Le Premier livre illustré de mes petits enfants/XIII

JOLIE ROSE


— Il ne faut pas regarder Julienne avec ce petit air dédaigneux, continua la vieille dame en s’adressant à l’une des pensionnaires. Vous n’êtes pas exempte de défauts, Mlle Claire, si votre camarade est peu soigneuse, on ne peut du moins lui reprocher de trop s’admirer.

Vous rappelez-vous ce jour où toute pimpante dans vos coquets habits, vous vous rendîtes chez votre grand’maman ?

Vous étiez coiffée à la dernière mode et l’on voyait s’épanouir dans vos cheveux une magnifique rose pourpre. Vous étiez fière de vos ajustements et vous marchiez la tête haute comme la marquise de Carabas. Les passants vous regardaient et plusieurs s’écrièrent :

— Qu’elle est jolie ! qu’elle est ravissante !

Ces éloges vous causaient une vive satisfaction, car vous êtes passablement vaniteuse, Mlle Claire, mais la vanité, comme tous les autres défauts, n’attire jamais que des fâcheuses aventures.

Une femme du marché, en vous apercevant, dit aussi : Qu’elle est belle ! Vous lui adressâtes un aimable sourire pour la remercier de son compliment flatteur ; vous souvenez-vous de ce qu’elle vous dit alors ?

— Ma petite demoiselle, vous vous trompez étrangement, si vous croyez que je parle de vous. J’admire la jolie rose que vous portez dans vos cheveux, et non votre visage qui est loin de lui ressembler.

À ces mots, les voisines de la marchande firent entendre de bruyants éclats de rire et vous vous éloignâtes humiliée et confuse.

Quand on n’est pas irréprochable, Mlle Claire, on doit avoir de l’indulgence pour les défauts d’autrui et chercher à se corriger : n’est-il pas vrai, mesdemoiselles ?

Les petites filles ne chuchotaient plus.