Le Parnasse contemporain/1876/Le Vœu
II
LE VŒU
Assis au revers d’un chemin,
L’ombre en noyait les avenues —
Tout seuls et la main dans la main
Je baisais ses épaules nues.
Blanche, la lune se levait ;
— L’ombre en redoublait son mystère —
Au moindre souffle tout avait
Des frissons d’amour sur la terre.
Et je respirais ses cheveux ;
— L’ombre en buvait l’odeur suave —
Et lui disais : « Ce que tu veux,
Je le ferai, moi, ton esclave.
« Te faut-il la fleur du rocher ?
— L’ombre emplissait le précipice —
Je mourrai pour te la chercher,
Mais dicte-moi le sacrifice.
« Veux-tu tout le sang de mon cœur ?
— L’ombre en pressait le flot rapide —
Si l’amour ne m’a fait vainqueur,
Du moins il me fait intrépide.
« Parle et vers moi tourne tes yeux ! »
— L’ombre y palpitait comme un voile —
Mais elle, regardant les cieux,
Me dit : « Je voudrais cette étoile,
La plus lointaine du ciel clair. »
— L’ombre, en vain semblait les confondre —
Son doigt restait fixe dans l’air ;
Je le suivais sans lui répondre.
Alors, de sa plus tendre voix :
— L’ombre en alanguissait le charme —
« Ami, l’étoile que tu vois
Là-haut, c’est ma première larme.
« Toute femme, avec ce trésor,
Laisse choir la fleur de son âme.
Sa pureté luit dans cet or.
Son cœur brûle dans cette flamme ! »