Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ3.




HÂ 3 [SRÔSH DARÛN]




Dans les manuscrits liturgiques ce Hâ est intitulé « Srôsh Darûn, commencement »[1] : ce Hâ sert en effet de début à l’office particulier connu sous ce nom et destiné à assurer à l’âme des morts, dans son passage à l’autre monde, la protection de Sraosha.

Le Hà précédent nous présentait le Barsom et l’eau Zôhr préparés pour être offerts ; celui-ci nous présente les autres offrandes, qui sont pour la plupart de nature à être consommées (de la nature du Darûn, le pain consacré).

L’énumération divine est celle du Hâ I ; la formule essentielle est celle du Hâ II.


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Le Râspî met sur la table le Darûn avec le Goshôdâ (gaush hudhâo) ; puis il place trois êsm bôi près de l’autel du feu.

Le Zôt passe en revue du regard tous les instruments du sacrifice, prend de l’eau dans la cuve et la verse sur le Barsom.


Zôt et Ràspî ensemble :


1. Le baresman étant déposé[2], avec la libation, à cette heure où préside Hâvani ;

j’appelle au sacrifice l’aliment du Myazda 3[3] Haurvatât, Ameretât et le Bœuf bienfaisant 4[4] ;

pour réjouir Ahura Mazda et les Amesha-Spentas ;

pour réjouir le pieux Sraosha 5[5] dévot, victorieux, qui accroît le monde.


2 (5). J’appelle au sacrifice le Haoma et le Parahaoma 5[6] : pour réjouir la Fravashi du saint Zarathushtra, le Spitâma 6[7]

J’appelle au sacrifice le bois et l’encens 8[8],

pour te réjouir, ô Feu, fils d’Ahura Mazda 9[9].


3 (9). J’appelle les Haomas au sacrifice, pour réjouir ces bonnes eaux 10 10[10], et les bonnes eaux créées par Mazda.}}

J’appelle au sacrifice l’eau de Haoma 11[11].

J’appelle au sacrifice le [lait] vif de la Vache 12[12], la plante Hadhanaêpata 13[13], pieusement préparée 14[14],
pour réjouir les eaux, créées par Mazda.

4 (15)[15]. J’appelle au sacrifice ce baresman avec sa libation, avec son lien pieusement lié, pour réjouir les Amesha-Speñtas.

J’appelle au sacrifice 15 les paroles de bonne pensée, de bonne parole, de bonne action 16[16] ;

j’appelle au sacrifice la récitation des Gâthas ;

J’appelle au sacrifice les Commandements bien accomplis 17[17] ;

j’appelle au sacrifice cette foi et cette vertu 18[18], cette Maîtrise et cette adoration des Maîtres 19[19],

pour réjouir les divinités saintes du monde spirituel et de ce monde ; pour réjouir mon âme à moi-même.

5 (21) 20[20]. J’appelle au sacrifice les Génies des veilles, maîtres de sainteté ; Hâvani, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Sâvanhi et Vîsya, saints, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice Mithra, maître des vastes campagnes, qui a mille oreilles, qui a dix mille yeux, divinité invoquée par son nom, et Râma Hvâstra.


Le Zôt seul ;


6 (24). J’appelle au sacrifice Rapithwina, saint, maître de sainteté. J’appelle au sacrifice Frâdat-fshu et Zantuma, saints, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice Asha Yahishta et le Feu d’Ahura Mazda.

7 (27). J’appelle au sacrifice Uzayêirina, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Frâdat-vîra et Dahyuma, saints, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice le grand, le souverain Apâm Mapât et les eaux créées par Mazda.

8 (30). J’appelle au sacrifice Aiwisrùthrima Aibigaya, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Frâdat-vîspam-hujyàiti et le Zarathushtrôtema, saints, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice les Fravashis des justes, et les Femmes (divines) avec leurs troupes d’hommes ; et le Bonheur de l’année ; et la Force bien faite et de belle taille, Veretbraghna, créé par Ahura, et l’Ascendant destructeur.

9 (34). J’appelle au sacrifice Ushahina, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Berejya et Nmânya, saints, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice le saint Sraosha, dévot, victorieux, qui accroît le monde ; et Rashnu Razishta ; et Arshtât, qui accroît le monde, qui fait grandir le monde.

10 (38). J’appelle au sacrifice les Mois, saints, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice la Nouvelle Lune, sainte, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice la Pleine Lune et Vîshaptatha, saints, maîtres de sainteté.

11 (40). J’appelle au sacrifice les Fêtes de saison, saintes, maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice Maidhyôi-zaremaya, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Maidhyôi-shema, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Paitish-hahya, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Ayâthrima, où la chaleur tombe et où a lieu la saillie des troupeaux ; saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice Maidhyâirya, où le froid règne ; saint, maître de sainteté. J’appelle au sacrifice Hamaspathmaêdaya, saint, maître de sainteté.

J’appelle au sacrifice les Années, saintes, maîtres de sainteté.

12 (47). J’appelle au sacrifice tous ces Maîtres, maîtres de sainteté, au nombre de trente-trois, qui s’approchent d’ici à l’heure de Hâvani ; maîtres de la Sainteté parfaite, enseignés par Mazda, proclamés par Zarathushtra.


