Traduction par Anatole Bordot.
Morizot (p. 391-400).

CHAPITRE XXXIX

Excursion de Fritz. — Nos inquiétudes à son sujet. — Son retour. — Il nous raconte ce qu’il a vu de remarquable. — Les nids comestibles d’hirondelles. — Quelques mots sur ces nids. — Les perles. — La loutre de mer. — L’albatros et le billet mystérieux.


Un matin, Fritz, sans nous en demander la permission, quitta Felsheim, et nous ne nous aperçûmes de son absence que le soir, n’ayant plus retrouvé son caïak attaché au rivage. Pleins d’inquiétude, nous nous rendîmes sur-le-champ au rocher d’observation. Le pavillon de signal fut hissé, et nous tirâmes un coup de canon. Déjà le soleil, dorant de ses derniers feux la surface des eaux, allait disparaître à l’horizon, quand, à force de regarder avec notre lunette, nous découvrîmes au loin notre coureur d’aventures dans sa légère embarcation. Il ramait avec vigueur, et cependant il me semblait qu’il n’approchait pas vite du rivage de Felsheim.

Un second coup de canon fut tiré ; puis nous remontâmes dans notre pinasse, afin d’arriver à temps pour recevoir Fritz à son débarquement. Dès qu’il entra dans la baie du Salut, je pus voir ce qui ralentissait sa marche : un gros animal nageait attaché à tribord du caïak, tandis qu’à l’arrière était suspendu un énorme sac.

« D’où viens-tu ? criai-je à Fritz quand il fut à portée de la voix. J’espère que tu es chargé ! Tu n’as couru aucun danger ?

— Dieu merci ! me répondit-il, il ne m’est arrivé rien de malheureux ; au contraire, ce voyage m’a fait faire de bonnes découvertes. »

La caïak fut déchargé et tiré sur la grève. Nous entourâmes Fritz, aussi avides d’entendre le récit de son expédition qu’il était lui-même désireux de nous le faire. « D’abord, mon cher père, je vous prie de m’excuser si je suis sorti ce matin sans vous avertir : maintenant que j’ai mon caïak, je me décide plus vite à aller en mer que quand il fallait passer une ou deux heures à préparer notre grande pinasse ; il suffit d’un beau temps, d’un simple désir de voyager, pour que je me mette en route. Depuis quelque temps, je pensais avec regret que nous ne savions encore rien du pays situé au couchant de celui que nous habitons. Je résolus donc de l’explorer. Je fis des provisions de voyage, que je mis en secret dans mon caïak ; outre un morceau de jambon, une vessie pleine d’eau, une autre pleine d’hydromel, j’emportai une gaffe, un harpon, des filets, une boussole et un bon fusil, sans compter les pistolets suspendus à ma ceinture et ma hache. L’aigle fut admis à m’accompagner, et, ce matin, pendant que vous étiez tous occupés dans la grotte, je sortis doucement pour gagner le rivage, et bientôt je fus embarqué.

« En passant entre les rochers où notre bâtiment s’est perdu, je vis au fond de l’eau, en cet endroit peu profonde et très-limpide, quelques pièces de canon, des boulets, des barres de fer, et d’autres objets assez lourds que nous retirerons peut-être un jour si nous parvenons à nous faire un levier assez fort. Puis je m’avançai vers la côte occidentale de l’île en doublant un promontoire formé de rochers énormes jetés pêle-mêle les uns sur les autres ou isolés. Les oiseaux de mer de toutes sortes ont pris les plus inaccessibles pour leurs repaires ; sur les moins élevés j’ai vu des lamantins dormant et ronflant au soleil. Je crois que ce lieu est leur retraite habituelle : de toutes parts se trouvent les squelettes et les longues dents de ces animaux. Il y aura là, si nous voulons, ample récolte à faire.

