Le Voyage artistique à Bayreuth / V- Analyse musicale – (8/14) Présentation des analyses

Le Voyage artistique à Bayreuth (1897)
Librairie Ch. Delagrave (p. 285-288).


Dans les analyses, nécessairement brèves et sèches qui vont suivre, de chacune des œuvres admirables que l’on exécute à Bayreuth, je n’ai pas la prétention de cataloguer tous les Leit-motifs.

Il y a pour cela plusieurs raisons :

D’abord je crois que nul ne pourrait se vanter de n’en laisser échapper aucun, car il en est qui consistent en deux notes seulement, et n’apparaissent que deux ou trois fois ; rien ne prouve d’ailleurs que Wagner lui-même les ait considérés comme tels ; ce sont peut-être de simples réminiscences invoulues et purement géniales, des accents analogues reproduits sans intention arrêtée dans des circonstances elles-mêmes analogues.

Ensuite, de semblables catalogues très complets, peut-être plus que complets, existent ; il y en a de très bien faits, et je les indiquerai.

Mais la raison principale, c’est que cela m’eût paru sortir du cadre de ce livre, qui est un simple Guide pour les non initiés, et qu’il est préférable pour eux de posséder bien à fond un nombre restreint de thèmes qu’ils reconnaîtront infailliblement, qu’un nombre plus considérable qui leur occasionnerait souvent des confusions regrettables. Toutefois, je ne négligerai jamais de signaler, en dehors des thèmes principaux, ceux qui, bien que secondaires, ont une importance réelle et sont fréquemment reproduits. Ceux qui voudront ultérieurement pousser leurs recherches plus loin, pénétrer une œuvre plus à fond, pourront toujours le faire à l’aide des catalogues dont j’ai déjà parlé.

Appliquant ici aux Leit-motifs le même procédé que j’ai employé pour les personnages dans l’analyse des poèmes, je place en tête de chaque analyse musicale un tableau synoptique des diverses scènes dans lesquelles apparaît un même motif.

Toutefois, il faut bien tenir compte :

1o Que ces tableaux ne contiennent que les motifs les plus importants ;

2o Que de ces motifs importants je ne signale que les emplois très nettement caractérisés ;

3o Que les partitions réduites au piano[1] ne peuvent pas toujours et partout présenter tous les motifs contenus dans la partition d’orchestre.

Tels qu’ils sont, je crois que ces tableaux seront instructifs et faciliteront les recherches.

On y pourra juger instantanément de l’importance relative des motifs par la fréquence de leur emploi, les grands motifs essentiels traversant toute l’œuvre, et les motifs simplement épisodiques ne figurant que dans deux ou trois colonnes voisines ; on y verra quelles sont les scènes dans lesquelles un motif donné a déjà paru ou reparaîtra ; quels sont les motifs qui forment la charpente de telle ou telle scène, etc. En comparant entre eux les divers tableaux relatifs à des ouvrages d’époques différentes, on voit en quelque sorte le procédé se former, l’emploi des Leit-motifs, purement accessoire dans Tannhauser, devenir déjà considérable dans Lohengrin, puis, à partir de Tristan, absolument systématique et organisé.

Dans les analyses, comme dans les tableaux, les thèmes seront présentés dans l’ordre de leur première apparition intégrale, en suivant le cours du drame, ce qui permettra de les découvrir sans difficulté en feuilletant attentivement la partition, sans jamais avoir à revenir en arrière. Les parties de texte entre [ ] et les exemples gravés en petits caractères concernent certaines transformations de motifs, qu’il m’a paru spécialement intéressant de signaler, ne pouvant songer à les indiquer toutes. Ces modifications peuvent ne se présenter que dans les actes ou scènes ultérieures ; l’endroit précis en sera toujours mentionné.

En dehors des Leit-motifs je signalerai aussi, dans plusieurs ouvrages, certaines grandes phrases de caractère indépendant formant par elles-mêmes un tout complet, une mélodie terminée, sur lesquelles il est nécessaire d’apporter son attention ; aussi des Chorals, des Chansons, parfois étrangers à la structure générale, d’autres fois s’y reliant indirectement, dont plusieurs ont reçu des noms spéciaux. En ce qui concerne les noms mêmes, qui sont la chose la moins importante, je répète que je choisirai toujours de préférence ceux sous lesquels les motifs typiques me paraissent être le plus généralement connus.

  1. Les réductions les plus complètes et les plus fidèles de Tristan, des Maîtres Chanteurs, de la Tétralogie et de Parsifal sont celles de Klingworth, qui ne s’adressent qu’aux virtuoses ; les amateurs seront plus à leur aise avec la réduction, parfois incorrecte, de Kleinmichel. C’est à cette dernière édition que sont empruntés, avec l’autorisation des maisons Schott et Cie et Breitkopf et Härtel, la plupart des exemples de ce volume. MM. Durand et fils m’ont donné une autorisation analogue en ce qui concerne les partitions de Tannhauser et de Lohengrin.