Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ34.

Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 250-255).




HÂ 34 — GÂTHA AHUNAVAITI 7


1-4. Le fidèle offre à Ahura les pensées, les paroles, les actions qui réalisent les vertus des Amshaspands : les œuvres du juste dont l’âme est pénétrée de la sainteté (§ 2), du sage parfait qui en toute chose sert Ahura et les siens (§ 3). Ainsi, à l’heure du jugement dernier, il pourra affronter sans crainte l’épreuve du bain dans le métal brûlant où passent tous les hommes (§ 4).

4. Il met son pouvoir au service d’Ahura en entretenant ses pauvres et lui demande un signe d’évidence auquel faire reconnaître la vérité (§ 6) : car le vrai don à Ahura, c’est d’enseigner sa loi (§ 7). Horreur de l’hérétique, du négateur, qui égare le peuple (§ 8). Celui qui, connaissant le bien, ne le suit pas, est pire que les bêtes brutes (§ 9) ; le sage est celui qui fait embrasser aux autres les œuvres du bien (§ 10).

11-15. Zoroastre termine en demandant à Ahura de lui enseigner les règles du culte et la voie du bien où les justes trouveront un jour la récompense suprême ; il lui demande l’intelligence dans la vertu et la connaissance des œuvres et des paroles excellentes par lesquelles le fidèle pourra travailler à amener à la fin des temps le triomphe d’Ahura et le renouveau du monde (la Frashô-kereti).


Dînkart, IX, 11 (Sûtkar) ; 34 (Varshtmânsar) ; 55 (Bak).

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1. Yâ shyaothanâ. — Les œuvres, les paroles, les sacrifices qui donnent l’Immortalité’ et Asha et Khshatlira et llaurvalàt-, ô Mazda, c’est à toi avant tous antres ’ que nous les donnons, ô Aluira. 2. Car toutes les œuvres que nous t’offrons, sont œuvres de la Bonne Pensée et du Bon Esprit* ; ce sont les œuvres de l’homme de bien, dont l’âme a la sainteté pour compagne^ Je t’aborde, ô Mazda, avec les prières dues à tel que toi, et avec les hymnes des chantres". 3. A toi, ô Ahura, nous donnons le Myazda’ ; à Asha, sa prière* ; à Khshathra tous les mondes entretenus par Vohu Manô’^ Car celui-là est le sage parfait qui en toute chose sert vous et les vôtres’", ô Mazda. l.Litl. « par lesquelles œuvres, paroles, sacriUces, je donne l’Immoi-lalité... >> c’est-à-dire : « j’agis, je parle, je sacrifie de telle sorte que mon âme en deviendra immortelle ». — C’est d’après ce vers que le Skdyast consacre cet hymne à Ameretât.

2. Les œuvres qui manifestent les vertus de ces trois Génies. 3. pourutemâîsh, pêshtar.

4. Litt. « à toi toutes les choses données sont par [Bonne] Pensée (Vahûman) et [sont] Bon Esprit » ; (Maiiiyusli vanbush = Spcùtù Mainyusli). Glose : « c’est-à-dire j’ai offo t de telle sorte que je fais toutes choses selon la loi des Gàthas {pun gdsdntgUi ; idîntifiées à la volonté du Spenta Mainyu) et selon la vertu ». 5. yèbyà m-và aslià hacaitè ; ou bien(ains ; l’entend le pehlvi) : « dont l’âme a pour compagne la félicité » (des saints).

6. Les prières ici-bas, les chants au ciel : « ici-bas je t’adresse des prières et dans le ciel je te chante » (Nériosengh). — jrarôtnsli slùlàm : le pehlvi traduit dar garôlmdn sidijêm «je te chante dans le Paradis, » traduction incorrecte grammaticalement, exacte pour le sens. Litt. le sens est : « avec les {farô de ceux qui te louent » ; or le Paradis est dit gai-ô-demànem « la demeure du jfarô » (si le mot est composé) ou « du gar » (s’il est juxtaposé). Il est donc vraisemblable qu’il faut chercher dans garô {^ar l’idée d’hymne, de chant, et que ^ar est le sanscrit gjir « chant ».^ 7. Le Myazda est spécialement dans le sacrifice l’offrande susceptible d’être consommée : le sens général est « aliment » : c’est peut-être dans ce sens propre qu’il est pris ici, car la glose pehlvie porte : bar pun khvêshik l lak ynkhsûnam, « je t’approprie les fruits » [phalam svddlihmtayd dadlidmi), ce qui semble signifier qu’il reporte et donne idéalement à Ormazd tous les produits de la terre. 8. Autrement dit, nous faisons la charité qui consiste à accorder sa demande au fidèle pauvre : la charité s’appelle ashô-dnd ^i don au juste » (représenté dans notre texte par Aslia).

