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Ce beau galand qu’on luy avoit proposé pour Javotte estoit encore un advocat, ou, pour le moins, un homme qui portoit au Palais la robbe et le bonnet. La seule fois qu’il parut au barreau, ce fut lors qu’il presta serment de garder les ordonnances. Et vrayment il les garda bien, car il ne trouva jamais occasion de les transgresser. Depuis vingt ans il n’avoit pas manqué un matin de se trouver au Palais, et cependant il n’avoit jamais fait consultation, escritures ny plaidoyer. En recompense il estoit fort employé à discourir sur plusieurs fausses nouvelles qui se debitoient à son pillier ; et il avoit fait plusieurs consultations sur les affaires publiques et sur le gouvernement, car il se meloit parmy de gros pelotons de gens inutiles, qui tous les matins vont au Palais, et y parlent de toutes sortes de nouvelles, comme s’ils estoient controlleurs d’estat (offices fort courus et fort en vogue) ; je m’étonne de ce qu’on ne les fait pas financer. L’apresdisnée il alloit aux conferences du bureau d’adresse26, aux harangues qui se faisoient par les professeurs dans les colleges, aux sermons, aux musiques des eglises, à l’orvietan27, et à tous les autres jeux et divertissemens publics qui ne coustoient rien, car c’estoit un homme que l’avarice dominoit entierement, qualité qu’il avoit trouvée dans la succession de son pere. Il estoit fils d’un marchand bonnetier qui estoit devenu fort riche à force d’épargner ses écus, et fort barbu à force d’épargner sa barbe. Il se nommoit Jean Bedout, gros et trapu, un peu camus, et fort large des épaules.

Sa chambre estoit une vraye salle des antiques ; ce n’est pas qu’il y eust force belles curiositez, mais à cause des meubles dont elle estoit garnie. Son buffet et sa table estoient pleines de vieilles sculptures, et si délicates (j’entends la table et le buffet) qu’elles n’eussent pu souffrir les travaux du demenagement, car il les auroit fallu embourer ou garnir de paille pour les transporter comme si c’eust esté de la poterie. Sa tapisserie et ses sieges estoient de pieces rapportées, et de tel prix que pas un n’avoit son pareil. Sa cheminée estoit garnie d’un ratelier chargé d’armes qui estoient rouillées dès le temps des guerres de la ligue, et à sa poultre estoient attachées plusieurs cages pleines d’oyseaux qui avoient appris à siffler sous luy. La seule chose où il s’efforçoit de faire dépense estoit en bibliotheque. Il avoit tous livres d’élite ; je veux dire qu’il choisissoit ceux qui estoient à meilleur marché. Un mesme auteur estoit composé de plusieurs tomes d’inégale grandeur, d’impression, de volume et de relieure differente ; encore estoit-il toujours imparfait. Entre les caracteres, ceux qu’il estimoit le plus c’étoient les gothiques, et entre les relieures celles de bois. Il fuyoit la conversation des honnestes gens, à cause qu’il pourroit arriver par mal-heur qu’on y seroit engagé à faire quelque dépense. Il se trouva mesme une fois mêlé dans une conference de gens d’esprit, où, comme on discutoit de plusieurs matieres, il y avoit à faire un grand fruit ; mais il rompit avec eux, à cause qu’à la fin de l’année il falloit payer un quart d’écu pour quelques menues necessitez, et pour donner à un pauvre homme qui avoit soin de nettoyer la salle. Il trouva ce present trop excessif, et n’ayant voulu donner pour sa part que cinq sous, il les tira avec grande peine de son gousset ; mais pour les en faire sortir il fallut qu’il retournast tout à fait sa pochette, tant il avoit dedans d’autres brimborions. Il s’y trouva mesme une grosse poignée de miettes de pain, ce qui donna sujet à quelques railleurs de dire qu’il avoit mis exprès ces miettes avec son argent, de peur qu’il ne se rouillast, de mesme qu’on met des cousteaux dans du son quand on est longtemps sans les faire servir. Cette rupture leur fit grand plaisir, parce qu’ils virent bien que son esprit estoit une pierre-ponce, qu’il estoit tout à fait impossible de polir.

Il avoit pourtant quelques bonnes qualitez : car la chasteté et la sobriété estoient en luy en un souverain degré, et generalement toutes les vertus épargnantes. Il avoit une pudeur ingenue, qui luy eust esté bienseante s’il eut esté jeune. Il seroit devenu plus rouge qu’un cherubin s’il eust levé les yeux sur une femme. Il estoit mesme si honteux en tout temps qu’en parlant à l’un il regardoit l’autre ; il tournoit ses glans ou ses boutons, mordoit ses gants et se grattoit où il ne luy demangeoit pas ; en un mot, il n’avoit point de contenance asseurée. Ses habits estoient aussi ridicules que sa mine ; c’estoient des memorians ou repertoires des anciennes modes qui avoient regné en France. Son chapeau estoit plat, quoy que sa teste fust pointue ; ses souliers estoient de niveau avec le plancher, et il ne se trouva jamais bien mis que quand on porta de petits rabats, de petites basques et des chausses estroites : car, comme il y trouva quelque épargne d’étoffe, il retint opiniastrement ces modes. Il avoit la teste grasse, quoique son visage fut maigre, et ses sourcils et sa barbe estoient assez bien nourris, veu la petite chere qu’il faisoit.

C’eust esté dommage qu’une si belle plante, et unique en son espece, n’eust point eu de rejeton ; il parla donc de se marier, ou plutost quelqu’autre en parla pour luy : car c’estoit un homme à marier par ambassadeur, comme les princes ; mais ce que ceux-là font par grandeur, cettuy-cy le faisoit par timidité. Cela l’excita à faire l’honorable et à visiter un peu les bourgeois de son quartier, jusqu’à telle familiarité qu’ils soupoient ensemble les festes et les dimanches, à condition que chacun feroit apporter son souper de son logis. Il arriva un jour fort plaisamment qu’il s’y trouva huit éclanches, venans de huit ménages qui composoient l’assemblée. Mais sa plus grande dépense fut au temps du carnaval, où il donnoit à manger à son tour aussi bien que les autres, et là furent mangez quelques coqs-d’inde et quelques cochons de lait qui n’avoient point passé par les mains du rotisseur, car le maistre du festin avoit coustume de dire qu’ils estoient plus propres quand on les accommodoit à la maison.

Je ne saurois me tenir que je ne raconte une adventure qui arriva à l’une de ces réjouyssances du quartier. Une greffiere avoit coustume d’emporter la clef de l’armoire au pain, apres en avoir taillé quelques morceaux qu’elle laissoit à la servante et aux clercs pour leur souper. Un jour qu’elle alloit manger chez un de ses voisins, elle avoit oublié de leur laisser leurs bribes, de sorte qu’un des clercs fut deputé, qui luy alla demander la clef de l’armoire au pain, au milieu de la compagnie. Elle en rougit, et n’osa pas la luy refuser ; mais, quand elle fut au logis, elle luy fit de grandes reprimandes sur son indiscretion, et luy deffendit bien expressément de lui venir jamais demander la clef du pain quand elle seroit en quelque assemblée. Il retint bien cette leçon, et une autre fois qu’il arriva à la greffiere un pareil défaut de memoire, le mesme clerc luy vint dire devant tout le monde : Madame, puisque vous ne voulez pas qu’on vous demande la clef du pain, je vous prie au moins de nous ouvrir ici l’armoire ; et en mesme temps il fit entrer un crocheteur qui avoit l’armoire chargée sur son dos, ce qui fit éclatter de rire toute la compagnie. Peu apres, il arriva un petit incident de cuisine qui fit continuer la risée : car un barbier estuviste qui estoit de la feste, se piquant de faire des sauces, se mit en devoir de faire un salmigondis ; mais ayant mis chauffer le plat sur les cendres auprès du feu qui estoit trop ardent, un des bords du plat se fondit, et il s’y fit une échancrure pareille à celle des bassins à faire la barbe. Comme il le servit chaudement sur la table, un galant homme qui se trouva par hazard dans la trouppe dit assez plaisamment : Je sçavois bien que ce barbier maladroit nous donneroit icy un plat de son mestier. Ces rencontres, qui arriverent, par bonheur pour Bedout, lors qu’il rendit le bouquet28, furent bien-tost connues par la ville, de sorte qu’on ne parloit en tous lieux que de son soupper, qui, par ce moyen, fut mis en reputation.

Or, comme il ne vouloit pas perdre cette dépense, cela fit qu’il resolut, pendant ce temps de bonne chere, de se marier tout de bon. Il se mit donc sur sa bonne mine ; il fit lustrer son chapeau et le remettre en forme ; il mit un peu de poudre sur ses cheveux. Il augmenta sa manchette de deux doigts ; il mit mesme des canons, mais si petits, qu’il sembloit plûtost avoir des bandeaux sur les jambes que des canons. Il fit abattre la haute fustaye de sa barbe et le taillis de ses sourcils. Enfin, à force de soins, il devint un peu moins effroyable qu’auparavant. Une de ses cousines parla aux parents de Javotte, qui estoit du voisinage, de la marier avec cet Adonis, qui avoit tous ses charmes enfermez sous la clef de son coffre. Elle fit bien-tost agréer cette proposition au pere et à la mere, parce qu’elle asseura qu’il avoit beaucoup de bien, et surtout que ce seroit un bon homme de mary, qui ne mangeroit pas son fait ny la dot de sa femme. Mais comme Vollichon estoit plus formaliste, il dit qu’il vouloit voir plus precisément en quoy consistoient ses effets, et il luy en fit demander le memoire pour s’en informer. Bedout le refusa absolument, et dit pour toutes raisons qu’il avoit esté taxé aux aisez29 et contraint de se cacher pour cela six mois dans le Temple ; que les partisans, qui avoient des espions partout, pourroient voir le memoire de son bien, s’il l’avoit donné une fois à quelqu’un, et qu’ils recommenceroient leurs poursuites. Il se contenta de dire qu’il monstreroit toujours autant de bien qu’on en donneroit à la fille qu’on lui proposoit. Or, comme sa richesse estoit assez évidente, et qu’elle consistoit en maisons dans la ville et dans les faux-bourgs, Laurence, tel estoit le nom de sa cousine, fit qu’on n’insista pas d’avantage sur cette formalité. Mais elle se trouva bien embarrassée pour faire l’entreveue de luy et de la maistresse qu’elle lui destinoit, afin de voir s’ils seroient agreables l’un à l’autre.