13 (48). J’appelle au sacrifice Ahura et Mithra, grands, impérissables et saints ;

et les Étoiles, créations de l’Esprit Bienfaisant ;

Tishtrya, étoile brillante et glorieuse ;

la Lune, qui contient le germe du Taureau ;

le Soleil, aux chevaux rapides, œil d’Ahura Mazda ;

Mithra, maître des pays.


Ici l’invocation du jour et du mois ; on donne pour exemple le premier jour du premier mois.


[(36-37). J’appelle au sacrifice Ahura Mazda, brillant et glorieux.

J’appelle au sacrifice les Fravashis des justes.]

14 (52). Je t’appelle au sacrifice, ô Feu, fils d’Ahura Mazda, avec tous les autres feux.

J’appelle au sacrifice les Bonnes Eaux et toutes les eaux créées par Mazda, toutes les plantes créées par Mazda.


15 (54). J’appelle au sacrifice la Parole Divine, sainte, qui exprime le désir du Seigneur ;

la Loi donnée contre les Daêvas, la loi de Zarathushtra ;

la longue Tradition ;

la bonne Religion Mazdéenne.

16 (55). J’appelle au sacrifice le mont Ushidarena, créé par Mazda, siège de sainte félicité, et toutes les montagnes, sièges de sainte félicité, sièges de pleine félicité ; créées par Mazda ;

la Gloire des Kavis, créée par Mazda ; la Gloire insaisissable, créée par Mazda ;
la bonne Fortune (Ashi), la bonne Sagesse (Cisti), la bonne Pensée (Erethé), le bon Penser (Rasãstât) ;

la Gloire et le Bien-Être, créés par Mazda.


17 (58). J’appelle au sacrifice la bonne Bénédiction du juste et le juste lui-même, saint ; et la Pensée de malédiction du sage, Divinité redoutable et puissante.


18 (59). J’appelle au sacrifice ces lieux et ces contrées ; ces campagnes, ces demeures, ces étables ; ces eaux, ces terres, ces plantes, cette terre et ce ciel ; le vent saint, les étoiles, la lune, le soleil, la Lumière infinie créée d’elle-même ; toutes les créatures de l’Esprit Bienfaisant, saintes, maîtres de sainteté.


19 (60). J’appelle au sacrifice le Grand Maître de sainteté 21[21] ; les Maîtres des jours, des veilles, des mois, des fêtes de saison, des années, maîtres de sainteté ; le maître Kâvani.
Le Zôt et le Râspî ensemble :
20 (61) 22[22]. J’appelle au sacrifice l’aliment du Myazda, Haurvatât, Ameretât et le Bœuf bienfaisant ;

pour réjouir Sraosha, le pieux, le fort, incarnation de l’obéissance 23[23], « à l’arme étourdissante » (cf. Yasna LVII, n. 4). 24[24] qui est souverain 25[25], Divinité invoquée par son nom.


21 (62). J’appelle au sacrifice le Haoma et le Parahaoma, pour réjouir la Fravashi du saint Zarathushtra, le Spitâma, Divinité invoquée par son nom.

J’appelle au sacrifice le bois et l’encens, pour te réjouir, ô Feu, fils d’Ahura Mazda, Divinité invoquée par ton nom.

J’appelle au sacrifice l’aliment du Myazda (§§ 20-21 répétés 3 fois).
22 (65) 26[26], J’appelle au sacrifice les redoutables et victorieuses Fravashis des saints, les Fravashis des premiers fidèles, les Fravashis des parents les plus proches, la Fravashi de mon âme à moi-même.

23 (67) 26, J’appelle au sacrifice tous les Maîtres de sainteté.

J’appelle au sacrifice toutes les Divinités bienfaisantes du monde spirituel et de ce monde, à qui il faut offrir le sacrifice et la prière avec une sainteté parfaite.


24 (68) 27[27]. Fravarânê… Je me déclare adorateur de Mazda, disciple de Zarathushtra, ennemi des Daêvas, sectateur de la loi d’Ahura ;

offrant sacrifice, prière, réjouissance et glorification à Hâvani, saint, maître de sainteté ;

offrant sacrifice, prière, réjouissance et glorification à Sâvanhi et Vîsya, saints, maîtres de sainteté ;

offrant sacrifice, prière, réjouissance et glorification, aux Génies des veilles, des jours, des mois, des fêtes de saison, des années.

2528[28].
Le Zôt.

Le désir du Seigneur… — que le Zaotar me le dise !

Le Râspî.

Le désir du Seigneur… — que ce prêtre Zaotar me le dise !

Le Zôt.

C’est la règle du bien. Que l’homme de bien qui la connaît la proclame !




