Nilsson Voir et modifier les données sur Wikidata (p. Illus.-22).

En tenue de combat.
(Voir p. 23).

LE TENNIS
- - -

CHAPITRE I
ǁ

Mon Jeu


Je crois devoir commencer ce livre en indiquant succinctement les principes de mon jeu, comment j’ai appris à jouer, comment je me suis perfectionnée, mes coups principaux, en un mot la méthode que j’emploie. L’expérience que j’ai acquise sera, je l’espère, de quelque utilité à celles qui me liront.

C’est plus particulièrement aux jeunes filles que je m’adresse, mais je crois que les hommes eux-mêmes y trouveront matière à réflexion, et mon désir est que ce livre soit un ouvrage de diffusion.

Mes débuts datent de 1910 ; j’avais alors onze ans. Mes parents jouaient au tennis et, les regardant, j’eus tout naturellement le désir de les imiter. Je demandai une raquette à ma mère qui, toujours prête à satisfaire mes moindres caprices, s’empressa de me l’offrir et c’est ainsi que je fus orientée dans la voie que j’ai suivie avec persévérance.

Mes parents prirent toujours un intérêt très vif à mon éducation sportive.

Une fois en possession d’une raquette je commençai à jouer avec mon père ; il constata, dès le début, que je faisais preuve d’adresse, cela l’incita à me faire travailler sérieusement un jeu pour lequel mes aptitudes étaient indéniables.

Mes progrès furent, bientôt, rapides et constants puisque, trois mois plus tard, mon père m’inscrivait dans le tournoi de Chantilly. Dans le handicap simple à + 15 3/6, malgré un revers défectueux, je remportais le second prix sur des joueurs d’une certaine force.

Nous passions, chaque hiver, plusieurs mois sur la Riviera et nos amis du Club de Nice s’intéressaient vivement à mes progrès, me prodiguant conseils et encouragements. Dès lors, je me perfectionnai si rapidement que, deux ans après, j’inscrivais mon nom sur deux coupes importantes. Je n’avais que quatorze ans lorsque notre grand et cher Wilding me choisit comme partenaire dans un championnat mixte à Cannes. Ce fut le prélude de cette ascension rapide vers le succès qui devait, en 1914, me mener à ma première grande victoire : le Championnat du Monde sur terre battue.

Quelques mots maintenant sur ma méthode d’entraînement, du reste d’une grande simplicité. Régime normal ; je bois peu de vin, pas d’alcool et me couche de bonne heure. Matin et soir, pendant quinze à vingt minutes, je pratique des exercices physiques pour conserver ma souplesse, puis je saute à la corde car rien n’est meilleur pour donner de la légèreté et de l’élasticité aux jambes, pour acquérir du souffle ; le saut en hauteur aussi est excellent. Mais tous ces exercices si utiles en eux-mêmes ne doivent jamais être poussés jusqu’à la fatigue. La natation est aussi une forme de culture physique que j’apprécie, qui m’a aidée et m’aide toujours à me maintenir en forme pour le tennis. Non seulement la natation conserve la souplesse des membres mais elle augmente la force musculaire et la capacité respiratoire. Au tennis, rien n’amène plus sûrement la défaite que l’essoufflement.

Qui vous a appris à jouer, me demande-t-on souvent. Serait-ce tel fameux professionnel ou bien tel autre ? Pour un grand nombre de personnes, mon jeu ne peut être que le résultat de longues études faites sous la direction d’un professeur.

Il n’en est rien, aucun professionnel ne m’a jamais rien appris. Depuis mes débuts jusqu’à présent, mon père a été mon seul instructeur. Et voici comment il a procédé :

Après m’avoir, pendant quelque temps, enseigné les principes essentiels du jeu, il a sélectionné avec soin les meilleurs coups à imiter chez les joueurs de classe. Seuls les coups exécutés par des hommes étaient pris en considération, car le but qu’il poursuivait était de me donner, autant que possible, un jeu masculin.

Je devais m’efforcer d’exécuter les coups choisis, sans toutefois me modeler exactement sur les mouvements que j’observais. Le but poursuivi était de parvenir au même résultat tout en conservant ma façon personnelle de jouer.

On me demande parfois sur quel joueur ou joueuse j’ai tenté d’adapter mon style. Ma réponse sera nette : sur aucun. Mon père désirait que mon style fût personnel. Il n’y a qu’un coup que j’aie consciencieusement essayé de copier, c’est le coup droit du fameux Wilding.


Le commencement du drive horizontal.
Remarquez combien le poids du corps repose sur le pied droit.
(Voir p. 36).

Je prends ce coup aussi haut que possible. Je n’essaie pas de donner du lift à la balle, je l’attaque franchement, la raquette dans une position absolument verticale, de façon à lui donner une trajectoire absolument rectiligne. J’expliquerai cela en détail dans un chapitre suivant. Je m’efforce aussi de rester suffisamment éloignée de la balle et de jouer sans plier le bras.

Tous mes autres coups ont été perfectionnés par une pratique assidue ; j’essaye toujours en attaquant la balle franchement et, au bon moment, d’obtenir le maximum d’effet avec le minimum d’effort. Il faut pour cela tenir correctement sa raquette et ne jamais perdre la balle de vue tant qu’elle est en jeu.

