Le Parnasse contemporain/1876/Le Moïse de Michel-Ange

Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]III. 1876 (p. 333-334).


LE MOÏSE DE MICHEL-ANGE


Comme il fut triste et beau le destin de Moïse !
Pour lui, Dieu fut terrible et les hommes ingrats,
Et sans se plaindre un jour sa douleur s’est soumise ;
Et jamais vers le ciel il n’a tendu les bras,


Lui qui sans récompense a servi d’entremise
Entre la foudre en haut et les crimes en bas,
Lui, qui marcha trente ans vers la terre promise
Sachant au fond du cœur qu’il n’arriverait pas.

Oh ! ce chemin sans but de la terre impossible,
Cette route complète et ce seuil invisible,
Quelle horrible pensée et quel amer tableau !

Que nous faut-il donc croire et qu’est donc le génie ?
S’il coûte le bonheur, ce n’est qu’une ironie,
Mais s’il coûtait l’espoir ce serait un fléau.