Bedout esquiva la partie qu’elle vouloit faire pour cela, et il luy dit que rien ne pressoit, qu’il ne prenoit pas une femme pour sa beauté, qu’il seroit assez temps de la voir quand l’affaire seroit conclue ; qu’enfin telle qu’on la luy voudroit donner elle luy plairoit assez. Mais si vous ne lui plaisez pas (luy dit Laurence) ? Bedout répondit qu’une honneste femme ne devoit point avoir d’yeux pour les défauts de son mary. Nonobstant ces brutalitez, l’affaire s’avançoit toujours, et vint au point que Laurence voulut, à quelque prix que ce fut, les faire rencontrer ensemble. Elle invita donc son cousin de venir chés elle un jour qu’elle sçavoit que madame Vollichon luy devoit venir rendre visite avec sa fille. Il y vint sans se douter de l’embuscade qui luy estoit préparée, et apres quelque temps, quand il vit entrer ces deux dames qu’il ne connoissoit point encore, il rougit, perdit contenance et à toute force voulut s’en aller. Mais Laurence le retint par le bras et luy dit : Demeurez, mon cousin : la fortune vous favorise beaucoup aujourd’huy ; voilà celle que vous devez peut-estre avoir pour femme et celle que vous aurez ainsi pour belle-mere. Cela l’embarrassa encore davantage ; il fut pourtant obligé de demeurer. Aussi-tost il fit deux reverences, l’une du pied droit et l’autre du pied gauche, à chacune la sienne, et laissa parler pour luy sa cousine, qui fit les honneurs de la maison.

Or, comme il se trouva plus près de Javotte quand ils eurent pris des sieges, ayant mis son chapeau sous son coude, et frottant ses mains l’une dans l’autre, apres un assez long silence, peut-estre afin de méditer ce qu’il devoit dire, il ouvrit ainsi la conversation : Hé bien (Mademoiselle), c’est donc vous dont on m’a parlé ? Javotte répondit avec son innocence accoustumée : Je ne sçay pas (Monsieur) si on vous a parlé de moy ; mais je sçais bien qu’on ne m’a point parlé de vous. Comment (reprit-il), est-ce qu’on pretend vous marier sans vous en rien dire ? Je ne sçais (dit-elle). Mais que diriez-vous (repartit-il) si on vous proposoit un mariage ? Je ne dirois rien (répondit Javotte). Cela me seroit bien avantageux (reprit Bedout assez haut, croyant dire un bon mot), car nos lois portent en termes formels que qui ne dit mot semble consentir. Je ne sçais quelles sont vos loix (luy dit-elle) ; mais pour moy, je ne connois que les loix de mon papa et de maman. Mais (reprit-il) s’ils vous commandoient d’aymer un garçon connue moy, le feriez-vous ? Non (dit Javotte) : car ne sait-on pas bien que les filles ne doivent jamais aymer les garçons ? J’entends (repliqua Bedout) s’il estoit devenu mary. Ho, ho (dit-elle), il ne l’est pas encore ; il passera bien de l’eau sous les ponts entre-cy et là. La bonne mere, qui vouloit ce parti, qu’elle regardoit comme tres-advantageux, se mit de la partie, et luy dit : Il ne faut pas (Monsieur) prendre garde à ce qu’elle dit ; c’est une fille fort jeune, et si innocente qu’elle en est toute sotte. Ha, Madame (reprit Bedout), ne dites pas cela ; c’est vôtre fille, et il ne se peut qu’elle ne vous ressemble. Quand à moy, je trouve qu’il n’y a rien de tel que de prendre pour femme une fille fort jeune, car on la forme comme l’on veut avant qu’elle ait pris son ply. La mere reprend aussitost : Ma fille a toujours esté bien élevée, et je la livreray à un mary bonne ménagere ; depuis le matin jusques au soir elle ne leve pas les yeux de dessus sa besogne. Quoy (interrompit Javotte), faudra-t-il encore travailler quand je seray mariée ? Je croyois que quand on estoit maistresse on n’avoit autre chose à faire qu’à joüer, se promener et faire des visites ? Si je sçavois cela, j’aymerois autant demeurer comme je suis. À quoy sert donc le mariage ? Laurence, qui estoit adroite et malicieuse, se mit là dessus à luy dire : Non, non, Mademoiselle, n’ayez point de peur ; mon cousin est plus galant homme qu’il ne semble ; il a du bien assez pour vivre honorablement, sans que vous songiez tant à le ménager. Vous vivrez à vostre aise et fort en repos ; vous dormirez toute la matinée, vous irez joüer et vous promener tout le reste du jour ; pourveu que vous soyez avec luy à disner et à souper, cela suffira. Vous parlez sans procuration speciale (luy dit Bedout presque en colere) ; un mary ne prend une femme que pour avoir de la compagnie et pour regler sa maison. Cependant, au lieu de ménager son bien, elle iroit le dissiper ! le bien de Cresus n’y fourniroit pas. Pour moy, je voudrois qu’une femme vescust à ma mode, et qu’elle ne prist plaisir qu’à voir son mary. Vous donneriez (dit Laurence) des bornes bien estroites à ses plaisirs. Pour moy (reprit Bedout), je vous vais prouver par cent authoritez que cela doit aller ainsi ; et il alloit enfiler cent sottises et pedanteries quand, par bon-heur, une collation entra dans la salle, qui rompit ce ridicule entretien.

La seule galenterie qu’il fit ce jour là, fut qu’il voulut peler une poire pour sa maistresse ; mais comme c’estoit presque fait, elle luy échappa des doigts, et se sucra d’elle-mesme sur le plancher de la chambre. Il la ramassa avec une fourchette, souffla dessus, la ratissa un peu, puis la luy offrit, et luy dit encore, comme font plusieurs personnes maintenant, qu’il luy demandoit un million d’excuses. À quoy Javotte répondit ingenuement : Monsieur, je ne vous en sçaurois donner, car je n’en ay pas une seule. Après quelques discours et aventures semblables, la visite se termina. Bedout se hazarda jusqu’à reconduire sa maistresse chés elle ; mais il prit tousjours le haut du pavé, ce qu’il ne faisoit pas pourtant par incivilité ny par ambition, mais par ignorance, qui estoit bien pardonnable à un homme qui faisoit son apprentissage d’escuyer, et à qui semblable faute n’estoit jamais arrivée. À peine l’eut-il quittée, que Javotte dit à sa mere : Mon Dieu, maman, que voilà un homme qui me déplaist ; qui luy répondit seulement : Taisez-vous, petite Babouine ; vous ne sçavez pas ce qui vous est propre.

