Le Prisme (Sully Prudhomme)/La Philosophie

Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies 1879-1888Alphonse Lemerre, éditeurPoésies 1879-1888 (p. 61).


LA PHILOSOPHIE


sonnet
sur une statuette de simart


A Madame Aimée Millard.


 
Cette femme qui, triste, en soi-même descend.
Debout, le front penché, c’est la Philosophie.
Solitaire, dans l’ombre elle entre, et se confie,
La main sur la poitrine, à l’appui qu’elle y sent.

La terre, les saisons, l’azur resplendissant,
Toutes les voluptés trompeuses de la vie,
Les choses qu’on peut voir, ne lui font point envie,
Elle réclame et cherche un éternel absent.

Vierge auguste, je t’aime et je connais ta peine.
En approchant de toi, je retiens mon haleine,
Pour que nul souffle humain ne trouble ton labeur,
 
Car j’attends de ta bouche à se taire obstinée,
Le mot que je désire et dont pourtant j’ai peur,
Le mot de ma naissance et de ma destinée.