« J’avoue que, ne me sentant pas trop à mon aise en pareille compagnie, je m’échappai à travers les écueils, sans penser le moins du monde à me frayer un chemin par la force et par la violence. Ce ne fut qu’au bout d’une heure et demie que je me vis hors de leur atteinte ; je passai sous une immense arche assez semblable par sa forme à un arceau de nos vieilles cathédrales gothiques, mais plus majestueuse, plus haute, et taillée dans le roc par la main puissante de la nature. En dedans de cette porte, je vis un nombre incalculable de nids d’hirondelles, placés de manière à être complètement à l’abri de la pluie. Dès que je fus sous la voûte, ces hirondelles volèrent par centaines autour de moi sans m’inspirer beaucoup d’effroi. Elles étaient tout au plus grosses comme des roitelets, avec des ailes d’un gris clair, les plumes du dos et de la queue plus foncées, le ventre d’une blancheur éblouissante. Je ne pourrais vous mieux comparer leurs nids qu’à des cuillers sans manche et collées par derrière contre une pierre. Ils me parurent d’abord faits de cire et excitèrent ma curiosité ; j’en pris quelques-uns, et, en les examinant de plus près, je crus qu’ils étaient composés de plusieurs couches de colle de poisson desséchée. J’en ai donc gardé plusieurs pour vous les montrer. Peut-être nous seront-ils de quelque utilité.

moi. — Je te loue de ta conduite en cette occasion, mon ami, et je te loue d’autant plus que tu as épargné ces oiseaux industrieux. Tes nids sont précieux, et nous pourrions en tirer un très-bon parti si nous étions en relation commerciale avec les Chinois, qui les achètent fort cher, et les regardent comme un mets excellent, surtout accommodés avec des épices.

ma femme. — Comme la gourmandise des hommes est ingénieuse ! Je ne m’étonnerais pas si, un jour, quelque habile cuisinier trouvait le moyen de faire un plat de choix avec des copeaux de bois, pourvu qu’il y ajoutât une centaine de divers ingrédients.

moi. — Autrefois on vantait beaucoup, comme un mets savoureux, les nageoires de requin. Mais tu devrais bien nous accommoder un nid de ces hirondelles, pour que nous jugions par nous-mêmes si les Chinois ont tort ou raison de les estimer.

ma femme. — Je le veux bien, vous m’excuserez seulement si je ne réussis pas ; car j’ignore plusieurs secrets de la science culinaire.

tous. — Oh ! chère mère, régalez-nous d’un nid d’hirondelles apprêté à votre façon.

fritz. — Pourriez-vous nous dire, mon père, comment les hirondelles se procurent cette matière gluante qui, desséchée, constitue leur nid ?

moi. — On ne le sait pas d’une manière positive. Les uns disent que c’est l’écume de la mer desséchée : vous comprenez que ceci est absurde ; d’autres croient, avec plus de vraisemblance, que cette matière provient de certains mollusques dont les hirondelles de mer se nourrissent ; d’autres enfin la regardent comme étant du frai de poisson ou une gomme végétale. Ainsi rien de bien certain à cet égard.

— Après avoir soigneusement emballé mes nids d’hirondelles, reprit Fritz en continuant son récit, je poursuivis ma route, et, à l’issue des rochers, j’entrai dans une baie magnifique dont le rivage était bordé par une savane s’étendant au loin, à perte de vue ; çà et là des touffes d’arbres ; à gauche, des rochers très-élevés ; à droite, l’embouchure d’une petite rivière ; au delà de la rivière, un marais et une vaste forêt de cèdres qui cachaient le reste du paysage. Pendant que je longeais la côte, doucement porté sur une mer unie comme un miroir, je pus voir, jusque dans les profondeurs de l’onde transparente, des couches de coquillages bivalves attachés entre eux et sur les écueils par des filaments minces comme des cheveux. Je pensai que ces coquillages devaient avoir un goût plus agréable que nos petites huîtres de la baie du Salut ; ils étaient si gros, qu’un seul contenait bien la nourriture suffisante pour deux hommes ; j’en péchai donc plusieurs avec mon petit filet, et les jetai sur le rivage pour les manger plus tard et en ramasser pour vous. Quand je me disposai à les reprendre, je m’aperçus que la chaleur du soleil avait fait écarter les deux valves, et que les huîtres étaient mortes. Alors je n’eus plus envie de m’en nourrir ; cependant je voulus les examiner de plus près, et je coupai quelques bouts de ces filaments dont je vous ai parlé, pensant qu’ils pourraient nous servir dans la fabrication de nos chapeaux, et je les serrai dans ma gibecière. Ayant percé à coups de couteau plusieurs des huîtres mortes, je trouvai leur chair si dure et si coriace, que j’en dus conclure qu’elles ne devaient pas être comestibles ; je trouvai contre l’écaille plusieurs perles, une, entre autres, grosse comme une noisette ; les voici, examinez-les. »