Bedout en s’en retournant rentra chez sa cousine pour prendre congé d’elle, qui luy demanda aussi-tost ce qu’il disoit d’une si jolie personne. Il répondit qu’il n’y trouvoit rien à redire, sinon que la mariée estoit trop belle. Et comme les timides sont tousjours défians et jaloux, il luy advoua que, si elle devenoit sa femme, il auroit bien de la peine à la garder. Neantmoins, la beauté ayant des forces si puissantes qu’elle fait de vives impressions sur les cœurs les plus bourus et les plus farouches, il s’en trouva dès lors amoureux, et pria sa cousine de continuer ses soins pour avancer au plustost ce mariage. Cependant il crût faire mieux sa cour dans son cabinet, en écrivant à sa maistresse quelque chose qu’il auroit eu le loisir de méditer, qu’en lui parlant de vive voix, à cause que sa timidité luy ostoit quelquefois la facilité de s’exprimer sur le champ. Il se mit donc à travailler serieusement, et apres avoir bien griffonné des sottises pour faire une lettre galante, il la mit au net dans du papier doré, et la cacheta bien proprement avec de la soye : c’estoit un soin qu’il n’avoit jamais pris pour personne. Il la donna à porter à un laquais nouvellement venu de Picardie, et partant bien digne d’un tel maistre. Le laquais avoit charge de donner la lettre à mademoiselle Javotte en main propre, ce qu’il fit ; mais aussi ce fut tout. Car il ne luy dit aucune chose, ny à qui elle s’addressoit, ny d’où elle venoit. Elle luy demanda seulement si le port estoit payé, et elle la porta soudain à son pere, à qui elle crut qu’elle s’adressoit. Car elle avoit accoustumé d’en recevoir souvent pour luy, et n’en avoit jamais receu pour elle ; de sorte qu’elle ne songea pas seulement à lire l’adresse, quoy que je ne sçache pas précisément s’il y en avoit. Vollichon l’ouvrit et la leût, et en mesme temps sousrit de la naïfveté de sa fille, et admira le bel esprit de celuy qu’il destinoit pour son gendre, qui écrivoit en un style si magnifique et si peu commun. Le laquais s’en retourna donc sans réponse. Bedout luy demanda où il s’estoit amusé si long-temps, et le cria fort de ce qu’il avoit tant tardé à revenir. Je me suis arresté à voir de petites demoiselles pas plus hautes que cela (dit le laquais en monstrant la hauteur de son coude), que tout le monde regardoit au bout du Pont-Neuf, qui se battoient. Or ce beau spectacle estoit qu’il avoit veu la monstre des marionettes, qu’il croyoit ingenument estre de chair et d’os, et animées. Bedout ne pouvant donc pas apprendre d’un laquais si spirituel comme sa maistresse avoit receu son ambassade, resolut de l’aller voir sur le soir en personne. S’il y eust esté seul, il auroit peut estre eu la mesme peine à y estre receu que Nicodeme ; mais c’est ce qu’il n’avoit garde de faire. Il falloit mesme que son amour fust desja bien violente pour luy faire entreprendre d’y aller avec une bonne et seure introduction. Il pria donc sa cousine Laurence d’aller rendre à madame Vollichon sa visite, et de trouver bon qu’il luy servît d’escuyer. Laurence fut ravie de luy rendre ce service, et mesme rendit grace à Dieu de ce qu’elle voyoit son cousin si changé, n’ayant pas creû qu’il peust jamais avoir la hardiesse d’aller voir sa maistresse. Elle fut fort bien receue de la mère et de la fille, et à sa faveur Bedout le fut aussi. Et comme il n’estoit pas si bien mis que Nicodeme, et qu’il n’avoit pas la mine d’un cajolleur dangereux, madame Vollichon ne craignit point de le laisser seul avec sa fille, tandis qu’elle entretenoit Laurence, qui l’avoit adroitement tirée un peu à l’écart pour favoriser ce nouvel amant. Bedout, impatient de sçavoir le succès du grand effort de son esprit, dès les premiers complimens qu’il fit à Javotte, il luy demanda ce qu’elle disoit de la lettre qu’elle avoit receue, et pourquoy elle n’y avoit pas fait réponse. Elle luy répondit froidement qu’elle n’avoit point veu de lettre, sinon une pour son papa, qu’elle luy avoit portée, et qui y feroit réponse par la poste. Je ne vous parle pas de celle-là (repliqua-t-il) ; je vous parle d’une que vous a donné aujourd’huy mon laquais, et qui estoit pour vous-mesme. Pour moy (reprit Javotte en s’estonnant) ? hé ! les filles reçoivent-elles des lettres ? N’est-ce pas pour des affaires qu’on les écrit ? Et puis, qui est-ce qui me l’auroit envoyée ? Bedout luy dit que c’estoit luy qui avoit pris cette hardiesse. Vous (dit-elle) ! Et vous n’estes pas aux champs ? Vous me prenez bien pour une ignorante, comme si je ne sçavois pas que toutes les lettres viennent de bien loin par des messagers ? Nous en recevons tous les jours ceans, et mon papa ne fait que se plaindre de l’argent qu’il couste à en payer le port. Aussi bien, à quoy bon m’écrire ? Ne me direz-vous pas bien vous-mesme ce que vous voudrez, sans me le mander, puisque vous venez ici ? Aviez-vous quelque chose de si pressé à me dire ? Bedout, qui croyoit avoir fait une merveilleuse lettre, et qui en attendoit de grandes louanges, la prit au mot, en disant : Puisque vous voulez donc bien sçavoir ce qui est dans ma lettre, je vous en veux faire la lecture ; car j’en ay gardé une coppie, qu’il tira en mesme temps de sa poche, et qu’il leût en ces termes :

Epistre amoureuse à Mademoiselle Javotte.

Mademoiselle, comme j’agis sous l’aveu et l’authorité de messieurs vos parens, qui m’ont permis d’esperer d’entrer en leur alliance, je ne crois pas qu’il soit hors des limites de la bien-seance de vous tracer ces lignes, et vous faire là-dessus ma declaration, qui est que je vous offre un cœur tout neuf, tout pur et tout net, et qui est comme un parchemin vierge où votre image se pourra peindre à son aise, n’ayant jamais esté broüillé par aucun autre crayon ou portrait qu’il ait receu. Mais que dis-je ? C’est plûtost une planche d’airain sur laquelle, par le burin et les pointes de vos regards, vostre belle figure a esté desseignée ; et puis, y ayant versé l’eau forte de vos rigueurs, elle y a esté gravée si profondément, que vous pouvés desormais en tirer tant d’espreuves qu’il vous plaira. Je voudrois, en revanche, que je me pusse voir sur le vostre gravé en taille-douce ; et, pour ne pas pousser plus loin mon allegorie, je voudrois que nos deux cœurs, passans sous la presse du mariage, receussent de si belles impressions, qu’ils pussent estre apres reliés ensemble avec des nerfs indissolubles, pour venir tous deux habiter dans une estude où nous apprendrions à joüir des bon-heurs d’une vie privée et tranquille ; bon-heurs que vous souhaitte dès aujourd’huy et pour toûjours votre tres-humble et tres-affectionné futur espoux.

Jean Bedout.

Apres que Javotte eut bien escouté cette lettre, et qu’elle n’y eut rien entendu, elle crut que c’estoit faute d’y avoir esté assés attentive. Elle pria donc Bedout de la relire, ce qu’il fit tres-volontiers, croyant que c’étoit une marque de la bonté de la piece. Mais sur ce mot d’allegorie, elle l’interrompit avec un grand cri (disant) : Ha, mon Dieu, quel grand vilain mot ! N’y a-t-il rien de caché de mauvais là dessous ? Et comme il se mit en devoir de le luy expliquer, elle lui dit en l’interrompant derechef : Non, non, je ne le veux pas sçavoir, il suffit que maman m’a tousjours deffendu d’entendre dire de gros mots. Et sans vouloir entendre lire davantage, elle alla joindre sa mère. De sorte que Bedout fut reduit, faute de meilleur entretien, d’ayder à Javotte à devider quelques pelotons de laine.

Cependant madame Vollichon, avec son entretien bourgeois, faisoit beaucourp souffrir la pauvre Laurence, qui estoit une femme d’esprit et accoustumée à voir le beau monde. Elle luy avoit déjà fait des plaintes de l’embaras et des soins que donnent les enfans ; de la difficulté d’avoir de bonnes servantes ; et elle luy avoit demandé si elle n’en sçavoit point quelqu’une, parce qu’elle vouloit chasser la sienne, non sans luy raconter tous les défauts de celle-cy, et sans regretter les bonnes qualités de celles qu’elle avoit eues auparavant. Elle luy avoit aussi fait plainte de la despence de la maison et de la cherté des vivres, disant tousjours pour refrain qu’un ménage avoit la gueulle bien grande, et une autre fois, que c’étoit un gouffre et un abisme.

Quand Laurence, pour destourner cette basse conversation, luy parla de quelques femmes du quartier, et entr’autres d’une trésorière de France logée vis à vis d’elle qui faisoit assez de bruit dans le voisinage : Ha, ne me parlez point de celle-la (reprit madame Vollichon) ! C’est une glorieuse que je ne sçaurois souffrir. J’ay deux sujets de me plaindre d’elle, que je ne luy pardonneray jamais. Laurence s’étant enquise de la qualité de ces deux injures, elle aprit que c’étoit parce que la tresoriere n’étoit pas venue voir madame Vollichon à sa derniere couche, et ne luy avoit pas envoyé du cousin quand elle avoit fait le pain bénit. Laurence rioit encore de ce plaisant ressentiment, quand Vollichon entra dans la chambre. Il avoit tout le jour fait la débauche, ayant esté à la comedie, et de là au cabaret, où une de ses parties l’avoit traitté. L’espargne d’un repas et les fumées du vin l’avoient rendu plus gay que de coustume, ce qui l’avoit empesché de s’aller r’enfermer dans son estude pour y travailler jusqu’à minuit, comme il avoit accoustumé. À peine fut-il entré, qu’il dit tout en haletant, et avec un transport merveilleux, qu’il avoit esté à la plus belle comedie qui se pust jamais voir ; et qu’il y avoit tant de monde ; qu’on ne pouvoit entrer à la porte. Il dit mesme qu’il avoit trouvé là des imprimeurs et des gens qui travailloient à la presse. On n’entendoit pas d’abord ce quolibet ; mais il l’expliqua, en disant que c’estoient des coupeurs de bourse, qui avoient pris une monstre à un homme dans cette grande foule. Laurence luy demanda quelle pièce on avoit jouée. Il luy respondit : Attendez, je vais vous le dire, voici le fait : Un particulier nommé Cinna s’advise de vouloir tuer un empereur ; il fait ligue offensive et deffensive avec un autre appellé Maxime. Mais il arrive qu’un certain quidam va descouvrir le pot aux roses. Il y a là une demoiselle qui est cause de toute cette manigance, et qui dit les plus belles pointes du monde. On y voit l’empereur assis dans un fauteuil, devant qui ces deux messieurs font de beaux plaidoyers, où il y a de bons argumens. Et la piece est toute pleine d’accidens qui vous ravissent. Pour conclusion, l’empereur leur donne des lettres de remission, et ils se trouvent à la fin camarades comme cochons. Tout ce que j’y trouve à redire, c’est qu’il y devroit avoir cinq ou six couplets de vers, comme j’en ay veu dans le Cid, car c’est le plus beau des pieces. C’est dommage (dit Laurence) qu’on ne vous donne la commission de faire des prologues, car vous reussissés merveilleusement à expliquer le sujet d’une tragédie.

