Chez Cazals & Ferrand, Libraires (p. 117-118).

LA RAGE D’AMOUR.


À Cupidon la belle & jeune Aminte,
Malgré l’hymen ſacrifioit toujours ;
Son pauvre Époux étoit en crainte
Qu’elle ne fît de nouvelles amours,
Il ne pouvoit en fermer la paupière,
Peſtoit, veilloit tant qu’il en expira.
Lui mort, Aminte ayant libre carrière
Se divertit en fille d’Opéra.
Grand bruit en fut ; ſon Curé crut devoir
L’en avertir : Vous vous perdez, Madame,
Changez de vie, ou c’eſt fait de votre ame.
Hélas Monſieur, je voudrois le pouvoir,
Lui répartit notre fringante veuve,

Mais plaignez-moi : tel eſt mon aſcendant,
De deux jours l’un me faut pratique neuve,
Cela me vient d’un accident fatal,
Ma modeſtie a cauſé tout mon mal.
À quatorze ans d’un chien je fus mordue,
L’avis commun fut qu’on me devoit nue
Plonger en mer. Nue on me dépouilla,
Honteuſe alors de me voir ſans chemiſe,
Incontinent je portai la main-là…
Où vous ſçavez, ſans jamais lâcher priſe ;
On me replonge : or qu’eſt-il arrivé ?
Mon corps alors, ô pudeur trop funeſte !
Par tout ailleurs du mal fut préſervé,
Hors cet endroit, où la rage me reſte.