À ces mots, mes trois autres enfants s’approchèrent de leur frère, et examinèrent avec curiosité ces perles d’une blancheur éblouissante.

« Tu as trouvé là un vrai trésor, mon enfant, dis-je à Fritz : des nations entières nous porteraient envie si elles connaissaient notre merveilleuse découverte. Tu nous apportes là de vrais perles orientales d’un très-grand prix ; malheureusement, comme nous n’avons de relation avec personne, ces bagatelles ne nous seront même pas aussi utiles que les nids d’hirondelles ; cependant nous irons un jour voir la baie où tu as trouvé ces huîtres, qui, avec le temps, deviendront peut-être inappréciables pour nous. Continue ton récit[1] »

Fritz continua ainsi : « Après avoir pris un peu de nourriture, je continuai ma navigation au hasard le long de la plage unie, qui se montrait de plus en plus variée et découpée en petites baies. Mais je n’avançais pas vite, à cause du paquet d’huîtres que je traînais après moi. J’arrivai à la rivière dont j’ai parlé. Elle coulait lentement, et était couverte des plus belles plantes aquatiques, ce qui la faisait ressembler à une prairie. Plusieurs oiseaux couraient dessus, et, entre autres, une espèce qui avait les pattes fort longues. J’arrivai bientôt au promontoire qui ferme la baie de l’autre côté, et qui s’avance jusqu’en face de l’arche. Là s’étendent des récifs qui séparent complètement la baie de la mer, avec laquelle celle-là ne communique que par une passe très-étroite. Il est impossible de voir une situation plus belle et plus avantageuse pour un port de mer. Je voulais profiter de la passe pour sortir de la baie ; mais la marée qui montait ne me le permit point. Je longeai donc le promontoire, espérant y trouver une porte de sortie comme celle qu’il y a de l’autre côté ; mais je fus trompé dans mon attente. En revanche, je vis un grand nombre de quadrupèdes qui me parurent être de la grosseur du chien de mer. Tantôt ils grimpaient contre les rochers et tantôt jouaient ensemble dans l’eau. Désirant beaucoup faire avec eux une connaissance plus intime, je cherchai à m’ emparer d’un de ces animaux. J’étais trop loin pour pouvoir les atteindre d’un coup de fusil. En conséquence, j’amenai mon canot derrière une saillie du rocher, et, prenant mon aigle, je le lançai contre la troupe de ces amphibies. Il fondit sur eux comme la foudre, et enfonça ses serres sur l’un d’eux ; je courus aussitôt en sautant par-dessus des quartiers de roche, et je tirai l’animal avec ma gaffe. À mon grand étonnement, je ne vis plus la moindre trace des autres ; ils avaient complètement disparu, comme toucha » par la baguette d’une fée. »

Ici tous les jeunes gens s’écrièrent à la fois : « Eh bien, Fritz, quel animal était-ce donc ? Un chien de mer ? Ne l’as-tu point amené avec toi ?

fritz. — Oui, je l’ai amené. Ne voyez-vous pas cette masse informe couchée là-bas sur le sable ? Il a fallu qu’elle nageât derrière mon canot, et elle s’en est acquittée admirablement bien.

ernest. — Cela ne m’étonne pas, je m’aperçois que tu l’as remplie de vent comme les Groënlandais font de leurs chiens de mer quand ils les tirent à la remorque.

jack — Mais quel est donc cet animal ? À le voir, on dirait une grosse valise pleine avec deux pattes de canard.

ernest. — C’est ce qui me fait croire que c’est une loutre de mer.