Nicodeme les interrompit par son arrivée. La bonne humeur où estoit Vollichon fut cause qu’il le receut mieux qu’à l’ordinaire, bien qu’en son ame il eust dessein de rompre avec luy, attendant seulement que quelqu’une de ses legeretés luy en fournist l’occasion. Aussi ne luy pouvoit-on pas refuser un libre accès aupres de sa maistresse tant que l’engagement qu’il avoit avec elle, c’est à dire son contrat, subsisteroit.

Dès que cet amant eut fait ses reverences, il dit à Madame Vollichon : Hé bien, ma bonne maman, ne m’avés-vous pas donné une generalle amnistie de tout le passé ? Quest-ce que vous me venés conter (répondit-elle brusquement) avec votre amnistie ? Je veux dire (reprit Nicodeme) que je crois que vous avés noyé toutes mes fautes dans le fleuve d’oubly. Voilà bien débutté (dit Vollichon), les oublies sont chez le patissier ; et il se mit à rire à gorge desployée, comme il faisoit à tous ses méchans quolibets. Si j’ai fait icy quelque bicestre (continua Nicodeme), j’en ai payé les dommages et interests, et je suis prest de parfournir ce qui y manquera. Ce n’est pas de cela que je suis en colere (dit Madame Vollichon), mais de ce que vous estes un perdu, un vilain et un desbauché. Aussi-tost son mari adjousta, en adressant la parole à Nicodeme : Je veux envoyer un commissaire chez vous, car on dit que vous vivez mal. Nicodeme se voulut justifier et jurer qu’il n’avoit jamais fait aucun scandale, quand Laurence (voyant un souris goguenard de Vollichon) interpreta ainsi ce brocard. Je vois bien (dit-elle), à la mine de Monsieur, qu’il vous veut reprocher que vous ne faites pas bonne chère. Il ne tiendra qu’à luy (repartit Nicodeme) de faire l’experience du contraire, car je le traiteray quand il voudra de maniere qu’il en sera content. Hé bien (dit Vollichon), je vous prends au mot : j’iray demain diner chez vous et je porteray de quoy manger. Il ne sera pas nécessaire que vous apportiez de quoi manger (reprit Nicodeme) ; la ville est bonne, je ne vous laisseray pas mourir de faim. Laurence fut encore l’interprete d’un pareil souris de Vollichon, en disant : Je vois bien que Monsieur n’a pas dessein de rien porter chez vous pour augmenter la bonne chere ; mais qu’il veut dire qu’il y portera ses dents, qui sont des instruments pour manger. À la bonne heure (dit Nicodeme) je vous attendray demain, et vostre compagnie (il dit cela en monstrant Bedout, qu’il connoissoit pour l’avoir veu au Palais, et qu’il croyoit estre venu avec Vollichon, sans sçavoir que ce fust son rival). Bedout repartit aussi-tost qu’il l’en remercioit, et qu’il n’estoit pas un homme à estre à charge à ses amis, pour aller ainsi disner chez eux sans nécessité. Et bien (dit Vollichon), je porteray les deux, je mangeray pour luy et pour moy. Gardez bien (dit Nicodeme) de faire vanité d’estre grand mangeur, de peur d’attirer le reproche qu’on fait souvent aux procureurs du Chastelet, de faire mille mangeries. Il n’y a rien qui ait moins de fondement que cela (repliqua Vollichon), car notre mestier maintenant est celuy d’un gagne-petit. Il est vray (dit alors Bedout) que la journée d’un procureur du Chastelet n’est taxée que six deniers ; mais cette taxe est tant de fois reïtérée, et il se passe si grand nombre d’actes en un jour, que cela monte à des sommes immenses. Je ne sçais pourquoy on a souffert jusqu’icy un si grand abus ; et je ne m’estone point qu’il y ait beaucoup de ces Messieurs qui aient fait de grandes fortunes en fort peu de temps. Bedout alloit faire de grandes moralitez sur la justice, car sur ces matieres il estoit grand discoureur, au lieu que sur celle de la galanterie il estoit toûjours muet, quand Nicodeme luy rompit les chiens pour mettre Javotte de la conversation ; et la voyant qui devidoit un peloton de laine, il luy dit assez poetiquement : Quand je vous vois occupée à ce travail, il me semble que je vois une de ces parques qui devident le fil de la vie des hommes ; et comme ma destinée est en vos mains, il me semble aussi que c’est la mienne que vous devidez, de sorte que je crains à toute heure que vos rigueurs n’en couppent le fil. Je n’entends point tout ce que vous dites (répondit Javotte) ; je n’ai point de destinée entre les mains ; je n’ai qu’un peloton de laine, pour faire ma tapisserie. Mais quoy (reprit Nicodeme), n’avez-vous pas dessein de me faire mourir mille fois par les cruelles longueurs que vous apportez à me rendre heureux ? car quand je vois vostre tapisserie en vos mains, je crois voir encore la toile de Penelope ? Je ne sçais comment sont faites vos toiles de Peneloppe (repliqua Javotte) ; je n’en ay point veu chez pas une lingere de Paris ; et pour le reste, ce n’est point de moy que cela dépend. S’il en dépendoit, je vous asseure que ce ne seroit encore de long-temps. Madame Vollichon, qui prestoit l’oreille à cet entretien, dit là dessus, prenant la parole : Vrayman, vrayman, vous avez tout le loisir de mascher à vuide. Je me garderay bien de passer outre jusqu’à ce que j’aye fait d’autres enquestes. Vous voyez (adjousta son mari), elle n’est encore qu’à la premiere des enquestes ; mais je ne me soucie pas qu’elle passe par toutes les chambres, pourvu qu’elle n’aille point à la Cour des aydes. Ha Monsieur (interrompit Laurence), vous avez une trop honneste femme pour avoir rien à craindre de ce costé-là. Je le crois (dit Vollichon), mais ces bonnes ménageres sont fort à craindre, qui font que leurs maris ont leur provision de bois sans aller la chercher sur le port.

Vous auriez esté bon du temps du vieux Testament (dit Nicodeme) ; vous ne parlez que par figures. Il faudra donc (interrompit Bedout) ne prendre ses parolles que dans le sens tropologique30. Est-ce là du latin (dit alors Vollichon) ? je ne l’entends point, mais du grais, je vous en casse. Il y a long-temps (dit alors Laurence) que j’admire vostre maniere de parler ; il faut que vous ayez un dictionnaire de quolibets que vous ayez appris par cœur, pour les prodiguer comme vous faites. Vrayement (dit Vollichon) j’en sçais bien d’autres dont je ne prens point d’argent ; et en effet il en alloit enfiler un grand nombre, si ce n’eust esté qu’un petit garçon vint à sa sœur Javotte demander tout haut en sa langue de petit enfant quelques pressantes nécessitez. Cette conversation fut ainsi interrompuë ; et quand elle auroit esté mille fois plus sérieuse, elle ne l’auroit pas esté moins, car c’est la coustume de ces bons bourgeois d’avoir toujours leurs enfans devant leurs yeux, d’en faire le principal sujet de leur entretien, d’en admirer les sottises et d’en boire toutes les ordures. Le petit Toinon fut aussi-tost loüé de sa propreté ; on luy promit à cause de cela du bonbon ; et apres qu’on l’eut mis bien à son aise, Madame Vollichon ne parla plus avec Mademoiselle Laurence que des belles qualitez de son fils, de ses miesvretez et postiqueries. Ce sont les termes consacrez chez les bourgeois et les mots de l’art pour expliquer les gentillesses de leurs enfans. Elle ne se contenta pas de parler de celuy-là ; elle en loüa encore un autre qui estoit encore à la mammelle, disant de luy qu’il parloit tout seul, qu’il avoit la plus belle éloquence du monde, et qu’il sçavoit déjà huit ou dix mots.

Toinon r’entra peu de temps apres dans la salle en equipage de cavallier, c’est à dire avec un baston entre les jambes, qu’il appelloit son dada. Vollichon prit aussi-tost un manche de balay qu’il mit entre les siennes, et, courant apres son fils, ils firent ensemble trois tours autour de la table, ce qui donna occasion à Nicodeme d’appeler cette course un tournoy.

Laurence commençoit à rire de la folie de Vollichon, quant Bedout luy remonstra qu’elle avoit tort de trouver à redire à cette action, et que, si elle avoit leu Plutarque, elle auroit veu qu’autrefois Agesilaus fut surpris en la même posture, et qu’au lieu de s’en deffendre il pria seulement ceux qui l’avoient veu de n’en rien dire jusqu’à ce qu’ils eussent des enfans. Laurence ne répondit autre chose, sinon qu’on ne pouvoit rien faire qui n’eust son exemple dans l’antiquité, et, par discretion, elle ne voulut pas continuer sa risée au nez de Vollichon, de peur de le fascher ; elle se contenta de faire en elle-mesme reflexion sur la sottise des bourgeois, qui quittent l’entretien de la meilleure compagnie du monde pour joüer et badiner avec leurs enfans, et qui croyent estre bien excusez en alleguant l’affection paternelle, comme s’ils n’avoient pas assez de temps pour y satisfaire quand ils sont en particulier et dans leur domestique, et comme si le reste de la compagnie, qui n’est pas obligé d’avoir la mesme affection, devoit prendre le mesme divertissement à leurs jeux et à leurs gambades ; sottise d’autant plus ridicule qu’elle s’estend bien souvent jusqu’aux gens les plus esloignez de la bourgeoisie, et qui ne s’en deffendent que par l’exemple qu’avoit cité Bedout inutilement, puisqu’Agesilaus ne se divertissoit ainsi qu’en secret ; encore estoit-il honteux d’avoir été surpris en cette action.

