Le Parnasse contemporain/1866/Souhait
Dernier rameau d’un tronc pourri,
Dernier feuillet d’un vilain livre,
Dernière injure, dernier cri
Que poussera l’univers ivre ;
Toi qui baisseras le rideau,
Dernier acteur du noir théâtre,
Dernier torturé du bourreau,
Dernier enfant de la marâtre ;
Toi qui viendras au dernier rang
Dans la procession humaine,
Désespéré, sombre et souffrant,
Plein d’ironie — et plein de haine ;
Toi qui dois conclure et finir,
Tomber avec tout ce qui tombe,
Voir passé, présent, avenir,
Rouler peut-être dans ta tombe,
Et ne laisser derrière toi
Qu’un grand globe qui se balance,
Sans âme, sans vie et sans loi,
Se consumant dans le silence ;
Toi qui sauras les vieux secrets,
Avant de dormir le grand somme,
Ah ! je voudrais, ah ! je voudrais
Être à ta place, ô dernier homme !