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a


  1. Le Commentaire pehlvi renvoie plusieurs fois à ce Hâ et aux suivants en les désignant sous le nom de Srôsh Darûn : ainsi III, 22-60 ; IV, 13-55 ; VI, 4-37 ; VI, 41-50 sont cités de cette façon aux Hâs XXII, 13 ; XXIV, 30 ; XVII, 59 ; XVII, 71.
  2. « C’est-à-dire porté sur le support du Barsom » (Comm. P. — Darsamdàn, nom ancien du Mâhrû). Il a été reposé sur le Mâhrû au commencement du Hâ précédent : v. note 4.
  3. 3. hvarethem myazdem, l’aliment qui sert de Myazda ; il s’agit du darûn qui n’est pas nommé et qui doit pourtant faire partie des offrandes, puisqu’il donne son nom à cette partie du sacrifice. Bien que les textes du moyen âge distinguent le myazd du darûn, ici les deux choses sont identiques; car plus loin, VIII, 2, 4, à la consommation du darûn, « manger le darûn » se dit « manger le myazda ».
  4. 4. Les représentants des trois règnes qui fournissent les diverses offrandes:Haurvatât représentant les offrandes liquides, Ameretât les offrandes végétales, le Bœuf les offrandes animales. — gaush hudhào « le bœuf qui fait le bien » ou « qui donne le bien » selon que hudhâo représente * su-dhâs ou * su-dâs.
  5. 5. Qui donne son nom au Srôsh Darûn. Sur Sraosha, voir l’introduction au Y. LVII.
  6. 5. La Fravashi de Zoroastre étant comme née de Haoma : voir Y. IX, note 39.
  7. 6. Parahaoma ; le liquide formé en broyant Haoma et le mêlant avec l’eau consacrée et l’urvarâm.
  8. 8. aèsmà haoidhi, Yêsm bôi des modernes.
  9. 9. L’êsm bôi étant offert au feu.
  10. 10. Les eaux du présent sacrifice. Le texte a « les bonnes eaux » ; mais cf. Y. 1, note 45.
  11. 11. L’eau mêlée au Haoma dans le Parahaoma.
  12. 12. gâush jivya, c’est-à-dire le lait (gâm jivâm) ; voir Paragra. — Quelques manuscrits ont avant cette phrase les mots gâm baoiryâm â. y. voir Nirangistân, § 66, n. 5 : cf. Yt. V, 130, n. 170. « j’appelle au sacrifice la vache baoirya » : notre traduction pehlvie ne les connaît pas. Neriosengh a pourtant gâm bavarâm.
  13. 13. L’urvarâm qui est pilée avec le Haoma dans le mortier : voir au Paragra.
  14. 14. Préparée selon les rites : uzdâtàm sâkht (Y. XXII, 2 ; N. ; sadàcâratayâ racitam « bien préparé » ).
  15. 15. Ici commence la série des offrandes spirituelles.
  16. 16. Les paroles qui recommandent ou célèbrent la bonne pensée, la bonne parole, la bonne action ; telles par exemple que le Frastuyê (Y. XI, 17).
  17. 17. hvarshtâo mâthrâo, hvarsht farmân ; — sukrtasya âdeçam ; autrement dit « le Génie des bonnes œuvres » (mînôi kân [lire kâr] karfak : ad Vp. XXII, 6 ; c’est-à-dire l’ensemble des mérites du fidèle (çavâhni dhaglî : Frâmjî, ibid.).
  18. 18. imâm ańuhyamen ashyàmen : la foi même et la vertu du fidèle qui sacrifie (on verra ailleurs, Yt. XXII, la conduite religieuse du bon ou du méchant personnifiée et détachée de lui). Comm. P. « Les bonnes œuvres auxquelles je crois et que j’accomplis ».
  19. 19. rathwâmca ratufritimca : rathwa, ratîh, gurutâ « maîtrise », est défini « le Génie du sacrifice » et ratufriti, farnâmishn, gurvanujñâ, est défini « le Génie du Nask » ; c’est-à-dire que l’un est le sacrifice divinisé, l’autre le texte sacré divinisé. « Maître » ratu, étant le titre essentiel donné aux diverses divinités célébrées, imâm rathwâm désigne la maîtrise, c’est-à-dire la divinité constituée par l’acte présent, autrement dit le sacrifice.
  20. 20. Les §§ 5-18 reproduisent, avec la variante de la formule, les §§ 3-16 du premier Hâ.
  21. 21. Ahura.
  22. 22. Les §§ 20-21 reproduisent avec quelques variantes les §§ 1-2.
  23. 23. tanu-màthra ; littéralement « qui a pour corps le Commandement » ; cf. la glose pehlvie ad Y. I, 2 (v. s. page 8, note 5) qui suppose un zend * tanu-asha. Le pehlvi traduit « qui tient son corps dans l’ordre des dieux ».
  24. 24. darshi-draosh, camatkârasrya çastrasya. Il la brandit sur les créatures d’Ahriman : voir Y. LVII, 31.
  25. 25. Car il règne sur les deux Karshvare du Couchant et du Levant, Arezahi et Savahi (Comm. P.)
  26. 26. §§ 22-23. Cf. Y. I, 18-19.
  27. 27. §§ 24 Y. I, 22.
  28. 28. Voir sur cette forme abrégée et dialoguée de l’Ahuna vairya, la seule employée dans le Vendidad Sadé et le Yasna Sadé, l’introduction au Hâ XIX.