Le reste de cette visite se passa en actions aussi badines. Laurence en fut bien-tost fatiguée, et, se levant, emmena avec elle son cousin. Nicodeme fut obligé de sortir en même temps, parce que Madame Vollichon se vouloit retirer et mettre la clef de la maison sous son chevet. Ces deux amans firent encore plusieurs visites aussi ridicules, mais je ne veux pas m’amuser à repeter toutes les sottises qui s’y dirent de part et d’autre ; ce que nous en avons rapporté suffit.

Cependant les affaires de Nicodeme alloient de mal en pis, et celles de Bedout de mieux en mieux. Ce n’estoit pas que l’un eust plus de part aux bonnes graces de leur maistresse que l’autre, car Javotte avoit pour eux une égale indifférence, ou plustost une égale aversion. Mais c’est que Vollichon trouvoit plus de bien et moins de légèreté et de fanfaronnade en Bedout qu’en Nicodeme. Il resolut donc tout à fait dans sa teste le mariage avec Bedout, sans demander l’advis de sa fille, et il differa seulement la signature des articles, jusqu’à ce qu’il fust desgagé d’avec Nicodeme, avec lequel il esperoit de rompre bien-tost.

Comme on ne douta plus alors que Javotte ne fust bien-tost mariée, à cause qu’on avoit en main ces deux partis, on commença à luy donner chez elle plus de liberté qu’elle n’avoit auparavant. On luy fit venir un maistre à danser pour la façonner, et on choisit entre tous ceux de la ville celuy qui monstroit à meilleur marché ; encore sa mère voulut qu’il luy monstrast principalement les cinq pas et les trois visages31 ; danses qui avoient esté dancées à sa nopce, et qu’elle disoit estre les plus belles de toutes. On luy permit aussi de voir le beau monde, de faire des visites dans les beaux reduits, et de se mesler en des compagnies d’illustres et de pretieuses : le tout néantmoins sans s’esloigner beaucoup de son quartier, car on ne la vouloit pas perdre de veuë. Elle fut introduitte dans la plus belle de ces compagnies par Laurence, qui en estoit. Son exquise beauté fut cause qu’elle y fut la bien venuë, malgré son innocence et son ingenuité : car une belle personne est toujours un grand ornement dans une compagnie de femmes. Ce beau reduit estoit une de ces Academies bourgeoises dont il s’est estably quantité en toutes les villes et en tous les quartiers du royaume ; où on discouroit de vers et de prose, et où on faisoit les jugements de tous les ouvrages qui paroissoient au jour. La pluspart des personnages qui la composoient vouloient estre traittez d’illustres, et avec raison, puisqu’il n’y en avoit pas un qui ne se fist remarquer par quelque caractere particulier. Elle se tenoit chez Angelique, qui estoit une personne de grand mérite que je ne sçay quel hazard avoit engagée dans cette societé. Elle n’avoit point voulu prendre d’autre nom de guerre ny de roman que le sien : car le nom d’Angelique est au poil et à la plume, passant par tout, bon en prose et bon en vers, et celebre dans l’histoire et dans la fable. Elle avoit appris quelques langues et leu toutes sortes de bons livres ; mais elle s’en cachoit comme d’un crime. Elle ne faisoit point vanité d’estaller ses sentimens, qui estoient tousjours fort justes, mais presque tousjours contredits, car, comme dans cette assemblée le nombre des gens raisonnables estoit le moindre, elle ne manquoit jamais de perdre sa cause à la pluralité des voix. Et à propos de cela, elle se comparoit à cette Cassandre qui n’estoit jamais creuë quand elle disoit la verité. Elle avoit une de ses parentes qui prenoit tout le contrepied. C’étoit la fille d’un receveur et payeur des rentes de l’Hostel de Ville, que, pour parler plus correctement, il falloit seulement appeller receveur ; car, pour la seconde partie de sa charge, il ne la faisoit point. Elle s’appelloit Phylippote en son nom ordinaire, et en son nom de roman elle se faisoit appeller Hyppolite, qui est l’anagramme du nom de Phylippote32, ce qui n’est pas une petite fortune pour une pretenduë heroïne, quand son nom de roman se peut faire avec les lettres d’un nom de baptesme. Elle affectoit de paroistre sçavante avec une pedanterie insupportable. Un de ses amans lui enseignoit le latin, un autre l’italien, un autre la chiromance, un autre à faire des vers, de sorte qu’elle avoit presque autant de maistres que de serviteurs. Il y avoit en cette compagnie des esprits de toutes les sortes, dont le plus honneste homme s’appelloit Philalethe, passioné admirateur des vertus et des beautés d’Angelique, et qui faisoit tout son possible pour se bien mettre dans son esprit. D’autre costé, un certain autheur, nommé Charoselles, y venoit aussi ; il avoit esté assez fameux en sa jeunesse, mais il s’estoit décrié à tel point, qu’il ne pouvoit plus trouver de libraires pour imprimer ses ouvrages. Il se consoloit neantmoins par la lecture qu’il essayoit d’en faire à toutes les compagnies, et… Mais tout beau ! si je voulois descrire icy par le menu toutes ses qualitez et celles de ces autres personnages, je ferois une trop longue digression, et ce seroit trop differer le mariage qui est sur le tapis. Pour coupper court, il s’amassoit tous les jours bonne compagnie chez Angelique. Quelquefois on y traittoit des questions curieuses ; d’autrefois on y faisoit des conversations galantes, et on tâchoit d’imiter tout ce qui se pratique dans les belles ruelles par les pretieuses du premier ordre.

Le jour que Javotte fut introduitte dans cette compagnie il y avoit moins de monde, et elle ne fut pas si tumultueuse qu’à l’ordinaire. Il arriva mesme que la conversation y fut assés agreable et spirituelle. Or quoy que Javotte n’y contribuast que de sa presence, il ne sera pas hors de propos d’en inserer icy une partie, qu’elle escouta avec une attention merveilleuse. Pour vous consoler de cette digression, imaginez-vous, si vous voulez, qu’il arrive icy comme dans tous les romans ; que Javotte est embarquée ; qu’il vient une tempeste qui la jette sur des bords estrangers ; ou qu’un ravisseur l’enlève en des lieux d’où l’on ne peut avoir de long-temps de ses nouvelles ; encore aurez-vous cela de bon que vous ne la perdrez point de veuë, et vous la pourrez tousjours loüer de son silence, qui est une vertu bien rare en ce sexe.

Si-tost que les premiers compliments furent faits, dont les plus ingenuës se tirent quelquefois assez bien, parce que cela ne consiste d’ordinaire qu’en une profonde reverence, et en un petit galimatias qu’on prononce si bas qu’on ne l’entend point, Hyppolite, qui n’aymoit que les entretiens sçavans, esloigna bientost ces discours communs qui se font dans les visites ordinaires. Elle se plaignit de Laurence, qui avoit commencé à parler des nouvelles de la ville et du voisinage, luy disant que cela sentoit sa visite d’accouchée33, ou les discours de commères, et que parmy le beau monde il ne falloit parler que de livres et de belles choses. Aussi-tost elle se jetta sur la fraipperie de plusieurs pauvres autheurs, qui sont les premiers qui ont à souffrir de ces fausses pretieuses, quand cette humeur critique les saisit. Dieu sçait donc si elle les ajusta de toutes pièces. Mais dispensez-moy de vous reciter cet endroit de leur conversation, que je veux passer sous silence, car je n’oserois nommer pas un des autheurs vivans : ils m’accuseroient de tout ce qui auroit esté dit alors, quoy que je n’en pusse mais. J’aurois beau condamner tous les jugemens qui auroient esté prononcez contre eux, ce seroit un crime capital d’en faire seulement mention. Ils me traitteroient bien plus rigoureusement qu’un historien ou un gazetier, qui ne sont jamais garands des recits qu’ils font. Outre que ces messieurs sont si delicats, qu’il faut bien prendre garde comme on parle d’eux ; ils sont si faciles à piquer, que le moindre mot de raillerie, ou une louange médiocre, les met aux champs, et les rend ennemis irreconciliables. Apres quoy, ce sont autant de bouches que vous fermez à la Renommée, qui auparavant parloient pour vous, et cela fait grand tort au libraire qui est interessé au débit d’un livre. J’ay mesme ce respect pour eux, que je ne veux pas faire comme certains escrivains, qui, lors qu’ils en parlent, retournent leurs noms, les escorchent, ou les anagrammatisent. Invention assez inutile, puisque, si leur nom est bien caché, le discours est obscur et perd de sa force et de sa grace, on n’est tout au plus plaisant qu’à peu de personnes ; et si on le descouvre (comme il arrive presque tousjours) ce déguisement ne sert de rien, veu que les lecteurs font si bien qu’ils en attrapent la clef, et il arrive souvent qu’il y a des larrons d’honneur qui en font faire de fausses clefs. C’est pourquoy je ne parlerai point du destail, mais seulement de ce qui fut dit en general, et dont personne ne se peut choquer, s’il n’est de bien mauvaise humeur, et s’il n’a la conscience bien chargée. On s’estendit d’abord sur les poëmes et sur les romans, et l’on y parla fort de l’institution du poëte, de la maniere de devenir autheur, et d’acquerir de la reputation dans le monde.