moi. — Si ta supposition est juste, ce serait encore là une bien belle trouvaille que nous aurions faite, surtout pour le temps où nous pouvions expédier des vaisseaux en Chine : les mandarins payent au poids de l’or cette fourrure.

ma femme. — N’est-il pas surprenant que les hommes donnent toujours plus d’argent pour les choses superflues que pour celles qui sont vraiment utiles et nécessaires ?

moi. — Mais dis-moi donc, Fritz, comment tu as fait pour amener jusqu’ici ton butin ; cet animal était beaucoup trop lourd pour ton frêle canot !

fritz. — Cela m’a coûté, en effet, bien de la peine ; mais j’étais décide à ne pas revenir sans lui. Je me suis rappelé fort à propos le moyen dont se servent les Groënlandais, et dont mon frère Ernest vient de parler. Mais comment faire ? Je n’avais nulle envie de le remplir d’air en soufflant avec la bouche, et je n’avais sous la main rien qui ressemblât à un soufflet ou même à un tuyau. Comme je regardais en l’air tout en réfléchissant, je fus frappé de la grande quantité d’oiseaux qui volaient autour de moi. Ils s’approchaient de si près, que je pouvais les toucher avec ma gaffe. Je donnai un grand coup à un gros albatros, et à l’instant même l’idée me vint qu’une de ses plus fortes plumes pourrait me servir de tuyau à souffler ; je l’arrachai donc, et je réussis parfaitement. Il était temps de songer au retour, je ne m’arrêtai pas davantage ; je passai sain et sauf par-dessus les brisants, et je ne tardai pas à me retrouver dans des parages à moi connus. »

Ce fut en ces termes que Fritz termina son récit ; pendant que toute la famille s’amusait à examiner son butin, Fritz me prit à part d’un air mystérieux, et, m’ayant conduit auprès d’un banc, il ajouta la circonstance qu’on va lire, et dont, par prudence, il n’avait pas voulu parler devant tout le monde. « Écoutez maintenant, mon père, ce qui m’est arrivé d’étrange avec un albatros. Comme je le tenais sur mes genoux et que je l’examinais de tous les côtés, je remarquai, à ma grande surprise, qu’une de ses pattes était entourée d’un morceau de linge. Je m’empressai de le dénouer, et, l’ayant déplié, j’y vis distinctement ces mots écrits en anglais et à l’encre rouge : Sauvez l’infortunée Anglaise de la Roche fumante ! Je relus ces mots plus de dix fois. Mon Dieu ! pensai-je, n’est-ce pas une illusion ? Existe-t-il encore une créature humaine dans ces contrées inhabitées ? Comment peut-elle y être venue ? Comme nous, sans doute, après on naufrage ! Oh ! si je pouvais trouver cette infortunée et la sauver ! ou, du moins, si je pouvais lui porter en attendant quelque espérance et quelque consolation ! Je m’efforçai de ranimer l’oiseau, qui n’était qu’étourdi du coup ; puis, déchirant un coin de mon mouchoir, j’écrivis, avec une plume que je trempai dans le sang de la loutre, ce qui suit : Ayez confiance en Dieu ! peut-être veut-il bientôt vous venir en aide ! Je nouai ensuite les deux chiffons autour des deux pattes de l’albatros, afin que, si l’Anglaise revoyait cet oiseau, elle pût comprendre sur-le-champ qu’il était tombé dans des mains étrangères. Je me dis que sans doute la naufragée avait, du moins en partie, apprivoisé cet oiseau, et que, par conséquent, il retournerait probablement auprès d’elle sur la Roche fumante, qui ne devait pas être fort loin de notre île. Je n’eus pas de peine à ranimer l’albatros en lui mettant dans le bec un peu d’hydromel ; et, dès qu’il eut repris ses sens, il partit à tire-d’aile du côté du couchant, et disparut si promptement à mes yeux, que la faible espérance que j’avais eue de parvenir peut-être à le suivre avec mon canot se dissipa tout à coup. Maintenant, mon père, qu’en pensez -vous ? Mon billet arrivera-t-il à son adresse ? Que faut-il que nous fassions pour découvrir cette infortunée et la sauver ?

