Le Vote des femmes/États où les femmes exercent leurs droits politiques

V. Giard & E. Brière (p. 118-123).


ÉTATS OÙ LES FEMMES EXERCENT LEURS DROITS POLITIQUES


Mais, les Françaises restent des dégradées civiques, alors qu’en trois parties du monde des femmes exercent leurs droits politiques.

Europe.

En l’île de Man, petite île anglaise de la mer d’Irlande (54.000 h.) les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1881.

En Finlande (2.781.000 h.) un ukase de 1906 conféra aux femmes la plénitude des droits politiques, et en les élections de 1907 dix-neuf Finlandaises ont été élues députées à la diète qui ne compte que 200 députés.

En Norvège (2.240.000 h.) les droits politiques ont été octroyés aux femmes en 1907.

En Danemark (2.450.000 h.) les droits politiques ont été accordés aux femmes en 1908.

Amérique.

En la République de l’Équateur (État de l’Amérique du Sud 1.272.000 h.) les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1861.

En le Wyoming (État de l’Amérique du Nord 100.000 h.) les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1869.

En l’Utah (État de l’Amérique du Nord 277.000 h.) les femmes ont leurs droits politiques.

En le Colorado (État de l’Amérique du Nord 540.000 h.) les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1893.

En l’Idaho (Éat de l’Amérique du Nord-Ouest 162.000 h.) les femmes possèdent leurs droits politiques.

Océanie.

En Nouvelle-Zélande (823.000 h.) les femmes possèdent leurs droits politiques.

En Australie (4.400.000 h.) les femmes jouissent de leurs droits politiques.


Bien que spoliée encore en France du droit, la femme qui était hier méprisée, semble être aujourd’hui le facteur indispensable sans lequel on ne peut rien. L’élite intellectuelle combat pour la femme. Au théâtre, dans les journaux, le talent se fait l’avocat de son bon droit.

La mairie du onzième arrondissement, située sur la place Voltaire où l’on voit Ledru-Rollin mettre un bulletin dans l’urne électorale était bien désignée pour contribuer à rendre réellement universel le suffrage en favorisant la revendication de son extension aux femmes.

Depuis 1900 la Société Le Suffrage des Femmes tient à la mairie, salle Parmentier des réunions où sont étudiées les questions qui passionnent l’opinion, discutées les réformes et les projets de lois — ces réunions sont une école où les femmes s’exercent à leur futur rôle d’électrices.

En 1901 la société Le Suffrage des Femmes émit sa vignette Droits de la Femme qui fut très recherchée par les philatélistes ; et, fit créer le timbre du parti radical-socialiste et le timbre féministe américain.

M. Alexandre Bérard, alors sous-secrétaire d’État aux Postes et Télégraphes, par sa circulaire du 30 avril 1903 autorisa à coller sur les lettres près du timbre légal, la vignette féministe, qu’un receveur des Postes avait dénoncé comme étant un timbre contrefait.

Le 29 octobre 1904, les féministes s’efforcèrent de brûler aux pieds de la colonne Vendôme, un exemplaire du Code, pour protester contre la célébration de son centenaire.

En 1906, la société Le Suffrage émit son timbre et sa carte postale Suffrage universel dont beaucoup de journaux donnèrent le fac-similé ; et, qui obtinrent tant de succès, qu’un artiste suisse, nous demanda l’autorisation de graver l’éloquent dessin sur des montres et sur des bijoux.

En les périodes électorales, la société Le Suffrage des Femmes fait apposer des affiches où l’on voit un électeur et une électrice qui déposent leur bulletin dans l’urne électorale. Une proposition de loi en faveur du suffrage administratif et politique des femmes célibataires, veuves et divorcées a été présentée à la Chambre en 1901 par M. Gautret.

Un autre projet de loi donnant aux femmes le vote dans les élections aux conseils municipaux, aux conseils d’arrondissements, aux conseils généraux a été déposé à la Chambre en 1906 par M. Dussaussoy.

Ces propositions ne sont pas venues en discussion.

En avril 1907 la lettre suivante fut adressée à chacun des députés et des sénateurs.


Monsieur le législateur.

La Société « Le Suffrage des Femmes », qui lutte depuis vingt-neuf ans pour faire admettre les Françaises à exercer leurs droits politiques, vous prie instamment de proposer au Parlement de conférer aux femmes – aux mêmes conditions qu’aux hommes – l’électorat et l’éligibilité dans la Commune et dans l’État.

Accorder aux femmes qui subissent les lois et paient les impôts, le droit au droit commun, ce sera immédiatement élever, avec la mentalité, le niveau moral de la France ; donc, rendre moins redoutables pour la prospérité individuelle et collective, les conflits économiques entre individus et entre nations.

Veuillez agréer, Monsieur le Législateur, l’assurance de notre considération très distinguée,

Pour la Société « Le suffrage des Femmes ».
Le Comité :

Hubertine AUCLERT, Valentine OGER, Hermance PHILIPPE, Marie AUCLERT, Julie AUBERLET, Marie GRAS, Françoise LE DOUIGOU, Delphine ADAM, Jeanne AVÉZARD, Louise ARBAN,


Le parti Radical-Socialiste a refusé d’adopter un vœu proposé par MM. Jean-Bernard, Lucien Le Foyer, Ch. Roret pour l’électorat et l’éligibilité des femmes. Nous avons néanmoins demandé à ce parti d’inscrire à l’ordre du jour de ses congrès, la question : « De l’extension aux femmes des droits politiques. »

Le parti socialiste qui veut le suffrage réellement universel, promet d’aider les femmes à conquérir le droit de vote.


Le vœu des Conseillers Généraux de la Seine.

Dans sa séance du 20 novembre 1907, le Conseil général de la Seine a émis le vœu « que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral, pour les élections au conseil général et au conseil municipal ».

L’électorat politique aurait été compris dans ce vœu si le rapporteur de ma pétition M. d’Aulan, n’avait point été hostile à la participation des femmes à la politique,

Voilà les Françaises en marche vers l’urne électorale, grâce à ce vœu des Conseillers Généraux que les législateurs ne pourront se dispenser de ratifier.

Après avoir employé tous les moyens légaux pour obtenir leurs droits politiques, les féministes sont forcées de recourir aux moyens révolutionnaires.

Le 3 mai 1908, les suffragistes parisiennes envahirent la section électorale de la rue Paul-Baudry, la section électorale de la mairie du 2e arrondissement, la section électorale de la mairie du 1er arrondissement, et l’une d’entre elles, mit la main sur les urnes et tenta de les culbuter.

Ce ne fut qu’à la section électorale de la place Baudoyer, 4e arrondissement, qu’Hubertine Auclert parvint enfin à s’emparer de l’urne qu’elle secoua, renversa et jeta violemment à terre en disant : « Ces urnes sont illégales ! elles ne contiennent que des bulletins de votes masculins ! alors que les femmes ont comme les hommes des intérêts à défendre à l’Hôtel de Ville. »

Immédiatement arrêtée, Hubertine Auclert fut conduite au commissariat où procès-verbal fut dressé contre elle.


Les femmes peuvent précipiter l’entrée de leur sexe dans la salle de vote ; pour cela, il faut que de dilettantes, elles deviennent des sectaires du féminisme.

Les revendicatrices intensifieront leur propagande, si elles substituent les efforts collectifs aux efforts individuels, en faisant se fédérer tous les groupements suffragistes, en déterminant les femmes de toutes opinions, de toutes conditions — pareillement opprimées et spoliées par la loi — à s’unir pour exercer une pression sur les pouvoirs publics et forcer l’entrée du droit commun politique.