La plus grande passion que j’aurois (dit entre autres Hyppolite) ce seroit de pouvoir faire un livre ; c’est la seule chose dont je porte envie aux hommes ; je leur en vois faire en si grand nombre, que je m’imagine que l’advantage de leur sexe leur donne cette facilité. Il n’est point necessaire (répondit Angélique) de souhaitter pour cela d’estre d’un autre sexe ; le nostre a produit en tout temps d’assez beaux ouvrages, jusqu’à pouvoir estre enviez par les hommes. Cela est vray (dit Laurence), mais celles qui en font bien s’en cachent comme d’un crime ; et celles qui en font mal sont la fable et la risée de tout le monde ; de sorte que, de quelque costé que ce soit, il ne nous en revient pas grande gloire. Pour moy (dit Philalethe, qui estoit cet honneste homme dont j’ai parlé), je ne suis pas de cet avis, et je tiens qu’à l’égard de celles qui cachent leur science, elles acquierent une double gloire, puisqu’elles joignent celle de la modestie à celle de l’habileté ; et à l’esgard des autres, elles ne laissent pas d’estre loüables de tascher à se mettre au dessus du commun de leur sexe, malgré le deffaut de leur esprit. Et moy (ajouta Charroselles), si je suis jamais roy, je feray faire deffences à toutes les filles de se mesler de faire des livres ; ou, si je suis chancellier, je ne leur donneray point de privilege ; car, sous pretexte de quelques bagatelles de poësies ou de romans qu’elles nous donnent, elles épuisent tellement l’argent des libraires, qu’il ne leur en reste plus pour imprimer des livres d’histoire ou de philosophie des autheurs graves. C’est une chose qui me tient fort au cœur, et qui nuit grandement à tous les escrivains feconds, dont je puis parler comme sçavant. Vrayement, Monsieur (dit Pancrace, qui estoit un autre gentil-homme qui s’estoit trouvé par hazard dans cette mesme assemblée), on voit bien que vostre interest vous fait parler ; mais considérez que, nonobstant qu’on imprime beaucoup de vers et de romans, on ne laisse pas d’imprimer encore un nombre infini de gros autheurs anciens et modernes. De sorte que, si les libraires en rebutent quelques-uns, ce n’est pas une bonne marque de leur merite. S’il ne tenoit plus qu’à cela (reprit Hyppolite), je ne m’en mettrois gueres en peine ; car j’ay un libraire qui me loue des romans, qui ne demanderoit pas mieux que de travailler pour moy, particulierement à cause que je ne luy en demanderois point d’argent, car je sçais bien qu’ils n’ont jamais refusé de coppies gratuittes. Et puis j’ai tant d’amis et une si grande caballe, que je leur en ferois voir le debit asseuré. Ce dernier moyen (dit Charroselles) est le meilleur pour faire imprimer et vendre des livres, et c’est à ce deffaut que j’impute la mauvaise fortune des miens. Malheureusement pour moy, je me suis advisé d’abord de satiriser le monde, et je me suis mis tous les autheurs contre moy. Ainsi les prosneurs m’ont manqué dans le besoin. Ha ! que si c’estoit à recommencer… Vous diriez du bien (dit Laurence, qui le connoissoit de longue main) ; ce seroit bien le pis que vous pourriez faire ; vous y seriez fort nouveau, et ce seroit un grand hazard si vous y pouviez reüssir. Hé bien ! je ne regretteray plus le passé (dit Charroselles), puisqu’il ne peut plus se rappeler ; mais du moins, pour me vanger, je donneray au public mon traitté de la grande caballe34, où je traitteray des fourbes de beaucoup d’autheurs au grand collier, et j’y feray voir que ce sont de vrays escrocs de reputation, plus punissables que tous ceux qui pipent au jeu ; et si je trouveray bien moyen de le faire imprimer malgré les libraires, quand je le devrois donner à quelqu’un de ces autheurs qui ont amené la mode d’adopter des livres.

Il est vray (dit alors Angélique) que les amis et la caballe ont servi quelquefois à mettre des gens en reputation ; mais ç’a esté tant qu’ils ont eu la discretion et la retenue de cacher leurs ouvrages, ou d’en faire juger sur la bonne foy de ceux qui les annonçoient. Mais si-tost qu’ils les ont donnez au public, il a rendu justice à leur merite, et toute leur reputation, qui n’estoit pas establie sur de solides fondemens, est tombée par terre. Je mourois de peur (adjousta Pancrace) que vous ne citassiez quelque exemple qui nous eut attiré quelque querelle sur les bras, non pas de la nature de celles dont je me desmeslerois le mieux. Mais (dit Philalethe) ne mettriez-vous point en mesme rang ceux qui font des vers au devant d’un livre, des prefaces ou des commentaires : car ce sont des gens qui loüent tant qu’il leur plaist, sans que la modestie de l’autheur courre aucune fortune. Ouy dea (respondit Charroselles), et ce n’est pas un petit stratageme pour mendier de l’estime. Ce n’est pas qu’il n’y arrive souvent quelque fourbe, car un autheur emprunte quelquefois le nom d’un amy, ou suppose un nom de roman pour se loüer librement luy-mesme. Je puis dire icy entre nous que je l’ay pratiqué avec assez de succès, et que sous un nom empruntée de commentateur de mon propre ouvrage, je me suis donné de l’encens tout mon soul.

Quoy qu’il en soit (reprit Hyppolite), je n’ay jamais pû concevoir comment on faisoit ces gros volumes, avec une suitte de tant d’intrigues et d’incidens : j’ai essayé mille fois de faire un roman, et n’en ai pû venir à bout ; pour des madrigaux, des chansons, et d’autres petites pieces, on sait que je m’en escrime assez bien, et que j’en ferai tant qu’on en voudra. Voila (dit Charroselles) un second moyen pour arriver promptement à la gloire, en ce malheureux siecle où on ne s’amuse qu’à la bagatelle. C’est tout ce qu’on estime et ce qu’on debite, pendant que les plus grands efforts d’esprit et les plus nobles travaux nous demeurent sur les bras.

Vous estes donc (dit Angelique) de l’opinion de ceux qui disent que le premier pas pour aller à la gloire est le madrigal, et le premier pour en décheoir est le grand poëme ? Il y a grande apparence (adjousta Pancrace). Mais comment est-ce que si peu de chose pourroit mettre les gens en reputation ? Vous ne dites pas le meilleur (adjousta Laurence) ; c’est qu’il faut qu’ils soient mis en musique pour estre bien estimez. Asseurement (interrompit Charroselles) ; c’est pour cela que vous voyez tous ces petits poëtes caresser Lambert, le Camus, Boisset et les autres musiciens de reputation, et qui ne mettent jamais en air que les vers de leurs favoris ; car autrement ils auroient fort à faire. On ne peut nier (dit Philalethe) que cette invention ne soit bonne pour se mettre fort en vogue : car c’est un moyen pour faire chanter leurs vers par les plus belles bouches de la cour, et leur faire ensuite courir le monde. Outre que la beauté de l’air est une espèce de fard qui trompe et qui esbloüit ; et j’ai veu estimer beaucoup de choses quand on les chantoit, qui estoient sur le papier de purs galimathias, où il n’y avoit ny raison ny finesse. Je les compare volontiers (reprit Charroselles) à des images mal enluminées, qui, estant couvertes d’un talc ou d’un verre, passent pour des tableaux dans un oratoire. Et moi (dit Pancrace) à un habit de droguet35 enrichy de broderie par le caprice d’un seigneur.

Cela me fait souvenir (adjoûta Laurence) d’un homme que j’ay veu à la cour d’une grande princesse36, qui s’estoit mis en reputation par la bagatelle melodieuse. Il avoit fait quantité de paroles pour des chansons ; de sorte qu’on disoit de luy que c’estoit un homme de belles paroles. Il se vantoit d’avoir des pensées fort delicates, et en effect elles l’estoient tellement que les plus esclairez souvent n’en pouvoient voir la finesse ; mais si-tost que son esprit voulut un peu prendre l’essor et faire une galanterie seulement de cinquante vers, elle fut generallement bernée. Voyla qui me surprend (dit Hyppolite), car un poëte de cour a tousjours assez d’approbateurs et de gens qui font valloir son ouvrage. Il falloit que son livre fust bien mauvais, ou que cet autheur eut bien peu d’amis. C’est là où je vous attendois (interrompit Charroselles), puisque je tiens que la plus necessaire qualité à un poëte pour se mettre en reputation, c’est de hanter la cour, ou d’y avoir esté nourry : car un poëte bourgeois ou vivant bourgeoisement y est peu consideré. Je voudrois qu’il eust accès dans toutes les ruelles, reduits et academies illustres ; qu’il eust un Mecenas de grande qualité qui le protegeast, et qui fist valloir ses ouvrages, jusques-là qu’on fust obligé d’en dire du bien malgré soy, et pour faire sa cour. Je voudrois qu’il escrivist aux plus grands seigneurs ; qu’il fist des vers de commande pour les filles de la reyne, et sur toutes les avantures du cabinet ; qu’il en contrefist mesme l’amoureux, et qu’il escrivist encore ses amours sous quelque nom emprunté, ou dans une histoire fabuleuse. Le meilleur seroit qu’il eust assez de credit pour faire les vers d’un balet du roy ; car c’est une fortune que les poëtes doivent autant briguer que les peintres font le tableau du May37 qu’on presente à Nostre-Dame.

