Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abimelech


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Sommaire

ABIMELECH, c’étoit un nom commun à tous les rois de Gerare, comme le nom de Pharaon l’étoit à ceux d’Egypte, & ce nom signifie mon pere est roi. Achis roi de Geth, vers lequel David s’étoit retiré, III. Reg. 21, v. 12, est appellé Abimelech dans le titre du pseaume 33.

ABIMELECH, roi de Gerare, ville entre les déserts de Sur au couchant, & de Cadés à l’orient, dans l’Arabie Pétrée. Abraham s’etant retiré dans ce pgys, fit passer Sara pour sa sœur : elle étoit alors âgée de 90 ans, mais elle conservoit encore toute la fraîcheur de la jeunesse. Abimelech la fit enlever pour en jouir ; mais le Seigneur lui apparut en songe pendant la nuit, & lui dit qu’il seroit puni de mort à cause de la femme qu’il avoit enlevée. Abimelech, qui ne l’avoit point touchée, la rendit aussitôt à son mari ; se plaignant de ce qu’il lui avoit dissimulé qu’elle éwit sa femme, & de ce qu’il disoit qu’elle étoit sa sœur. Abraham s’excusa sur ce qu’elle étoit aussi véritablement sa sœur, étant fille de son pere, & non pas de sa mere, & sur l’habitude où elle étoit de se nommer par-tout sa sœur. Abimelech en rendant à Abraham sa femme, lui fit des présens de brebis, de bœufs, de serviteurs, de servantes, & lui donna mille piéces d’argent, reprochant à Sara la dissimulation dont elle avoit usé avec lui. Il lui permit aussi de demeurer en tel lieu de son royaume qu’il voudroit choisir. Abraham fit des prieres pour Abimelech. Dieu l’exauça, & la femme & les servantes d’Abimelech furent guéries de la plaie dont Dieu les avoit affligées : car Dieu les avoit toutes rendues stériles à cause de l’enlevement de Sara. Genes. 20. Joféphe, à son ordinaire, a ajouté à cette histoire des circonstances de son invention. Il dit que Dieu, pour éteindre l’ardeur de la convoitise d’Abimelech, lui envoya une grande maladie qui mit à bout toute la science des médecins ; & qu’averti en songe de ne rien faire à cette femme, il déclara à ses amis la cause de cette maladie. Cela ne s’accorde nullement avec la narration de Moïse, qui ne parle point de cette punition, & dit au contraire qu’aussitôt qu’Abimelech fut éveillé, quoiqu’il fût encore nuit, ce prince appella tous ses serviteurs pour leur communiquer ce que Dieu lui avoit appris en songe pendant la nuit. Il ne paroît pas même par le texte qu’Abimelech ait été frapé d’aucune incommodité : car quoiqu’il soit dit dans le verset 17, Dieu guérit Abimelech, sa femme & ses servantes, & elles enfanterent, il n’est fait mention dans le verset suivant que de l’incommodité des femmes : Concluserat enim Dominus omnem vulvam domûs Abimelech, propttr Saram uxorem Abrahæ. La guérison consiste, en que les femmes conçurent ou enfanterent comme auparavant, & la maladie, en ce qu’elles ne pouvoient concevoir ou enfanter : je dis l’un des deux, parceque le texte hébreu peut s’expliquer de l’un & de l’autre. Les rabbins ont encore enchéri sur la pensée de Joséphe: ils disent que tous les hommes du pays d’Abimelech se trouverent non-seulement hors d’état d’exercer aucune fonction virile, tant envers Sara, qu’envers toute autre femme, mais même que tous les conduits du corps furent bouchés dans les hommes & dans les femmes de la maison d’Abimelech : de sorte que rien ne pouvoit y entrer ni en sortir ; on ne pouvoit plus ni manger ni boire, ni soulager les nécessités de la nature. En rejettant ces imaginations, il reste une difficulté, savoir commént on connut que les femmes ne pouvoient plus concevoir ou enfanter. Si l’on entend le texte de la faculté de concevoir, il faudroit que Sara eût demeuré plus long-temps avec Abimelech ; si on l’entend de la difficulté d’enfanter, il semble que l’on devroit supposer que toutes les femmes de la maison d’Abimelech se trouverent grosses au temps de l’enlevement de Sara. Le moyen le plus facile de résoudre cette difficulté, est de dire que Dieu frapa de stérilité les femmes de la maison d’Abimelech, aussitôt après l’enlevement de Sara : que cette punition dura encore quelque temps, même après qu’il l’eut rendue, & que la priere que fit Abraham de leur rendre la fécondité, ne fut faite que quelques mois après qu’Abimelech lui eût rendu sa emme. * Genes. 20. Joséphe, cap. 22, l. I antiq. Judaïc.

