Le Parnasse contemporain/1869/Dieux mourants
DIEUX MOURANTS
SONNET BRETON
Battu des vents, fouetté des eaux, la face ouverte
Par la foudre, voué par l’Église à l’Enfer,
Le Men-Hir des Kimris, sur la lande déserte,
Comme un géant vaincu, chancelle aux nuits d’hiver.
Maudit aussi, tordu, mais la tête encor verte,
Le chêne des Bretons, nouant ses bras de fer,
De son baiser vaillant soutient l’idole inerte,
Et se met en défense & rugit vers la mer :
« Oui, nous mourrons ! Derniers survivants des grands cultes,
Nos fières majestés subiront les insultes
De l’homme, toujours lâche avec ses anciens Dieux ;
Du moins, tombons ensemble, & qu’un seul coup nous tue,
O mon frère ! Et périsse, avec nous abattue,
La beauté de la Terre où priaient les Aïeux ! »