On ne peut nier (répondit Angelique) que toutes ces inventions, et sur tout les amis et l’authorité d’un grand seigneur, ne servent beaucoup à ces messieurs ; car les trois quarts du monde jugent des ouvrages d’autruy sans les connoistre, et sont de l’opinion de celuy qui a dit le premier son advis, comme nous voyons que les moutons se laissent conduire au premier qui marche. Adjoustez (dit Philalethe) qu’il y en a plusieurs qui, à force de parler contre leur sentiment, changent d’opinion, et se persuadent à la fin qu’une chose qu’ils auront condamnée d’abord avec justice, sera bonne parce qu’ils auront esté souvent obligez de parler en sa faveur pour d’autres considérations. Pour moi (dit Pancrace), j’ay veu un mauvais poëte de l’autre cour38 fort estimé parce qu’on faisoit quelquefois sa fortune en loüant ses ouvrages, comme luy-mesme avec de meschans vers avoit fait la sienne. Je l’ay aussi connu (reprit Hyppolite), et je trouve qu’on avoit raison de l’estimer ; car, entre tous les poëtes, ceux qui sont en fortune ont tout à fait mon approbation, et dès qu’un homme est assez accommodé pour avoir un carrosse à luy, je ne veux pas qu’on songe seulement à censurer ses ouvrages. La naissance un peu riche sert bien autant à un poëte pour arriver à la gloire que ce génie qu’il faut qu’il obtienne de la nature, et qui a fait dire qu’on peut bien devenir orateur, mais qu’il faut naistre poëte. Et pour moy, je conseillerois à quiconque voudra estre de ce mestier, de vendre tout le reste de son bien pour obtenir ce degré d’honneur. Aussi bien (dit Pancrace) un carosse de poëte ou de musicien ne couste gueres à achetter : témoin celui d’un illustre marquis, dont l’attelage ne cousta que quarante francs, et qui, à la vérité, eut la honte de demeurer embourbé dans un crachat. Et quant à l’entretien, il couste aussi peu, veu que ces messieurs sont accoustumez à vivre aux dépens d’autruy, allant, à la ville et à la campagne, tantost chez l’un et tantost chez l’autre. Hélas ! (interrompit Charroselles avec un grand soupir) que ce raisonnement est vain ! il y a long-temps que j’entretiens exprès un carosse qui sent assez l’autheur, comme vous sçavez, et cependant je n’en ay pas eu plus de creance chez ces damnez de libraires, qui ne veulent point imprimer mes ouvrages.

J’ay un bon avis à vous donner (dit Laurence) : vous n’avez qu’à en donner des pieces separées aux faiseurs de Recueils ; ils n’en laissent échapper aucunes. Les belles pièces font valloir les mauvaises, comme la fausse monnoye passe à la faveur de la bonne qu’on y mesle. Je me suis déja advisé de cette invention (répondit Charroselles avec un autre grand hélas !) ; mais elle ne m’a servi qu’une fois. Car il est vray qu’apres qu’on m’eut rebuté un livre entier, je le hachay en plusieurs petites pièces, episodes et fragments, et ainsi je fis presque imprimer un volume de moy seul, quoy que sous le titre de Recueil de pièces de divers autheurs39. Mais malheureusement le libraire descouvrit la chose, et me fit des reproches de ce qu’il ne le pouvoit débiter. Cela m’estonne (dit alors Philalethe), car les receuils se vendoient bien autrefois40 ; il est vray qu’ils sont maintenant un peu descriez, et ils ont en cela je ne sçay quoy de commun avec le vin, qui ne vaut plus rien quand il est au dessous de la barre, quoy qu’il fust excellent quand il estoit frais percé. À propos (reprit Hyppolite), ne trouvez-vous pas que ces recueils fournissent une occasion de se faire connoistre bien facilement et à peu de frais ? Je vois beaucoup d’autheurs qui n’ont esté connus que par là. Pour moy, j’ay quasi envie d’en faire de mesme ; je fourniray assez de madrigaux et de chansons pour faire imprimer mon nom, et le faire afficher s’il est besoin. Il semble (dit Angélique) qu’ils peuvent du moins servir à faire une tentative de réputation : car, si les pièces qu’on y hazarde sont estimées, on en recueille la gloire en seureté ; et si elles ne plaisent pas, on en est quitte pour les desadvouer, ou pour dire qu’on vous les a desrobées, et qu’elles n’estoient pas faites à dessein de leur faire voir le jour.

J’advoue bien (dit Pancrace) que ceux qui sont déjà en reputation, et dont les ouvrages ont esté louez dans les ruelles et dans les caballes, l’ont bien conservée dans les Recueils. Mais je ne vois pas que ceux-là en ayent beaucoup acquis qui n’estoient point connus auparavant d’ailleurs. De sorte qu’il est arrivé que la pluspart des honnestes gens n’ont pas souffert qu’on y ait mis leur nom, et il n’y a eu que quelques ignorans qui se sont empressez pour cela. Je vis ces jours passez un different (adjousta Philalethe) qui serviroit bien à confirmer ce que vous dites : c’etoit à la boutique d’un des plus fameux faiseurs de Recueils. Un fort honneste homme qui ne vouloit point passer pour autheur déclaré le vint menacer de lui donner des coups de baston à cause qu’il avoit fait imprimer un petit nombre de vers de galenterie sous son nom, et l’avoit mis au commencement du livre, dans le catalogue des autheurs, qu’il avoit mesme fait afficher au coin des rues. Le pauvre libraire, avec un ton pleureux (aussi pleuroit-il effectivement), lui dit : Hélas ! monsieur, les pauvres libraires comme moy sont bien miserables et ont bien de la peine à contenter messieurs les autheurs : il en vient de sortir un autre qui m’a fait la mesme menace, à cause que je n’ay pas mis son nom à ce rondeau ; et en disant cela il luy monstra un rondeau qui estoit la plus méchante pièce du livre.

Voyla comme les gousts sont différents (dit Laurence). Il y auroit eu bien du plaisir si ces messieurs eussent tous deux executé leur dessein en mesme temps. Pour moy (reprit Charroselles), je ne sçaurois condamner ceux qui taschent d’acquerir de la gloire par ce moyen : car en matiere de poësie (que vous sçavez que j’ay tousjours traittée de bagatelle) je trouve qu’il n’y a point de plus méchant trafic que d’en estre marchant grossier, c’est-à-dire de faire imprimer tout à la fois ses ouvrages, et en donner un juste volume ; la methode est bien meilleure de les débiter en détail, et de les faire courir pièce à pièce, de la mesme maniere qu’on debite les moulinets et les poupées pour amuser les petits enfants. Vostre maxime est assez confirmée par l’expérience (dit Angélique), car elle nous a fait voir des autheurs qui, pour de petites pièces, ont acquis autant et plus de gloire que ceux qui nous ont donné de grands ouvrages tout à la fois, et qui estoient en effect d’un plus grand merite. Ne vous estonnez pas de cela (dit Philalethe) : l’humeur impatiente de nostre nation est cause qu’elle ne se plaist pas aux grands ouvrages ; et une marque de cela, c’est que, si on tient un livre de vers, on lira plus-tost un sonnet qu’une élégie, et une épigramme qu’un sonnet ; et si un livre n’est plein que d’épigrammes, on lira plustost celles de quatre vers que celles de dix ou de douze.

Je suis bien heureuse (dit Hyppolite) qu’on estime en France davantage les petites pièces que les grandes, car, pour des madrigaux, j’en feray tant qu’on voudra, comme j’ay déja dit : on n’a presque qu’à trouver des rimes et quelque petite douceur, et on en est quitte ; au lieu qu’il est bien difficile de trouver des pointes pour faire des épigrammes, et des vers pompeux pour faire des sonnets. Ce n’est pas tout (adjousta Charroselles ) que de faire de petites pièces ; il faut, pour les faire bien courir, que ce soient pièces du temps, c’est-à-dire à la mode, de sorte que ce sont tantost sonnets, rondeaux, portraits, enigmes, metamorphoses, tantost triolets, ballades, chansons, et jusqu’à des bouts rimez. Encore, pour les faire courir plus viste, il faut choisir le sujet, et que ce soit sur la mort d’un petit chien ou d’un perroquet41, ou de quelques grandes aventures arrivées dans le monde galant et poétique.

Quand à moy (reprit Hyppolite), j’ayme sur tout les bouts-rimez, parce que ce sont le plus souvent des inpromptus, ce que j’estime la plus certaine marque de l’esprit d’un homme. Vous n’estes pas seule de vostre advis (dit Angelique) ; j’ay veu plusieurs femmes tellement infatuées de cette sorte de galanterie d’in-promptu, qu’elles les preferoient aux ouvrages les plus accomplis et aux plus belles meditations. Je ne suis pas de l’advis de ces dames (reprit brusquement Charroselles, dont l’humeur a esté tousjours peu civile et peu complaisante), et je ne trouve point de plus grande marque de reprobation à l’égard du jugement que d’aymer ces sortes de choses : car ceux qui y reussissent le mieux, ce sont les personnes gayes et bouffonnes, et mesme les foux achevez font quelquefois d’heureuses rencontres, au lieu que la vraye estime se doit donner aux ouvrages travaillez avec meure deliberation, où l’art se mesle avec le genie. Ce n’est pas que les gens d’esprit ne puissent faire quelquefois sur le champ quelques gaillardises, mais il faut qu’ils en usent avec grande discretion, car autrement ils se hasardent souvent à dire de grandes sottises, comme font tous ces faiseurs d’in-promptu et gens de reputation subite. Adjoutez à cela (dit Philalethe) qu’on ne debite point de marchandise où il y ayt plus de tromperie, car, comme dans les academies de jeu on pippe souvent avec de faux dez et de fausses cartes, de mesme dans les reduits academiques on pippe souvent l’in-promptu, et il y en a tel qu’on prend pour un nouveau né, qui pourroit passer pour vieux et barbon. Cela est vrai (adjousta Pancrace), car j’ay connu un certain folastre qui a fait assez de bruit dans le monde, qui avoit toûjours des in-promptu de poche, et qui en avoit de preparés sur tant de sujets, qu’il en avoit fait de gros lieux communs. Il menoit avec luy d’ordinaire un homme de son intelligence, avec l’ayde duquel il faisoit tourner la conversation sur divers sujets, et il faisoit tomber les gens en certains defilez où il avoit mis quelque in-promptu en embuscade, où ce galant tiroit son coup et deffaisoit le plus hardy champion d’esprit, non sans grande surprise de l’assemblée. Avec la mesme invention il se faisoit donner publiquement par son camarade des bouts-rimez, sur lesquels, à quelques moments de là, il rapportoit un sonnet qu’il donnoit pour estre fait sur le champ, et qu’il avoit fait chez luy en toute liberté et à loisir. Il est vrai qu’il lui arriva un jour un petit esclandre : c’est qu’une dame, qui avoit descouvert la chose par l’infidelité de son associé, et qui connoissoit d’ailleurs l’humeur du personnage et la portée de son esprit, luy dit lors qu’il luy mit en main un sonnet dont il vouloit faire admirer la promptitude : Vous me le pouviez donner encore en moins de temps, ou vous estes bien long à escrire.