ABIMELECH. Ce nom étant commun à tous les rois de Gerare, il est difficile de savoir si celui qui vint trouver Abraham avec Phicol général de son armée dans le désert de Pharan pour faire alliance avec ce patriarche, & qui la consomma à Bersabée, étoit le même que celui dont nous venons de parler, ou s’il étoit son successeur. Ce traité fut fait après qu’Abraham eut renvoyé Ismaël, c’est-à-dire, environ dix ans après que Sara eût été enlevée par Abimelech. Il se peut faire que pendant ce temps-la le premier Abimelech soit mort, & que son fils lui ait succédé. Ce qui pouroit le faire croire, c’est qu’il étoit accompagné de Phicol son général d’armée, qui se trouva aussi présent au traité d’alliance qui fut fait entre Abimelech & Isaac fils d’Abraham ; mais Phicol peut être le nom commun des généraux d’armée de Gerare, comme Abimelech celui des rois. Pour l’Abimelech qui traita avec Isaac, il est différent de celui qui avoit enlevé Sara, & on ne doit pas les confondre, comme a fait Joséphe ; car ce traité ne fut fait que long-temps après la mort d’Abraham, & est rapporté dans la Genèse au temps qui suivit la vente que fit Esaü de son droit d’aînesse à Jacob, & par conséquent 80 ans après qu’Abimelech eut enlevé Sara ; car alors Isaac n’étoit pas encore né ; il n’eut Esaü & Jacob qu’à l’âge de soixante ans : & lorsqu’Esaü vendit son droit d’aînesse, il étoit déja grand & pouvoit avoir l’âge de vingt ans, puisqu’il alloit à la chasse. Ainsi si c’étoit le même Abimelech, il faudroit qu’il eût eu environ six-vingts ans, ce qui n’est pas probable : outre qu’il n’y a pas d’apparence qu’il se fut laissé surprendre par Isaac, de la même maniere qu’il l’avoit été autrefois par Abraham, en prenant la femme d’Isaac pour sa sœur, parcequ’il lui donnoit ce nom, comme son pere l’avoit donné à Sara. S. Chrysostôme, qui croit que c’est le même Abimelech qui fut surpris deux fois, lui fait faire des reproches à Isaac de ce qu’il l’avoit trompé de la même maniere qu’avoit fait son pere Abraam ; mais c’est un ornement que ce pere a imaginé pour embellir la narration, qui n’a aucun fondement dans le texte de l’écriture. Elle dit simplement, qu’Isaac dans le temps d’une grande famine vint à Gerare avec sa femme Rebecca, & qu’il y demeura par l’ordre de Dieu ; qu’il dit aux habitans que Rebecca étoit sa sœur, de peur qu’ils ne la fissent mourir à cause de sa beauté ; qu’après y avoir demeuré un temps considérable, Abimelech roi de Gerare ayant apperçu Isaac &c Rebecca qui en usoient ensemble familierement comme mari & femme, lui avoit fait des reproches de ce qu’il l’avoit appellée sa sœur, & de ce qu’en lui imposant ainsi, quelqu’un auroit pu abuser de sa femme, & attirer par-là un grand crime sur la nation : qu’en même temps il défendit sous peine de mort à tous ses sujets de faire aucune injure à Rebecca ; qu’Isaac ayant semé dans ce pays, y fit une abondante récolte, s’y enrichit, & y eut un grand nombre de troupeaux, de serviteurs &c de servantes ; que les Philistins, jaloux de sa prospérité, comblerent les puits que les esclaves de son pere Abraham avoient creusés ; qu’Abimelech lui-même dit à Isaac de se retirer : qu’Isaac ayant quitté ce pays, vint au torrent de Gerare pour y demeurer ; qu’il y fit déboucher les puits que son pere avoit creusés ; qu’il en creusa deux autres dont les pasteurs de Gerare s’emparerent, & un troisiéme qui ne lui fut point disputé ; qu’il retourna de-là à Bersabée, où le roi Abimelech, Ochozath son favori, & Phicol général de son armée, vinrent faire alliance avec lui. * Genes. 26. Ce qu’il y a de remarquable dans ces histoires, c’est qu’il paroît par-là que la connoissance du vrai Dieu n’étoit pas encore entierement éteinte dans cette nation.

