA POLICE GÉNÉRALE

DE LA RÉPUBLIQUE,

AUX ADMINISTRATIONS

DÉPARTEMENTALES ET MUNICIPALES.




Citoyens Administrateurs,

Pour que l’ordre s’établisse, pour accélérer le moment qui verra réaliser nos vœux et nos espérances, pour écarter de la République tous les périls, il faut un concours d’efforts, de dévouement et de sacrifices ; il faut que les lois s’exécutent, que les contributions s’acquittent ;

Il faut étouffer les divisions, faire taire jusqu’aux dissentimens, et pacifier toutes les parties de la République.

Sans doute elle est sévère la loi répressive du brigandage ; aussi n’est-ce qu’avec douleur que je vous invite à en provoquer l’application : mais que ceux qui calomnient cette loi, trouvent un mode plus doux de prévenir et d’empêcher la dévastation et l’assassinat !

Au lieu de rester tranquilles spectateurs du massacre des Républicains, au lieu de se faire soupçonner de complicité au moins par leur froide indifférence, pourquoi les citoyens ne s’arment-ils pas pour combattre les assassins ?

Leur nombre est petit : la plupart ne sont pas Français ; ce sont des scélérats sans patrie, des étrangers que l’Angleterre a vomis sur nos côtes, et qui ont grossi leurs hordes sanguinaires, en obligeant, par l’épouvante, à marcher avec eux.

Propriétaires paisibles, cultivateurs estimables, citoyens de tous les états, armez-vous pour les détruire, au lieu de combattre à leurs côtés ; soyez les défenseurs de vos foyers, au lieu d’en devenir les incendiaires.

Prévenez, par ce dévouement, l’action d’une loi que le Gouvernement n’adopte que comme le remède extrême d’un mal terrible.

Et vous, parens des émigrés, qui vivez sur le sol français, votre intérêt même doit vous porter à le défendre. Rappelez-vous comment ces puissances étrangères caressent vos passions, attisent vos ressentimens, vous abandonnent au premier revers, vous sacrifient aux plus faibles considérations, vous immolent aux plus sordides calculs : instrumens méprisés du mal qu’elles font par vous à la France, elles veulent lui nuire et non pas vous servir, la dévaster et non pas vous protéger.

Malheureux qui, dans votre égarement ou votre faiblesse, vous unissez aux bourreaux de votre pays, vous répandez pour le déchirer plus de sang qu’il ne vous en eût coûté pour le défendre ; vous payez la honte attachée au nom de rebelle et de traître, plus chèrement que vous n’eussiez acquis la gloire qui eût récompensé votre civisme et votre bravoure.

Sans doute elle paraît dure la loi qui ajoute à des charges pesantes, l’obligation de contribuer à l’emprunt de cent millions.

Mais si vos administrés ont du patriotisme, s’ils aiment la liberté, ils se plairont à lui faire un nouveau sacrifice ; ils ne peuvent se dissimuler qu’ils seraient frappés par l’étranger vainqueur, d’une manière plus terrible encore.

Qu’ils songent aux énormes contributions dont l’avidité des chefs et des soldats a déjà calculé, fixé le produit ; qu’ils songent que c’est par le pillage que les généraux ennemis récompensent leurs dociles automates.

Représentez-leur, Citoyens Administrateurs, ces sauvages du Nord entrant dans leurs foyers, faisant fuir devant eux leurs familles épouvantées.

Qu’ils se demandent si, pour prévenir ces affreuses calamités, il ne faut pas des secours pécuniaires. La nécessité a commandé l’emprunt forcé au Corps législatif ; elle commande aux contribuables de l’acquitter. L’homme libre, le patriote apportera avec joie son tribut ; que l’homme froid, l’avare même, le paient avec résignation, s’ils ne peuvent le faire sans regret : leurs personnes et leurs propriétés sont menacées ; qu’ils donnent comme rançon ce qu’ils ne veulent pas donner comme offrande.

Mais que ceux qui ne paient à l’État que le tribut d’une portion de leur fortune, comparent leurs sacrifices à celui des braves Conscrits que la loi appelle à verser leur sang pour la patrie.

C’est avec un douloureux respect pour les saintes affections de la nature, qui se taisent devant les besoins de la patrie, que je vous rappelle cette loi, gage de la victoire et de la paix.

Sans doute, tous les cœurs s’attendrissent avec les parens qui donnent à la Nation un fils, leur unique espérance, ou le seul enfant qui leur reste, et qui eût pu les aider, les secourir dans l’hiver de leurs ans.

Mais ce n’est pas seulement à la patrie que se fait ce pénible et cruel sacrifice ; c’est encore à nos frères d’armes, qui frémissent devant l’ennemi de l’impuissance de leurs efforts, rendus inutiles par l’ascendant du nombre.

Pères aveugles, qui, dans les calculs irréfléchis de vos affections, arrêtez le départ du dernier de vos fils prêt à rejoindre les autres, vous croyez sauver un de vos enfans, vous en sacrifiez plusieurs ; et ceux qui font déjà partie de l’armée, périssent faute de secours, en maudissant l’abandon où vous les laissez.

Les Conscrits qui retardent, hésitent ou refusent de marcher où on les appelle, coupables envers la loi, la patrie et l’honneur, sont aussi coupables envers la nature ; ils sont les assassins de leurs frères, de leurs parens, de leurs amis, de tous ceux qui, avec leur secours, auraient remporté la victoire, et n’obtiennent que la gloire d’une mort que leur dernier soupir reproche à ceux qui auraient dû les secourir.

Citoyens Administrateurs, vous ne pouvez trop le répéter à vos concitoyens : l’égoïsme, la manie de l’isolement, qui a gagné les classes, les familles, les individus, est la source la plus feconde de nos maux ; elle est l’espoir de nos ennemis. C’est sur l’égoïsme que toutes les tyrannies ont fondé leurs trônes et dressé leurs échafauds : c’est sur les effets de ce sentiment destructeur de la force sociale, que nos ennemis établissent leurs espérances : ils seront vaincus le jour où les Français l’auront abjuré.

Que tous les Républicains se rapprochent de leurs Représentans, de leurs Magistrats ; alors, armés de la force, puissans de la volonté de tous les citoyens, ils arrêteront le funeste effet des factions royales que solde l’étranger pour entraver la marche du Gouvernement, ralentir son action, et rendre ses efforts inutiles.

Fouché.









À PARIS, DE L’IMPRIMERIE DE LA RÉPUBLIQUE.
Fructidor an 7.