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26. C’étoient celles qui se tenoient, à propos des nouvelles du jour, chez Théophraste Renaudot. On sait que ce premier de nos faiseurs de gazettes prenoit pour titre celui de maître général des bureaux d’adresse, et que, long-temps, on put lire au bas de la dernière page du journal dont il étoit le fondateur : Du bureau d’adresse, au Grand-Coq, rue de la Calandre, sortant au Marché-Neuf, près le Palais, à Paris.

27. C’étoit un des plus fameux opérateurs du Pont-Neuf. Il devoit à la ville d’Orviéto, d’où il venoit, le nom qu’il portoit et que sa drogue a gardé. On en trouve la recette dans la Pharmacopée de Moïse Charas (1753, 2 vol. in-4) ; la thériaque en étoit la base. La vogue de ce remède survécut à son inventeur, et fit la fortune de celui qui en acheta le secret. Nous lisons, en effet, dans le Livre commode des adresses pour 1690, au chapitre des Matières médicinales : « M. de Blegny fils, apothicaire ordinaire du roy…, c’est le seul artiste à qui les descendants du signor Hieronimo de Ferranti, inventeur de l’Orviétan, ayent communiqué le secret original. » Je ne sais que ce passage où ce nom soit cité. — On peut lire dans Gui-Patin (lettre du 6 janv. 1654) comment il se fit que la drogue de l’Orviétan, à l’instigation du médecin de Gorris, fut autorisée par douze docteurs de la Faculté, et ce qu’il en advint de rigoureux pour eux quand on sut l’affaire, et le prix qu’ils en avoient touché.

28. On disoit donner le bouquet quand on engageoit quelqu’un pour un repas et surtout pour un bal. Cela venoit de ce que les dames, qui souvent alors donnoient à danser et payoient les violons, c’est le mot, engageoient leurs cavaliers à la danse en leur présentant un bouquet. Il en étoit ainsi sous Louis XIII. V. Tallemant, t. 8, p. 20 à 25. — Rendre le bouquet, c’étoit s’acquitter, par une invitation pareille, de celle qu’on vous avoit faite.

29. Cette taxe des aisés, qui, son nom l’indique, ne frappoit que les riches, étoit une contribution exorbitante, d’autant plus qu’on ne l’imposoit qu’arbitrairement. Une anecdote racontée par Tallemant, édit. in-8, t. 1er, p. 374–375, prouve que Richelieu s’en faisoit une arme pour avoir raison de ceux dont il vouloit se venger. Il molesta de cette sorte Barentin, maître de la chambre aux deniers.

30. Chercher le sens tropologique, c’est, sous la figure, le trope, la parabole, démêler le sens moral, ce qui est très nécessaire pour l’Écriture.

31. C’étoient, en effet, des danses de l’autre règne, et, partant, passées de mode. La première est décrite par Ant. Arena dans son poëme macaronique sur la danse, au chapitre Quos passibus duplum esse debet. Régnier en parle aussi dans sa 5e satyre, v. 220.

Jadis, de votre temps, la vertu simple et pure
Sans fard, sans fiction, imitoit la nature…
… la nostre aujourd’hui qu’on revère icy-bas
Va la nuit dans le bal et danse les cinq pas.

32. Allusion satirique à l’heureux anagramme que fit Malherbe, quand il transforma le nom de Catherine, que portoit madame de Rambouillet, en celui d’Arthenice. (Tallemant, Historiettes, 2e édit., t. 1, p. 271.)

33. Pendant le temps de leurs couches, les bourgeoises avoient coutume de recevoir toutes les visites des voisines. Leur lit étoit paré pour cela, et surmonté d’un pavillon qu’on n’étendoit que dans ces occasions. Je vous revois, dit Coulanges (Chansons choisies, 1694, in-12, p. 72),

Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,
Je vous rOù jadis toutes mes grand’s mères,
Lorsque Dieu leur donnoit d’heureux accouchements,
De leur fécondité recevoient compliments.

Ces compliments étoient bavards, et, à la longue, tournoient au commérage. On en fit le texte de petits pamphlets bourgeois parus successivement, au nombre de huit, en 1623. En 1624 on fit une édition collective de toutes ces pièces, sous le titre de Recueil général des caquets de l’accouchée… 1624, pet. in-12. D’autres pièces du XVIIe siècle portent le même titre.

34. Ch. Sorel (Charroselles) se mêla, en effet, de livres de magie. En 1636, il avoit publié un volume des Talismans ou figures peintes sous certaines constellations, Paris, in-8. Il avoit pris pour cet ouvrage un pseudonyme dont nous reparlerons.

35. Le droguet étoit une étoffe de soie qui devoit son nom à la ville d’Irlande Drogheda, d’où elle avoit d’abord été importée chez nous. (Fr. Michel, Recherches sur le commerce et la fabrication des étoffes de soie, etc. Paris, 1854, in-4, t. 2, p. 244.)

36. C’est sans doute Benserade. Ce qui est dit ici de « bagatelles mélodieuses, etc. », et un peu plus loin (p. 139), de l’avantage qu’on trouve à faire « les vers d’un ballet du roy », se rapporte au mieux à ce rimeur courtisan, dont la verve n’alla jamais plus loin qu’un rondeau ou un madrigal, et dont la plus grande gloire fut d’aider Molière dans les ballets à régler pour la cour. Si c’est Benserade, la grande princesse dont il est parlé ici doit être madame de Longueville, qui, en effet, fut sa protectrice, surtout dans l’affaire des sonnets de Job et d’Uranie. On sait que ce dernier étoit de Benserade, et c’est pour lui qu’elle se déclara hautement.

37. Jusqu’au commencement du XVIIIe siècle, la communauté des orfèvres avoit l’usage d’offrir, le premier jour de mai, à Notre-Dame, un grand tableau qui, à cause du jour où on l’offroit, s’appeloit tableau du mai. On l’appendoit ce jour-là à la porte de l’église, puis ou lui donnoit une place à l’intérieur. Ces tableaux n’avoient pas moins de onze ou douze pieds de hauteur. Les piliers de la nef et plusieurs des chapelles en étoient ornés. (Piganiol, Descript. de Paris, t. 1er, p. 310–312.) On lit dans le Dictionnaire de Trévoux, édit. 1732, que, depuis quelques années, cet usage s’étoit perdu.

38. Il doit être ici question de Boisrobert, que ses vers, et mieux encore ses bouffonneries, poussèrent auprès de Richelieu, et qui fit partager sa faveur à tous les poëtes ses amis et ses flatteurs. Il en peupla l’Académie naissante. On appela tous ces académiciens de remplissage les enfants de la pitié de Boisrobert ; et lui-même, songeant à ce qu’il avoit obtenu pour eux du cardinal, se donnoit le titre de solliciteur des muses affligées. V. son Historiette parmi celles de Tallemant, 2e édit., t. 3, p. 148.

39. Il est parlé ici du nouveau Recueil de pièces les plus agréables de ce temps, en suite des jeux de l’inconnu (Paris, 1644, in-12), dont l’éditeur étoit en effet Ch. Sorel, l’original de Charroselles. Nous en reparlerons plus bas.

40. Ils eurent, en effet, une grande vogue pendant tout le XVIIe siècle. Quoi qu’en dise même Furetière, qui n’avoit guère droit de décrier ce genre de publication, puisqu’il fit paroître quelques unes de ses poésies dans le Recueil de poésies diverses donné par La Fontaine (Paris, 1671, in-12), la mode des recueils étoit encore très florissante de son temps, et devoit même lui survivre. La préface du Nouveau choix de poésies donné à La Haye en 1715, in-12, prouve qu’au XVIIIe siècle elle étoit encore en pleine faveur. Une bibliographie des Recueils seroit de trop ici. Nous renverrons, pour les principaux, au Catalogue de la Bibliothèque de M. Viollet le Duc (Supplément), p. 3-4.

41. Encore une mode poétique de ce temps-là, qui datoit du XVIe siècle, et qui ne se perdit qu’au XVIIIe. Il y a dans le Palais Mazarin, de M. de Laborde, p. 349, note 517, quelques détails curieux sur ces chiens et ces chats poétiquement célébrés, et M. Joncières a publié dans l’Artiste de juillet 1840 un article intéressant sous ce titre : Du rôle des chiens et des chats en littérature.


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