Le Premier Livre pastoral/Les Sonnets/Les ruines

Le Premier Livre pastoralLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 79-80).

LES RUINES
à æmilius

Comme un champ que la faulx laisse nu de ses gerbes,
Ainsi le Temps, ô Ville ! a passé sur ton front :
Descendue au retour d’un logis de hérons,
Ninive dans la cendre a posé sa superbe.


Ville, en vain de tes tours aux aiguilles acerbes,
Tu provoquais le ciel d’un impuissant affront ;
Cèdres, vous vous haussiez à l’envi de Sâron :
Les siècles t’ont jonchée à la taille de l’herbe !



Ô tableau redoutable, en exemple aux cités
Qui des cieux indulgents bravent la majesté :
Mais non ! leur gloire est sauve et Ninive est absoute,


Puisque, de ces débris, gardiens, les nids pieux,
Démentant l’hymne impur qui roulait sous ces voûtes,
Réparent à cent voix l’injure faite aux Dieux !