Anonyme
Le livre des petits enfantsJohn Wiley (p. 133-143).


LA BIBLE DU PETIT GARÇON


Savez-vous, mes chers enfants, le bonheur qu’il y a d’avoir une Bible à soi ? Tous les trésors du monde ne valent pas ce bien précieux ! Songez que c’est la Parole de Dieu, cette parole qui nous dirige, qui nous console, qui nous fortifie, qui nous réjouit ! Il y a des gens qui donneraient beaucoup pour avoir une Bible. On m’a raconté avant-hier l’histoire d’une jeune fille qui demandait comment elle pourrait s’en procurer une.

Elle habitait un petit village, dans les montagnes de l’Aveyron ; et là on n’a pas le bonheur de voir arriver les colporteurs qui apportent des Bibles aux habitants. On lui dit qu’à Nîmes on lui en vendrait une pour trois francs.

Cette pauvre jeune fille n’avait point d’argent ; mais elle avait deux lapins à elle. Elle résolut donc d’aller à pied à Nîmes, qui est à vingt-cinq lieues de son village ; et elle emporta ses deux lapins avec elle. Arrivée dans cette ville, elle alla chez un Libraire, et lui proposa d’échanger ses deux lapins contre une Bible, à quoi il consentit. Toute réjouie de son marché, elle revint dans ses montagnes, heureuse d’avoir en sa possession le Livre précieux qu’elle désirait depuis si longtemps !

Je vais aujourd’hui vous parler d’un petit garçon de votre âge, dont la joie fut aussi bien grande, quand il eut à lui le livre de Dieu. Il s’appelait Amon ; il avait quatre ans quand il perdit ses parents. Il alla demeurer avec son Grand-Père, vieillard plein de piété, qui le faisait lire dans sa grande Bible toute usée, et qui l’entretenait ensuite de ce qu’il avait lu, et de l’amour que Dieu nous a montré, en envoyant son Fils aux hommes pour les sauver.

Ce grand-père mourut subitement ; Amon fut bien affligé. Sa Grand’Mère et lui se trouvaient bien seuls, et tous deux cherchèrent des consolations dans la vieille Bible du Grand-Père. Le jeune enfant l’ouvrit à la résurrection de Lazare. La pauvre Grand’Mère pleura beaucoup en se couvrant le visage de son tablier ; mais quand elle entendit ces paroles : Ton frère ressuscitera, elle parut consolée. Amon ne comprenait pas bien encore ce qu’il lisait ; plus tard il comprit que sa Grand’Mère se réjouissait de revoir un jour celui qu’elle avait perdu, puisque ceux qui aiment Dieu ressusciteront tous pour être revêtus d’un corps immortel et glorieux.

À dix ans il suivit un Berger, et menait paître son troupeau. Il avait appris à tricoter, et faisait un bas en gardant ses brebis ; ce qui lui rapportait quinze ou vingt centimes par jour. Il ne lui manquait qu’une Bible pour être tout-à-fait heureux ; mais comment pourrait-il l’acheter, n’ayant point assez d’argent pour cela ?

Il allait aux écoles du Dimanche. Le Maître était un vieillard pieux qui lui parlait sans cesse de l’amour que nous devons avoir les uns pour les autres, et de l’amour que nous devons avoir pour Jésus-Christ, qui nous a tant aimés lui-même.

Amon lui confia le désir qu’il avait d’acheter une Bible, et lui avoua qu’il gagnait si peu, qu’il ne pouvait espérer d’en avoir une de long-temps. Le Maître lui conseilla de se lever plus tôt le matin et de se coucher plus tard, afin de faire plus d’ouvrage.

Il lui indiqua aussi un endroit où il trouverait du cresson, et lui dit que s’il pouvait l’apporter de bonne heure les jours de marché, il était sûr que les filles des fermiers le lui achèteraient pour le porter avec leur beurre à la ville. Il ajouta qu’il lui garderait son argent à mesure qu’il le gagnerait. Puis il lui promit que, quand il aurait la somme nécessaire pour l’achat d’une Bible, il le mènerait chez un Libraire pour en choisir une. La Grand’Mère, qui, de son côté, était contente d’Amon, lui donnait de temps en temps cinq centimes ; ce qui grossissait son petit trésor.

Cette pauvre Femme tomba malade, et garda le lit plusieurs semaines ; elle ne put rien gagner pendant ce temps ; puis au moment de payer son loyer, le Propriétaire, qui était un homme dur, lui envoya demander le montant de ce qu’elle lui devait, et ne lui donna que jusqu’au soir pour se procurer l’argent nécessaire. Quand son petit-fils rentra à la maison, elle lui raconta ce qui s’était passé. « Si je ne puis payer les six francs que je dois, lui dit-elle, on va saisir notre lit, notre couverture déchirée et le vieux rouet qui nous fait vivre. »

À peine eut-elle achevé ces mots, qu’Amon s’élance hors de la chambre en s’écriant : « Je les ai ! je les ai ! » Il alla trouver son Maître, et lui dit : « Monsieur, j’ai besoin de l’argent que vous avez à moi. Vous allez être bien étonné, quand vous saurez que ce n’est pas pour acheter une Bible ; c’est pour secourir ma Grand’Mère, qu’on va chasser de chez elle, si elle ne paie pas son loyer. Ne vaut-il pas mieux encore faire ce que nous enseigne la Parole de Dieu que d’avoir une Bible à moi ? » Le vieillard fut touché jusqu’aux larmes en l’écoutant. Il posa sa main sur la tête du jeune garçon, et lui dit : « Que le Seigneur te bénisse, et que ta vieillesse soit remplie de gloire et de bonheur ! » Amon porta bien vite son argent à sa vieille Mère, qui le reçut avec joie quand le Maître l’assura qu’il l’avait gagné honnêtement.

Vers la fin de l’automne une jeune Dame en grand deuil vint s’établir dans le village. Elle avait perdu son mari, qui avait été tué dans une bataille. Un jour qu’elle se promenait près de l’endroit où Amon faisait paître son troupeau, elle dit à la personne qui l’accompagnait : « Voilà un enfant qui sûrement ne connaît pas le chagrin ! — Oh si ! Madame, je l’ai connu, répondit le petit garçon : j’ai perdu mon Grand-Père, que j’aimais de tout mon cœur ; ma Grand’Mère est bien malade, et je ne puis venir à bout d’amasser assez d’argent pour acheter une Bible. — Quand ton Grand-Père est-il mort ? demanda la Dame. — Il y a quelques mois. Mais ce n’est pas là le plus grand malheur, puisqu’il est allé vers Dieu vers son Sauveur, et que la Bible me dit que j’irai le rejoindre un jour. »

La jeune Dame s’éloigna en regardant Amon avec bonté. Et, le soir, quand elle se fut informée de la demeure de la grand’mère, elle lui envoya de l’argent, des remèdes et des provisions. Jugez, mes chers amis, du bonheur de cette pauvre Femme, qui recevait tout ce qui lui était nécessaire.

La jeune Veuve vint le dimanche à l’École. Elle parla au Maître, et regarda en souriant son petit Élève, qui fut bien joyeux quand le Maître lui montra l’argent que la Dame lui avait remis pour lui. Ce brave et pieux Enfant se jeta aussitôt à genoux pour remercier Dieu de ce qu’il avait inspiré à sa Bienfaitrice la bonne pensée de lui donner de quoi avoir une Bible à lui ; puis, après avoir été chez elle pour lui témoigner sa reconnaissance, il alla bien vite faire l’emplette de ce Livre précieux.