Anonyme
Le livre des petits enfantsJohn Wiley (p. 104-109).


LE TABAC.


Vous ne savez pas que le Tabac est une plante qui nous vient d’Amérique ! Elle est plus haute que vous, et ses fleurs sont d’un rose pâle ; ce sont ses feuilles que l’on cueille et qu’on fait sécher pour en faire des carottes et des cigares. On râpe les carottes et l’on en prend la poudre par le nez. Vous savez qu’on fume les cigares.

Quand les Espagnols découvrirent le grand pays de l’Amérique, ils s’aperçurent que les habitants de cette partie du monde fumaient presque tous. Beaucoup d’hommes en France ont fait comme eux ; mais devons-nous suivre l’exemple des peuples sauvages ? Il y en a qui mangent de la chair humaine, et pourtant nous ne les imitons pas…

Les Espagnols apportèrent le Tabac en Europe il y a plus de quatre cents ans. Quand on commença à le prendre par le nez, on trouva cela si affreux, que plusieurs Souverains le défendirent à leurs sujets, et condamnèrent ceux qui en prendraient à avoir le nez coupé. En Prusse, en Allemagne, on dit qu’il n’est pas permis de fumer dans les rues et sur les places, on ne peut fumer que chez soi. Ceux qui ont cette mauvaise habitude se font beaucoup de mal : ils s’exposent à avoir des attaques d’apoplexie, et il leur vient quelquefois des plaies sous le cou. Une jeune fille qui s’était reposée sur des paquets de tabac, éprouva de grandes douleurs dans la tête, et rendit beaucoup de sang par le nez et par la bouche.

Le Tabac noircit les dents, et il fait mal au cerveau et à la poitrine. Un petit garçon, nommé Tony, qui était de votre âge, avait passé la nuit dans une chambre où on avait râpé du tabac ; eh bien ! mes chers amis, ce pauvre enfant mourut après des convulsions affreuses.

Si l’on ne rejetait pas la fumée du tabac, on deviendrait ivre comme ceux qui ont bu trop de vin. Quand on a fumé long-temps, il arrive aussi quelquefois qu’on tombe et qu’on s’endort ; puis, en se réveillant, on a des vomissements et l’on prend des convulsions, comme le pauvre petit garçon dont je viens de vous conter l’histoire.

Vous voyez donc, mes chers enfants, que le Tabac est une mauvaise chose, et peut nous rendre bien malades. Ceux qui en prennent par le nez, finissent par ne plus rien se rappeler ; ils ne peuvent plus sentir le parfum des fleurs, et deviennent très maigres. En Allemagne, il y a des gens qui ont pris tant de tabac, qu’ils sont devenus aveugles et paralytiques.

Ainsi, mes amis, quand vous serez grands, il ne faudra ni fumer, ni prendre du tabac par le nez. Je connais des personnes qui ne peuvent supporter l’odeur de la pipe, et dont vous seriez bien mal reçus, si vous vous approchiez d’elles un cigare à la bouche ; et puis, n’est-on pas coupable de dépenser ainsi son argent quand on n’en a pas assez pour vivre ? Un cigare coûte au moins cinq centimes ; il y a des gens qui en fument huit par jour : voilà donc par an cent quarante-six francs employés à fumer, et pour cette somme vous auriez quatre cent soixante-huit kilogrammes ou neuf cent trente-six livres de pain.

Vous trouverez comme moi qu’il vaut bien mieux acheter du pain pour se nourrir que des cigares pour fumer.