9. Kbshatbra, personnification de la bonne royauté, a pour fonction de gouverner avec justice et d’entretenir les pauvres : « les mondes entretenus par Vohu Manô » sont les pays gouvernés avec justice et bonté.

10. ddndkihi bundak pun olà aîsh man pun kuld rnandûm zak obdùnad l ijazdân apasfi sût « la sagesse parfaite est dans l’homme qui en toute chose fait ce qui fait du bien aux Dieux ». — libsbmàvasu. locatif pluriel de Isbsbmâvat « tel que vous ». Le Hùspi vient près de la cuve, s’y lave la main gauche, reçoit de la main du Zùt le (iltre à Ilôni place sur le llftvaa avec la coupe ; zôlir (ju’il supporte (v. page 248), s’approche du feu et y met une bûche à’csm bôé en récitant avec le Zôt la strophe qui suit. Puis il revient près du Zôt, touche le Barsom avec la coupe à zukr et la rend au Zot qui la remet sur le Hàvan et met par dessus la coupe kjîvdm. Il met le filtre dans la cuve.

4. [Aussi] grâce à la vertu, nous affronterons avec joie ton feu puissant ", ô Mazda, ton feu rapide et fort, qui fait éclater son assistance en faveur de qui le réjouit, et qui châtie à plaisir ’-, ô Mazda, celui qui t’aftlige.

5. Par quelles œuvres ferai-je, ô Mazda, que mon pouvoir soit vôtre, que ma fortune soit vôtre" ? — En entretenant vos pauvres’^ [qui vivent] en sainteté et bonne pensée. Nous vous avons proclamé ’^ au-dessus de tous les Daêvas brutes et des hommes.

6. S’ilestvrai que cetfaulre] monde existe"’, ôMazda,ôAshaetVohuManô, donnez-moi un signe, afinque jepuisse habiterpleinementdans ce monde’^ 11. « A l’heure où aura lieu l’épreuve du feu (le var ntrang) sur celui qui a fait le bien >> [pun zak daman aniat var sai’ddfi zak man kar ukarfak obdûntyakoyamûnil). Il attend avec confiance l’épreuve finale du feu à la résurrection. Voir Y. XXXI, noie 15.

12. àtréni... cithià-avarihein ; voir XXXVI, note 1. — zastàishtàish,yj«rt tuvân k/wdh’ishn’ih « avec désir puissant ». — Pour la k’mjd, voir le nîrang correspondant dans le Hà précédent, note 45.

13. Litt. « quel pouvoir à vous, quelle fortune, quand par mes actions, ô Mazda, je suis à vous ? » Glose : « que ferai-je... de sorte que par moi votre pouvoir soit augmenté et que ma fortune soit tenue en votre possession » (c’est-à-dire qu’il en soit fait l’usage que vous feriez vous-même) ?

14. Déjà le derviche moderne ? Cf. Y. XIX, n. 51. 15. Peut-être : « nous vous avons proclamés », en parlant des pauvies. Ainsi l’entend le pehlvi : car il ajoute en glose : « c’est-à-dire vous êtes plus riches que les Daêvas... » Nériosengh d’ailleurs construit dans le vers précédent : « en vous entretenant, ô pauvres ». — khrafstràish, v. Y. XXVIII, note 19. 16. yèzi athù slà haithim « si ainsi [cej monde [est] évidemment. » slà, synonyme de sti ». Glose : « s’il est clair que la résurrection se produira ». 17. Glose : « dites-moi un signe qui enlève les doutes » ; afin que ceux qui l’entendent soient convaincus et ne se laissent pas égarer par les Ashemaoghas ; voir strophe 8.

18. ahyâ anhéusk vîspàmacthû : litt. « de ce monde toute habitation ». Nériosengh : « que nous habitions complètement dans ce monde ; c’est-à-dire que nous faisons toute chose en sorte que nous puissions bien elTectuer la résurrection » ; autrement afin que j’y arrive en vous offrant le sacrifice et chantant votre gloire’^. 7. (juels senties dons que le font, ô Mazda, ceux qui font connaître Voliu Manô-" ?

— Us enseignent le bien, dans l’aisance comme dans la détresse, et font grandir l’intelligence-’.

