Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume III/Chapitre I/II


 
Traduction de James Darmesteter

Édition : Musée Guimet. Publication : Ernest Leroux, Paris, 1893.
Annales du Musée Guimet, Tome 24.


INTRODUCTION
CHAPITRE I
L’Avesta moderne et l’Avesta sassanide
II.
Ce qui reste des septs Nasks gâthiques (le Stôt Yasht en entier ; — 3 Fargards du Bak ; — 4 Fargard du Varshtmânsar ; — 5 chapitres du Hâdhôkht ; — fragments du Sûtkar et du Spand ; — rien du Vashtag).


II

Les sept Nasks gathiques, ainsi nommés « parce qu’ils sont faits pour les Gâthas » 6[1] c’est-à-dire qu’ils sont le développement ou le commentaire des Gâthas, sont :

le Stôt Yasht ;

le Sùtkar ; le Varsht-mânsar ;

le Bak ;

le Vashtag :

le Hàdhôkht ;

le Spand.

Le Stôt Yasht, en zend Staota yêsnya, ainsi que nous l’avons déjà vu (vol. I, lxxxvii. nous est conservé intégralement dans le Yasna : il contient trente-trois chapitres : ce sont les Gàthas proprement dites, qui forment vingt-deux chapitres, en y comprenant les trois prières capitales (Ahuna vairya, Ashem vohû, Yêrihê hâtàm) 1[2] : elles sont en vers et écrites dans un dialecte spécial, dit le dialecte des Gàthas. Les onze autres chapitres sont en prose et en dialecte vulgaire.

Le Sûtkar, le Varshtmànsar et le Bak contiennent chacun vingt-deux chapitres, correspondant aux vingt-deux Gàthas. Le Bak et le Varshtmânsar sont de véritables commentaires des Gàthas. le premier plus serré 2[3], le second très indépendant et plus semblable à une collection de paraphrases ou de méditations édifiantes. Le rapport entre les vingt-deux chapitres du Sâtkar et les vingt-deux Gàthas est artificiel et non naturel.

11 nous reste trois chapitres du Bak 3[4], les trois premiers : ce sont des commentaires aux trois prières, l’Ahuna, l’Ashem et le Yênhê hâtàm : ils ont été insérés dans le Yasna, dont ils forment les Hàs XIX, XX et XXI. La correspondance exacte entre l’analyse pehlvie de ces trois chapitres du Bak et le contenu des Hàs XIX-XX-XXI du Yasna 4[5], jointe au fait que ces trois Hàs portent le nom de Bakân Yasht, établit avec certitude l’identité des trois Hàs du Yasna avec les trois premiers Hàs du Bak 5[6]. Le Varsht mânsar est représenté dans notre Avesta par le Fragment VI de Westergaard, qui n’est autre que le dernier Fargard du Varsht mânsar 1[7]. C’est une glorification de la prière Airyama ishyô, correspondant au dernier chapitre des Gàthas (Hâ LIV), qui est constitué par cette prière même.

Le Sûtkar, cité à plusieurs reprises dans la littérature pehlvie, est représenté dans l’Avesta par un fragment de la légende de Kai Kàùs. Ce fragment appartient à la fin du dernier Fargard, lequel est consacré à des légendes relatives à l’Airyama ishyô 2[8].

Tous les fragments qui nous restent de ces trois Nasks, les trois qui sont le plus intimement liés aux Gâthas, sont conçus dans le dialecte vulgaire : ce qui donne lieu de penser que les Gâthas ne sont pas seulement aujourd’hui, mais étaient déjà, à l’époque sassanide, le seul texte conçu dans le dialecte spécial.

Il ne nous reste rien du Vashtag, ni directement, ni indirectement. Le Dînkart n’en donne point d’analyse, parce que, dit-il, « ni son Avesta, ni son Zend (c’est-à-dire ni le texte, ni la traduction) ne nous ont été transmis d’une façon authentique » 3[9].

Le Hâdhôkht 4[10] est représenté par un chapitre sur l’efficacité de l’Ashem vohû (Yt. XXI), par un chapitre sur le sort des âmes après la mort (Yt. XXII), par la Srôsh Yasht Hâdhôkht. (Yt. XI), par l’Afringân Gâhânbâr 5[11], par le Fshûsha-màthra (Yasna LVIII), par un fragment cité dans le Saddar 6[12]. Le Yasna même le cite par son nom, Hadhaokhta 7[13].

Le Spand 8[14] est consacré à l’histoire de Zoroastre, de sa naissance, de sa mission, de ses conférences avec Auhrmazd, de la révélation ; à la vision qu’il a de l’enfer avec ses châtiments et ses récompenses ; à la propagation du Zoroastrisme sur la terre ; à l’histoire des trois fils futurs de Zoroastre, à la résurrection. Le Spand n’est point représenté directement dans l’Avesta, sauf sans doute par les Fragments du Yendidad pehlvi VII, 52. Mais c’est la source d’une section importante de la littérature pehlvie : le livre VII du Dînkart qui conte l’histoire de Zoroastre en est tiré et l’Ardà Virâf, avec ses descriptions de l’enfer, en est très probablement dérivé 1[15].


  1. 6. mâ ol gâsân obdûnt yakôyamûnêt ; ceci ne semble s’appliquer qu’aux six premiers ; le septième et dernier, le Spand, est « rendu gathique » gâsânîk obdûnt ; c’est-à-dire sans doute qu’il n’est pas directement inspiré des Gàthas, comme les autres : il traite de la légende de Zoroastre.
  2. 1. Contenant les 17 Hàs gatbiques proprement dits, les 7 Hàs du Yasna Haptañhaiti comptés pour un seul. l’Airvama ishyô et les trois prières.
  3. 2. Aussi l’analyse du Yarshtmànsar a été un de nos principaux secours pour l’élucidation des Gàthas vol. I, ciii-civ.
  4. 3. Analyse du Bak dans le Dînkart, IX. 47-08.
  5. 4. Voir West. l. l., pp. 303-310, 453-454.
  6. 5. Le nom du Bak est probablement bagha, nom donné, semble-t-il, à la prière divine (vol. I, 164, note 17).
  7. 1. Voir plus bas, p. 4. — Analyse de Varshtmânsar dans le Dînkart, IX, 24-46.
  8. 2. Voir plus bas, p. 37 (Fragments du Vd. pehlvi II, 6). — Analyse du Sûtkar dans le Dînkart, IX, 2-23.
  9. 3. Vashtag Apastâk Zand pun dastobar ol lanâ lâ patrast (VIII, 12, 1).
  10. 4. Analysé dans le Dînkart, VIII. 45.
  11. 5. D’après l’Afrin Gâhânbâr.
  12. 6. Voir plus bas, Fragments divers.
  13. 7. Yasna LIX, 31 : cf. Vp. I, 8, note 48.
  14. 8. Analysé dans le Dînkart, VIII, 14.
  15. 1. Cf. le § 8 de l’analyse du Dînkart. L’épisode de Davàs (Ardâ Vîrâf, XXXII) se trouvait dans le Spand (Sâdyast-lâ-Shâyast, XII, 29) : il est tiré par voie édifiante d’un passage des Gàthas (XXXI, 10).