— Mon cher fils, répondis-je ; cette aventure est, sans contredit, la plus remarquable qui nous soit arrivée depuis que nous sommes dans l’île, et je me réjouis de la prudence que tu as montrée dans ta conduite. Je te loue surtout de n’avoir parlé de cela qu’à moi ; car, pour le moment, ton aventure ne pourrait manquer de causer à ta mère et à tes frères une inquiétude inutile, s’ils en avaient connaissance. Je t’engage surtout à ne pas trop te flatter de retrouver cette malheureuse femme. Qui sait depuis combien de temps ce billet a été écrit ? qui sait si elle n’est pas morte ? qui sait à quelle distance elle se trouve de nous ? car l’albatros vole très-loin et avec une grande rapidité. Mais il est temps de retourner auprès de la famille, à qui je me dispose à parler de toi d’une manière très-honorable. »

En effet, je m’avançai vers ma famille, tenant Fritz par la main. Un silence solennel y régnait ; et moi, prenant la parole, je m’exprimai ainsi :

« Mère, voici votre fils ; jeunes gens, voici votre frère aîné. Je vous le présente en vous déclarant que depuis longtemps déjà, et surtout depuis l’expédition dont il vient de nous faire le récit, il a donné tant de preuves d’activité, de courage et de prudence, qu’à compter d’aujourd’hui je le regarde, et je veux que vous aussi le regardiez comme maître de ses actions ; il n’aura plus désormais à recevoir de moi que des conseils. Je lui donne toute la liberté et toute l’indépendance qu’un père peut accorder à son fils. »

Fritz fut vivement ému de cette scène imposante. Sa mère le prit dans ses bras en versant des larmes de joie, et lui donna sa bénédiction. Elle s’éloigna ensuite pour préparer disait-elle, notre repas, mais en réalité pour pouvoir se livrer dans la solitude à tout son attendrissement. Mes fils, de leur côté, quoiqu’ils ne ressentissent pas la moindre jalousie de la distinction dont leur frère avait été l’objet, en furent toutefois un peu étonnés, et se permirent quelques railleries innocentes. Ensuite la conversation roula de nouveau sur les perles. Il fallut que je décrivisse la manière dont les perles se forment dans l’huître, la pêche, les travaux des plongeurs, détails trop connus pour qu’il soit nécessaire de les répéter ici. Mais le résultat de cet entretien fut que, puisque nous étions assez heureux pour que les huîtres qui fournissent les perles se trouvassent sur les côtes de notre île, à une profondeur si peu considérable, il fallait absolument établir une pêcherie en règle. Je ne rejetai pas la proposition, tout en jugeant qu’il nous manquait bien des choses nécessaires a une pêcherie. Aussitôt chacun se chargea d’une partie de l’ouvrage pour y suppléer : je fis deux grands et deux petits crochets de fer, auxquels j’adaptai de forts manches en bois, et aux deux plus longs j’attachai des anneaux de même métal pour, pouvoir les lier à notre chaloupe, laquelle en avançant ferait racler la terre aux crochets, qui enlèveraient ainsi les huîtres.

Ernest confectionna, d’après mes conseils, une espèce de ratissoire pour enlever des bords du rocher des nids d’oiseau, dont je voulais faire une ample provision ; Jack s’occupa de faire une échelle à un seul montant ; François travailla avec sa mère à fabriquer des sacs de filets, que je voulais attacher à mes grands crochets pour recevoir immédiatement les huîtres pêchées par nous ; Fritz se livrait avec ardeur à un travail mystérieux : il s’agissait de creuser dans son caïak une seconde ouverture pour y placer encore une personne avec lui. Je devinai sans peine son but et ses espérances. Quant à ses frères, ils n’y trouvèrent rien qui dût les étonner, car il leur paraissait assez simple qu’il voulût de temps en temps se faire accompagner par l’un d’eux dans ses expéditions. Je n’ai pas besoin de dire que notre chaloupe fut chargée de toutes les provisions dont nous pouvions avoir besoin en voyage.


  1. À partir de cet endroit, jusqu’à la fin du livre, nous donnons la traduction de madame de Montolieu, en la modifiant partout où c’est nécessaire. (Note du traducteur.)