Bien que j’indique, plus loin, la façon de tenir la raquette, je veux noter, dès maintenant, que je serre le manche très fortement et spécialement pour les volées. La grosseur du manche est bien appropriée à ma main, de façon à éviter que la raquette ne tourne pendant l’exécution du coup. Veillez soigneusement aussi à ce que la raquette soit maintenue dans une position correcte.

L’heureuse méthode que mon père adopta de sélectionner comme modèle les coups des grands joueurs pourrait, à mon avis, être suivie avec fruit par tous les jeunes désireux de faire des progrès rapides.

Supposons que vous désiriez apprendre le drop-shot. Observez avec attention Mrs Larcombe, Mrs Lambert-Chambers ou miss Ryan, et vous noterez alors qu’elles l’exécutent par un certain tour du poignet. Mais avant d’essayer un coup aussi difficile que le drop-shot, apprenez d’abord le drive, le revers et la volée.

Dans tous les principaux tournois, vous pouvez voir les différents coups du tennis exécutés comme ils doivent l’être. Si vous avez la chance d’y assister en spectateurs, ouvrez bien les yeux et cherchez à apprendre le plus possible par l’observation.

Le parfait équilibre du corps est d’une importance primordiale. Je fais toujours grande attention à ce point.

Qu’est-ce que le parfait équilibre ? demanderez-vous. Si, à la fin d’un coup droit, votre poids repose sur la jambe droite et que vous vous penchiez du côté opposé à la balle, cette position ne constitue certainement pas le parfait équilibre.

Les livres de lawn-tennis ne s’étendent pas, en général, sur le travail des pieds et cependant il est essentiel de les placer dans une position correcte. De cette position dépendent l’équilibre et une juste répartition du poids.

Je conseille à mes lectrices de ne jamais travailler qu’un seul coup à la fois comme je l’ai fait moi-même et de continuer leur travail jusqu’à l’exécution parfaite. Lorsque vous vous serez ainsi exercée à pratiquer un même coup pendant plusieurs jours, vous ne pouvez savoir avec quelle confiance vous l’emploierez dans un match ou dans un tournoi.

Lorsque j’exécute un revers, j’accompagne la balle en comptant plutôt, pour faire le point, sur la manière de la prendre et de la suivre que sur la violence du coup.

Un de mes coups favoris est un drive de revers le long de la ligne. Ce coup m’a donné de nombreux points dans mon match contre Mrs Lambert-Chambers, au cours des Championnats du Monde à Wimbledon. Pour tous les revers, que ce soit du fond du court ou à la volée, je place le pouce bien en arrière le long du manche. Cette position se voit distinctement sur les photographies des revers.

Dans l’exécution de tous les ground-strokes[1] la raquette doit être bien maintenue dans le plan vertical, pendant toute la durée du coup.

Le service constituant un des points importants du jeu, je crois utile d’indiquer ma méthode : Tenir le pied gauche en avant, le corps effacé de trois quarts. Jeter la balle en l’air à environ deux mètres de hauteur au-dessus de l’épaule droite. À ce moment, renverser le buste en arrière, et tenant fortement serré le manche de la raquette, attaquer la balle vigoureusement et appuyant tout le poids du corps sur le coup.

J’applique les mêmes principes pour le smash que l’on peut considérer comme un véritable service exécuté d’une autre partie du court.

Un des chapitres suivants étant consacré à la tactique, il est inutile de m’étendre ici sur ce sujet.

En règle générale, mon premier souci est de découvrir le point faible et la force de mon adversaire. Dès lors, il ne reste plus qu’à profiter de sa faiblesse en l’attaquant le plus possible sur ses coups défectueux et, par contre, l’empêcher d’utiliser les coups qui font la force de son jeu. Étant une joueuse de volée, je viens au filet dès que l’occasion s’en présente. Par exemple, si après un premier service rapide, mon adversaire me renvoie une balle courte, je considère cela comme une occasion favorable.

Si je rencontre un adversaire également bon en coup droit et en revers, et ayant une bonne longueur, j’essaye parfois de l’attirer au filet par une balle courte pour le passer ensuite le long des lignes ou le lober.

Je ne veux pas m’étendre plus longuement sur mon propre jeu, ne désirant pas anticiper davantage sur les chapitres suivants. Le tempérament joue un grand rôle au tennis. La nervosité a entravé les progrès de bien des joueurs.

Personnellement, je n’ai jamais connu le trac. Un match important et une foule nombreuse, loin de me rendre nerveuse, me stimulent au contraire et m’aident à jouer au mieux de ma forme.

Je terminerai ce chapitre par quelques mots sur les courts. Les courts de gazon sont presque inconnus en France ; j’avais toujours joué sur des courts en terre battue. À mon arrivée en Angleterre, je fus très surprise de trouver une si faible différence entre les courts en herbe et ceux auxquels j’étais habituée.

Évidemment, la balle ne vous arrive pas de la même manière et la façon de l’attaquer diffère. Fort heureusement, je me déplace rapidement et je n’en fus nullement gênée. Lorsque le terrain est humide, on s’aperçoit davantage de la différence du bond, la balle ne montant pas assez haut pour permettre l’exécution du drive horizontal. C’est alors que leur jeu coupé donne aux joueuses anglaises un avantage indéniable.






La fin du drive horizontal.
Observez l’accompagnement du corps et la position des pieds.
(Voir p. 40).
  1. Ground-strokes est un terme général employé pour désigner les coups exécutés du fond du court.