Le Vote des femmes/La réforme primordiale

V. Giard & E. Brière (p. 192-195).


LA RÉFORME PRIMORDIALE


Proclamer égaux devant le droit
l’homme et la femme, est une
réforme qui facilitera toutes
les autres.


Le progrès résulte surtout de l’aptitude des humains à l’accélérer ; or, pour obtenir des êtres propres à activer le progrès, la première condition est de perfectionner le moule d’où ils sortent, de donner à ce moule la possibilité de les produire. Ce ne sera qu’en faisant les matrices de la nation citoyennes, qu’on les rendra capables de créer des citoyens.

L’usage, qui dans la vie sociale tend de plus en plus à assimiler les femmes aux hommes, à laisser celles-ci exercer la profession de ceux-là, incite à considérer comme d’un autre âge, le préjugé faisant exclure des affaires publiques le sexe qui s’entend particulièrement à gérer ses affaires privées.

On est bien plus habitué aujourd’hui à l’idée de voir voter les femmes, qu’on ne l’était en 1847 à celle de voir voter les non-censitaires. Chacun, se rend tellement compte que l’exploitation du sexe majorité est due à son exclusion politique, qu’à toutes injustices commises envers les femmes, des hommes maintenant s’écrient : « Si les Françaises votaient, on ne les traiterait pas de la sorte » et les journaux de toutes opinions tiennent a l’occasion, ce même langage féministe.

Cette unanimité à convenir que tant de maux découlent pour les femmes de leur annihilement, forcera bientôt le bon sens français à reconnaître que c’est a toute la nation, que l’exclusion politique des génératrices préjudicie.

L’affiche illustrée, la carte postale, le timbre, représentant un homme et une femme qui se rencontrent devant l’urne électorale, pour sauvegarder leurs intérêts publics, comme ils se rencontrent dans une étude de notaire, pour sauvegarder leurs intérêts privés, obligent à penser, que le droit de voter, est aussi indispensable au sexe féminin qu’au sexe masculin.

Si l’on demandait aux hommes pourquoi ils s’opposent à ce que les femmes aient leur part des prérogatives conquises par nos aïeux ; ils ne parviendraient pas à donner d’explications valables, sachant bien que les privilèges qu’ils s’arrogent sans les faire partager aux femmes, ne sont pas plus légitimes, que ceux dont la noblesse et le clergé jouissaient au détriment du peuple avant 1789.


Un Précédent.

Autrefois, on avait pour la condition sociale, le mépris que l’on a actuellement pour le sexe féminin. Avant 1848 les hommes des basses classes et les bourgeois instruits mais non fortunés, ne pouvaient pas plus que les femmes aujourd’hui, opiner sur les lois qu’ils subissaient. Il a fallu que les ouvriers s’insurgent, fassent des barricades en demandant la réforme, pour que le bulletin de vote fut octroyé à de savants professeurs, à des membres de l’Institut qui ne payaient point les deux cents francs d’impôts exigés pour être électeurs.

C’est encore avec une apparence de raison, que les monarchistes, imbus du principe d’autorité, maintiennent la femme dans une condition inférieure à celle de l’homme ; mais, les républicains qui écrivent sur les murs : Liberté ! Égalité ! se mettent en contradiction avec eux-mêmes, en laissant le sexe masculin spolier le sexe féminin de ses droits.

Les députés, voient sans déplaisir les électeurs s’amoindrir en compagnie de serves, alors, que ceux-ci ont au contraire intérêt à s’augmenter au contact de citoyennes, afin d’être à même de contrôler les actes de leurs mandataires, de les nommer pour une période plus courte, jusqu’à ce qu’ils puissent exercer directement le gouvernement.

Quand tout le monde convient que hommes et femmes sont équivalents, ont chacun des qualités propres, que les deux intelligences, les deux énergies, masculine et féminine, sont aussi absolument indispensable l’une que l’autre pour réaliser le mieux être souhaité ; n’est-il point temps pour l’homme, de renoncer au stupide préjugé qui fait de sa mère qu’il aime tant, son inférieure ?

Si les Français comprenaient leurs véritables intérêts, la première question résolue serait cette question motrice : l’universalisation du suffrage aux femmes.