ABIMELECH, fils naturel de Gédéon, qui l’avoit eu d’une servante nommée Druma. Après la mort de son pere il alla à Sichem, lieu de la naissance de sa mere. Ses parens, pour lui faciliter les moyens de regner, lui donnerent une somme d’argent, qu’il employa à gagner les plus méchans hommes du pays. Ensuite étant revenu dans la maison de son pere, il tua soixante & dix fils légitimes, que Gédéon avoit eu de diverses femmes : on cacha Joathan, qui fut le seul qui se sauva. Alors Abimelech usurpa la domination, & exerça les dernieres violences. Quelques jours après, le Jeune Joathan, ayant appris que les Sichimites étoient assemblés à la campagne, près de la montagne de Garizim, parut tout-à-coup sur le haut de ce mont, & leur reprocha leur ingratitude, se servant de la comparaison des arbres d’une forêt, qui voulant avoir un roi, s’adresserent d’abord à l’olivier, ensuite au figuier, & après à la vigne, sans que pas un de ces trois arbres voulût accepter leur demande : ce qui les obligea enfin de s’adresser au buisson, qui accorda toutes choses, & leur promit de les couvrir de son ombre. Il termina son discours, en souhaitant que si Dieu n’approuvoit pas le choix des Sichimites, il sortît d’eux un feu qui dévorât Abimelech, & d’Abimelech un feu qui dévorât les habitans de Sichem & la ville de Mello. Dieu exauça ses prieres. Trois ans après, les Sichimites lassés des cruautés d’Abimelech, le chasserent de leur ville, & crurent être à couvert de son ressentiment, en se mettant sous la protection d’un seigneur nommé Gaal. Mais Abimelech surprit Gaal, mit son armée en fuite, passa les habitans au fil de l’épée, détruisit cette ville de fond en comble, & sema du sel à l’endroit où elle avoit été bâtie. Ensuite il fit brûler la tour de Sichem, & le temple de leur dieu Berith, autour duquel Abimelech fit mettre le feu, qui consuma plus de mille personnes, tant hommes que femmes. Il assiégea ensuite une autre ville nommée Thèbes. Comme il vouloit mettre le feu à une tour, dans laquelle les plus considérables des habitans s’étoient renfermés, il fut blessé mortellement d’un éclat de meule de moulin, qu’une femme jetta sur lui, & qui lui fit sortir la cervelle de la tête ; mais ne voulant pas qu’il fut dit qu’il étoit mort de la main d’une femme, il commanda à son écuyer de le tuer. L’écuyer lui obéit. Il périt ainsi l’an du monde 2081, avant Jesus-Christ 1234. * Juges 9. Josephe, l. 5, antiq. chap. 9, &c.


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