Le Parnasse contemporain/1876/Une pietà

Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]III. 1876 (p. 336).


UNE PIETA


Oh ! non, pas un blasphème et pas un désaveu,
Mais je tombe, Seigneur, et je me désespère,
Mais quand ils ont planté le gibet du Calvaire,
C’est dans mon cœur ouvert qu’ils enfonçaient le pieu.

Crois-tu que je t’aimais, moi, dont le manteau bleu
T’abrita quatorze ans comme un fils de la terre ?
Oh ! pourquoi, juste ciel, lui donner une mère,
Qu’en avait-il besoin puisqu’il était un Dieu !

L’angoisse me dévore ; au fond de ma prunelle
Roule toujours brûlante une larme éternelle
Qui rongera mes yeux sans couler ni tarir.

Seigneur, pardonnez-moi, je suis seule à souffrir,
Ma part dans cette épreuve est bien la plus cruelle,
Et je peux bien pleurer sans vous désobéir.