— Je ne connais nul tel que vous : dans ma vertu, protégez-moi donc-- ! 8. Mais ces hommes qui sont la perdition pour la foule - leur œuvre nous fait peur ; [nous tremblons] quand prévaut le trompeur-^, le négateur- ^ de ta religion, ô Mazda, dont la pensée ne suit pas l’Asha et loin de lui est Yohu Mauô.

9. Ceux qui sachant, ô Mazda, que Spenta-Armaiti est ton amour, se laissent aller au péché, faute de posséder Yohu Manô-^ ceux-là sont aussi oin de la Vertu que les brutes fauves-.

dit, pour que uous sachions notre devoir et puissions préparer dans notre mesure l’œuvre de la résurrection.

49. urvàidyâo stavas, « louant tes urvâidya : urvâidya » est traduit élymologiquement comme étant urvâta-da^ vdfrigdn dah’tshnih. La véritable étymologie est *vràd, védique vràdh.

20. Litt. « oii sont tes dons, ô Mazda, [de] ceux qui font connaître Yohu Manô ? » : (vaèdemnâ, ûkds dahishnih ; cf. XLIII, n. 46). Le Dinkart semble entendre : « qui sont connus de Yohu Manô » : « Mon Yohu Manô vient et observe les pensées des êtres corporels ; il me rapporte trois fois par jour les bonnes paroles et les bonnes actions de celui qui donne et de celui qui ne donne pas (ràd ... arâd) ». 21. Litt. « les enseignements du bien en aisance et en détresse ; faisant intelligence ». raèlihnào, traduit « le bien », désigne le bien matériel , la richesse (Y. XXXII, n. 42) ; il est pris ici au figuré ; il s’agit de la fortune en bonnes œuvres (kûr u karfak). La traduction sanscrite, satyàija, repose sur une fausse lecture du pehlvi, rashn au lieu de rêkhn. — usheuru, voir page 242, note 66. 22. « Je ne ne connais personne d’où vienne tant de bien que de vous, quand on fait le bien » (P.). — Vers cité Y. LYIII, 5.

23. Les .shemaoghas qui enseignent l’erreur et perdent les âmes. 24. nâidhyàoiîlieni, auquel semble répondre yj)’nc/i«n/ !a-Â :a ?vnà ; est traduit en pehtvt ndkït dahislin (pardécomposition étymologique en nâ-dh) [hâvisht] : « qui trompe ( ?) [le disciple] ». Cf. LYII, 10.

25. àstâ : anastîk aimanûnît « croit en la non-existence » ; cf. XLVI, n. 80. 26. Ceux qui, sachant le bien, font le mal, faute d’une volonté vertueuse. C’est le video meliora proboque Détériora seqiwr. — avazazat : bard shabkùnand « laissent échapper ». — vanhéush évistî mananhù, min avindishn’ih i Vahûman, « par non-obtention de Yohu Mano », parce que Yohu Manô n’est pas en eux ». 27. aèibyù mash ashà syazdat « Asha est très loin d’eux ». syazdat ^z : sïshd, lequel traduit sizhdyamnà et est glosé min rukiiik « à distance » (Y. XXXII, 4 ; note 17). 10. Mais le sago dira d’embrasser les œuvres de Yoliii Maiiô-*. 11 sait que Spenla-Ârmaiti est le lieu de repos du juste-’, et tous ces êtres [de mal]"’, ô Ahura iMazda, par ton empire, sont refoulés [sous terre] ^’.

11. Et toi, lu donnes les aliments de IlaurvalcU et d’Amerefàt ’* : par l’Empire de Vohu Manô croit Asha avec Armaili ". Par eux tu donnes vigueur et force ; ô Mazda, tu repousses la malice . 12. Comment ordonnes-tu les choses ^^ et que désires-tu ? En fait de louange, en fait de sacrifice ? Proclame-le, ô Mazda, pour que je l’endende ; que je sache comment lu ordonnes les lois du Bien. Enseigne-nous les voies saintes ", qui sont celles de Vohu Manô ^^

13. Dis-la-moi, ô Ahura, celte voie de Vohu Manô où la conscience des Saints*", à la suite de leurs bonnes œuvres*’, va goûter les joies de sa sain- 28. Il ne se contentera pas de connaître le bien, mais le pratiquera et le fera pratiquer.

29. liithàm : snkhaiiivdsam ; en sa qualité de déesse de la terre. Glose : ddm i vêhk /iàrishni kàr u karfak « la création qui donne bonne nourriture des bonnes œuvres » Framjî : « à l’homme de pensée parfaite (=r d’Armaili) Spendàrmat donne en récompense bonne nourriture «.

30. « Zan ;k Mînôî avec les pécheurs » (P.). 31. â vôjatlirà : N. nikhdtdyate [P. frôt kôshîhU ; de kôskUan « faire efTort » ; ?) « est avec effort poussé en bas »).

32. « Tu les donnes en récompense » aux justes ; ici et au ciel. 33. Ces deux lignes résument les rapports des six Amshaspands (l’Empire := Khshalbra).

34. vidvaôsliâin tliwôi alii : de là le nom d’Ahura : TÎdvaêslitvô (Yt. I, 8). 35. l ;a| toi ràzai’c, katdr and i lak virdyèshn. Glose marginale ; « demande de Zoroastre ; il désire la sagesse « [frashni Zarlmht, khart khvakUhn). 3(3. Les deux éléments du culte, la prière et le sacrifice, 37. <( La voie des Pôryolkêsh », des premiers fidèles (p. 17, n. Gti) ; la loi dans sa pureté primitive.

38. vaiihéiish livaè(éfig- nianahhô, man piin Vahûman khvéshi/i « qui sont dans la propriété de Yahùman » ; c’est-à-dire que l’on s’approprie par la vertu {puti frd- 7-ànih ô nafsha shdijal kartan).

39. Cette voie « qui conduit au ciel » (F).

40. ilaônào Saoshjaùtàm <■ les daêna des Saoshyaflts » : cf. le sort de la ilaêna du juste, Yt. XXlt. Dacna, « la religion », désigne subjectivement l’àme de l’homme dans ses rapports avec la religion, qu’elle suit ou ne suit pas : cf. XLVI, note 47.

— Vers récité par Zoroastre en naissant [Dinkart, IX, 24, 8). 41. yà hukeretà, quae benefacta fuerunt. teté, la récompense que lu annonces aux Sages ^-, la récompense, ô Mazda, que tu sais donner.

14. Donnez, ô Mazda, la récompense désirée à la vie incarnée, et aux actions de vertu, et h ceux qui travaillent avec la vache Azî". Donnez-leur votre science parfaite, ô Ahura, la science d’une intelligence qui fait grandir l’œuvre du Bien.

15. Mazda, dis-moi les paroles " et les œuvres excellentes ; afin que par la Bonne Pensée et la Sainteté [du fidèle] qui vous paie sa dette de louange *, vous puissiez, ô Ahura, par votre puissance, faire paraître à votre gré le monde de la résurrection *". (A répète ?’ 4 fois ■*’.) Zôf- et Râspî ensemble :

d6. Dans ma prière, les mains tendues... (Yasna XXVIII. i ; 2 foie). Yathâ ahù vairyô (4 fois).

Ashem vohû (3 fois).

Nous sacrifions au Hâ Yâ shyaothanâ.

Nous sacrifions à la Gâtha Ahunavaiti, sainte, maître de sainteté. Nous sacrifions à l’ensemble ** de la Gâtha Ahunavaiti. Yêiîhê bâtâm ".

42. « Dans le Garôthmân » (P.). — hyat civislità : maiiat crhhît : forme obscure. 43. Allusion aux trois classes, d’après la tradition, astvaitè iishtânâi u la vie qui a corps "Serait Vasrû, le prêtre (comme étant la vie incarnée ?) ; les actions de vertu ou de Vohu Manô sont l’œuvre du guerrier, de Y arlêslilàr ; ceux qui travaillent avec (ou pour) la vache Azî (v. Y. XXIX, 5) sont les laboureurs, vâstryôsh. Ces allusions sont assez douteuses, car astvaitè ushtànâi « la vie qui a corps » semble désigner l’humanité en général (v. Y. XXXI, H h), et le sens général serait : « Récompense les hommes qui ont agi vertueusement et été bons laboureurs ». 44. « La religion des Gàthas » ; cf. Yasna XLVI, note 6. 45. ishudem stùtô, litt. « qui loue le montant de sa dette » ; cf. XXXVI, note 12.

— P. « il paie sa dette en louange ».

46. Le sens général est : Révélez-moi ce que je dois dire et faire, afin que moi ayant accompli mes devoirs envers vous, vous puissiez produire la vie future. 47. Strophe déjà citée comme Cathrushàinrùta dans le Vendidad X, 12 (cf. Shâyast là Shâijast, XIII, 11) ; employée comme telle au Yasna XXVII, 4, où elle résume et introduit la Gâtha Ahunavaiti.

48. handàtâ, liamdaliislmîh (P.), samagrdm. dâlim (N.), s’oppose à l’invocation partielle des H :s qui composent la Gâtha.

49. Ici, dans le Vendidad Sade, se place le Vispéred XIV.